Claude ETIEVANT
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Claude ETIEVANT
Claude ETIEVANT (Supélec 55) PIONNIER DU SOLAIRE THERMODYNAMIQUE, EXPLORATEUR DE L’HYDROGENE Le 15 avril dernier, Claude ETIEVANT a reçu la médaille Montgolfier, prestigieuse distinction de la société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, vénérable institution fondée en 1801. Pionnier du solaire thermique et explorateur de l’hydrogène, Claude ETIEVANT transmettra à ses successeurs une impressionnante collection de travaux scientifiques. Extraits choisis. Pour l’historien des énergies renouvelables en France, Claude Etiévant est un acteur incontournable. Il suffit – en forçant à peine le trait – de rappeler qu’on lui doit d’avoir initié les principes de la centrale THEMIS, l’une des premières centrales solaires thermodynamiques construites dans le monde. Pour le même historien, la biographie de Claude Etiévant est guidée par une conviction profonde, celle de la foi en l’avenir des énergies renouvelables. Elle est facilitée par un parcours qui se découpe en grandes tranches de vie professionnelle, avec toujours le même fil conducteur, celui de la passion pour la recherche au service des énergies nouvelles, et plus précisément l’énergie solaire. 1 Diplômé de SUPELEC, docteur en physique des plasmas de l’Université d’Orsay, Claude Etiévant entre au Commissariat à l’Energie Atomique en 1957, à Saclay. Il crée et dirige une équipe de recherche sur la physique des plasmas et ses applications dans le secteur de l’énergie. Cette équipe avait pour mission d’étudier la physique des plasmas thermonucléaires et le développement de méthodes de diagnostic bien adaptées qui devaient permettre de caractériser les plasmas très chauds portés à des températures supérieures à 100 millions de degrés Kelvin. « Nous étions les précurseurs d’ITER » commente aujourd’hui Claude Etiévant avec un sourire en coin. Des plasmas chauds à l’énergie solaire, qui arrive essentiellement sous forme de photons, la voie était clairement tracée. Le soleil qui irradie notre planète d’un flux de photons d’énergie de 10 puissance 18 kwh par an lui apparaît comme une ressource inépuisable, quasiment illimitée. Invité en 1975 par le professeur Robert Chabbal, « un très grand spectroscopiste », à participer aux recherches sur les énergies nouvelles, Claude Etiévant rejoint l’équipe du CNRS. Le scientifique est déjà convaincu que le soleil est le salut. Et au soir de sa vie, il l’est encore plus. « Le soleil est un réacteur thermonucléaire, pourquoi vouloir le recréer sur terre ? » L’allusion à ITER est explicite : « ITER, c’est passionnant pour ceux qui aiment les difficultés » et de souligner le paradoxe de l’humanité qui n’a jamais trop cherché à exploiter cette source d’énergie qui nous envoie pourtant 10 000 fois plus d’énergie que nous n’en consommons. Pour Claude ETIEVANT, le soleil est un cadeau du ciel que « les lobbies pétroliers et nucléaires ont éclipsé au gré de leurs intérêts à court terme ». Aussi lorsque Michel Rodot, polytechnicien, pionnier du solaire photovoltaïque, spécialiste des semi-conducteurs, lui fait rencontrer M. Robert Chabbal, qui deviendra quelques années 2 plus tard directeur général du CNRS, l’accord entre les deux hommes est vite scellé. Claude Etiévant est détaché par le CEA auprès du CNRS et il rejoint le programme PIRDES (Programme Interdisciplinaire de Recherches et de Développement de l’Energie Solaire). Outre ses compétences scientifiques, C. Etiévant est recruté pour sa capacité à piloter de grands projets. C’est à ce titre qu’il se voit confier l’élaboration du projet de la centrale THEMIS qui sera construite par un consortium regroupant EDF, le CNRS, la REAM (Région d’équipement Alpes-Marseille). Nous sommes alors en 1975, encore sous l’émoi du premier choc pétrolier ; les recherches scientifiques sur le solaire sont relancées. Claude Etiévant va rester cinq ans sous les couleurs du CNRS à piloter ce projet d’envergure qui consiste à réaliser le prototype d’une centrale solaire à concentration. Aventure scientifique mais aussi humaine pour C. Etiévant qui se souvient qu’il a fallu « beaucoup d’efforts pour constituer une équipe compétente réunissant des thermiciens et des opticiens ». La centrale, installée en Cerdagne dans les Pyrénées Orientales, fonctionnera de 1983 à 1985. A l’heure où la centrale THEMIS revit une seconde jeunesse, avec de nouveaux programmes de recherches dans le cadre du pôle de compétitivité DERBI (Développement des Energies Renouvelables dans l’Industrie et le Bâtiment), Claude Etiévant peut légitimement s’enorgueillir d’avoir « eu raison trop tôt ». Il répond aussi aux détracteurs de THEMIS ; « C’était un prototype, donc forcément cher d’autant plus que nous n’avions aucune référence, aucun modèle ». Après l’arrêt de la centrale THEMIS, Claude Etiévant ne renonce pas à ses convictions. Il crée et dirige le GESER (Groupe d’études sur les Energies Renouvelables) où il anime une équipe de recherche mixte CEA-CNRS. Plusieurs brevets seront déposés 3 portant sur la production d’électricité au moyen de centrales solaires et sur l’évaluation de leurs performances. A cette époque, Claude Etiévant travaille en étroite collaboration avec M. Henry Durand. Depuis 1955, ce physicien est l’un des rares chercheurs à travailler sur les cellules photovoltaïques. De 1978 à 1981, il présida le Commissariat à l'Energie Solaire (COMES), dont il orienta fortement les actions vers la distribution de cellules photovoltaïques dans les pays africains. « Dans son domaine, il était consulté comme un oracle » se souvient Claude Etiévant avec admiration. De 1987 à 1992, C. Etiévant est de retour au bercail CEA comme conseiller scientifique au LETI (Laboratoire d’Electronique et de Technologie de l’Information) où il dépose quatre brevets sur différentes configurations de lasers à électrons libres (LEL ). Après quelques années où il exerce comme consultant pour les industries de l’énergie et de l’environnement (CIEE), Claude Etiévant entreprend, alors qu’il est officiellement en retraite, la seconde grande œuvre de sa carrière. Il crée en septembre 1997, une start-up dédiée à la recherche et au développement de technologies innovantes pour la production, le stockage et l’utilisation de l’hydrogène. « J’estimais qu’on avait consacré trop peu d’efforts de recherche sur l’hydrogène et je voulais créer une filière d’excellence sur ce que je considère comme l’énergie du futur. L’idée était de trouver des applications où on a besoin d’énergie pour de petits systèmes » explique celui qui, avant tout le monde, comprend qu’il y a une filière à exploiter, celle de la production d’hydrogène au moyen de l’énergie solaire. C’est cette vision qui inspire aujourd’hui le projet MYRTHE (Mission hYdrogène-Renouvelable pour l’inTégration au réseau Electrique), porté par l’Université de Corse. 4 La start-up démarre dans l’incubateur d’entreprises de l’Ecole Polytechnique et en octobre 2000, elle prend officiellement le nom de Compagnie Européenne des Technologies de l’Hydrogène. C’est le CEA qui passe la première commande à CETH : « M. Thierry Alleau, alors conseiller scientifique auprès de M. André Bugat, administrateur général du CEA, nous a demandé un travail sur le véhicule à hydrogène et notamment sur les concepts de production d’hydrogène » précise Claude Etiévant saluant au passage le rôle déterminant de M. Thierry Alleau (ingénieur SUPELEC promo 61) qu’il côtoie aujourd’hui au sein de l’Association Française pour l’Hydrogène (AFH2). Après celle du CEA, arriva une commande Gaz de France pour étudier la possibilité de faire un reformer d’hydrocarbures afin de produire de l’hydrogène à une petite échelle. En 2004, CETH s’installe à Marcoussis dans le Centre de recherche d’ALCATEL. Une année plus tôt, l’ANVAR (OSEO aujourd’hui) remet à CETH le label « Entreprise innovante ». Depuis sa création, CETH a déposé une douzaine de brevets. L’ADEME, mais aussi l’ANR (Agence Nationale pour la Recherche) et l’Union Européenne soutiennent les projets de CETH. Alors qu’en 2009, Claude Etiévant cède sa place de directeur à M. Pascal Morand, SUPELEC promo 1985, – « un homme d’une incroyable énergie et avec lequel j’ai tout de suite pu m’accorder pour développer une nouvelle vision du développement de l’entreprise » - CETH avec ses 10 salariés joue dans la cour des grands. La société est impliquée dans des projets ambitieux aux côtés de partenaires prestigieux. Avec SUPELEC et le soutien de l’ADEME, CETH, dans le cadre du projet HYNOV, étudie la faisabilité d’un système de transport à hydrogène en milieu urbain – « ce projet est né à Alger en 2006, lors d’une discussion avec Jacques Stévenin, Directeur de l’EPA Sénart ». On retrouve là le credo de Claude Etiévant qui croit en la technologie hydrogène en chaîne intégrée à partir d’énergies renouvelables. 5 Toujours avec SUPELEC, AXANE et AIR LIQUIDE, CETH participe au projet EOLHY qui vise à démontrer l'intégration des différents composants de la chaîne énergétique (source renouvelable, électrolyseur, pile à combustible, stockage intermédiaire d'hydrogène) en optimisant en particulier l'interfaçage et le dimensionnement des composants. Après plus d’un demi-siècle de recherches (Promotion 1955 de SUPELEC), Claude Etiévant est convaincu que l’énergie solaire et l’hydrogène ont un destin commun. « Si l’on veut développer l’énergie solaire il faut aller là où elle est abondante, c’est à dire autour de la Méditerranée, puis stocker l’électricité sous forme d’hydrogène que l’on fait parvenir en Europe en utilisant les gazoducs existants (CETH a d’ailleurs été partie au projet NaturalHY avec les opérateurs gaziers européens) ». Cette idée, qui commence à prendre forme dans quelques projets pharaoniques comme DESERTEC, Claude Etiévant y travaille depuis longtemps. Son idée a pris la forme du projet « Maghreb-Europe », mené par le CDER (Commissariat pour le Développement des Energies Renouvelables) dont le directeur est M. Maïouf Belhamel ; CETH est partenaire de ce consortium. Mais la genèse du projet remonte à l’époque de THEMIS. « C’est en parlant de tout cela avec M. Belhamel, que nous sommes arrivés au concept d’une action concertée entre l’Europe et le Maghreb. J’avais rencontré M. Belhamel au moment de THEMIS et en 1981 je lui avais fait visiter la centrale » se souvient Claude Etiévant. On le voit, en orientant son action vers l’hydrogène, voici une vingtaine d’années, Claude Etiévant n’a pas perdu son cap : celui du soleil. Rayonnant. 6 A la droite de Claude Etiévant : M.Maiouf Belhamel – Président du CDER – Alger. 7