La nouvelle évangélisation et la Vie Religieuse

Transcription

La nouvelle évangélisation et la Vie Religieuse
Intervention durant le Séminaire
organisé par la Conférence Maltese
le lundi 20 Juin 2011
Sr Lutgardis , UCESM Presidente
La nouvelle évangélisation et la Vie Religieuse
Le vendredi 4 mars 2011, la Cité du Vatican a publié les Lineamenta de la 13e Assemblée
générale ordinaire du Synode des Evêques, qui aura lieu au Vatican du 7 au 28 octobre 2012
sur le thème «Nova evangelizatio christianem fidem tradendam – La nouvelle évangélisation
pour la transmission de la foi chrétienne».
Il m'a été demandé d'exprimer ma pensée sur la nouvelle évangélisation. Sur la base de
mon expérience dans différents mandats au niveau de la formation et du gouvernement de
ma Congrégation - FMA - et d’une vision - quoique limitée - de la Vie religieuse en Europe en
tant que présidente de UCESM, je tenterai d’exprimer quelques-unes de mes idées sur ce
document en ce qui concerne la Vie religieuse.
Avec ce document l'Église nous invite, nous religieux et religieuses, à assumer notre
responsabilité dans la nouvelle évangélisation.
Je me limiterai à cinq réflexions.
1. La nouvelle évangélisation
Il est symptomatique que l'on parle de ‘nouvelle’ évangélisation et non pas de ‘ré’évangélisation. Ceci est juste, parce que la société a changé; les hommes ont changé.
Nous pensons différemment; notre vision a changé.
Le document énumère les nouveaux scénarios: La sécularisation; Le phénomène
migratoire; Le défi des moyens de communication sociale; Le problème économique; La
recherche scientifique et technologique; La situation politique (6).
Notre culture s'est distancée du christianisme. Mais cela ne signifie pas en soi la fin du
christianisme. C’est plutôt la fin d'une culture religieuse, c'est-à-dire une culture
religieuse qui fond et unit la culture et qui comme telle est reconnue et acceptée. La
question n'est pas: comment l'Église doit-elle continuer à s'adapter à la culture
moderne? La question doit être: «Que signifie être Église dans une culture moderne et
donc dans une culture séculière, un monde non-chrétien?».
Je dirais en outre: on devrait ajouter que même l'Église et la Vie religieuse ont changé. Il
suffit de penser aux événements des derniers temps avec les scandales. Nous sommes
plus que jamais convaincus, comme le dit Enzo Bianchi: que «Nous ne sommes pas
meilleurs». Et le signe de ce réalisme se lit au point 17: «La reconnaissance, le courage
de dénoncer les infidélités et les scandales qui se vérifient dans les communautés
chrétiennes; le courage de reconnaître les fautes; l'engagement sur des chemins de
purification et la volonté de racheter les conséquences de nos erreurs».
2. Un défi pour la Vie Religieuse
Les lineamenta nous interpellent. Dans certains paragraphes de ce document, l’Eglise
s’adresse à nous. Cette fois pas seulement comme un professeur qui nous dit comment
nous devons vivre, pour donner des normes. Ici, l’Eglise demande notre collaboration.
Nous sommes des partenaires. C’est ainsi que nous lisons:
La nouvelle évangélisation nous demande de nous confronter à ces scénarios (cfr. 6),
en ne restant pas enfermés dans les limites de nos communautés et de nos
institutions (7).
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L’une des tâches importantes dans la nouvelle évangélisation concerne la vie
consacrée, dans ses formes anciennes et nouvelles (8)
Transmettre la foi signifie créer en tout lieu et en tout temps la condition pour
qu'arrive cette rencontre entre les hommes et Jésus-Christ (11).
Il ne s’agit pas d’annoncer une parole de consolation, mais une parole de rupture qui
invite à la conversion, qui rend possible la rencontre avec Dieu, germe d’une
humanité nouvelle (13).
La prière (14)
L'Esprit réunit les croyants autour des communautés qui vivent leur foi avec ferveur,
se nourrissant de l'écoute de la parole des Apôtres et de l'Eucharistie, et vivant pour
annoncer le Royaume de Dieu (15).
À un moment où le choix de la foi et de la ‘sequela’ du Christ résulte moins facile et
peu compréhensible, et même contrastée et entravée, s'accroît la tâche de la
communauté et de chaque chrétien d'être les témoins et les hérauts de l'Évangile,
comme l'a été Jésus-Christ (16).
Il faut la force de construire des communautés douées d'un véritable esprit
œcuménique et capables d'un dialogue avec les autres religions (17a).
On ressent l'urgence du courage de soutenir des initiatives de justice sociale et de
solidarité, mettant le pauvre au centre de l'intérêt de l'Église (17b)
Il faut souhaiter que donner sa propre vie dans un projet de vocation ou de
consécration soit source de joie (17c)
La réflexion sur la transmission de la foi et sur les mutations sociales et culturelles
qui lancent un défi au christianisme d'aujourd'hui, ont entraîné au sein de l'Église un
vaste processus de réflexion et de révision des parcours d'introduction à la foi et à
l’accès aux sacrements (18).
Il existe un lien fort entre l'initiation à la foi et l'éducation. (…). les institutions
éducatives jouent un rôle crucial (…) L'évangélisation et l'initiation à la foi doivent
être accompagnées d'une action éducative que l'Église met en œuvre comme service
du monde (…) Le Pape lui-même parle d'«urgence éducative» (20).
À cet égard, l'Église possède une tradition, à savoir un capital historique de
ressources pédagogiques, de réflexion et de recherche, d'institutions, de personnes –
consacrées ou non, réunies dans des ordres religieux ou dans des congrégations –
capables d'offrir une présence significative dans le monde de l'école et de
l'éducation.(…) ce capital connaît lui aussi des mutations significatives (20b).
“L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou s’il
écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins“ Paul VI (…) des hommes et
des femmes qui, par leur conduite de vie, renforcent l'engagement évangélisateur
qu'ils vivent (22a).
Le besoin d'éducateurs qui savent être des témoins crédibles de ces réalités et de ces
valeurs sur lesquelles il est possible de fonder aussi bien l'expérience personnelle de
chaque homme que les projets partagés du vivre ensemble. À cet égard, nous avons
d'excellents exemples. Il suffit de rappeler saint Paul, saint Patrick, saint Boniface,
saint François-Xavier, les saints Cyrille et Méthode, saint Turibio de Mongrovejo,
saint Damien de Veuster, la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta (22b).
L’évangélisation est donc surtout un devoir et un défi spirituel. C'est une tâche pour
les chrétiens qui recherchent la sainteté (22c).
Face aux scénarios de la nouvelle évangélisation, pour être crédibles les témoins
doivent savoir parler les langages de leur temps, annonçant ainsi de l'intérieur les
raisons de l'espérance qui les anime (22d).
3. La VR porte en soi la réponse à cette nouvelle situation:
une vie alternative.
Avant tout, nous devons être convaincus que notre vie peut avoir une valeur pour la vie
moderne. Notre façon de vivre – profession, communauté, charisme – peut créer
l’espace pour une nouvelle évangélisation.
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 Profession
Tant de gens ne trouvent plus de sens à la vie. Par la Profession - les Vœux nous professons que la vie a un sens, parce que la vie ne finit pas avec la mort,
parce que nous avons un futur. Par le primat de « l’être » sur « l’activité », nous
manifestons que nous croyons que la vie ne finit pas dans le `hoc et nunc'. Nous
donnons un témoignage du sens sacré de la vie. Nous sommes un signe
eschatologique. La spiritualité est la réponse urgente au vide et à la
superficialité de l'homme moderne. Nos communautés doivent devenir des
oasis de paix, de contemplation, de silence, de recherche de la vérité, de prière.
La Parole de Vie et la mystique chrétienne sont d'une extrême nécessité.
 Communauté
L'homme d'aujourd'hui - malgré les nombreux moyens de communication souffre d'individualisme, d'égoïsme, de solitude jusqu’à parfois fuir dans le
suicide. Une communauté religieuse peut s'ouvrir à la rencontre, au dialogue, à
la recherche du vrai, du bien, du beau. Nous parlons beaucoup de ‘communion’.
Mais qu'est-ce la communion? C’est être conscient de l'autre, c’est vivre
ensemble, avec la conscience d’être ‘appelé ensemble’, d’être ‘appelé par
l'ensemble’. Vivre en communion veut dire que la vocation personnelle, pour
vivre vraiment comme religieux/se, ne peut pas être séparée de nos frères, de
nos sœurs. Nous sommes donnés les uns aux autres pour vivre notre vie
religieuse. Un aspect de notre voyage spirituel est notre vie communautaire.
Nous témoignons ainsi d’un « vivre ensemble » source de paix, de fécondité.
Mais vivre en communauté ne se limite pas aux membres de la communauté au
sens strict. Une communauté ouverte garde les portes ouvertes pour laisser
entrer tous ceux qui en ont besoin, mais aussi pour sortir à la rencontre des
gens, sur les lieux où ils vivent, afin de témoigner et proclamer la Parole. Nous
devons être capables de dialoguer, aussi avec des non-croyants. Pour cela, les
religieux et les religieuses doivent étudier. Pas pour se placer au-dessus et jouer
au professeur, mais pour se mettre aux côtés de l'homme qui cherche la vérité,
la justice, l'amour, Dieu.
 Charisme
“Le visage de l’autre est une question pour moi”, dit Levinas. Chaque
communauté religieuse, selon son charisme, répond à des besoins réels. Nos
fondateurs et nos fondatrices ont reconnu l'appel de Dieu dans des besoins
concrets. Au dix-neuvième siècle, tant de Congrégations, poussées par
l'Évangile, ont vu le jour pour donner des réponses concrètes aux nécessités de
leur temps.
Voilà la différence entre idéal et vocation. L’idéal part de moi-même. C’est moi
qui programme ma vie. Une vocation vient du dehors: une situation, des
personnes concrètes, une inspiration dans la prière, l’étude et la réflexion sont
des possibilités qui portent en elles-mêmes un appel. Un tel appel peut - et en
général c’est ainsi - bouleverser tous mes plans.
Il y a au moins deux engagements qui peuvent permettre une nouvelle
évangélisation. Le premier: découvrir le cœur de son charisme, en pressentir
l’actualité face aux nouvelles pauvretés et ensuite, en programmant des projets
charismatiques concrets, impliquer les laïcs, surtout les jeunes. Les gens sont
généreux lorsqu’ils constatent que d’autres hommes vivent dans des nécessités
extrêmes. La générosité, la charité ouvrent la porte à l’Amour prévenant, à
l’Amour paternel de Dieu
 Conclusion:
Ces trois domaines ne donnent pas seulement des réponses aux nécessités plus
urgentes de notre temps – spiritualité, communion, solidarité - mais ils créent
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aussi un climat de vocation. Cela nous est aussi demandé par les lineamenta: “Il
faut souhaiter que donner sa propre vie dans un projet de vocation ou de
consécration soit source de joie“(17c).
4. Les témoins crédibles
Ce n’est pas sans raison pour nous religieux que parmi les témoins crédibles que les
lineamenta nous présentent comme exemple, presque tous sont des religieux: Saint
Patrick, Saint Boniface, Saint François-Xavier, Saint Damien De Veuster et aussi une
femme, une religieuse: la Bienheureuse Mère Teresa de Calcutta.
Cela veut dire que les religieux et les religieuses, comme par le passé, sont aujourd'hui
aussi directement responsables dans l’évangélisation, dans la nouvelle évangélisation
parce que la nouvelle évangélisation «est surtout un devoir spirituel. C'est une tâche
qui incombe à tout chrétiens appelés à la sainteté». Elle demande que nous sachions
parler les langages de notre temps, annonçant ainsi de l'intérieur les raisons de
l'espérance qui nous anime (22). Cela ne vient pas spontanément. Nous devons étudier,
prier, collaborer, impliquer d’autres que nous. La vie religieuse porte en soi les
possibilités pour créer ces lieux.
5. Conclusion
Je ne sais pas si les religieuses sont interpellées vu que «les Lineamenta» sont envoyés
aux Synodes des Évêques, aux Conférences Episcopales… et à l'Union des Supérieurs
Généraux, mais cela ne nous empêche pas - comme religieuses – d’apporter notre
contribution spirituelle charismatique à la nouvelle évangélisation, parce que plus que
jamais nous devons nous engager ensemble: laïcs, laïques, religieux, religieuses,
prêtres, adultes, personnes du 3e et 4e âges et jeunes, en nous rappelant la parole de
Helder Camara: «Lorsqu’une personne rêve toute seule, son rêve reste un rêve, mais si
nous rêvons ensemble avec d’autres, notre rêve peut devenir réalité».
C’est ce que nous souhaitons, en demandant par l’intercession de Marie que la force de
l’Esprit Saint anime la Nouvelle Evangélisation.
Sr. Lutgardis Craeynest FMA
Présidente UCESM
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