Le 27 mars 2014 Histoire de la Comédie

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Le 27 mars 2014 Histoire de la Comédie
 Le 27 mars 2014 Histoire de la Comédie-­‐Française d’après la conférence de Muriel Mayette-­‐Holtz, comédienne, metteur en scène, administratrice générale de la Comédie-­‐Française. C’est sur le silence entre le public et les comédiens que ces derniers se posent pour jouer et raconter une histoire. Ce silence entre quelqu’un qui regarde et quelqu’un qui raconte le monde est presque palpable. Dans cet échange existe une énergie toujours émotionnelle. Les auteurs, l’intelligence du texte viennent ensuite profiter de cet échange. Muriel Mayette a commencé le métier de comédienne à l’âge de 14 ans. Elle était alors payée à la ligne ; et plus il y avait de lignes, plus les rôles étaient de grands rôles. Le métier a changé mais fondamentalement il ne changera jamais, parce que c’est un art archaïque que rien ne peut remettre en cause, qui ne rivalise avec aucun autre système de communication. Quelle que soit l’évolution de nos vies et de notre monde, le théâtre sera toujours nécessaire. Les enjeux du comédien professionnel Le théâtre est un métier artisanal qui a son propre solfège, assez strict, qui doit être digéré avant de pouvoir être pratiqué. Les comédiens ont la chance d’être allumés par une passion, d’avoir une flamme dans le corps qui les tient ; mais cette flamme les dévore en permanence. Le comédien n’est jamais arrivé, il est parfois reconnu, a parfois de grands succès. Mais il connaît aussi des échecs malgré un immense travail. Muriel Mayette-­‐Holtz -­‐ Histoire de la Comédie-­‐Française Page 1 Le théâtre est l’art du présent, il est éphémère (Antoine Vitez a dit que les comédiens écrivent une œuvre sur le sable et chaque jour la mer recouvre ce sable). Néanmoins les rôles précédemment joués sont comme un humus et servent le rôle présent. L’instrument du métier d’acteur est lui-­‐même. Il n’a pas de prix et a la résonnance de la vie propre avec ses défauts et ses qualités. L’acteur n’a pas choisi cet instrument mais il doit l’aimer car il n’en aura pas d’autre. Tout ce qui arrive à l’acteur bénéficie à cet instrument de musique. Et c’est en ne trichant pas qu’il lui sera utile. C’est parce que l’acteur sait qu’il le fait pour de faux qu’il y croit pour de vrai. La distance que donne le poète auquel l’acteur prête son corps lui permet d’ouvrir son cœur. C’est une histoire sentimentale. Histoire de la Comédie-­‐Française La Comédie-­‐Française est une des institutions les plus anciennes de notre pays. Elle a été créée en 1680 par ordre du roi Louis XIV. Molière a créé une troupe. Après une longue pérégrination, il est arrivé à Paris et a eu le privilège de faire une représentation devant le roi. Il aurait voulu être un acteur tragique mais il était très comique. Il a joué « Nicomède » de Corneille mais n’a pas eu de succès. Or une des grandes difficultés dans ce métier, quand on a commencé, c’est de récupérer. Pour finir la soirée, il a demandé au roi de jouer une petite comédie qu’il avait écrite : « Le médecin volant » ; il a tellement fait rire le roi que celui-­‐ci en est tombé amoureux. Il avait un immense talent. Molière a passé sa vie à mettre sa propre vie en scène, ce qui lui a d’ailleurs valu de la prison et beaucoup d’ennemis. Lorsqu’il meurt 7 ans plus tard en 1763, le roi ordonne la fusion de 2 troupes rivales dont celle de Molière, puis de 3. La Comédie-­‐Française est donc née d’un mariage forcé, et c’est sa grande spécificité qui se fait encore sentir aujourd’hui. Car les personnes ne sont pas réunies autour d’une personnalité artistique, mais elles sont réunies envers et contre tout pour pratiquer leur artisanat. Le symbole de la Comédie-­‐Française est une ruche. Et sa devise est « Simul et singulis », être ensemble et être soi-­‐même, c’est-­‐à-­‐dire être dans son unicité à l’ensemble, et dans la capacité d’être ensemble. La beauté de la troupe réside dans la différence des acteurs qui la composent : la différence des écoles, des esthétiques, des générations, des styles, de toutes LES différences. Il y a une proximité et une vibration émotionnelle spectaculaire entre les comédiens. L’administrateur général doit engager des acteurs très différents les uns des autres pour qu’aucun d’entre eux ne vienne faire de l’ombre à l’autre. La grande difficulté pour un acteur est de dépendre du désir de l’autre. Il ne faut pas tuer les acteurs dans la rivalité. Le succès est dans la différence qui les protège de cette rivalité. Les acteurs sont salariés. En 1995, la Comédie-­‐Française a été transformée en établissement public industriel et commercial. Elle est toujours régie par des statuts qui ont été corrigés et ratifiés en 1815 par Napoléon, mais qui ne correspondent pas toujours à la réalité des salariés. Ce qui rend parfois la direction difficile. Muriel Mayette-­‐Holtz -­‐ Histoire de la Comédie-­‐Française Page 2 3 piliers fondateurs : -­‐
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une troupe permanente, l’alternance : 3 à 5 spectacles différents sont joués tous les soirs, en alternance, sans relâche, dans la salle Richelieu. Les décors sont rangés dans des cintres au-­‐dessus, au-­‐dessous et sur les côtés de la scène. Ce qui est difficile car les coulisses sont petites. L’alternance engendre la virtuosité ; le répertoire : chaque texte joué sur le plateau de la salle Richelieu doit être voté à majorité des voix dans un comité de lecture. Tous les nouveaux textes candidats à être au répertoire ne sont pas joués s’ils ne sont pas passés par ce comité. La Comédie-­‐Française est donc garante d’une mémoire de dramaturgie française et étrangère, elle est une référence. Il lui appartient donc de penser au répertoire de demain. L’administrateur est nommé par le président de la République en Conseil des ministres. On compte : -­‐
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62 comédiens, environ 850 levers de rideaux par saison, 3 salles : la salle Richelieu qui pratique l’alternance, le théâtre du Vieux-­‐Colombier et le Studio-­‐
Théâtre. Pensionnaires et sociétaires : l’administrateur engage les acteurs (pour un contrat d’une année renouvelable), mais c’est le comité d’administration qui statue sur le devenir des acteurs de la troupe. Ce comité est constitué de l’administrateur, du doyen (qui est dans la troupe depuis le plus longtemps par rapport aux autres), de 3 sociétaires élus par l’administrateur pour 1 année, et de 3 sociétaires élus par l’assemblée des sociétaires pour 1 année, et de 2 suppléants. Les sociétaires ont des contrats pour 10 ans, puis pour 5 ans 2 fois, puis pour 1 an renouvelable à partir de 30 ans de présence. Pendant 1 semaine en décembre, le comité se réunit tous les jours pour décider si les pensionnaires peuvent devenir sociétaires. Si un pensionnaire est proposé à la majorité, une assemblée générale des sociétaires l’élit (ou pas) comme sociétaire parmi eux. Il ne peut pas y avoir plus de 40 sociétaires. 420 salariés travaillent à la Comédie-­‐Française. Elle abrite 22 métiers d’artisanat (des peintres, des tapissiers, des couturières, des habilleuses, des cintriers, des machinistes, etc.) autour de la création théâtrale. Elle est en autonomie totale sur les créations. Plus les comédiens jouent, moins ils coûtent cher. Le budget est de 35 millions d’euros, l’Etat subventionne à hauteur de 25 millions d’euros. L’Etat donne donc 2/3 et les spectacles génèrent 1/3 (recettes de billetterie). Le mécénat compte à 5% du budget. Il est programmé 15 nouvelles créations par an, et il est réalisé 15 reprises, ce qui fait 30 titres différents par saison. Muriel Mayette-­‐Holtz -­‐ Histoire de la Comédie-­‐Française Page 3 La Comédie-­‐Française a traversé l’histoire, grâce aux acteurs : Rachel, Sarah Bernhardt, mademoiselle George, Hirsch, Charon et maintenant Gallienne, Vuillermoz, etc. Tous les étages ont le nom d’un acteur. Il n’y a pas de metteur en scène attitré, mais un souhait de la part des acteurs d’avoir des metteurs en scène d’exception. Le cinéma et le micro ont influencé le théâtre dans sa dimension du vrai. Toutes les pièces de théâtre parlent de nous : de l’amour, de la mort, de la guerre. Les faits divers sont des tragédies en soi. L’intelligence du poète et le corps de l’acteur rajoutent une émotion. Le comédien professionnel et le comédien amateur Un acteur professionnel n’interprète pas un personnage mais une personne qui dit telle chose à telle autre personne. Un amateur, par plaisir de jouer, a tendance à donner au spectateur la réponse, à montrer ce qu’il pense du personnage. Mais le métier de comédien est de passer le sens. Le spectateur doit avoir ses propres émotions, ses propres pensées. Toutes les pensées écrites par les auteurs sont vécues dans le corps des comédiens. Le comédien est passeur. Le théâtre est un artisanat physique. La mémoire est physique, sensuelle. Le comédien n’a pas besoin de se souvenir, les phrases se sont inscrites dans son corps. Il ne cherche pas à se demander comment dire. Il pèse les mots, leurs puissances. Le métier de l’acteur est dans le « refaire ». Et le « refaire », c’est recommencer à zéro chaque fois. Le théâtre est l’art du présent. Le comédien est dans une sorte de préhension totale de tous les détails du présent. Un moment riche pour le comédien sera riche pour le spectateur. Pour lutter contre le trac, le comédien doit occuper tout son esprit pour ne pas avoir le temps d’y penser. L’allié fondamental du trac est le corps. Venir avec ses pieds, puis la voix qui est d’abord un acte physique (avant de mettre du sens). Le comédien ne peut pas tricher avec sa voix. il doit d’abord se dire « je suis là », prendre le temps de regarder. Le vrai est son meilleur allié. Le but du metteur en scène et du comédien est qu’ils entendent ensemble avec les spectateurs ce que le texte dit : la beauté, l’étonnement... Il faut rêver ensemble. Et cela permet chaque jour de « refaire », sans faire la même chose, sans décaler. Un spectacle bien répété en amont ne décale pas de 1 à 2 minutes au maximum. C’est la magie du corps abstrait qu’est la mise en scène, quels que soient les acteurs. Muriel Mayette-­‐Holtz -­‐ Histoire de la Comédie-­‐Française Page 4 

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