Remiremont : la maternité menacée

Transcription

Remiremont : la maternité menacée
Fait du jour
3
Vers un seul pôle
mère­enfant
Accouchement « nature »
EPINAL
En montrant sa petite frimousse le 31 décembre dernier
à 18 h 22, le petit Oliver a clôturé la liste des enfants nés
en 2015 à la maternité déodatienne. 632 bébés ont ainsi vu le
jour l’an passé à l’hôpital Saint­Charles. C’est un chiffre relati­
vement stable dans un bassin où l’on observe, à l’instar du
reste de la Lorraine, une baisse de la natalité.
L’hôpital déodatien héberge l’unique maternité du secteur
dans des locaux modernes construits voici quelques années.
Le service compte notamment une salle nature, « un espace
physiologique à mi­chemin entre les salles médicalisées et
l’accouchement à domicile », explique l’établissement.
La salle contient notamment des lianes « pour une meilleure
gestion de la douleur » et une baignoire « propice à la déten­
te ». C’est peut­être l’une des clés de la relative fidélité des
parturientes de la région de Saint­Dié à l’hôpital du secteur.
« 85 % des parturientes choisissent cette maternité », indique
le directeur de l’établissement, Mathieu Rocher.
Les hôpitaux de Saint­Dié et de Gérardmer entretiennent des
liens étroits en ce domaine. L’établissement géromois est doté
d’un Centre périnatal de proximité (CPP) qui permet aux
Géromoises de bénéficier de consultations pré et post­natales,
de cours de préparation à la naissance, etc. L’accouchement
est toutefois réalisé à l’hôpital déodatien.
SAINT­DIÉ­DES­VOSGES
« Le projet de création d’un seul pôle mère­enfant entre
Epinal et Remiremont existe mais il n’y a rien d’officiel »,
admet le Dr Bassil Atallah, nouveau chef du service de gynéco­
logie obstétrique de l’hôpital Emile­Durkheim. « Seule l’ARS
peut officialiser la chose. On sait seulement que des experts de
Nancy ont été désignés pour prendre une décision. »
Directement concerné par cette mutualisation des deux
maternités, puisqu’il est chef de service à Epinal, le Dr Atallah
n’a pourtant pas été contacté par l’ARS (Agence régionale de
santé). « On n’a pas d’information concernant la mise en place
de ce projet, ni à court ou à long terme », regrette­t­il. D’ici
quelques mois ou quelques années ? La question demeure.
« Ce n’est pas si rapide que ça », constate le médecin.
Revenu à Epinal en juillet dernier, après y avoir travaillé
jusqu’en 2013, le Dr Bassil Atallah s’attache à redynamiser
son service en vue du nouvel hôpital, dont les travaux sont en
stand­by. Si cette mutualisation se profile, dans un horizon
plus ou moins lointain, c’est à une autre restructuration à
laquelle il devrait faire face.
C.D.
Pour Mathieu Rocher, directeur par intérim du centre hospitalier de Remiremont : « Il y a un arbitrage à
faire, qui sera proposé par les professionnels eux­mêmes ». Photo d’archives Jérôme HUMBRECHT
Ph.C.
Remiremont : la maternité menacée
Le risque de fermeture de la maternité de Remiremont est si réel que le député François Vannson
a interpellé à l’oral le gouvernement lors de la dernière séance de l’Assemblée nationale ce mardi.
REMIREMONT
L
En chiffres
800
La maternité de Remiremont
assure 800 naissances par an.
Elle a compté jusqu’à 950 nais­
sances par an.
540
La maternité d’Epinal assu­
re 540 naissances par an (près
de 1 500 à la maternité privée
Arc­en­Ciel d’Epinal).
17
La baisse de l’activité à la
maternité de Remiremont est
d’environ 17 % entre 2009
et 2014.
5
La maternité de Remiremont
compte 5 gynécologues­obs­
tétriciens parmi son personnel
médical.
4
La maternité d’Epinal comp­
te 4 gynécologues­obstétri­
ciens.
a mauvaise nouvelle est
tombée un peu comme
un cheveu sur la soupe.
La maternité de Remiremont
serait menacée de fermeture,
au nom d’une mutualisation
des services de maternité des
hôpitaux publics de Remire­
mont et Epinal. Le député
François Vannson a choisi de
garder pour lui ce risque qui
pèse sur cette maternité, le
temps d’interpeller Laurence
Rossignol, la secrétaire d’Etat
aux Affaires sociales, à la San­
té et aux Droits des femmes.
Il l’a fait ce mardi à l’Assem­
blée nationale, lors des ques­
tions orales sans débat. « Je
ne voulais pas en parler avant,
ce n’était pas la peine d’affoler
les gens. C’est aujourd’hui uti­
le et il faut réagir », se justifie le
parlementaire, plus que
jamais inquiet. « Il faut s’occu­
per du problème dès mainte­
nant. » Car si la tendance
générale est plus modérée, lui,
tranche dans le vif. « Cette
mutualisation aurait pour con­
séquence la fermeture du ser­
vice maternité de Remire­
mont. Si la volonté de
rapprochement des materni­
tés peut trouver certaines jus­
tifications, l’idée d’une éven­
tuelle fermeture de la
maternité de Remiremont
serait lourde de conséquences
au regard des principes d’éga­
lité d’accès aux soins des terri­
toires, d’activité et de préser­
vation des finances
publiques », défend François
Vannson, accroché viscérale­
ment à la troisième circons­
cription des Vosges et son
centre hospitalier. « On va
continuer à travailler dans
l’attractivité des services de
l’hôpital », promet celui qui ne
peut s’empêcher de relever
l’absurdité de la situation : « Il
y a plus de naissances et de
médecins hospitaliers à Remi­
remont qu’au centre hospita­
lier d’Epinal et on ferme là où il
y en a le plus », peste le dépu­
té, qui imagine les conséquen­
ces d’une telle fermeture, avec
une zone blanche dans ce sec­
teur montagneux garantie.
« Les gens auront du temps de
trajet, entre certains points de
montagne et la maternité
d’Epinal », anticipe l’élu.
La disparition de la mater­
nité de Remiremont pour­
rait être le début d’une
hémorragie. François Vann­
son préfère ne pas couper le
cordon. « Chaque minute
compte, comme au service
des urgences. Je suis très
vigilant depuis le début,
même si on n’en est pas au
stade de la fermeture totale
de l’hôpital. On amoindrit le
rayon d’action de l’hôpital et
c’est embêtant », s’inquiète
le député.
« Rien n’est
encore joué »
Trois experts missionnés
François Vannson en appelle
à une mise à plat du dossier
pour éviter un accouchement
douloureux. « Il faut travailler
dans la communauté hospita­
lière de territoire avec des
équipes soignantes qui tra­
vaillent en partenariat avec
Epinal », prévient­il, comme
pour désavouer la secrétaire
d’Etat qui, selon lui, s’est per­
mise de parler de « guérilla
entre les deux établissements.
Ce n’est pas acceptable. Remi­
remont ne joue pas contre Epi­
nal ». Mathieu Rocher, le
directeur par intérim du cen­
La maternité de Remiremont est menacée de fermeture, au nom d’une mutualisation des
services avec celle d’Epinal.
Photo Eric THIÉBAUT
tres hospitalier de Remire­
mont et administrateur provi­
soir de l’établissement
spinalien, partage ce même
point de vue et mise sur un
match nul. « La logique est de
ne pas les opposer mais les
faire travailler ensemble pour
obtenir une offre de soins
coordonnée, cohérente »,
pose le directeur. « Le projet
est de regrouper les materni­
tés publiques mais rien n’est
arrêté. Il ne faut pas mettre la
charrue avant les bœufs. Il y a
un arbitrage à faire, qui sera
proposé par les profession­
nels eux­mêmes. On est enco­
re en discussion pour élaborer
un projet médical commun. »
Trois experts de Nancy
reconnus dans les spécialités
mère­enfant auraient été mis­
sionnés par l’Agence régiona­
le de santé (ARS) pour élabo­
rer une stratégie de moyen
terme sur ce territoire. Contac­
tée, la direction générale de
l’Agence régionale de santé, à
l’initiative de cette mutualisa­
tion des services, ne souhaite
pas s’exprimer pour le
moment sur ce sujet. « L’ARS
est actuellement dans une
phase de concertation et ne
peut apporter de commentai­
res. » Elle donne rendez­vous
fin février pour faire part du
traitement.
Estelle LEMERLE­COHEN
Plus de 400 naissances à Neufchâteau
NEUFCHÂTEAU
Le pôle mère­enfant de Neufchâteau est né il y a moins de
deux ans.
Photo d’archives O.J.
jeudi 14 janvier 2016
Et l’avenir
de l’hôpital ?
A Neufchâteau, on pratique des accou­
chements depuis le Moyen Age. Il faut
préciser que la cité des Goncourt fut
autrefois la résidence des ducs de Lorrai­
ne… C’est d’ailleurs à cette époque que
naît l’hôpital, officiellement en 1271. Le
département mère­enfant, lui, naît beau­
coup plus tard, initié au cœur de la décen­
nie 1990­2000. Ce dernier avait en outre
pour défaut principal, il y a quelques
années encore, de disposer du service
pédiatrie au rez­de­chaussée et celui de la
gynécologie obstétrique au… 4e étage !
C’est la raison essentielle pour laquelle
il a été décidé, au début de l’année 2013,
de lancer un important programme de
travaux. Chantier qui durera un peu plus
d’une année et dont l’objectif principal est
bien de réunir tous les services concernés
en un seul pôle, baptisé « mère­enfant ».
Cette idée d’une rationalisation des ser­
vices concernés (maternité et pédiatrie)
germait depuis près d’une vingtaine
d’années au sein de l’établissement de
Neufchâteau. Ainsi, au terme de plus d’un
an de travaux et une enveloppe d’envi­
ron 2,3 M€, le pôle mère­enfant voit offi­
ciellement le jour à Neufchâteau le 15 mai
2014.
On retrouve là, au 4e étage du Centre
hospitalier de l’Ouest vosgien (Chov) et
sur un même plateau technique : la mater­
nité, les services pédiatrie et consulta­
tions afférentes, les services obstétriques
et, tout proche, le bloc des naissances. On
passe certes d’une trentaine de lits à une
quinzaine mais l’opération a au moins le
mérite de sauvegarder l’emploi.
En outre, le nombre de naissances a
chuté au cours de la dernière décennie, ici
comme ailleurs : 473 naissances en
2008 contre 401 en 2015.
Dans un rayon de 80 km et un nombre
de patients évalué à plus de 70 000 habi­
tants comprenant l’Ouest vosgien, une
partie de la Meuse et de la Haute­Marne
toutes proches, le site néocastrien englo­
be près de 60 % des parts de marché de
l’obstétrique (11 % à la clinique de l’Arc­
en­Ciel à Epinal ; 10 % à la maternité
régionale de Nancy et 1 % au CHR de
Dijon).
Aujourd’hui, le pôle mère­enfant de
Neufchâteau, ce sont 2 gynécologues et
une assistante, 3 pédiatres, 11 sages­fem­
mes qui assurent consultations et suivis
de grossesse, 7 puéricultrices, 3 infirmiè­
res, 19 auxiliaires puéricultrices et aides­
soignantes, 2 sages­femmes échogra­
phes (dont une en formation). Un pôle qui
semble avoir toute la vie devant lui !
Véronique Grossy, délé­
guée syndicale CFDT, seul
syndicat présent au centre
hospitalier de Remiremont,
est une vraie force de frap­
pe. Avec ses 30 % de syndi­
qués, elle pèse de tout son
poids dans les décisions de
la direction.
Que vous inspire la mena­
ce de fermeture qui pèse sur
la maternité de Remire­
mont ?
« On milite pour que la
maternité reste sur le terri­
toire de Remiremont, déjà
touché par l’emploi et
l’accès aux soins. Si l’une
des deux maternités publi­
ques doit rester, que ça soit
celle de Remiremont. A Epi­
nal, il y a déjà une maternité
privée. »
Est­ce que cette menace
existe vraiment selon
vous ?
« Elle existe mais elle
n’est pas avérée. La déci­
sion n’est pas prise, rien
n’est encore tout à fait joué.
On ne va pas tout mettre à
feu et à sang. On attend la
décision de l’Agence régio­
nale de santé (ARS). »
Quel gros atout joue en
faveur de la maternité de
Remiremont ?
« C’est une maternité de
niveau 2, avec 800 naissan­
ces par an. Jamais en Fran­
ce une telle maternité n’a
fermé. »
Olivier JORBA
La Liberté de l’Est ­ L’Est Républicain