La communication transparente

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La communication transparente
La communication transparente
L’impératif de la transparence dans le discours des
organisations
Andrea Catellani, Audrey Crucifix, Christine Hambursin et Thierry Libaert (dir.)
Table des matières
Introduction ................................................................................................................... 7
Andrea Catellani, Audrey Crucifix, Christine Hambursin, Thierry Libaert
Partie I – La transparence : approches théoriques, concepts et analyses de cas ....................................................................................................17
Questionner la « transparence » dans le cadre de la théorie de l’influence en psychologie et en communication : le cas de la communication environnementale................................................................... 19
Françoise Bernard
La transparence, de pierre angulaire à pierre d’achoppement des controverses médiatiques..................................................................................... 31
François Allard-Huver
L’open data : une forme ultime de transparence ?..................................... 49
Samuel Goëta
La normativité et la transparence – une combinaison problématique dans le processus scientifique............................................................................. 67
Oliver Raaz
La transparence mise en scène : rhétorique du dévoilement dans les making of des discours des organisations ..................................................... 91
Eleni Mouratidou
Partie II -­‐ La transparence dans la communication publique et politique : exemples internationaux ....................................................... 107
La maison du projet : une nouvelle maison de verre au cœur de la cité?...............................................................................................................................109
Anne Piponnier
L'ouverture informationnelle des établissements publics de coopération intercommunale entre évolution organisationnelle et transparence stratégique ....................................................................................127
Hakim Akrab
L’énergie en quête de transparence : quelle visibilité pour l’énergie dans la communication publique territoriale ? .........................................147
Valentyna Dymytrova
Approche qualité, communication et construction de l’action organisée dans des systèmes d’action publique .......................................165
Joseph Pirson
Forces armées et communication en Espagne...........................................179
Leire Iturregui Mardaras, María José Cantalapiedra González, Leire Moure Peñín, María del Mar Rodríguez González
Transparence et opacité dans le Venezuela sous Chávez : le mythe grotesque au cœur de la communication institutionnelle....................195
Isaac Nahon-Serfaty
La transparence comme impératif de communication institutionnelle ? Une étude de la communication des universités publiques brésiliennes à la suite de la loi d’accès aux informations publiques de 2011, au travers de leurs sites internet ............................207
Georgete Medleg Rodrigues
Partie III -­‐ la transparence dans la communication des associations et des mouvements de citoyens......................................226
Le recours à l’argument de la transparence dans les discours d’opposition aux installations de stockage de déchets non dangereux
........................................................................................................................................227
Marianne Chouteau, Marta Matias, Céline Nguyen
Communication associative et rhétorique de la transparence : une approche sémio-­‐discursive ................................................................................247
Amaia Errecart
Partie IV – La transparence dans la communication des entreprises .........................................................................................................263
Le principe de la transparence dans les politiques de communication des entreprises : un miroir aux alouettes ....................................................265
Bernard Dagenais
Michelin : du culte du secret à la transparence ? ......................................283
Anne Parizot
Partie V -­‐ Le point de vue des professionnels .....................................297 Web social : un territoire de communication partagé synonyme de transparence des organisations ? ....................................................................299
Lionel Groetaers
À la recherche du juste degré de transparence............................................. 313
Yonnel Poivre-Le Lohé
Présentation des auteurs .............................................................................321 Présentation du LASCO .................................................................................329
Introduction
Andrea CatellaniUniversité catholique de Louvain [email protected]
Audrey Crucifix Université catholique de Louvain [email protected]
Christine Hambursin Université catholique de Louvain
[email protected] Thierry Libaert CESE et Conseil de l’éthique
publicitaire [email protected]
1. Transparence et communication, entre discours et pratique
La notion de transparence occupe aujourd’hui une place centrale dans beaucoup de
formes discursives, et apparaît comme un élément central de la communication de nos
sociétés. Elle pénètre largement la construction et la circulation des objets et des pratiques
signifiants de nos sociétés « hypermodernes » (Lipovetsky), jusqu’à en faire des sociétés
de la transparence. De ce foisonnement de « transparence » dans plusieurs domaines
(politique, économique, social, culturel), nous prendrons en con- sidération dans ce
volume ce qui concerne les organisations et leur communication. L’organisation qui se
veut (ou qui doit être) transparente, et donc légitime et cré- dible, doit montrer ses
entrailles, sur le modèle de la « maison de verre » qui, très si- gnificativement, avait
donné son nom à la première association des professionnels français des relations
publiques, en 1950. L’organisation se doit donc de rendre po- reuses et transparentes ses
frontières et ses cloisons internes, pour se garantir la con- fiance de ses parties prenantes
et de ses partenaires externes et internes.
La transparence occupe vis-à-vis de la communication une place particulière. Soit les
deux termes paraissent synonymes, soit la transparence paraît être un moyen de la
communication, soit, enfin, elle en paraît la finalité. Au sein du domaine de la
communication organisationnelle, la transparence se manifeste tout à la fois dans les
messages émis, dans les outils, dans les valeurs et dans les signes, et ceci qu’il s’agisse de
communication interne, corporate-institutionnelle, commerciale ou financière.
La transparence comme forme et modalité de communication (mais aussi comme contenu
des discours et valeur affichée) se réalise comme un impératif éthique, un « devoir faire
savoir », et réciproquement un « pouvoir savoir ». Cet impératif se veut absolu, par
rapport à un « intérieur » social et organisationnel qui est appelé à s’extérioriser
complètement, ou de plus en plus. Mais, comme le soulignait déjà le sémiologue français
Jean-Jacques Boutaud en 2005, cette dimension éthique de la transparence
organisationnelle ne doit pas faire oublier la dimension esthétique qui se trouve à sa base.
La transparence ne cesse jamais de s’incarner en des configurations sensibles. Par
exemple, des configurations de bureaux, mais aussi des textualités, des instructions et des
règlements, des formes d’énonciations et d’échange physique ou médiatisé. Les médias
électroniques ont également un rôle important dans l’affirmation de la transparence
comme un élément central de la communication des organisations.
Quel que soit son domaine de référence (politique, économique, social ou communicationnel), la transparence est toujours présentée de manière positive et performative :
elle est en soi une solution que nul ne saurait questionner sans risquer la suspicion. Si le
e
terme date du XIV siècle, ce n’est qu’à partir des années 1980 que son utilisation s’est
étendue en raison de la généralisation et de la libéralisation des médias, du progrès
technique (notamment dans les domaine des cartes à puce), de l’informatique (tant au
niveau des moteurs de recherche que de l’usage des réseaux sociaux), d’un sentiment
d’insécurité favorisant l’extension des dispositifs de télé- surveillance, de l’accroissement
de la méfiance envers les organisations entraînant un souhait d’accéder aux informations
perçues comme sciemment dissimulées.
En prenant les distances d’un discours dominant qui présente la transparence de manière
incantatoire et qui s’inscrit dans le registre du discours utopique, le chercheur distingue la
transparence comme objet de discours (communication sur la transparence) et comme
processus (communication transparente). Il observe un dis- positif de « mise en scène » de
la transparence, à l’exemple des comparateurs de prix fournissant une apparence
d’accessibilité d’une intégralité de données, mais sans in- formation sur les modalités de
calcul des produits présentés. Nombreux sont les rapports d’activités, documents de
référence, sites web d’organisations, fournissant une « apparence » de transparence par
l’accumulation des données sans que celles-ci puissent faire sens en l’absence de toute
mise en perspective.
Argument tactique – « faire le jeu » de la transparence, « prendre le pari » de la
transparence – mais aussi argument de combat dans la relation entreprises-ONG, la
transparence (absolue) apparaît souvent impossible tant pour l’individu que pour
l’organisation, celle-ci ne pouvant dévoiler sa stratégie commerciale, ses brevets, ses
projets de fusion ou d’acquisition.
Impossible, mais également dangereuse. Une société de la transparence totale se- rait une
société du trop-plein (H. P. Jeudy), une société où les mots accessibles à tous seraient
porteurs de nouvelles significations, une société où les libertés et la confiance seraient
impactées par la réduction des secrets, comme celui des sources journalistiques ou le
secret médical. L’hyperbole du « faire savoir » peut paradoxalement générer l’opacité
(comme le rappelait Serge Daney, « il faut de l’ombre et de la lumière pour dévoiler les
choses »).
Au travers de ce volume, nous avons voulu explorer les différentes facettes de la
transparence et démontrer sa complexité. Cette exploration nous amène à des résultats de
type normatif, à des recommandations possibles pour les acteurs de la communication des
organisations. La transparence ne se confond pas forcément avec la vérité, elle n’est ni
une fin, ni un progrès en soi, mais plutôt un moyen. Dans la sphère organisationnelle, les
communicants sont invités à une approche plus mesurée et à entreprendre un travail de
recherche de la transparence dans les thèmes (« ce que je peux dire »), dans les publics («
à qui puis-je le dire ») et dans le temps (« à quel moment pourrais-je le dire »). Á défaut,
l’organisation encourt le risque de l’effet boomerang où la crédibilité du discours est
contredite par le sentiment d’opacité se dégageant de la pratique des affaires publiques ou
privées. La transparence doit s’accompagner d’un raisonnement relatif et temporel et,
pour de nombreuses situations, s’effacer derrière le concept d’authenticité : « Je ne dis pas
tout, tout ce que je dis est vrai ».
2. Origine et structure du présent volume
Cette publication est le fruit de la réflexion collective conduite à l’occasion du col- loque
scientifique international « La communication transparente. Communication,
organisations et transparence », organisé les 21 et 22 novembre 2013 par le Laboratoire
d’analyse des systèmes de communication des organisations (LASCO) de l’Université
catholique de Louvain (UCL) et de l’Institut des hautes études des communications
sociales (IHECS). Ce colloque fut l’occasion de faire se rencontrer des chercheurs et
professionnels de la communication de plusieurs pays d’Europe et du monde (le Brésil et
le Canada en particulier) autour de l’étude des aspects conceptuels et des formes
empiriques de présence de cette notion polymorphe et envahissante qu’est la transparence
dans la communication des organisations.
Les communications présentées au colloque avaient été sélectionnées par un comité
scientifique. Après le colloque, nous avons sollicité à nouveau le comité pour sélectionner
les textes destinés à composer ce volume (exception faite pour les deux interventions de
professionnels de la dernière section). Ce que nous présentons est donc le fruit d’une
double sélection des nombreuses propositions qui nous avaient été adressées.
La première section est formée par deux types de contributions : des réflexions plus
générales sur des aspects conceptuels de la notion de transparence ou de son application
dans des domaines spécifiques, comme la communication environne- mentale ou l’open
data ; des études qui portent sur des objets complexes, comme les making of ou les
controverses médiatiques.
Le texte de Françoise Bernard, professeure à l’Université d’Aix-Marseille, pro- pose une
réflexion qui montre les obstacles théoriques au projet de transparence en ayant recours
aux apports théoriques en psychologie et en communication. Elle pré- sente une série
d’arguments qui soulignent que la transparence, au regard d’un en- semble de savoirs
constitués en sciences humaines et en sciences de l’information et de la communication,
relève, au moins en partie, d’une perspective utopique.
François Allard-Huver, assistant temporaire d’enseignement et de recherche au Groupe de
recherches interdisciplinaires sur les processus d’information et de communication
(GRIPIC) de l’Université Paris-Sorbonne, propose une analyse du rôle de la transparence
dans les controverses médiatiques autour de sujets sensibles comme les pesticides et les
organismes génétiquement modifiés (OGM). L’observation du cas de l’« affaire Séralini
», une importante polémique autour des effets des OGM, permet à l’auteur d’observer
comment la transparence entre en jeu avec un rôle central et complexe dans la sphère
publique médiatisée.
Samuel Goëta, doctorant au sein du Département de sciences humaines de Tele- com
ParisTech, nous offre une réflexion sur le phénomène massif de l’open data, analysé en
particulier du point de vue des discours médiatiques qui l’accompagnent et l’entourent.
L’auteur indique que la diffusion massive des données n’élimine pas la nécessité des
médiations, mais demande au contraire une infrastructure importante de dispositifs et
applications électroniques pour en permettre la gestion et l’accessibilité. Le texte montre
aussi les liens entre l’open data et les nouvelles modalités de « sousveillance », nouvelle
forme de contrôle social ouverte aux utilisateurs.
L’article d’Oliver Raaz, chercheur à l’Université de Greifswald en Allemagne, offre une
réflexion approfondie sur la transparence dans la communication des orga- nisations d’un
point de vue théorique, en réagissant au manque de théorisation qui entoure cette notion.
Il propose en particulier une présentation de l’approche à la transparence de Lars Thøger
Christensen, chercheur danois qui a développé une vi- sion polyphonique de
l’organisation, du point de vue descriptif et normatif. L’article discute cette approche, en
mobilisant la pensée de Luhmann et d’autres, pour mon- trer au final que la transparence
mérite une réflexion de type ouvertement et authentiquement normatif. Sur un plan plus
général, Raaz affirme ainsi la nature pleinement légitime et rationnelle de l’approche
normative de la communication.
L’article d’Eleni Mouratidou, maître de conférences à l’Université Paris XIII, pro- pose
une analyse sémio-pragmatique de trois making of, des textes produits (en principe) pour
révéler les coulisses de la production d’un objet culturel (film, publicité ou photographie).
Les making of analysés sont ceux d’une photo officielle du président de la république
française, d’une publicité commerciale et d’une vidéo publicitaire corporate. L’analyse
montre que, si le making of des films permet souvent de révéler vraiment, au moins en
partie, les coulisses du tournage du film, les making of analysés proposent plutôt une mise
en scène qui est parfaitement en harmonie avec les finalités promotionnelles de l’objet
d’origine. Il en résulte un effet de « transparence mise en scène », condition analysée par
l’auteure.
La deuxième section propose une série d’analyses empiriques dédiées à la présence de la
transparence dans la communication publique et politique, et cela dans différentes parties
de l’Europe et du monde.
La maison de projet est un nouveau dispositif de médiation sur les projets d’aménagement
et de développement urbain, en France. Au moyen de cet espace de participation, une
nouvelle forme de transparence se met en place. L’article d’Anne Piponnier, maître de
conférence HDR à l’Université Bordeaux-Montaigne, examine les formes symboliques de
ce nouvel espace visant notamment à créer la confiance envers les différents publics selon
une expérience de visite et une importante diversité d’outils. Entre communication
publique et acceptabilité sociale, la maison de pro- jet met en scène au travers d’un
emplacement, d’un design et d’une scénographie une transparence territoriale au service
d’une volonté de dialogue.
Le texte de Hakim Akrab, chercheur à l’Université Stendhal de Grenoble 3, s’interroge
sur les politiques de la transparence dans le cadre des institutions inter- communales
françaises, en particulier en relation avec l’utilisation des sites Internet. Les cas analysés
sont ceux de trois institutions intercommunales françaises de dimensions différentes.
L’article explique comment l’impératif de la transparence in- fluence de façon complexe
les modalités de gestion de l’information dans ces institutions, du point de vue
administratif et politique.
Valentyna Dymytrova, chercheuse à l’Université Lyon 2, analyse la transparence dans le
cadre de la communication publique territoriale dédiée aux problèmes énergétiques, à
travers l’analyse d’un corpus de textes de la communauté urbaine de Lyon. Elle identifie
des procédés énonciatifs et rhétoriques spécifiques, qui définis- sent un régime particulier
de transparence, propre de ces textes. Ce régime ou « style » particulier est décrit et
qualifié en reprenant la catégorie de la « matité » de Roland Barthes.
Joseph Pirson, chercheur associé au Centre interdisciplinaire de recherches Travail-ÉtatSociété (CIRTES) de l’Université catholique de Louvain, aborde dans son texte l’étude de
la communication d’organisation dans les procédures d’analyse de la qualité de
l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles (une des institutions
publiques principales de la partie francophone de la Belgique). Il met l’accent sur le
binôme publicité-confidentialité dans ce système d’action organisé. Paradoxalement, la
confidentialité rend possible la transparence, dans le rapport entre la rigidité des règles
données et la souplesse du jeu des acteurs.
Le texte signé par un groupe de chercheurs de l’Université du Pays Basque UPV/EHU
(Leire Iturregui Mardaras, María José Cantalapiedra González, Leire Moure Peñín et
María del Mar Rodríguez González) montre l’importance donnée à la communication par
les forces armées espagnoles, et plus précisément par l’armée de terre. En ce sens, ces dix
dernières années, les processus relatifs au rapport avec les médias se sont
considérablement développés. Mais les processus d’élaboration de ces communications
montrent qu’il est difficile d’arriver à la réactivité exigée par le champ journalistique.
Ceci explique notamment pourquoi la complexité de ces structures peut être perçue
comme un manque de transparence par les parties prenantes externes.
Isaac Nahon-Serfaty, professeur à l’Université d’Ottawa (Canada), propose une réflexion sur la combinaison paradoxale de transparence et opacité dans la communication
institutionnelle du régime d’Hugo Chávez au Venezuela, via des observations sur un cas
particulier, l’exhumation hautement médiatisée de la dépouille du héro national Simon
Bolivar. Le texte observe la production d’une contradiction entre « transparence proactive
» affichée et déformations produites par la construction dis- cursive d’un « mythe
grotesque ».
Suite à la promulgation en 2011 d’une loi brésilienne relative à l’accès aux informations
publiques, les universités publiques brésiliennes ont intégré sur leur site web les
obligations légales. L’étude de Georgete Medleg Rodrigues, enseignante- chercheuse à la
Faculté des sciences de l’information de l’Université de Brasília (Brésil), observe sur la
base d’indicateurs de « transparence proactive » que la manière d’appliquer la loi peut
varier fortement selon les universités et qu’il n’existe pas de corrélation entre le fait d’être
classée parmi les meilleures universités du pays et la mise en place d’une politique de
transparence, du moins sur le site web de l’université.
La troisième section propose deux études de cas sur la relation entre transparence et
communication des ONG et des citoyens en tant que « public actif » et mobilisé autour
d’un enjeu.
Marianne Chouteau (INSA, Lyon), Marta Matias (ingénieur et doctorante CIFRE) et
Céline Nguyen (INSA, Lyon) ont analysé l’argument de la transparence dans les discours
d’opposition aux installations de stockage des déchets non dangereux. Par l’étude des
neufs sites web de collectifs d’opposants, les auteurs montrent que le thème de la
transparence est commun dans l’ensemble des discours oppositionnels, notamment par le
constat d’un manque d’information émanant des porteurs de pro- jets auxquels est associé
le défaut de débat démocratique. En faisant de la transpa- rence un synonyme de la vérité,
les associations en font un argument de combat, ceci en affichant leur volonté d’un
dialogue ouvert et en mettant en avant leur propre démarche transparente.
Amaia Errecart, maître de conférences à l’Université Paris XIII, analyse la rhéto- rique de
la transparence dans la communication associative. Par une approche sé- mio-discursive
appliquée à un corpus de textes émanant de sites web de trois grandes ONG dans les
secteurs environnementaux, humanitaires et du commerce équitable, elle montre que la
montée des critiques envers le secteur associatif a eu pour conséquence une exigence de
transparence, et cela prioritairement dans l’affectation des dons. Le thème de la
transparence est présent dans le cadre d’une communication liée à la collecte de fonds et
vise à renforcer l’image de crédibilité.
L’avant-dernière section propose deux textes dédiés à la présence de la transparence dans
le discours et la communication des organisations marchandes, les entre- prises.
Après les différentes formes de la transparence dans la sphère organisationnelle et plus
spécifiquement dans le monde de l’entreprise, Bernard Dagenais, professeur à
l’Université Laval (Québec), présente les contradictions entre la forte revendication de la
transparence dans les différentes formes de communication et la pratique des actions
observées en ce domaine. Qu’il s’agisse de la prise de parole des salariés, des relations
avec les médias ou de l’accès aux espaces de l’entreprise, les restrictions au principe de
transparence paraissent nombreuses. L’entreprise sait que son discours est illusoire et ne
serait qu’un « miroir aux alouettes », mais l’assume en raison de la charge d’espoir que le
thème représente auprès du public.
Sans faire le procès du secret contre la transparence, le texte d’Anne Parizot, maître de
conférence à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, montre comment une entreprise
de notoriété mondiale comme Michelin organise et gère sa communication. En ce sens,
l’entreprise du secret s’ouvre aux tendances des besoins en matière d’information qui
correspondent à la fois aux obligations légales et aux aspirations « vertueuses », de retour
au sens de la société. À travers une analyse des concepts narratifs, esthétiques,
sémiotiques et symboliques, ce texte montre notamment que la transparence n’autorise
pas à tout dire, à tout le monde, car la transparence totale fragilise l’entreprise.
Le volume est clôturé par les contributions de deux professionnels de la communication,
un Belge et un Français. La qualité de leurs textes nous semble témoigner de l’intérêt du
dialogue que le LASCO veut tisser – depuis longtemps – entre savoir scientifique et
réflexion des professionnels sur leur pratique de communicateurs.
Lionel Groetaers, professionnel belge dans le domaine de la communication et chargé de
cours à l’UCL sur les thématiques de la communication numérique pré- sente une
réflexion sur la portée du web social : permet-il plus de transparence et d’ouverture entre
les entreprises et leurs parties prenantes ? L’article s’appuie sur de nombreuses études et
observations mettant en lumière la complexité de la situation présente. Tout en invitant les
différents acteurs à revoir leur position et à repenser leurs pratiques, sa réflexion met en
exergue l’utilisation actuelle des médias sociaux qui ne va pas toujours dans le sens d’une
restauration de la relation et de la confiance entre les différents publics.
La contribution de Yonnel Poivre Le Lohé, consultant français en communication
responsable et animateur d’un blog sur le sujet, porte sur la recherche d’un « juste » degré
de transparence dans le discours des entreprises. En analysant les sites web des entreprises
du CAC 40, l’auteur observe une moyenne de 880 occurrences par entreprise avec
toutefois des écarts extrêmement forts de 4 à 23 400 selon les entre- prises, mais des
régularités selon les secteurs. Au final, l’argument de la transparence apparaît peu efficace
en raison de sa récupération abusive et de sa représentation comme une surpromesse
créant des attentes irréalistes. La communication responsable des annonceurs ne peut plus
faire l’économie d’une réflexion sur l’utilisation de l’argument transparence et doit se
rappeler que la preuve par l’exemple est toujours le meilleur des discours.
Composition du comité d’organisation du colloque du 21-22
novembre 2013
Andrea Catellani (UCL), Audrey Crucifix (UCL), Gervais Cwako (UCL), Chris- tine
Hambursin (UCL), François Heinderickx (ULB, président de l’association ICA), Béatrice
Jalenques-Vigouroux (INSA Toulouse-LASCO), François Lambotte
(UCL), Thierry Libaert (UCL), Mélanie Notte (UCL), Sophie Pochet (IHECSUCL), Joël Saucin (IHECS-UCL), Emmanuel Wathelet (UCL).
Composition du comité scientifique
Françoise Albertini (Université de Corse), Françoise Bernard (Université d’AixMarseille), Jean-Jacques Boutaud (Université de Bourgogne), Andrea Catellani (UCL),
Anne-Marie Cotton (Arteveldehogeschool, Gand), Nicole D’Almeida (Uni- versité Paris
IV-Sorbonne), Agnès D’Arripe (Université catholique de Lille), Gino Gramaccia
(Université Bordeaux I), Anne Gregory (Leeds Metropolitan University), Oyvind Ihlen
(University of Oslo), Béatrice Jalenques-Vigouroux (INSA Toulouse - LASCO), François
Lambotte (UCL), Christian Le Moenne (Université européenne de Bretagne - Rennes 2),
Jacquie L'Etang (Queen Margaret University, Edinburgh), Thierry Libaert (UCL), Marc
Lits (UCL), Catherine Loneux (Université européenne de Bretagne – Rennes 2), Joseph
Pirson (UCL), Jordi Xifra (Université Pompeu Fabra, Barcelone), Ralph Tench (Leeds
Metropolitan University), Michèle Venturini (Université de Corse), Jacques Walter
(Université de Lorraine), Ansgar Zerfass (University of Leipzig).
Remerciements
Les éditeurs de ce volume (Andrea Catellani, Audrey Crucifix, Christine Hambur- sin et
Thierry Libaert) remercient chaleureusement l’ensemble des personnes qui ont contribué
à la réussite du colloque scientifique à la base de ce volume, notamment les membres du
Comité d’organisation et du Comité scientifique et le laboratoire LASCO (UCL-IHECS,
voir présentation en fin de volume). Un remerciement parti- culier enfin aux institutions et
organisations qui ont soutenu et sponsorisé le col- loque : la Société française des sciences
de l’information et de la communication (SFSIC), le Fonds de la recherche scientifique
(FNRS), l’agence Interel, Visitbrus- sels (Région de Bruxelles), la Wallonie.