AIDES EN LIGNE À L`UTILISATION DE LOGICIELS

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AIDES EN LIGNE À L`UTILISATION DE LOGICIELS
AIDES EN LIGNE À L'UTILISATION DE LOGICIELS GRAND PUBLIC :
PROBLEMES SPECIFIQUES DE CONCEPTION ET SOLUTIONS POTENTIELLES
Antonio Capobianco, Noëlle Carbonell
Résumé
On peut faire aujourd'hui le même constat qu'il y a vingt ans, à savoir que les aides en ligne à
l'utilisation des logiciels grand public sont rarement consultées par les utilisateurs novices.
Pourtant, si les recherches sur l'aide en ligne suscitent moins d'intérêt depuis quelques années,
les systèmes d'aide à l'utilisation des logiciels grand public commercialisés ont évolué
considérablement au cours des vingt dernières années.
Cet article prend d'abord position en faveur de la nécessité d'une assistance en ligne à
l'utilisation d'un nouveau logiciel, dans le débat de fond qui divise la communauté scientifique
en interaction homme-machine sur la question fondamentale suivante : les aides en ligne sontelles un pis-aller, un simple remède aux défauts actuels de conception des logiciels et des
interfaces utilisateur, ou bien sont-elles une assistance d'une nécessité absolue pour acquérir la
maîtrise de l'utilisation d'un nouveau logiciel ? La discussion s'appuie à la fois sur les résultats
d'études empiriques ou expérimentales et sur des arguments théoriques. La seconde partie
analyse les obstacles et les difficultés spécifiques auxquels se heurte la conception d'aides en
ligne à l'intention du grand public, afin de comprendre pourquoi les aides en ligne sont ignorées
des utilisateurs en dépit de leur nécessité. Dans la dernière partie, les contributions potentielles
de diverses approches à la résolution de ces problèmes spécifiques de conception sont analysées
et discutées. Ces approches mettent en œuvre des paradigmes et techniques d'interaction récents,
dont la personnalisation statique et dynamique de l'interaction, l'aide en ligne contextuelle et de
nouvelles formes de multimodalité qui intègrent la parole, en entrée et en sortie, aux modalités
classiques d'interaction.
Abstract
Despite long-standing research efforts, online help systems are unable yet to satisfy the needs of
novice users in the general public, in-as-much as these users tend to ignore them.
This paper first demonstrates the necessity of online help for getting familiar with the use of
new software intuitive though it might be. The main issue addressed is whether online help
systems are meant to make up for design weaknesses or to meet novices’ intrinsic needs. The
discussion involves both empirical results and theoretical arguments.
In the second part, major specific difficulties that online help designers are confronted with are
analysed with a view to understanding why available online help systems are underused by
novices although they are essential.
1
Dès l'apparition des ordinateurs personnels (PC) au début des années 80, l'aide en ligne à
l'intention des utilisateurs non informaticiens, notamment du grand public, a suscité de
nombreuses recherches en ergonomie des logiciels, et fait l'objet de débats et de controverses
scientifiques qui ont favorisé une diversification des approches et stimulé les efforts des
chercheurs. Cependant, depuis le milieu des années 90, les recherches se sont raréfiées en dépit
des besoins et d’une demande qui ne cessent de croître. En effet, le nombre des utilisateurs est
en constante augmentation. Par exemple, Netcraft1 a observé, au cours du mois de septembre
2006, une augmentation du nombre de sites Web de l’ordre d’un million. Cet organisme évalue
le nombre de sites Web actifs en octobre 2006, à près de 50 millions. En outre, les logiciels
grand public se diversifient et les versions successives d'un même logiciel se succèdent à un
rythme qui s'accélère, et avec des évolutions de l'application et de l'interface utilisateur
importantes. D'une version à la suivante, l'enrichissement des fonctionnalités et l'augmentation
de la flexibilité de l'interface se traduisent souvent par un accroissement significatif de la
complexité d'utilisation ; voir, à titre d'exemple, les dernières versions des logiciels de
bureautique commercialisés. Ces évolutions rendent encore plus cruciale la nécessité d'aides en
ligne qui permettent à l'utilisateur, novice ou occasionnel non informaticien, d'utiliser les
logiciels grand public de manière efficace, et d'acquérir la maîtrise de leur utilisation, sans avoir
à fournir un effort d'apprentissage spécifique important.
Or, si les logiciels courants actuels sont tous dotés d'aides en ligne évoluées qui mettent en
œuvre, au moins en partie, les résultats des recherches effectuées dans les années 80 et au début
des années 90, on constate que ces aides, en fait, sont ignorées ou rarement consultées. Les
novices préfèrent recourir aux formations spécifiques florissantes pour acquérir les
connaissances procédurales nécessaires à l'utilisation efficace d'un logiciel. Quant aux
utilisateurs occasionnels, ils choisissent le plus souvent de faire appel à un collègue ou à un ami
expérimenté pour résoudre un problème d'utilisation ponctuel ou sortir d'une situation de
blocage. La raréfaction des recherches2 sur l'aide à l'utilisation de logiciels constatée depuis le
milieu des années 90 semble donc exprimer, dans ce contexte, un aveu d'impuissance à
progresser dans la résolution des problèmes ergonomiques majeurs soulevés par l'aide en ligne,
plutôt qu'un abandon de ce domaine de recherche motivé par la résolution satisfaisante de
l'ensemble des problèmes de conception des aides en ligne.
La première partie de cet article situe la contribution des auteurs dans le débat de fond qui
oppose depuis vingt ans deux points de vue antagonistes : les aides en ligne sont-elles un pisaller, un simple remède aux défauts actuels de conception des logiciels et des interfaces
utilisateur, ou bien, sont-elles une nécessité inhérente à l'utilisation d'un nouveau logiciel ? La
seconde partie de cet article analyse les obstacles et les difficultés spécifiques auxquels se heurte
la conception d'aides en ligne efficaces à l'intention du grand public, le critère majeur
d'efficacité étant la consultation effective de l'aide par les utilisateurs, novices ou
inexpérimentés, issus du grand public. Dans la dernière partie, les contributions potentielles de
diverses approches à la résolution de ces problèmes spécifiques de conception sont analysées et
discutées. Ces approches mettent en œuvre des paradigmes et techniques d'interaction récents,
dont la multimodalité. La discussion fait intervenir, outre des arguments théoriques, des
résultats empiriques et expérimentaux récents sur l'aide en ligne et l'interaction homme-machine
multimodale. Ces résultats contribuent à valider les propositions de solutions présentées dans
cette troisième partie.
1
2
www.netcraft.com/
constat confirmé au cours d'un entretien par Shneiderman.
2
I. LES AIDES EN LIGNE : UN PIS-ALLER OU UNE NECESSITE ?
Historiquement et de façon schématique, on peut distinguer dans les travaux de recherche sur
l'aide à l'utilisation des logiciels grand public, trois étapes principales :
•
Une première conception dont l'apparition suit celles des ordinateurs personnels et de la
manipulation directe (Shneiderman, 1983). L'aide en ligne y est vue comme un pis-aller, un
mal nécessaire en l'absence d'interfaces utilisateur intuitives, « transparentes », un remède
palliatif aux erreurs de conception. Ce point de vue a été défendu par de nombreux
concepteurs de logiciels et d'interfaces utilisateur destinés au grand public.
•
Dès le milieu des années 80, des études empiriques (voir la section I.2.1) portant sur
l'analyse des comportements d'utilisateurs issus du grand public ont montré la nécessité
d'assister l'utilisateur dans l'acquisition de la maîtrise de l'utilisation d'un logiciel nouveau
pour lui.
•
Ces résultats empiriques ont vraisemblablement stimulé les recherches sur l'aide en ligne.
Des études (voir la section III.1) ont été entreprises pour faciliter l'accès des utilisateurs
novices ou peu expérimentés aux informations d'aide et satisfaire leurs demandes/besoins
d'assistance. Différentes approches exploitant des acquis en génie logiciel ou en intelligence
artificielle ont été développées. Les travaux ont porté notamment sur :
− l'organisation des informations d'aide sous la forme de bases de données,
d'hypertextes ou d'hypermédias, et la mise au point de modes de consultation ou de
navigation pertinents ;
− et, plus récemment, la définition et l'implémentation de moyens d'interaction plus
« naturels » ou « intelligents », tels que dialogues de consultation en langue
naturelle, interfaces utilisateur adaptables ou adaptatives.
Les comportements du grand public, notamment ceux des utilisateurs novices et occasionnels,
sont à l'origine des principales difficultés et obstacles auxquels sont confrontés les concepteurs
de système d'aide en ligne à l'intention de cette population d'utilisateurs, et expliquent les échecs
des différentes tentatives pour proposer à ces utilisateurs une assistance en ligne qui réponde à
leurs besoins et attentes réels.
Les trois sections qui composent cette partie s'organisent comme suit. La première est une
discussion des arguments initialement avancés par les chercheurs et concepteurs d'applications
interactives destinées au grand public qui tiennent l'aide en ligne comme un palliatif au défaut
de transparence des interfaces utilisateur existantes et aux erreurs de conception. La seconde
présente brièvement des données empiriques et expérimentales qui démontrent la nécessité
intrinsèque de l'assistance à l'utilisation d'un logiciel, nouveau pour l'utilisateur ou qu'il n'utilise
qu'occasionnellement. La dernière résume les conclusions des deux précédentes.
I.1. Interfaces transparentes : espoirs et déceptions
La manipulation directe s'efforce de combiner les possibilités offertes par les interfaces
graphiques et la simplicité d'utilisation des systèmes à base de menus, en associant menus et
icônes en référence à une métaphore de la vie courante (le bureau). De ce fait, elle représente
une évolution radicale de l'interaction homme-machine qui, jusqu'à son apparition, imposait
l'utilisation de langages de commande artificiels rébarbatifs dont la maîtrise était du ressort des
seuls spécialistes. En offrant des moyens d'interaction simples et attractifs pour rendre
l'informatique accessible au grand public, la manipulation directe a suscité des espoirs sans
borne chez les concepteurs. En particulier, s'est développée la conviction qu'en améliorant
encore davantage la transparence de l'interaction et la conception des interfaces utilisateur, on
parviendrait à éliminer la nécessité de tout apprentissage initial, même réduit, à l'utilisation d'un
3
nouveau logiciel (Mack et al., 1983 ; Mantei et Haskell, 1983 ; Carroll et Rosson, 1987). Dans
sa comparaison de la manipulation directe avec les modes d'interaction antérieurs, Shneiderman
défend ce point de vue lorsqu'il mentionne, parmi les principaux apports ergonomiques de ce
nouveau mode d'interaction, la maîtrise rapide de l'utilisation d'un nouveau logiciel, la facilité
d'apprentissage et d'assimilation de ses fonctions grâce à la simplicité de leur mise en œuvre
(Shneiderman, 1987).
Les hypothèses suivantes qui ont présidé à la conception de la manipulation directe expliquent
et justifient le point de vue de son créateur.
L'objectif majeur à l'origine de la manipulation directe était de fournir aux non informaticiens
un mode d'interaction mieux adapté à leurs besoins et à leurs attentes que les langages de
commande dont l'usage prévalait à l'époque. Cet objectif se fonde principalement sur
l’hypothèse suivante. La syntaxe complexe et le vocabulaire arbitraire des langages de
commande risquent de rebuter les utilisateurs novices ou occasionnels qui constituent la
majorité du grand public, et donc de nuire à la diffusion de l'informatique dans la société. On
peut supposer, en effet, que ces utilisateurs éprouveront des difficultés à apprendre et à assimiler
des langages de commande artificiels dont la sémantique leur est étrangère en raison de leur
ignorance des concepts informatiques exprimés et manipulés par ces langages. Un frein
supplémentaire éventuel à l’utilisation de tels langages, pour les utilisateurs occasionnels, est
leur manque de motivation pour acquérir les connaissances syntaxiques et lexicales nécessaires,
en raison du coût élevé de cet apprentissage. Un tel investissement, en revanche, n'est pas de
nature à décourager les utilisateurs fréquents expérimentés, dont les informaticiens. Un usage
fréquent facilite l'assimilation et la mémorisation de ces connaissances arbitraires. En outre,
l'efficacité de l'interaction étant l’une des préoccupations majeures de ces utilisateurs, la
concision et la richesse expressive des langages de commande sont de nature à les séduire et à
les motiver pour acquérir la maîtrise de leur utilisation. On trouvera dans (Shneiderman, 1987)
une présentation détaillée des trois catégories d'utilisateurs considérées ici, novices,
occasionnels, experts. Cette classification caractérise les utilisateurs de logiciels selon leurs
compétences en informatique, leurs motivations et leur fréquence d'utilisation. Ces facteurs
déterminent, selon l'auteur, leurs besoins et exigences spécifiques.
Une autre hypothèse a influencé profondément la conception de la manipulation directe. Elle
peut se résumer comme suit. En offrant aux utilisateurs, grâce à une métaphore empruntée à
l'expérience courante, la possibilité de manipuler des représentations graphiques pertinentes des
objets de l'application considérée, on rend inutile tout apprentissage initial, en particulier
syntaxique et lexical, de l'utilisation des logiciels qui opèrent sur ces objets. Cette hypothèse
s'appuie sur les connaissances dont on dispose actuellement sur les capacités humaines
d'adaptation qui permettent d'appliquer des savoirs et savoir-faire acquis dans une situation
donnée à une situation nouvelle perçue comme semblable (Gick et Holyoak, 1983), que ce
transfert mette en jeu des processus cognitifs de généralisation ou un raisonnement par analogie.
Dans cette perspective, les utilisateurs novices non informaticiens seraient capables, à partir de
leur expérience antérieure, de se familiariser avec un nouveau logiciel et d'acquérir la maîtrise
de son utilisation par eux-mêmes, sans formation préalable ni effort d'apprentissage particulier,
simplement en interagissant avec lui de manière naturelle et en explorant ses fonctionnalités à
leur gré. En particulier, la métaphore « du bureau » est susceptible de faciliter le transfert de
connaissances procédurales, puisqu'elle matérialise les informations électroniques, répertoires et
fichiers, en les assimilant à des documents papier et des dossiers, objets d'usage courant
aujourd'hui, au moins dans certaines sociétés. A noter en revanche que la manipulation à la
souris des icônes graphiques 2D, utilisées pour représenter ces objets « papier » offre moins
d'opportunités de transfert de savoir-faire antérieurs. Ce qui explique nombre des difficultés
rencontrées par des utilisateurs inexpérimentés dans l'utilisation de la souris et des interfaces
graphiques actuelles, par exemple lors de la découverte d'un traitement de texte (Capobianco et
Carbonell, 2000).
4
Le point de vue décrit ci-dessus est encore partagé aujourd'hui par de nombreux chercheurs pour
qui les défauts de conception (ou de réalisation) des logiciels et des interfaces utilisateur sont la
principale raison d'être des systèmes d'aide en ligne (Chater, 1999). Dans la mesure où il
persiste aujourd'hui, ce point de vue peut contribuer à expliquer pourquoi, depuis le milieu des
années 90, la conception de nouveaux paradigmes d'interaction suscite davantage d'intérêt dans
la communauté scientifique internationale que la définition et l'implémentation de nouvelles
formes d'aide en ligne susceptibles d'accroître la flexibilité, l'efficacité et la robustesse des
systèmes existants, prototypes de laboratoire et logiciels commercialisés.
La section suivante met en évidence les limites de ce point de vue et la nécessité d'une
assistance à l'utilisateur dans la découverte d'un logiciel et la familiarisation avec son utilisation.
L'argumentation se fonde principalement sur des données empiriques et expérimentales. Les
études les plus anciennes, publiées peu après l'essor de la manipulation directe, sont centrées sur
l'analyse des comportements des utilisateurs novices (section I.2.1). Une étude plus récente
porte sur l'analyse des stratégies d'experts humains en situation d'assistance à l'utilisation d'un
logiciel de traitement de texte que des novices découvrent (section I.2.2). La dernière section
(I.2.3) présente des arguments théoriques qui contribuent à montrer la nécessité intrinsèque
d'une assistance à la découverte et à la prise en main d'un logiciel inconnu, quelles que soient
l'expérience antérieure de l'utilisateur et sa motivation.
I.2. Nécessité de l'assistance à l'utilisateur novice
I.2.1. Comportements d'utilisateurs novices
Quelques études empiriques réalisées dans les années 80 ont mis en évidence les limites de la
manipulation directe en tant que mode d'interaction « transparent » et, indirectement, la
nécessité d'une assistance à la découverte d'un nouveau logiciel, au moins pour les utilisateurs
non informaticiens issus du grand public. Certaines d'entre elles (Carroll et McKendree, 1987 ;
Fisher et al., 1985) ont montré que, contrairement aux attentes des concepteurs, les utilisateurs,
en fait, n'exploitaient pas les possibilités d'exploration offertes par la manipulation directe, grâce
à un feed-back visuel intuitif et immédiat, associé à la réversibilité des actions. (Streitz, 1988) a
démontré en outre que la métaphore du bureau (office) pouvait induire les utilisateurs novices à
se construire des représentations erronées des fonctionnalités du logiciel qu'ils découvrent. On
trouvera dans (Beaudoin-Lafon, 1997) une discussion des limites des métaphores visuelles en
interaction homme-machine. Il ressort des conclusions d'autres études que la majorité des
utilisateurs issus du grand public ne parviennent pas à acquérir par eux-mêmes une
connaissance suffisante du fonctionnement d'un logiciel nouveau pour leur permettre de réaliser
les tâches qui motivent leur utilisation du logiciel. Par exemple, selon (Mack et al., 1983), les
utilisateurs novices sont confrontés à de nombreuses difficultés d'ordre cognitif qu'ils ne
peuvent surmonter seuls. Ils sont incapables, en particulier, de se construire une représentation
exacte des capacités et du fonctionnement d'un logiciel nouveau. Des représentations erronées
ou lacunaires sont à l'origine de nombreuses erreurs de nature sémantique que les novices ne
peuvent ni corriger ni même détecter en l'absence des connaissances appropriées. Le rôle
important joué par ces représentations mentales dans la prise en main d'un logiciel, bien qu'il ait
été mis en évidence très tôt3, n'est toujours pas pris en compte par les concepteurs d'interfaces
utilisateur, peut-être en raison de la complexité de son influence sur l'interaction. La prévention
et la correction automatiques des erreurs sémantiques sont d'ailleurs des objectifs extrêmement
difficiles à atteindre. La diversité cognitive inter-individuelle humaine est telle qu'il est
impossible aux concepteurs d'en tenir compte adéquatement. En effet, une des conditions
déterminantes de l'efficacité de l'interaction avec un logiciel est la compatibilité entre deux
représentations mentales des actions et tâches qu'il est possible d'effectuer sur les objets du
3
Voir la notion de system image dans (Sutcliffe et Old, 1987).
5
domaine d'application : la vision du concepteur qui les automatise sous forme de fonctions
logicielles et celle de l'utilisateur du logiciel. Or, le grand public constitue une population
d'utilisateurs beaucoup trop hétérogène, en termes de capacités cognitives, de connaissances et
d'expérience antérieures, pour qu'une même interface puisse satisfaire les besoins et attentes de
l'ensemble d’entre eux. En outre, les concepteurs d'applications logicielles étant des experts 4, il
y a de fortes chances pour que leur représentation du domaine d'application et de la tâche soit
radicalement différente de celles d'utilisateurs novices ou occasionnels non informaticiens. Cette
différence de représentation jointe à la grande diversité des capacités cognitives (apprentissage
et adaptation notamment), des savoirs et savoir-faire des utilisateurs novices font qu'il est
difficile de mettre en œuvre des stratégies d’interaction susceptibles de résoudre les problèmes
d'utilisation qu’ils rencontrent. En pratique, les utilisateurs novices doivent donc nécessairement
se familiariser avec la représentation conceptuelle du domaine d'application et de la tâche qui
détermine la sémantique des fonctions logicielles proposées et qui est celle du concepteur. La
réussite de cet « apprentissage » conditionne celle de la maîtrise de l'utilisation du logiciel. Ce
point de vue conduit à considérer que l'un des rôles majeurs des aides en ligne est d'assister le
novice dans l'acquisition de cette représentation et dans sa prise en compte pendant l’interaction
avec le logiciel. Il contribue également à démontrer la nécessité, pour les utilisateurs novices ou
occasionnels, de bénéficier d'aides en ligne qui leur facilitent cet apprentissage quelle que soit la
transparence de l'interface utilisateur dont ils disposent. Il serait utile, en particulier, d'expliciter
aux utilisateurs novices les relations entre :
− d'une part, leur représentation du domaine d'application sur lequel porte le logiciel considéré
et des tâches/actions que celui-ci permet d’effectuer sur les objets de ce domaine, et
− d'autre part, celle du concepteur du logiciel.
I.2.2. Stratégies d'aide d'experts humains
Les analyses que nous avons effectuées sur un corpus de dialogues entre des experts de
l'utilisation d'un logiciel grand public et des utilisateurs novices confirment l'incapacité de ceuxci à acquérir par eux-mêmes la maîtrise d'un logiciel grand public doté d'une interface graphique
autorisant la manipulation directe, censée favoriser et faciliter l'exploration autonome des
fonctions du logiciel (Capobianco et Carbonell, 2000, 2001). Les conclusions de ces analyses
confirment, en particulier, que l'une des difficultés majeures des utilisateurs novices, qui
constitue une source importante d'erreurs sémantiques, erreurs les plus difficiles à détecter et
corriger, est leur incapacité à choisir, parmi les fonctions du logiciel, celles qui leur permettront
de réaliser leurs intention et but courants.
Le corpus choisi comprend une quinzaine de dialogues expert-novice d'assistance à l'utilisation
de Word. Les sujets, des étudiants en sciences humaines qui connaissaient superficiellement
Windows (une demi-heure de manipulation) et qui n'avaient jamais utilisé Word avaient à
réaliser vingt tâches de mise en page prédéfinies et classées par ordre de difficulté croissante.
Deux experts étaient à leur disposition pour les aider à réaliser ces tâches. Leur rôle consistait à
répondre à leurs questions ; ils ne devaient ni prendre le contrôle des échanges, ni intervenir
spontanément de leur propre initiative, par exemple pour prévenir l'occurrence d'une erreur.
En vue d'étudier l'influence du contexte pragmatique du dialogue d’assistance sur le
comportement et les stratégies d'aide des experts, trois situations ont été considérées et
comparées. Dans l'une, expert et novice étaient assis dans la même pièce, côte à côte et face à
l'écran du sujet. Dans les deux autres, en revanche, le contexte pragmatique était limité : sujet et
expert étaient dans deux pièces différentes et communiquaient par interphone. Dans l'une de ces
situations de communication à distance, les experts avaient accès aux affichages des sujets qui
étaient reproduits sur leur écran grâce à un logiciel de copie d'écrans. Dans l'autre, ils
disposaient uniquement de la liaison téléphonique, aucune information visuelle ne leur était
4
au sens de la classification proposée par Shneiderman.
6
fournie sur les interactions des novices avec le logiciel. Nous avons centré l'analyse sur les
dialogues réalisés dans les deux dernières situations pour les raisons suivantes. D’une part, dans
la situation où les experts avaient accès aux affichages du poste de travail des sujets (situation à
contexte partagé limité), ils disposaient d’informations contextuelles similaires à celles
auxquelles les systèmes d'aide peuvent accéder facilement. D’autre part, la comparaison entre
les dialogues expert-novice réalisés dans cette situation et ceux recueillis dans la situation sans
contexte visuel est susceptible de fournir des indications sur les informations contextuelles
utilisées effectivement par les experts lors de leurs interventions d’assistance aux novices, et
donc de faciliter l’élucidation, au moins partielle, de leurs stratégies d’aide 5.
Actes de langage des experts humains
Instruire (condition B)
E : Pour aligner l'adresse contre la marge de droite, il faut …
%
40%
Informer (condition A)
E : "Monsieur" n'est pas centré, devant il y a en fait un alinéa.
27%
Evaluer (condition A)
N : Si je mets le curseur là, est-ce que je fais un retour à la ligne ?
E : Oui.
17%
Demande d'information (condition B)
E : Est-ce que le curseur est devant "Monsieur" ?
8%
Planification (condition A)
E : Maintenant, tu peux justifier le texte de la lettre.
8%
Tableau 1 : Répartition des actes de langage des experts suivant une taxonomie ad hoc définie à
l’issue d’une première analyse du corpus de dialogues. (Capobianco, 2002)
Condition A : les affichages des sujets sont reproduits sur les écrans des experts.
Condition B : les experts ne voient pas l'écran des sujets.
("E" signifie "Expert", et "N", "Novice").
Les pourcentages ont été calculés sur l'ensemble des actes de langage des experts.
Les analyses ont été effectuées sur les transcriptions orthographiques des dialogues. Ces
transcriptions incluent une brève description de l'évolution des affichages au cours de
l'interaction. Tours de parole et affichages sont datés et présentés dans l'ordre de leur occurrence
(Falzon et Karsenty, 1997). Les interventions orales des experts dans les deux situations à
contexte limité (soit dix dialogues, cinq par situation) ont été décomposées en actes de langage
dont le contenu informationnel a été caractérisé à l'aide des taxonomies existantes, notamment
(Pilkington, 1992). La méthodologie est détaillée dans (Capobianco, 2002).
Les résultats sont résumés dans les tableaux 1 et 2 ; voir également (Capobianco et Carbonell,
2001). On constate, à la lecture de ces tableaux, que près de la moitié des actes de langage des
experts (40%), et plus de la moitié des requêtes des novices (57%) portent sur des informations
5
Dans la situation où les experts n'ont pas accès aux affichages du poste de travail des sujets, les
informations qu'ils sollicitent de la part des novices, notamment sur leur activité courante, présentent un
intérêt particulier, car ce sont celles qu’ils utilisent pour mettre en œuvre leurs stratégies d'aide. Quant à la
comparaison entre les deux situations où le contexte pragmatique est soit restreint, soit absent, elle est
susceptible de fournir des informations utiles sur le rôle joué, dans les stratégies d'aide des experts, par les
informations contextuelles présentes dans l'une des deux situations.
7
de nature procédurale. Ces résultats illustrent l'importance, dans les demandes d'aide exprimées
par les novices, de leur besoin de clarifier la relation entre, d’une part, leurs représentations des
tâches courantes de mise en page et, d’autre part, les fonctions et procédures du logiciel de
traitement de texte qui permettent de les réaliser. Ils suggèrent également, dans l'hypothèse où
les stratégies des experts humains sont optimales, qu'une des contributions majeures de l'aide à
l'utilisation de logiciels est de faciliter à l’utilisateur la nécessaire évolution de sa représentation
a priori des tâches réalisables grâce au logiciel. En effet, c'est dans le cadre de cette
représentation initiale que l’utilisateur novice exprime les buts et intentions qui motivent son
utilisation du logiciel, d'où l'importance cruciale de la compatibilité entre sa représentation du
domaine d’application et celle du concepteur et, en cas d’incompatibilité, la nécessaire évolution
de celle de l'utilisateur, puisque celle du concepteur, réifiée dans le logiciel, ne peut évoluer.
Ces résultats confirment les observations réalisées dès le début des années 80, en particulier le
constat de l'incapacité des novices à acquérir seuls, par la pratique et l'exploration, la maîtrise de
l'utilisation d'un logiciel. Ils enrichissent en outre ce constat, et contribuent à l'interprétation des
comportements observés en identifiant l'une des causes principales à l'origine des difficultés des
novices. Ils permettent enfin de progresser dans le débat sur la nécessité, intrinsèque ou non,
d’aides en ligne à l'utilisation des logiciels grand public.
Actes de langage des utilisateurs novices
Comment ? (condition A)
%
57%
N : Comment je fais pour remettre le curseur au début du texte ?
Requêtes
(37%)
− Demande de confirmation (condition A)
N : Si je mets le curseur ici et tape CR, c'est OK?
24%
− Demande d'évaluation (condition A)
N : Est-ce que mon curseur est bien placé?
12%
− Demande d'assistance dans la planification (condition A)
N : Est-ce que je peux la déplacer (l’adresse) maintenant ?
1%
Quoi ? (condition A)
3%
N : A quoi sert cette icône?
Pourquoi ? (condition B)
3%
N : Pourquoi ça l'a effacé (un mot du texte) ?
Tableau 2 : Répartition des demandes d'informations des novices en fonction d'une taxonomie
inspirée de (Pilkington, 1992). (Capobianco, 2002)
"Conditions A et B", "E", "N" : voir la légende du tableau 1.
Les pourcentages ont été calculés sur l'ensemble des actes de langage des novices.
En effet, l'évolution de la représentation initiale du novice vers une représentation qui soit
compatible avec celle qui a présidé à la conception du logiciel ne s'impose pas seulement en
raison des différences de point de vue et de connaissances entre informaticiens et utilisateurs du
grand public, et/ou des limites éventuelles des techniques informatiques actuelles. Cet effort
d'adaptation de la part du novice est indispensable si l'on ne veut pas cantonner l'informatisation
d'une activité humaine à la reproduction de cette activité à l’identique. Si l'on vise une
automatisation qui ne se réduise pas à un simple mimétisme de l'activité humaine
correspondante, mais tente d'exploiter pleinement les capacités informatiques, très différentes
8
des compétences humaines, on peut raisonnablement supposer que la plupart des utilisateurs
novices ne parviendront pas, et même répugneront, à fournir l'effort nécessaire pour acquérir par
eux-mêmes une représentation pertinente de la sémantique des fonctions des logiciels
développés selon cette approche. En effet, si le fonctionnement d'un logiciel se démarque de la
pratique « manuelle » de l'activité considérée et présente une réelle originalité par rapport à elle,
le transfert de savoirs et savoir-faire antérieurs ne peut être mis à profit pour faciliter
l'acquisition de la maîtrise de l'utilisation du logiciel ; seule une expertise en informatique est
transférable dans ce contexte. L'utilisateur novice se trouve dans une situation analogue à celle
du concepteur : pour parvenir à maîtriser l'utilisation du logiciel, il doit adopter une démarche
créatrice et redécouvrir par lui-même les innovations que le logiciel implémente, alors qu’il ne
dispose ni des compétences informatiques ni de la motivation nécessaires pour appliquer cette
démarche. Dans cette perspective, les aides à l'utilisation de logiciels apparaissent donc comme
une nécessité intrinsèque plutôt que comme un pis-aller, un mal nécessaire pour remédier aux
défauts de conception des logiciels actuels et/ou au manque de transparence de leurs interfaces
utilisateur.
La théorie écologique de la perception proposée par Gibson dans (Gibson, 1966) contribue
également à démontrer les limites des approches de conception logicielle qui voient dans la mise
en œuvre du concept de transparence la solution des problèmes d'utilisation auxquels sont
confrontés les utilisateurs novices ou occasionnels. Les arguments que cette théorie fournit à
l'encontre des espoirs suscités en interaction homme-machine par le concept de transparence
sont présentés dans la section suivante.
I.2.3. Théorie écologique de la perception et transparence
Les travaux de Gibson sur la perception ont été largement diffusés parmi les chercheurs en
ergonomie des logiciels et ingénierie des interfaces homme-machine. Leur popularisation a
donné lieu à de nombreuses définitions du concept d'« affordance » central dans la théorie
complexe de Gibson. Parmi ces définitions, celle de Norman est brève et claire, au prix peutêtre d’un certain réductionnisme :
« … le terme affordance fait référence aux propriétés réelles perçues d'un objet, à savoir,
essentiellement, les propriétés fondamentales qui déterminent les possibilités d'utilisation de
l'objet. » 6 (Norman, 1988)
Or, les systèmes informatiques ne peuvent reproduire, avec des performances similaires,
certaines activités humaines, par exemple celles qui relèvent de défis scientifiques majeurs en
intelligence artificielle : perception et interprétation visuelles, compréhension de la parole,
décision et raisonnement, mouvements et gestes complexes, etc. En outre, les environnements
virtuels ne simulent que très imparfaitement le monde physique dont les propriétés d’affordance
sont encore mal connues. Ces différences représentent des obstacles difficilement surmontables
à l'implémentation du concept d'affordance en interaction homme-machine. Dans le cas des
interfaces graphiques et des applications de bureautique, la métaphore du bureau (office)
représente un moyen de vaincre ces obstacles, mais en partie seulement. En effet, dans ce
contexte pourtant favorable, la métaphore est d’un apport plutôt limité, puisqu'il est nécessaire
de lui associer un système de menus et de nombreuses boîtes de dialogue qui font appel aux
ressources expressives de la langue naturelle. Plus généralement, les portées sémantique et
pragmatique d'une métaphore ou d'une simulation sont, par définition, limitées, au même titre
que l'analogie et la simulation diffèrent de l'identité et du clonage. La diversité des capacités
cognitives, des connaissances et des savoir-faire antérieurs des utilisateurs potentiels représente
un obstacle supplémentaire, majeur également. Par conséquent, la mise en œuvre du concept
6
"… the term affordance refers to the perceived and actual properties of the thing, primarily those
fundamental properties that determine just how the thing could be used."
9
d'affordance en interaction homme-machine dans le but d'offrir à l'utilisateur une interaction
naturelle, transparente, semble difficile à réaliser. Les apports effectifs de ce concept à la
conception des interfaces utilisateur sont limités, comme le soulignent les auteurs de (Weiser et
Seely, 1995) qui estiment que le concept d'affordance malgré sa richesse ne rend compte que
superficiellement de la relation entre un objet du monde réel et les intentions, les perceptions et
les actions humaines qu'il a le potentiel de susciter 7.
I.3. Conclusions
Pour conclure, les premières études empiriques ou expérimentales des comportements
d'utilisateurs novices non informaticiens lors de la prise en main d'un logiciel grand public
montrent que, malgré les possibilités d'exploration offertes par la manipulation directe et le
caractère intuitif de ce mode d'interaction, ces utilisateurs sont incapables d'acquérir par euxmêmes la maîtrise de l'utilisation d'un logiciel nouveau pour eux. Des données empiriques
récentes confirment les conclusions de ces premières études et mettent en évidence une des
causes majeures de l'incapacité des novices issus du grand public à maîtriser l'utilisation d'un
nouveau logiciel par la seule pratique de l'interaction avec celui-ci, à savoir : l'incompatibilité
entre, d’une part, leur représentation a priori des capacités et du fonctionnement du logiciel,
élaborée à partir de leur expérience et connaissances antérieures, et d’autre part, les
fonctionnalités effectives du logiciel que le concepteur informaticien a définies à partir de sa
propre représentation du domaine d'application considéré et des opérations réalisables sur les
objets de ce domaine. La discussion de ces résultats conduit à considérer l'aide à l'utilisation de
logiciels comme une nécessité intrinsèque dont l'un des rôles principaux est de faciliter aux
utilisateurs novices non informaticiens l'évolution nécessaire de leur représentation initiale,
partielle et/ou erronée des fonctionnalités du logiciel vers une représentation compatible avec le
fonctionnement effectif de celui-ci, évolution ou adaptation qu'ils ne peuvent effectuer seuls
dans la mesure où les connaissances sémantiques qu'elle met en jeu leur font défaut.
En concluant à la nécessité d'une aide pour résoudre les difficultés de nature sémantique
inhérentes à l'utilisation de tout nouveau logiciel plutôt que pour remédier aux défauts de
conception du logiciel et/ou au manque de transparence de son interface utilisateur, on met
implicitement en cause la possibilité de réaliser des interfaces utilisateur totalement
transparentes. La discussion, dans la dernière section de cette partie, des possibilités
d'application du concept d'affordance en interaction homme-machine confirme cette conclusion
en mettant en évidence la difficulté et l'intérêt pratique limité de la mise en œuvre de ce concept.
La transparence de l'interaction apparaît donc comme un objectif de conception irréaliste, qu'il
est illusoire d'espérer atteindre grâce au progrès scientifique, technique ou technologique.
La partie suivante est consacrée à la présentation et à l'analyse des problèmes spécifiques que
pose la conception de systèmes d'aide en ligne efficaces, donc effectivement utilisés.
II. CONCEPTION D'AIDES EN LIGNE : DEFIS ET VERROUS SPECIFIQUES
La conception des systèmes d'aide à l'utilisation de logiciels soulève des problèmes spécifiques
supplémentaires par rapport à ceux que doivent résoudre les concepteurs de logiciels interactifs
classiques pour satisfaire les besoins et les attentes de la population d'utilisateurs ciblée.
7
"An affordance is a relationship between an object in the world and the intentions, perceptions, and
capabilities of a person … The idea of affordance, powerful as it is, tends to describe the surface of a
design. For us the term 'affordance' does not reach far enough into the periphery where a design must be
attuned to but not attended to."
10
A l'origine de ces difficultés, trois causes principales :
− La nature même de la tâche, à savoir, fournir aux utilisateurs inexpérimentés les
informations dont ils ont réellement besoin au moment exact où ils en ont besoin.
− La situation d'interaction, où l'utilisateur novice est simultanément impliqué dans deux
tâches différentes : l'interaction avec le logiciel d'une part, et la consultation de l'aide d'autre
part.
− Les comportements et les attitudes des utilisateurs non informaticiens qui constituent en
majorité le grand public.
Ces spécificités et leur incidence sur la conception des systèmes d'aide sont détaillées dans les
trois sections suivantes.
II.1. Pertinence des informations et des interventions d'aide
Fournir aux utilisateurs novices les informations procédurales et les méta-informations dont ils
ont besoin pour réaliser les tâches qui motivent leur recours à un logiciel au moment où elles
leur sont nécessaires, est un défi spécifique auquel les concepteurs de systèmes d'aide sont
confrontés.
Méta-information et méta-communication font référence ici aux informations et échanges
d'informations définis dans le modèle conceptuel des fonctionnalités du logiciel. Ces concepts
ont été proposés et leurs implications en interaction homme-machine discutées au cours des
années 80 (Tauber, 1986 ; Waern, 1989). Malheureusement, ils n'ont exercé aucune influence
sensible sur la conception des systèmes d'aide en raison, semble-t-il, de l'ignorance ou de la
méconnaissance des concepteurs. Pourtant, ils sont susceptibles de jouer un rôle important dans
la définition du contenu informationnel des messages d'aide et dans leur mise en correspondance
temporelle avec les besoins effectifs des novices.
En effet, les études empiriques et expérimentales du comportement des utilisateurs novices non
informaticiens ont montré que ces utilisateurs avaient des difficultés à se construire une
représentation suffisamment fidèle des fonctionnalités d'un logiciel inconnu d'eux pour qu’elle
leur permette d'acquérir par eux-mêmes la maîtrise de son utilisation (voir les sections I.2.1 et
I.2.2). En outre, la consultation du système d'aide qu'ils découvrent en même temps que le
logiciel représente pour eux une source de difficultés supplémentaires (Kearsley, 1988 ; Sellen
et Nicol, 1990). Ils sont incapables, seuls, de « trouver » l'information procédurale spécifique
dont ils ont besoin pour achever la tâche courante. Ils éprouvent des difficultés à
« comprendre » des messages d'aide génériques, formulés dans les termes même du modèle
conceptuel des fonctions du logiciel, souvent parce qu'ils ne disposent pas des métaconnaissances informatiques nécessaires à leur compréhension. Pour les aider à surmonter ces
difficultés, (Waern, 1985) propose une assistance comprenant, outre une présentation initiale
des fonctionnalités du logiciel, un traitement des échecs de leurs actions et l'accès à des
informations appropriées sur le contexte de leurs interactions, notamment sur leurs actions
antérieures (historique des actions). Concernant les difficultés qu'ils rencontrent dans la
compréhension des méta-informations d'aide, de nombreux guides de conception proposent des
recommandations en vue d'assurer l'intelligibilité des messages d'aide. La plupart de ces
recommandations, qui relèvent du bon sens, portent sur l'élaboration des messages textuels ;
voir (Carroll et al., 1987), par exemple.
II.2. Situation et contexte d'interaction
Une caractéristique spécifique de la situation d'interaction avec une aide en ligne est la
contrainte, pour l'utilisateur, d'interrompre son activité principale, l'interaction avec le logiciel,
chaque fois qu'il consulte l'aide. Ces allers-retours entre l'application et le système d'aide sont
11
une source importante de difficultés, surtout pour les utilisateurs novices (Kearsley, 1988 ;
Sellen et Nicol, 1990). L'interruption de l'activité principale, bien que décidée par l'utilisateur,
est de nature à perturber cette activité et nuire à son efficacité. Il peut la ressentir négativement,
comme une contrainte, dans la mesure où elle lui est souvent dictée par l'impossibilité de
poursuivre l'interaction avec le logiciel, par exemple en raison d'une erreur d'utilisation
bloquante. Cette contrainte peut le conduire à limiter ses recours au système d'aide, et contribuer
à expliquer la faible utilisation des aides en ligne.
Les interruptions de l'activité principale liées à la consultation de l'aide peuvent donc s'avérer
aussi pénalisantes que les alertes et la notification d'événements dans certains environnements.
Or, les interruptions occasionnées par la notification d’événements extérieurs à l’application
courante présentent un caractère intrusif marqué dont le coût pour l'utilisateur préoccupe les
concepteurs. La gestion optimale de ces interruptions suscite un intérêt croissant de la part des
chercheurs en interaction homme-machine (Horvitz et Apacible, 2003 ; McCrickard et al, 2003).
II.3. Comportements et attitudes des novices
L'obstacle spécifique majeur à l'utilisation effective des aides en ligne, donc à leur efficacité, a
été mis en évidence dès les premières observations de l'utilisation de la manipulation directe et
des logiciels de bureautique par des utilisateurs non informaticiens relevant du grand public. Il
s'agit du « paradoxe de motivation » qui, selon (Carroll et Rosson, 1987), caractérise les
comportements et les attitudes de cette catégorie d'utilisateurs lors de la découverte et de la prise
en main d'un nouveau logiciel.
Carroll et Rosson concluent, à partir de l'analyse de données empiriques variées, que les
utilisateurs issus du grand public, les novices en particulier, lorsqu'ils prennent en main un
nouveau logiciel, ne tentent pas d'explorer ses fonctionnalités. Ils ne s'appliquent pas davantage
à maîtriser son utilisation. Dès les premières interactions, ils s'investissent essentiellement dans
la réalisation des objectifs et des tâches qui motivent leur recours au logiciel. L'efficacité de leur
interaction avec le logiciel, son optimisation, n'entrent pas dans leurs préoccupations majeures.
Ils ignorent les incitations à l'exploration qu'offre la manipulation directe et, plus généralement,
les possibilités d'apprentissage autonome, par essai-erreur, que favorisent les interfaces où les
actions de l’utilisateur sont réversibles. Selon ces chercheurs, le paradoxe de motivation
expliquerait pourquoi les utilisateurs qui composent le grand public, notamment les novices,
consultent rarement ou pas du tout les aides en ligne. Ce paradoxe constitue l'obstacle principal
que les concepteurs ont à surmonter pour réaliser des systèmes d'aide qui soient effectivement
utilisés. L'utilisation effective d’une aide en ligne est un objectif dont la satisfaction doit être
prise en compte dans les critères classiques d’évaluation de la qualité ergonomique de celui-ci.
En dépit de l'évolution des aides en ligne depuis les travaux de Carroll et Rosson, les systèmes
d'aide à l'utilisation de logiciels grand public actuels ne sont pas davantage utilisés que ceux des
années 80, et le paradoxe de motivation est toujours pertinent pour rendre compte du
comportement et de l'attitude du grand public à l'égard des systèmes d'aide. Pourtant, des efforts
considérables et de nombreuses tentatives ont été effectués pour faciliter la consultation des
aides en ligne et développer leur utilisation effective. En particulier, on a substitué aux manuels
classiques organisés hiérarchiquement :
− des bases de données relationnelles, plus faciles à consulter car elles autorisent un accès
associatif simple, par mots clés, aux informations d'aide (Fisher, Lemke et Schwab, 1985) ;
− ou des hypertextes (Cohill et Williges, 1985 ; Moore et Swartout, 1990) et, plus récemment,
des hypermédias (Palmiter et Elkerton, 1991 ; Harrison, 1995) qui mettent en œuvre un
accès associatif plus intuitif que les bases de données classiques ; en effet, on peut
considérer les liens inclus dans un document hypertexte ou hypermédia comme des motsclés contextuels, le contexte dans lequel ils apparaissent permettant de lever facilement les
ambiguïtés dues à la polysémie du vocabulaire des langues naturelles.
12
Les systèmes d'aide actuels des logiciels grand public commercialisés mettent en œuvre ces
différentes techniques d'accès, souvent en parallèle, de façon à laisser le choix du mode de
consultation à l'utilisateur ; mais cette évolution semble sans effet sur les pratiques de la plupart
de leurs utilisateurs.
Carroll et ses collègues ont proposé une solution originale pour résoudre les problèmes
spécifiques de conception créés par le paradoxe de motivation. Malheureusement, cette solution
n'a pas été expérimentée jusqu'à présent, vraisemblablement en raison des difficultés que
présente sa mise en œuvre. Elle consiste à donner aux novices les moyens d'accomplir, dès la
prise en main du logiciel, les tâches permettant la réalisation de leurs intentions et de leurs buts,
en leur évitant tout apprentissage initial systématique de l'utilisation du logiciel (Carroll et al.,
1987). Cette approche implique la mise en œuvre d'une assistance à l'activité, voire même d'une
véritable coopération homme-machine, difficile à réaliser, surtout avec des utilisateurs novices,
car elle nécessite la connaissance des but et intention courants de l'utilisateur. Or, les intentions
des utilisateurs inexpérimentés sont souvent masquées par les nombreuses erreurs d'utilisation
(syntaxiques ou sémantiques) qu'ils commettent.
Dans la partie suivante sont évoquées et discutées plusieurs approches envisageables pour
résoudre les trois problèmes spécifiques que soulève la conception des systèmes d'aide en ligne.
III. VERS DES AIDES EN LIGNE EFFICACES
Il ressort de la partie précédente que, pour réaliser des aides en ligne efficaces, effectivement
consultées, les concepteurs doivent viser les objectifs spécifiques suivants :
•
Faciliter au novice l'acquisition des connaissances et savoir-faire nécessaires pour utiliser
efficacement un nouveau logiciel, sans que cet apprentissage ne perturbe son interaction
avec le logiciel, centrée sur la réalisation des tâches qui motivent son utilisation du logiciel.
•
Prendre en compte la diversité cognitive inter-individuelle, de façon à permettre à
l'ensemble des utilisateurs non informaticiens d'acquérir facilement, rapidement et de façon
durable ces connaissances et savoir-faire en exploitant intensivement l'interactivité (Carrol
et Mack, 1992). Ce qui implique, notamment :
− la prise en compte de la grande diversité des connaissances initiales de ces
utilisateurs,
− une assistance effective à l'acquisition, grâce à l'interaction avec le logiciel,
d'une représentation exacte des fonctionnalités de celui-ci.
•
Favoriser le développement de processus d'apprentissage par l'action ou learning by doing
(Lewis et Williams, 1994) et d’apprentissage incident ou incidental learning (Ross-Gordon
et Dowling, 1995), en centrant l’aide sur l’assistance à la réalisation des buts et intentions
des novices. On peut espérer, en procédant ainsi, parvenir à surmonter le paradoxe de
motivation (voir section II.3).
A noter que le paradoxe de motivation, qui caractérise l’attitude de la majorité des utilisateurs
novices vis-à-vis de l’aide en ligne, fait de l’acquisition interactive de la maîtrise de l’utilisation
d’un logiciel une situation spécifique et nouvelle. Ainsi, les résultats des nombreux travaux de
recherche sur les environnements logiciels classiques d’assistance à l’apprentissage de
connaissances ou de savoir-faire (voir Norris et al, 2002, pour une synthèse de ces recherches),
de même que les résultats de travaux plus récents, consacrés aux « tuteurs intelligents » (par
exemple, Cherniavsky et Soloway, 2002) ou à l’analyse des stratégies didactiques des
enseignants en formation initiale ou continue (Rogalski, 2003), ne peuvent s’appliquer à cette
situation. Il en va de même pour les études empiriques ou expérimentales sur l’apprentissage de
l’informatique, notamment la programmation (Corritore et Wiedenbeck, 2001, par exemple) et
13
la conception (Détienne et al., 2005), car ces études analysent et modélisent les comportements
d’informaticiens professionnels plutôt que ceux du grand public, dans des contextes
d’apprentissage explicite plutôt qu’implicite.
Les sections qui suivent sont consacrées à une discussion de la contribution potentielle des
principales approches qu'il est raisonnable d'envisager actuellement pour surmonter les
obstacles spécifiques qui limitent l'efficacité des aides en ligne :
− l'adaptation statique ou dynamique de l'aide au profil de l'utilisateur courant ;
− la mise en œuvre des principes qui définissent l'approche dite de conception universelle
(universal design) ;
− la prise en compte du contexte de l'interaction dans la conception et la présentation des
messages d'aide, ou aide contextuelle ;
− l’apport potentiel de la multimodalité à l’efficacité de l’aide en ligne.
III.1. Adaptation statique et dynamique
Le concepteur a le choix entre deux familles principales de techniques pour adapter les
messages d'aide et, plus généralement les réactions du système, aux capacités, connaissances et
préférences de l'utilisateur courant :
•
L'adaptation statique (adaptability), qui utilise un modèle de l'utilisateur prédéfini. Les
modèles statiques utilisés se fondent le plus souvent sur une classification des utilisateurs
potentiels du logiciel considéré. Chaque classe ou stéréotype caractérise, par rapport aux
critères choisis, les comportements similaires des utilisateurs qui la composent. L'affectation
d'une classe à l'utilisateur courant peut être à la charge, soit de l'utilisateur (customization),
soit du système. La classification grossière des utilisateurs de logiciels proposée par
Shneiderman est fréquemment utilisée pour offrir à l'utilisateur des possibilités d'adaptation
statique. C'est le cas, par exemple, des logiciels grand public courants qui proposent à la fois
des menus simplifiés aux novices et aux utilisateurs occasionnels, et des raccourcis clavier
aux utilisateurs experts. On trouvera dans (Sutcliffe et Old, 1987) une définition du concept
de stéréotype.
•
L'adaptation dynamique (adaptivity) utilise un modèle adaptatif de l'utilisateur, c'est-à-dire
un modèle capable d'évoluer au cours de l'interaction et, en particulier, de s'adapter à
l'évolution des savoirs, savoir-faire et attitudes de l’utilisateur courant au fur et à mesure de
sa pratique de l'interaction et du progrès de sa découverte du logiciel. La mise à jour de ces
modèles utilise essentiellement les indices qu'il est possible d'extraire de la trace des
interactions (Finck et al., 1997 ; Langley, 1999) et, éventuellement, des informations
spécifiques fournies par l'utilisateur en réponse à des requêtes du système.
Jameson (2003) a effectué une synthèse remarquable des recherches menées dans le cadre
de cette thématique. L’auteur met en évidence, dans des domaines d’application variés, les
possibilités offertes aux concepteurs de systèmes interactifs par les techniques d'adaptation
dynamique ; il montre la puissance de ces techniques et précise leurs limites en majorité
d'ordre ergonomique.
Un ensemble réduit de stéréotypes ou de classes d'utilisateurs ne peut manifestement pas
représenter de manière adéquate la très grande diversité des profils cognitifs des utilisateurs
formant le grand public. Seuls, les modèles dynamiques de l'utilisateur possèdent la flexibilité
nécessaire pour rendre compte d'une diversité inter-individuelle aussi importante. En outre, les
systèmes d'aide doivent, en raison même de leur finalité, être capables de s'adapter à l'évolution
des comportements et des compétences qui accompagne, pour un même utilisateur, l’acquisition
de la maîtrise du logiciel sur lequel porte l'assistance. L'adaptation à cette variabilité intraindividuelle, inhérente aux situations de prise en main d’un logiciel, nécessite la capacité
d'identifier, pendant l'interaction, l'état courant des compétences de l'utilisateur.
14
Les systèmes adaptatifs sont capables, potentiellement, de réaliser une telle adaptation.
Cependant, la conception et la réalisation de systèmes dont le comportement s'adapte
effectivement à l'évolution des compétences de l'utilisateur courant est un objectif beaucoup
plus difficile à atteindre que la prise en compte dynamique des variations de ses intérêts et de
ses préférences. La difficulté principale est de parvenir à inférer la nature et l'évolution exactes
des compétences de l’utilisateur novice à partir de l'analyse de la trace de ses interactions. Cette
difficulté peut contribuer à expliquer pourquoi la majorité des tentatives d'application du
concept d'adaptation dynamique ont porté jusqu'à présent sur la réalisation d'interfaces
adaptatives de consultation du Web, dont l'objectif principal est de filtrer la masse des
informations accessibles en fonction des intérêts des utilisateurs ; voir (Lieberman et Maulsby,
1996), l'une des premières mises en œuvre de cette forme de personnalisation. Plus proche des
préoccupations des concepteurs d'aides à l'utilisation de logiciels, le prototype décrit dans
(Espinoza et Höök, 1996) effectue un filtrage personnalisé du contenu d’un manuel en ligne
(500 pages HTML) d'assistance à l'utilisation d'une méthode de développement logiciel.
Quelques prototypes adaptatifs d'aide en ligne ont certes été développés au début des années 90
(Brajnik et Tasso, 1994 ; Paiva et Self, 1994). Ils utilisent des techniques sophistiquées
d'intelligence artificielle, telles que raisonnement sur des données incertaines, vérification et
maintien de la cohérence d'un ensemble d'informations (truth maintenance systems), pour
inférer, à partir des informations fournies par l'historique des interactions de l'utilisateur novice
avec le logiciel qu’il découvre et de ses requêtes au système d'aide, ses progrès dans
l'acquisition des connaissances procédurales et déclaratives nécessaires pour maîtriser
l'utilisation d'un nouveau logiciel. Cependant, ces prototypes sont trop complexes pour que les
utilisateurs, en particulier les novices, puissent se construire, en interagissant avec eux, une
représentation exacte de leurs capacités et de leur fonctionnement. Sans cette connaissance, les
réactions du système risquent de leur paraître imprévisibles et incompréhensibles, ce qui va à
l'encontre de l'un des principaux critères classiques utilisés en ergonomie des logiciels
(Shneiderman, 1987). Le manque de fiabilité est une autre faiblesse majeure de ces prototypes si
l’on applique les critères ergonomiques classiques.
Une approche originale mérite d'être signalée (Höök, 1995). Elle consiste à structurer les
informations d'aide en fonction des tâches réalisables dans le domaine d'application considéré,
puis à prévoir, pour chaque tâche élémentaire, plusieurs ensembles d'informations d'aide
atomiques correspondant aux différents profils des utilisateurs de la population ciblée
(connaissances générales, expérience, familiarité avec le logiciel, entre autres). En combinant
dynamiquement ces informations en fonction de la tâche, plus ou moins complexe, en cours de
réalisation, on obtient plusieurs messages (un par profil utilisateur) parmi lesquels l'utilisateur
choisit celui qui lui correspond. Pour que l'utilisateur soit à même de choisir le niveau
d'information le mieux adapté à son profil, il faut que les différences entre les divers niveaux
d'information proposés pour une même tâche soient clairement indiqués. On obtient ainsi un
système d'aide hybride, adaptatif pour autant qu'il fournit des informations ajustées
dynamiquement à la tâche courante, et adaptable dans la mesure où c'est l'utilisateur qui choisit
le niveau d'information. Cette approche est séduisante a priori. Cependant, elle est difficile à
mettre en œuvre car elle oblige à analyser et structurer un domaine d'informations dont la taille
est fonction de celle du domaine d'application considéré, et à définir des profils utilisateurs
détaillés et spécifiques (car liés au domaine d'application), pour être en mesure de concevoir des
niveaux d'informations pertinents. L'entreprise risque d'être gigantesque dans le cas
d'applications réelles, d'autant plus que l'acquisition des connaissances nécessaires ne peut être
automatisée. En outre, la construction des ontologies est à refaire pour chaque nouveau domaine
d'application abordé. Ceci explique probablement pourquoi cette approche ne s'est pas
développée.
Pour conclure, l'application du concept d'adaptation statique à la conception des systèmes d'aide
ne permet pas de résoudre les problèmes spécifiques évoqués dans la seconde partie de cet
article. L'adaptation dynamique apparaît en revanche comme un concept approprié pour
15
surmonter ces obstacles. Malheureusement, les techniques actuelles ne permettent pas de la
mettre en œuvre de façon satisfaisante. Des recherches longues et difficiles sont à mener dans ce
domaine avant d'envisager l'introduction sur le marché de systèmes d'aide en ligne adaptatifs. Il
n'est même pas certain que le concept d'adaptation dynamique recueille l'adhésion de la majorité
des utilisateurs issus du grand public. L'accueil réservé des utilisateurs aux menus adaptatifs des
récentes versions des logiciels Microsoft 8 est de nature à susciter une certaine inquiétude quant
au succès de la mise en œuvre de ce concept en interaction homme-machine.
III.2. Mise en œuvre du paradigme de conception universelle
L'application en interaction homme-machine du paradigme de conception universelle (universal
design) tel qu'il est défini dans (Connell et al., 2001) apparaît comme une alternative séduisante
aux techniques d'adaptation pour assurer l'utilisation effective des aides en ligne. Selon ses
créateurs, le paradigme de conception universelle représente un concept et un ensemble
d'expériences utiles pour promouvoir le développement d'une Société de l'Information planétaire
qui soit accessible à tous (universal access). L'objectif est en effet de concevoir des produits et
des environnements qui soient utilisables par tout le monde sans adaptation particulière ni
aménagement spécifique 9. Conçu initialement à l'intention des architectes, il n'est pas
surprenant que ce paradigme de conception et les sept principes qui définissent sa mise en
œuvre réduisent au minimum le rôle de l'adaptation, contrairement aux paradigmes de
« conception centrée sur l'utilisateur » (user centred design) ou de « conception pour tous »
(design for all) ; voir, pour une définition de ces approches, (Bevan et Curson, 1997) et (Bevan,
2001), respectivement.
On peut être tenté, a priori, d'appliquer l'approche dite de conception universelle à la réalisation
des systèmes d'aide en ligne, dans la mesure où, malgré leur grande diversité, les utilisateurs qui
découvrent un logiciel possèdent une caractéristique commune : leur ignorance des capacités, de
l'utilisation et du fonctionnement de ce logiciel. Le principal avantage de cette approche est sa
simplicité de mise en œuvre. Cette simplicité est propre à garantir la fiabilité et la robustesse du
système d'aide. En outre, elle facilite aux utilisateurs la construction d'une représentation exacte
des capacités et du fonctionnement du logiciel, nécessaire pour que ceux-ci soient en mesure de
prédire les réactions du système. La mise en œuvre du paradigme de conception universelle
apparaît donc comme une voie prometteuse pour surmonter l'un des obstacles spécifiques
auxquels sont confrontés les concepteurs de systèmes d'aides en ligne, la diversité cognitive
inter- et intra-individuelle des utilisateurs de ces systèmes. Cependant, elle ne semble pas en
mesure de résoudre le dernier problème spécifique de conception évoqué dans la section II.3,
celui qui résulte des comportements et attitudes des utilisateurs vis-à-vis de l'aide en ligne ou,
pour reprendre l'expression utilisée dans (Carroll et Rosson, 1987), du paradoxe de motivation.
On peut toutefois espérer résoudre ce problème sans renoncer à l'application du paradigme de
conception universelle, et pouvoir offrir aux utilisateurs novices les moyens de développer un
apprentissage implicite 10 de l'utilisation d'un nouveau logiciel, grâce à la mise en œuvre du
concept d'aide contextuelle. Un système d'aide en ligne contextuelle s'efforce, et doit être
capable, de familiariser l'utilisateur novice avec l'utilisation d'un nouveau logiciel tout en
l'assistant dans la réalisation interactive des tâches qui motivent son recours au logiciel. Les
premières tentatives de mise en œuvre du concept d'aide en ligne contextuelle datent des années
80 (Dzida et al., 1987). Mais aucun des rares prototypes dont la description a été publiée n'a fait
8
Voir, par exemple, les versions de Pack Office postérieures à 1998.
Objectifs visés par ce paradigme (Story, 1988, page 4) : "… the design of products and environments to
be usable by all people, to the greatest extent possible, without the need for adaptation or specialized
design."
10
C’est-à-dire un apprentissage incident ou fondé sur l’action et la pratique ; voir l’introduction de la
section III.
9
16
l'objet d'une véritable évaluation ergonomique. Il est donc difficile, en l'absence d'une telle
évaluation, de déterminer l'efficacité réelle de cette approche pour résoudre le problème de
conception résultant du paradoxe de motivation.
La section suivante contribue à combler cette lacune en présentant une évaluation ergonomique
récente d'un système d'aide en ligne (simulé) qui applique une stratégie d'aide contextuelle pour
assister les utilisateurs novices d'un logiciel grand public.
III.3. Aides en ligne contextuelles
III.3.1. Informations contextuelles utilisées
La mise en œuvre de stratégies d'aide contextuelles implique, outre la connaissance de l'état
courant du logiciel, celle du but (donc de la tâche) et de l'intention (donc de l'action) que
l'utilisateur courant vise à réaliser. C'est du moins l'une des conclusions majeures de notre
analyse des dialogues expert-novice d'assistance à l'utilisation de Word (voir la section I.2.2).
Ce sont ces informations que les experts humains utilisent implicitement pour définir le contenu
informationnel de leurs réponses aux requêtes des novices (Capobianco, 2002). Le tableau 3
précise les différents types d’informations contextuelles qu’ils mettent en oeuvre pour définir le
contenu informationnel de leurs réponses aux demandes d’informations procédurales des
utilisateurs novices.
Les experts semblent appliquer effectivement une stratégie d'aide contextuelle, au sens où nous
avons défini cette forme d'aide en ligne dans la section précédente. En effet, d’après les données
présentées dans le tableau 3, le choix du contenu de leurs apports d’informations procédurales
est influencé en priorité par l’état de réalisation de la tâche en cours (71% de leurs interventions)
et, à un degré moindre, par l’intention courante du novice (19%) et l’état de l’application (17%).
En outre, 46% de leurs actes de langage comprennent des références explicites au contexte de
l’interaction (action courante du novice, état de réalisation de la tâche en cours, état courant du
système, notamment). Enfin, près des deux tiers d’entre eux visent à assister le novice dans son
activité de mise en page puisqu’ils comprennent :
− 40% d’apports d'informations procédurales,
− 17% d’évaluations des effets des actions du novice sur l'interface utilisateur, et
− 8% de tentatives d'assistance à la planification de son activité.
En revanche, moins d'un tiers d’entre eux (27%) sont des apports d'information générale sur le
fonctionnement du logiciel ou la sémantique de ses fonctions, à la différence des didacticiels et
des tutoriels d’experts humains qui tendent à privilégier ce type d’informations.
Action
courante
Etat courant
du système
Etat de réalisation de
la tâche courante
3%
17%
71%
Historique (dialogue Intention
et interactions)
courante
5%
19%
Autre
9%
Tableau 3 : Nature des informations contextuelles mises en œuvre par les experts humains.
(Capobianco, 2002)
Les pourcentages ont été calculés sur les actes de langage des experts de type apport
d'informations procédurales (soit 40% de l'ensemble de leurs actes de langage). Certains actes
de langage font intervenir plusieurs types d'informations contextuelles, ce qui explique les
résultats.
Cependant, la mise en œuvre de la stratégie d'aide contextuelle des experts humains, stratégie
que l'on est tenté de considérer comme idéale, présente des difficultés considérables. C'est
pourquoi, vraisemblablement, les prototypes dotés de stratégies évoluées d’exploitation du
17
contexte de l'interaction, comme ceux décrits dans (Carenini et Moore, 1993) et (Quast, 1993)
sont rares et leur usage reste limité.
III.3.2. Difficultés de réalisation
La difficulté majeure qui s'oppose à la réalisation d'aides contextuelles réside dans
l'identification des buts et intentions de l'utilisateur à l'origine de ses actions sur le logiciel, et le
suivi de leur évolution au cours de l'interaction. Cette évolution est encore plus difficile à cerner
que celle des progrès de l'utilisateur novice dans la maîtrise de l'utilisation du logiciel.
La plupart des approches tentent de détecter des régularités ou motifs (patterns) dans la trace
des interactions. Ces régularités sont ensuite interprétées en tant qu'indices à partir desquels sont
inférés les intentions et buts courants de l'utilisateur. La recherche de motifs met en œuvre, le
plus souvent, des techniques d'apprentissage et de reconnaissance statistiques (Horvitz et al.,
1998 ; Jameson et al., 2000). Or, pour être en mesure d'assister l'utilisateur novice dans
l'utilisation d'un logiciel, il faut connaître non seulement son intention courante, mais aussi la
tâche et le but global dans lesquels elle s'inscrit. Par exemple, dans le cas de la réalisation d'une
procédure complexe, il faut être capable d'identifier le plus tôt possible le but que l’utilisateur
cherche à réaliser en exécutant la procédure. L'identification précoce du but global de
l'utilisateur novice et même la détection de son intention courante sont toujours difficiles, en
raison des nombreuses erreurs d'utilisation que celui-ci commet par ignorance des capacités et
du fonctionnement du logiciel. Elle est même impossible, dans le cas des logiciels grand public
courants, quel que soit le niveau de compétence de l'utilisateur, car ceux-ci offrent un ensemble
réduit de fonctions élémentaires qui doivent être combinées entre elles pour réaliser les
nombreuses tâches, plus ou moins complexes, relevant du domaine d'application couvert par le
logiciel. Par conséquent, la première action qu'entreprend l'utilisateur pour réaliser un but est
souvent ambiguë, car elle peut être le point de départ de la réalisation de tâches très diverses.
Par exemple, il est impossible d'inférer, à partir de la sélection d'un objet graphique, l'opération
que l'utilisateur envisage d'effectuer sur lui.
La seule solution possible pour connaître l'objectif et l’intention courante du novice, lorsque la
trace des interactions ne permet pas de les inférer, est d'inciter celui-ci à les exprimer avant
d'entreprendre leur réalisation ou dès les premiers stades de celle-ci. Cette stratégie est celle
qu'ont fréquemment adoptée les experts humains des dialogues d'assistance que nous avons
analysés (voir l'étude présentée dans la section I.2.2), puisque 8% de leurs actes de langage
visent à obtenir ce type d'information. La mise en œuvre de tels dialogues de clarification ne
semble pas présenter de difficultés insurmontables, car ils sont généralement très courts, et leur
structure très simple, de type question-réponse. Comme ils sont à l'initiative du système, leur
contrôle est facile à assurer par celui-ci. Enfin, leur caractère très ciblé limite la complexité des
énoncés à interpréter et à générer. La seule véritable difficulté pourrait venir des visions
différentes que le concepteur et les utilisateurs novices ont du domaine d'application et des
tâches réalisables (voir la section I.2.1). Différentes solutions peuvent être envisagées pour
surmonter cette difficulté. Une direction de recherche à explorer serait d’étudier comment doter
le système d’aide de connaissances suffisantes sur les représentations erronées des
fonctionnalités du logiciel les plus fréquentes parmi les utilisateurs novices ; la mise en œuvre
de telles connaissances pourrait faciliter la « compréhension », par le système, des intentions
exprimées plus ou moins maladroitement par les novices, et permettre à celui-ci de les assister
efficacement dans leur réalisation. La compréhension, dans ce contexte, se réduit à la mise en
correspondance des effets et résultats escomptés par le novice avec les informations
procédurales susceptibles de faciliter leur obtention.
Si l’on parvient à doter les systèmes d'aide en ligne de stratégies contextuelles, il restera à
déterminer l'efficacité réelle de cette approche.
18
Nous avons réalisé une étude expérimentale qui contribue à élucider ce point (voir Capobianco,
2002 et 2003). Elle est présentée dans la section suivante.
III.3.3. Evaluation expérimentale de l'efficacité d'une aide en ligne contextuelle
Notre contribution à l'évaluation ergonomique des aides en ligne contextuelle a pris la forme
d'une étude expérimentale impliquant des utilisateurs potentiels. Cette étude porte sur la
comparaison de l'efficacité de deux systèmes d'aide à l'utilisation d'un logiciel grand public
(Word), l'un contextuel, l'autre non contextuel. Le système contextuel reproduit l'expertise
humaine mise en évidence grâce à l'analyse de dialogues expert-novice d'assistance à
l'utilisation de Word (voir la section I.2.2).
Protocole expérimental
La technique du magicien d'Oz a été utilisée pour simuler partiellement les deux systèmes. Le
rôle du compère était limité à l'interprétation des demandes d'aide exprimées oralement 11 par les
sujets, et à leur traduction sous la forme de requêtes d'accès à des messages d'aide pré-définis,
stockés dans deux bases de données, l'une pour l'aide contextuelle, l'autre pour l'aide non
contextuelle. Les messages, pages HTML combinant texte et graphique, étaient envoyés aux
sujets via le réseau local. Le poste de travail des sujets comprenait deux écrans côte à côte, l'un
dédié aux affichages de Word, l'autre aux messages d'aide. Dix huit étudiants en biologie (1ère
année de DEUG) volontaires, qui avaient suivi une formation à Excel mais ne connaissaient pas
Word, ont utilisé chacun des deux systèmes d'aide (ordre balancé) pour réaliser dix huit tâches
de mise en page de complexité croissante 12, neuf tâches par condition.
Les différences entre messages contextuels et non contextuels étaient les suivantes pour une
procédure/tâche quelconque.
− Assistance non contextuelle : Un seul message par procédure/tâche ne contenant aucune
référence au contexte d'interaction.
− Assistance contextuelle : Découpage de la procédure/tâche en actions simples, et association
d'un message contextuel à chaque action simple. Un message contextuel contenait une ou
plusieurs références au contexte d'interaction. A toute demande de description de l'ensemble
de la procédure, le système répondait en envoyant le premier message et attendait que la
première action ait été exécutée avec succès pour envoyer le second, et continuait ainsi
jusqu'au dernier message.
Résultats
La comparaison entre les performances des sujets dans les deux conditions s'appuie sur les
mesures quantitatives suivantes : pour chaque sujet, le pourcentage de tâches réussies et le
pourcentage de tâches réalisées de façon optimum, c'est-à-dire en utilisant la procédure la plus
efficace, qui exclut le recours à une approche par essai-erreur notamment.
Le tableau 4 synthétise, pour l'ensemble des tâches et des sujets 13, les valeurs (en pourcentages)
des deux premières mesures en fonction du type d'aide utilisé : contextuel (C), non contextuel
(NC) et sans recours à l'aide (NA) ; la catégorie NA correspond aux tâches que certains sujets
11
Aucune contrainte d'expression n'était imposée aux sujets qui disposaient d'un microphone. Leurs
énoncés étaient transmis au compère via le réseau local.
12
Session unique d'une durée comprise entre une demi heure et trois quarts d'heure.
13
Les résultats portent sur 16 sujets seulement, en raison de l'abandon de deux sujets suite à des échecs
répétés.
19
ont exécutées sans faire appel à l'aide en ligne, en procédant par essai-erreur ou en déduisant de
la réalisation de tâches antérieures la procédure à appliquer 14. Pour l'analyse statistique des
comparaisons deux à deux des différents ensembles de mesures, des t-tests ont été utilisés.
Mesures
Aide
contextuelle
Aide non
contextuelle
Sans aide
Succès (%)
92
81
56
Analyse statistique
NA vs NC: p=0.00206
Réalisation
NA vs C:
p=0.00025
NC vs C:
p=0.04185
NA vs NC: p=0.002206
65
59
35
optimale (%)
NA vs C:
p=0.000347
NC vs C:
p=0.217367
Tableau 4 : Performances de l'ensemble des sujets par type d'aide : contextuelle, non
contextuelle et sans aide. (Capobianco, 2002).
NA : sans aide, C : aide contextuelle, NC : aide non contextuelle.
Les pourcentages ont été calculées sur l'ensemble des tâches réalisées par l'ensemble des
sujets avec l’assistance du même système d'aide (C ou NC) ou sans aide (NA).
Les résultats statistiquement significatifs (t-tests) sont en gras, et les tendances en italique.
A la lecture de ce tableau, on constate que, en accord avec nos attentes, les performances des
sujets se sont avérées nettement inférieures, lorsqu'ils ont ignoré le système d'aide en ligne à
leur disposition, par rapport à celles qu'ils ont obtenues lorsqu'ils l'ont utilisé. Cependant,
contrairement à nos hypothèses de travail, la différence d'efficacité entre les deux systèmes
d'aide, contextuel et non contextuel, est peu marquée. Le fait que la différence entre les taux de
réussite C et NC soit significative, alors que celle entre les taux de réalisations optimales
représente une simple tendance tient vraisemblablement à l'identité des contenus
informationnels des messages des deux systèmes d'aide. La faible différence observée entre les
deux taux de réussite (C et NC) est, en revanche, plus difficile à expliquer. On trouvera dans
Capobianco et Carbonell, 2003) une tentative d’interprétation de cette observation fondée sur
l’analyse des résultats des participants à deux tests utilisés couramment en psychologie
différentielle :
− Le test GEFT 15 de dépendance-indépendance à l'égard du champ, qui permet d'évaluer la
capacité de percevoir un objet particulier dans une scène visuelle, de l'isoler de son
contexte. Ce test a été utilisé en interaction homme-machine pour mesurer l'aptitude à
explorer les capacités d'un nouveau logiciel, à découvrir les fonctions que celui-ci met à la
disposition des utilisateurs (Coventry, 1989 ; Dufresne et Turcotte, 1997).
− Le test BLS4, utile pour évaluer l'ensemble des aptitudes qui interviennent dans la plupart
des activités cognitives et que l'on regroupe classiquement sous le terme « intelligence »
(Carroll, 1993). La compréhension des messages d'aide et leur interprétation en termes des
actions à exécuter et de leur enchaînement mettent en jeu certaines de ces aptitudes.
14
Sur l'ensemble des tâches effectuées (par l'ensemble des sujets), 34% l'ont été sans aide, 32% en faisant
appel à l'aide contextuelle, et 34% en faisant appel à l'aide non contextuelle.
15
Group Embedded Figures Test.
20
III.3.4. Conclusions
Pour l'instant, on ne peut conclure à l'efficacité supérieure des aides en ligne contextuelles par
rapport aux aides classiques, pour résoudre les problèmes spécifiques que pose la conception
des systèmes d'aide à l'utilisation des logiciels graphiques actuels destinés au grand public. Les
prototypes de recherche qui tentent de résoudre ces problèmes ne parviennent pas à satisfaire les
critères classiques de qualité ergonomique. Quant aux systèmes commercialisés, ils frustrent les
attentes des utilisateurs novices et ne sont que rarement consultés.
D’une part, l'identification dynamique des intentions et buts courants des utilisateurs novices,
des informations dont ils ont besoin et du moment opportun pour les leur fournir apparaît, au
moins aujourd'hui, comme un obstacle à la réalisation de systèmes d'aide en ligne à l'intention
du grand public qui s’adaptent à chaque utilisateur de manière suffisamment flexible et qui
soient d’utilisation suffisamment simple pour être effectivement consultés.
D'autre part, il n'est pas certain que les stratégies des experts humains soient un modèle
pertinent pour résoudre ces problèmes. L'évaluation ergonomique d'un système simulant leur
mise en œuvre et la comparaison de son efficacité avec celle d'un système non contextuel ont
fourni des résultats mitigés. Certes, les deux systèmes d'aide ont été largement utilisés, puisque
la consultation de l'un ou l'autre système est intervenue dans la réalisation de deux tiers des
tâches. En outre, les performances des sujets, lorsqu'ils ne font pas appel à l'aide sont très
inférieures 16 à celles qu'ils obtiennent lorsqu'ils consultent l'aide. Cependant, lorsque l’aide est
utilisée, les performances des sujets varient peu d’un système d’aide à l’autre.
Des recherches empiriques et expérimentales supplémentaires sont nécessaires pour déterminer
l'influence exacte des capacités cognitives individuelles sur l'efficacité des aides en ligne
contextuelles et, plus généralement, pour confirmer la pertinence des stratégies d’aide des
experts humains. En effet, les utilisateurs interagissent différemment avec un système
informatique qu'avec un opérateur humain, et leurs attentes ne sont pas les mêmes. C'est du
moins ce que suggèrent les conclusions de l'étude présentée dans (Amalberti et al., 1993). En
outre, il n'est pas certain que les techniques d'intelligence artificielle aient atteint une maturité
suffisante pour qu'il soit possible, à court terme, d'implémenter les stratégies contextuelles des
experts humains de manière satisfaisante.
D'autres directions de recherche méritent également d'être explorées en vue d’éliminer les
obstacles spécifiques auxquels sont confrontés les concepteurs d’aides en ligne (voir
l’introduction de la section III). Le recours à d'autres modalités que celles utilisées actuellement
pour interagir avec les aides en ligne pourrait contribuer à résoudre certains des problèmes
spécifiques auxquels sont confrontés les concepteurs de systèmes d'aide.
Nous étudions, dans la section suivante, les possibilités offertes par de nouvelles formes de
multimodalité pour améliorer, à moyen terme, l'efficacité des aides en ligne de manière
significative.
III.4. Apports de la multimodalité
La parole en entrée et la voix de synthèse en sortie peuvent être utilisées en parallèle des
modalités d'interaction classiques, puisque ces dernières mobilisent essentiellement la
perception visuelle et la motricité manuelle, tandis que la parole sollicite exclusivement la
perception auditive et que les gestes articulatoires impliqués dans sa production laissent les
mains de l'utilisateur totalement libres. L'intégration de la parole, en entrée et en sortie, aux
16
Concernant le taux de tâches réussies, on constate une chute de -36% et -25% par rapport aux tâches
exécutées avec recours à l'aide contextuelle et à l'aide non contextuelle, respectivement. Concernant les
taux de réalisation optimale des tâches, la différence est respectivement de -30% et -29%. Ces données
quantitatives sont extraites de (Capobianco, 2002).
21
interfaces graphiques actuelles peut donc être mise à profit pour résoudre certains des problèmes
spécifiques soulevés par la conception des systèmes d'aide en ligne.
Cette section évoque et discute les contributions potentielles de la parole à l'amélioration de
l'efficacité des systèmes d'aide en ligne.
III.4.1. Contributions potentielles de la parole à l'efficacité des aides en ligne
Offrir à l'utilisateur les moyens de consulter oralement l'aide, et lui fournir les informations
procédurales qu'il sollicite sous forme orale, permettent de résoudre un des trois problèmes
spécifiques de conception évoqués dans la section II (voir la sous-section II.2), à savoir :
− l'obligation, pour l'utilisateur, d'interrompre ses interactions avec le logiciel pour consulter
l'aide ; il peut interagir oralement avec l’aide tout en poursuivant son interaction gestuelle
avec le logiciel ;
− conjointement, le changement de contexte que lui imposent les systèmes d'aide classiques ;
la présentation orale des instructions dispense de l'affichage de messages d'aide textuels
et/ou graphiques dans une fenêtre dédiée qui recouvre en partie ou entièrement l'affichage
courant du logiciel et distrait l'utilisateur de son interaction avec celui-ci.
Cependant, les instructions orales, pour être mémorisées, doivent être courtes. Ce résultat est
connu depuis longtemps. Nous avons eu l'occasion de le vérifier dans le cadre d'une étude
expérimentale portant sur l'assistance à la recherche de cibles visuelles. Les sujets devaient
chercher dans un affichage complexe un élément qui leur avait été décrit auparavant oralement.
Pour les assister dans la recherche de la cible, des informations sur sa localisation dans
l'affichage étaient incluses dans la description. Nous avons pu constater que les messages longs
ne leur ont été d'aucune utilité (Carbonell et Kieffer, 2005). En outre, si les instructions orales
sont longues, leur répétition intégrale peut être fastidieuse pour l'utilisateur, surtout si celui-ci
souhaite seulement ré-entendre une information unique, ponctuelle. Enfin, alors que l'on peut
remplacer avantageusement 17 les textes inclus dans les messages d'aide actuels par des énoncés
de synthèse ou pré-enregistrés, la substitution de descriptions orales aux graphiques (copies
d'écrans notamment) que comprennent souvent ces messages est impossible, en raison des
caractéristiques expressives radicalement différentes de ces deux modalités.
Ces limites intrinsèques de la modalité orale peuvent toutefois être facilement surmontées. Les
propositions présentées dans la suite de cette section permettent de s'en affranchir et d'envisager
la conception de messages d'aide multimodaux qui mettent à profit les ressources expressives
spécifiques de la parole et du graphique sans pour autant imposer à l'utilisateur un changement
de contexte lors de la consultation de l'aide. La section se termine par un aperçu des bénéfices
que l'on peut escompter de la consultation orale ou multimodale des aides en ligne, moyennant
la résolution des problèmes de reconnaissance posés par la mise en œuvre de la parole en entrée.
Conception de messages d'aide multimodaux efficaces
Pour obtenir des messages oraux courts, donc faciles à comprendre et à mémoriser, il suffit de
décomposer la présentation des instructions nécessaires à l'exécution d'une procédure complexe
du logiciel en messages courts correspondant chacun à une étape du déroulement de la
procédure. Cette stratégie est facile à mettre en œuvre. Elle semble en outre efficace et bien
acceptée par les utilisateurs novices du grand public. C'est du moins ce que suggèrent les
17
En particulier, si la lecture de textes affichés de plusieurs lignes constitue une activité inhabituelle pour
l'utilisateur, elle requiert de sa part un effort spécifique qui augmente sa charge de travail mental. Cet
effort supplémentaire est susceptible de nuire à la compréhension et à la mémorisation des messages
d'aide textuels.
22
performances et les jugements subjectifs des 18 sujets qui ont participé à l'étude expérimentale
présentée dans la section III.3.3 (paragraphe 'Protocole') où nous l'avons utilisée pour élaborer
les messages textuels du système d'aide contextuel. A noter qu'elle est indépendante de la
stratégie d'aide adoptée, contextuelle ou non. Simplement, dans un contexte d'aide non
contextuelle, l'activation successive des instructions qui composent la description d'une
procédure complexe sera nécessairement à la charge de l'utilisateur ; elle ne pourra être assurée
par le système car celui-ci manquera des informations contextuelles indispensables pour prendre
des décisions pertinentes concernant le choix du moment opportun pour émettre chacun des
différents messages associés à la réalisation d'une même procédure.
Quant à la seconde limite mentionnée, deux solutions simples sont envisageables pour la
surmonter. Toutes deux conservent la modalité graphique, irremplaçable, mais éliminent son
inconvénient majeur, le recouvrement partiel ou total des affichages du logiciel par la fenêtre
d'aide, qui est perçu par l'utilisateur comme une intrusion.
La première solution consiste à utiliser deux écrans, un pour l'interaction avec le logiciel, l'autre
pour l'affichage des messages d'aide. Les multi-écrans se banalisent aujourd'hui 18, ce qui rend
cette solution abordable. C'est celle que nous avons utilisée dans le cadre de l'étude
expérimentale des stratégies d'aide contextuelle et non contextuelle (voir la section III.3.3). Elle
a donné entière satisfaction aux sujets. Une variante de cette solution consiste à projeter côte à
côte, sur un écran de grandes dimensions, les deux affichages. Mais cette variante présente
plusieurs inconvénients dont les principaux sont, outre un certain dépaysement créé par la
distance et les dimensions inhabituelles de l'écran, la grande luminosité des affichage source
éventuelle de fatigue visuelle, et la nécessaire pénombre de l'environnement, susceptible de
perturber les interactions que l'utilisateur est amené à effectuer avec son environnement,
parallèlement à son interaction avec le logiciel (e.g., consultation de documents papier).
La seconde solution, la plus efficace en raison de sa simplicité et la plus naturelle, consiste à
« montrer » à l'utilisateur comment faire pour réaliser une de ses intentions, par exemple une
intention dont la réalisation implique l'exécution d'une procédure complexe. C'est-à-dire que le
système désigne sur l'affichage courant du logiciel les objets graphiques évoqués dans une
instruction, en même temps qu'il les mentionne oralement lors de l'énoncé de cette instruction.
La langue naturelle permet en effet au locuteur d'évoquer dans ses énoncés les objets du monde
physique qui l'entourent, grâce aux expressions déictiques 19. Ces expressions font référence à
l'environnement physique du locuteur ; celui-ci accompagne éventuellement leur énoncé d'un
geste de désignation, notamment lorsque la référence est ambiguë. Au cas particulier,
l'environnement partagé par le locuteur, à savoir le système, et par l'interlocuteur, à savoir
l'utilisateur, est l'affichage courant du logiciel. Quant au geste de désignation, il peut être simulé
par n'importe quelle mise en relief visuelle de l'objet graphique présent à l'écran auquel le
système fait référence dans l'instruction en cours d'énonciation. Une autre solution, peu
différente, est la « démonstration » des actions à effectuer sur l'interface pour exécuter une
procédure. C'est celle qui est mise en œuvre par l'Office Assistant de Microsoft qui propose à
l'utilisateur d'exécuter à sa place les actions nécessaires à la réalisation d'une procédure ayant
fait l'objet d'une demande d'informations de la part de celui-ci. En associant à la démonstration
un commentaire oral partiellement redondant, on facilite la mémorisation des instructions.
Toutefois, en l’absence de commentaire oral, l'efficacité de cette approche est discutable. En
effet, le novice risque d'éprouver des difficultés à assimiler et mémoriser un enchaînement
d'actions qu'il n'aura pas effectuées lui-même, qu'il aura seulement vu se dérouler devant lui,
18
A côté des solutions intégrées commercialisées, des logiciels libres permettent d'utiliser simultanément
deux moniteurs classiques sous Unix. Voir, par exemple, pour la première catégorie de solutions le site de
9X Media (http:www.9xmedia.com) et, pour la seconde, la page d'adresse :
http:www.sismo.ethz.ch/linux/xinerama.html
19
« ici/là », « je/tu/nous/vous» sont les déictiques les plus usités. Ils font référence, respectivement, au
lieu où se déroulent les échanges verbaux et aux partenaires de ces échanges (locuteur et interlocuteur(s)).
23
rapidement et sans aucun commentaire verbal. C'est du moins le jugement que sont susceptibles
de porter sur cette innovation les partisans de l'apprentissage par l'action.
Apports de la parole en tant que modalité de consultation de l'aide
La possibilité de consulter l'aide oralement offre a priori plusieurs avantages, au moins pour les
utilisateurs novices et occasionnels issus du grand public.
D'abord, il convient de rappeler, pour mémoire, l'intérêt majeur que présente le recours à la
parole pour interagir avec l'aide. Elle est la modalité d'entrée qui réduit au maximum les
interférences entre l'activité principale de l'utilisateur, son interaction avec le logiciel, et la
consultation de l'aide.
D'autre part, l'utilisation de la parole dans ce contexte place l'utilisateur dans une situation
familière pour lui, la demande de renseignements à distance, par téléphone. Cette analogie, en
permettant le transfert de compétences antérieures à l'activité nouvelle que représente la
consultation de l'aide pour l'utilisateur novice, est de nature à rendre inutile tout apprentissage
de l'utilisation d'une aide en ligne quelconque. Le novice ne dispose aujourd'hui d'aucune
opportunité de ce type, car l'accès aux systèmes d'aide actuels requiert une familiarité avec des
techniques de consultation que certains utilisateurs peuvent ignorer ou mal maîtriser, comme
l'extraction d'informations par sélection de mots-clés, la navigation à l'aide de liens hypertextes
ou le parcours d'une « table des matières électronique » organisée hiérarchiquement. Même si
ces techniques lui sont familières, leur mise en œuvre a un coût cognitif non négligeable, dans la
mesure où il doit distraire temporairement son attention de l'interaction avec le logiciel.
Plus généralement, en donnant à l'utilisateur les moyens de consulter l'aide oralement, on
contribue de façon significative à la résolution des trois problèmes spécifiques auxquels sont
confrontés les concepteurs d'aides en ligne, à condition toutefois que celui-ci puisse s'exprimer
librement, sans contrainte linguistique majeure, et que la reconnaissance de ses requêtes soit
suffisamment fiable. La langue naturelle orale est en effet considérée comme le mode de
communication le plus « naturel » et le plus utilisé. Sa mise en œuvre en tant que mode d'accès
à l'aide permet de prendre en compte, implicitement, la grande diversité cognitive de la vaste
population d'utilisateurs formant le grand public. Si les réponses du système aux requêtes du
novice utilisent la terminologie courante et réduisent, en les explicitant ou en les expliquant, les
divergences de points de vue entre le concepteur et le grand public sur le domaine d'application
et les tâches que le logiciel permet de réaliser, le premier défi de conception (voir la section II.1)
pourra être considéré comme résolu en grande partie. Le parallélisme possible entre l'interaction
avec le logiciel et la consultation de l'aide qu’autorise l'usage de la parole pour exprimer les
demandes d'informations d'aide devrait permettre de progresser dans la résolution du second
défi de conception (voir la section II.2), à condition de laisser l'initiative des échanges à
l'utilisateur et de réduire le dialogue entre celui-ci et le système d'aide à une suite de couples
question-réponse. Toute intervention à l'initiative de l'aide risque en effet d'être perçue par
l'utilisateur comme une interruption intempestive, et un dialogue complexe comme une
distraction susceptible d'interférer avec son activité principale. Quant au troisième et dernier
défi de conception, qui résulte du « paradoxe de motivation » (voir la section II.3), on peut
considérer que la solution proposée contribue à le résoudre partiellement. En effet, dans la
mesure où on permet un accès aux informations d'aide plus aisé, qui présente un coût cognitif
faible et interrompt au minimum l'utilisateur dans son activité principale, on peut espérer que
celui-ci consultera l'aide plus souvent à condition, bien sûr, que les informations en réponse à
ses requêtes satisfassent ses besoins et lui soient intelligibles.
Cette voie de recherche a été considérée et abordée très tôt, mais les efforts engagés se sont
avérés infructueux. Des tentatives dont l'objectif à long terme était la mise en œuvre de
dialogues d'aide en langue naturelle ont vu le jour dès le début des années 90 (Pilkington 1992 ;
Roestler et McLellan, 1995). Mais elles n'ont pas été poursuivies, peut-être parce que les
24
dialogues envisagés étaient complexes, et les échanges textuels. Les résultats de l'étude
expérimentale présentée dans la section III.3.3, en revanche, incitent à poursuivre l'exploration
de la direction de recherche proposée ci-dessus, qui diffère des approches antérieures, dans la
mesure où elle préconise simplement l'utilisation de la parole comme modalité de consultation
de l'aide dans un contexte d'échanges de type question-réponse, plutôt que la mise en œuvre de
véritables dialogues d'aide dont la fiabilité et la robustesse risquent de s'avérer insuffisantes. A
titre de rappel, les dix huit sujets qui ont participé à l'expérience pouvaient formuler leurs
demandes d'aide oralement, en l'absence de toute contrainte d'expression. Or, ce à quoi ils ont
été le plus sensibles dans leurs jugements subjectifs, ce ne sont ni les avantages ni les
inconvénients des deux systèmes d'aide qu'ils étaient censés évaluer, mais la possibilité de
consulter ces systèmes oralement. En effet, un tiers d'entre eux ont mentionné spontanément que
cette possibilité était ce qu'ils avaient le plus apprécié dans l'interaction avec l'aide. Ils ont
exprimé cette appréciation, parfois avec enthousiasme, soit, à la suite de l'expérimentation, dans
la rubrique 'Autres commentaires' du questionnaire d'évaluation des deux systèmes d'aide, soit,
ultérieurement, pendant l'entretien semi-directif final (debriefing). Ce jugement est à mettre en
relation avec le fait que la réalisation de deux tiers des tâches (réussies ou non) effectuées par
l'ensemble des sujets a fait l'objet de recours à l'aide.
Cependant, avant de poursuivre l'exploration de cette direction de recherche et d'entreprendre la
réalisation de systèmes d'aide en ligne consultables oralement, il est nécessaire de s'assurer que
les performances des systèmes actuels de reconnaissance de la parole et d'interprétation de la
langue naturelle sont suffisantes pour traiter les requêtes orales des utilisateurs de manière fiable
sans imposer de contraintes artificielles sur leur expression spontanée. Ces deux conditions,
fiabilité de la reconnaissance-interprétation et absence de contraintes d'expression artificielles,
doivent être remplies pour que la parole en tant que modalité d'accès aux informations d'aide
obtienne l'adhésion des utilisateurs, notamment celle du grand public.
Des travaux antérieurs sur la conception et l’évaluation ergonomique de langages d’interaction
oraux « acceptables » contribuent à rendre réaliste la voie de recherche proposée. Nous avons
montré, en effet, qu’il était possible de donner aux utilisateurs des moyens d’expression orale
qui permettent une interaction efficace grâce à une reconnaissance robuste de leurs énoncés par
les systèmes actuels, tout en étant bien acceptés par eux dans la mesure où ils n’imposent à leur
expression spontanée que des contraintes légères, faciles à acquérir au cours de l’interaction, et
ont un pouvoir d’expression suffisant, contrairement aux langages artificiels classiques dont le
pouvoir d’expression est limité, voire insuffisant, et dont la maîtrise nécessite un apprentissage
spécifique, préliminaire à leur utilisation. La méthode que nous proposons pour définir de tels
langages est décrite dans (Carbonell, 2001 et 2003), et les résultats de l’évaluation ergonomique
expérimentale d’un langage oral d’interaction défini à l’aide de cette méthode sont présentés
dans (Robbe et al. 2000) ; cette évaluation a impliqué 12 participants, utilisateurs potentiels de
tels langages.
IV CONCLUSIONS
La conception d'aides en ligne à l'intention du grand public soulève des problèmes spécifiques
difficiles à résoudre. Pour qu’un système d’aide en ligne soit effectivement consulté par les
utilisateurs non informaticiens, novices ou occasionnels, les concepteurs doivent surmonter trois
obstacles majeurs. Le premier obstacle tient à l'hétérogénéité de cette population, à la diversité
des profils d'utilisateurs dont il faut tenir compte. La diversité porte notamment sur les capacités
cognitives, les savoirs, savoir-faire et expériences antérieures, les intérêts, les préférences et les
attitudes des utilisateurs ciblés. Le second est lié à l'interruption de l'interaction avec le logiciel
que nécessite toute consultation de l'aide. Le dernier concerne l'attitude spécifique des
utilisateurs non informaticiens et non professionnels, en particulier des novices, vis-à-vis des
25
logiciels d'aide en ligne. Cette attitude résulte de leurs motivations dont les particularités
constituent, selon les chercheurs qui les ont mises en évidence, le « paradoxe de motivation ».
Les techniques développées récemment dans le domaine de la conception des interfaces
utilisateur ne semblent pas en mesure, au moins à court terme, de résoudre ces problèmes. Ces
techniques incluent, notamment, l’adaptation statique ou dynamique de l'interaction aux
caractéristiques spécifiques de l’utilisateur courant, l'application des principes de conception
universelle et, dans le domaine de l'aide en ligne, celle de stratégies d'aide contextuelles. La
mise en œuvre de ces différents concepts et techniques et/ou la qualité ergonomique des
prototypes résultants s’avèrent, au moins pour l’instant, décevantes.
Une voie de recherche prometteuse à court terme est possible dans l’attente des progrès
scientifiques importants, nécessaires pour assurer la viabilité des approches évoquées
précédemment : la multimodalité. Cette dernière offre des perspectives de solution aux
problèmes spécifiques de conception des aides en ligne, certes partielles, mais dont la mise en
œuvre est envisageable dès à présent. En effet, en donnant à l'utilisateur les moyens de consulter
oralement le système d'aide en ligne, on réduit sensiblement les effets négatifs de l'interruption
nécessaire de son activité principale, l'interaction avec le logiciel. En outre, si le novice a la
possibilité d’exprimer ses demandes d'informations en langue naturelle, on peut supposer que
l'aide en ligne sera vraisemblablement consultée beaucoup plus souvent qu'elle ne l'est
actuellement, car le manque de transparence de l'interaction avec les systèmes existants est un
frein certain à leur utilisation. C'est ce que suggèrent les comportements de sujets (18) qui ont
expérimenté deux systèmes d'aide simulés qu'ils pouvaient interroger oralement en l'absence de
toute contrainte d'expression.
Cependant, la fiabilité et la robustesse des systèmes actuels de reconnaissance de la parole ne
sont pas suffisantes pour qu'il soit possible, à court terme, d'offrir à l'utilisateur une interaction
orale totalement transparente. Toutefois, on est en mesure, dès maintenant, d'envisager la
définition et la mise en œuvre, pour la consultation des aides en ligne, de langages multimodaux
« acceptables », qui soient susceptibles de recueillir l'adhésion des utilisateurs novices et
occasionnels issus du grand public car ils imposent un contrôle de l’expression spontanée limité
à un ensemble réduit de contraintes faciles à maîtriser sans apprentissage spécifique.
Quant à la mise en œuvre de la parole comme modalité d’expression des informations d’aide,
elle présente des difficultés d’ordre ergonomique plutôt que technique, solubles à court ou
moyen terme. Les deux problèmes principaux à résoudre peuvent se résumer ainsi. Quels
moyens de désignation visuelle (des objets graphiques affichés à l’écran) donner au système
d’aide pour lui permettre une utilisation des déictiques efficace, qui n’interfère pas avec
l’activité principale de l’utilisateur, à savoir son interaction avec le logiciel ? Comment limiter,
sans engager de véritable dialogue avec le système d’aide, l’inconvénient majeur des messages
oraux par rapport aux messages textuels qui est d’obliger l’utilisateur à écouter ou ré-écouter
l’intégralité d’un, voire plusieurs messages, lorsqu’il recherche une information ponctuelle, par
exemple le rôle d’un paramètre d’une boîte de dialogue ? Nous avons pu constater, dans le cadre
d’une expérimentation (en voie d’achèvement) centrée sur l’évaluation d’un système d’aide oral
à l’utilisation de Flash par une vingtaine de participants, que cet inconvénient de la modalité
orale par rapport au texte est le seul qui ait été signalé dans les formulaires d’évaluation comme
lors des entretiens de debriefing.
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