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Chroniques bleues
Euro 2012 : et après ?
mardi 26 juin 2012, par Bruno Colombari
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Petite performance, grosse déception, résultat prévisible, soldes avant inventaire : une fois
tournée la page ukrainienne, quelles perspectives pour les Bleus, avec quels joueurs et quel sélectionneur ?
Quels objectifs à court terme ?
Si l’on se souvient des objectifs de Laurent Blanc depuis le début de l’année, on peut grosso modo en lister deux directement liés à
l’Euro : gagner un match au premier tour et atteindre les quarts de finale. Deux autres, plus anciens, sont le projet de jeu tourné
vers la possession de balle et l’attaque et le changement de l’image du groupe et les comportements individuels.
Les deux premiers ont été atteints. Placés dans un groupe homogène mais jouable (l’Ukraine était probablement la tête de série la
plus faible, mais souvenons-nous que c’était déjà le cas il y a deux ans avec l’Afrique du Sud), les Bleus ont dominé leur sujet face à
l’Angleterre et au pays organisateur, sans réussir à enchaîner deux victoires qui auraient pu changer bien des choses. Et le quart de
finale a été perdu face au champion d’Europe et du monde en titre, rien de déshonorant donc.
C’est sur les deux autres que la déception est la plus grande. La possession de balle et le jeu tourné vers l’attaque ont été appliqués
au premier tour, mais avec des fortunes très diverses, un manque réel de réussite face au but, beaucoup de lenteur dans les
transmissions et globalement de grandes difficultés à déstabiliser des défenses groupées. L’abandon de ce projet ambitieux contre
l’Espagne pour une tactique frileuse et complètement stérile sonnait comme un aveu : les Bleus avaient sans doute l’envie mais pas
les moyens de produire du jeu.
Quant au changement d’image, là aussi l’Euro marque l’échec de Laurent Blanc et de ses adjoints (quelqu’un a-t-il compris à quoi
servait Alain Boghossian ?) à mettre un peu d’ordre dans un groupe composé de joueurs immatures, méprisants et peu portés, c’est
rien de le dire, sur la remise en question. Sur ce point, la leçon de Knysna (et avant elle de l’Euro 2008) n’a pas été retenue. Le plus
rageant est que ce ne sont pas les meneurs de la révolte sud-africaine qui ont fait parler d’eux cette fois-ci, mais ceux qui
découvraient le haut niveau international comme Jérémy Ménez ou Hatem Ben Arfa, voire Yann M’Vila. Samir Nasri s’était pour sa
part déjà illustré en 2008 en Suisse, c’est donc un habitué du genre.
Quelles perspectives à moyen terme ?
Désormais engagée dans les qualifications pour la coupe du monde 2014, l’équipe de France garde toutes ses chances. Dans un
groupe à sa main où l’Espagne semble promise à la première place, la sélection doit devancer la Biélorussie, la Géorgie et la
Finlande, à condition toutefois de faire le plein de points contre ces trois adversaires pour s’ouvrir la voie des barrages. Avec 18
points (six victoires et deux défaites contre l’Espagne) ou 17 points (une défaite et un nul contre la Roja, un autre nul en Biélorussie
et cinq victoires), l’affaire devrait être pliée.
Les matches amicaux très relevés devraient fournir une bonne préparation : avec l’Uruguay en août, l’Italie en novembre et
l’Allemagne en février 2013, les Bleus affronteront trois champions du monde en six mois. On se souvient qu’ils étaient venus à bout
de trois autres (Angleterre, Brésil et Allemagne) entre fin 2010 et début 2012.
Plus que la coupe du monde au Brésil, où un quart de finale semble un objectif jouable, c’est l’Euro 2016 qu’il faut avoir dans le
viseur, d’autant que l’équipe de France sera qualifiée d’office en tant qu’organisateur du tournoi. Définir une base d’équipe ayant 24
ou 25 ans de moyenne d’âge cette année devrait être la priorité du prochain sélectionneur.
Avec quels joueurs ?
Parmi ceux appelés à l’Euro par Laurent Blanc, on peut définir trois groupes.
Ceux qui ont donné plus ou moins satisfaction : Lloris, Debuchy, Clichy, Koscielny, Diarra, Cabaye, Ribéry, Benzema.
Ceux qui ont été peu ou pas utilisés : Giroud, Martin, Valbuena, Matuidi, Mandanda et Carrasso.
Et ceux dont les performances, l’attitude ou les deux ont posé problème : Nasri, Ménez, M’Vila, Malouda, Evra, Mexès, Rami,
Réveillère, Ben Arfa.
Si on garde les membres des deux premières catégories, on arrive à 14 joueurs. A ceux-là, on peut ajouter six autres qui ont joué
dans l’année précédant l’Euro et qui n’avaient pas démérité : Gourcuff, Rémy, Diaby, Sagna, Gonalons et Mathieu, ainsi que YangaMbiwa qui était présélectionné pour l’Euro.
Nous voici à 21. Enfin, dans la perspective de 2016, il serait judicieux d’intégrer progressivement quelques Espoirs qui ont donné
toute satisfaction pendant la saison qui s’achève : Varane, Corchia, Ghoulam, Ahamada, Cabella et Grenier.
Avec ce groupe élargi de 27 joueurs à la moyenne d’âge relativement basse, dans lequel Alou Diarra, Franck Ribéry et Bakary Sagna
pourraient servir de cadres, il peut y avoir moyen de faire quelque chose d’intéressant. Même si on ne voit pas, à l’heure actuelle,
quel joueur pourrait prendre une dimension supérieure sans laquelle l’équipe de France n’a jamais rien gagné.
Et quel sélectionneur ?
Au bout de deux saisons qui s’achèvent comme elles avaient commencé, à savoir par deux défaites aussi frustrantes
qu’inquiétantes, Laurent Blanc ne semble pas avoir beaucoup avancé dans l’opération reconquête engagée par la Fédération. Son
crédit personnel très élevé à sa nomination tenait plus à sa carrière de joueur — exemplaire — qu’à ses talents d’entraîneur : la fin
de saison calamiteuse de Bordeaux début 2010 avait déjà montré les limites du Président quand il s’agissait de gérer un groupe à la
dérive. Sa relative mansuétude envers les internationaux sanctionnés après la coupe du monde et sa grande maladresse dans
l’affaire dite des quotas n’étaient pas non plus des indicateurs rassurants sur sa capacité à faire face à l’ampleur de la tâche.
On peut par ailleurs trouver cohérent que le sélectionneur en place au mois d’août prochain soit celui qui aille jusqu’au bout du
projet, à savoir l’Euro 2016. N’oublions pas qu’en 1984, Michel Hidalgo était en poste depuis huit ans, et qu’en 1998 Aimé Jacquet
entamait sa cinquième année à la tête des Bleus. Changer de sélectionneur fin 2013 (en cas d’échec en phase qualificative) ou
mi-2014 (après la coupe du monde) ne laisserait pas beaucoup de temps à son successeur pour mettre en place une équipe
performante qui n’aura que des matches amicaux à se mettre sous la dent pendant vingt mois.
Autrement dit, soit il faut faire confiance à Laurent Blanc pour les quatre ans à venir (mais on a vu avec Raymond Domenech en
2008 qu’une campagne ratée fragilise gravement le sélectionneur en poste), soit il faut nommer quelqu’un qui s’engage dans la
durée, sans lui mettre une pression excessive pour 2014.
Didier Deschamps pourrait-il être celui-là ? La dernière année à l’OM, les tensions jamais résolues avec le directeur sportif et la
direction du club, les conflits à répétition avec plusieurs joueurs et une conception du jeu bien peu ambitieuse ne plaident pas pour
lui. Rudi Garcia, Arsène Wenger ou René Girard ne semblent pas particulièrement intéressés par le poste alors que des challenges
importants les attendent en club, même si des trois, le Londonien semble être le plus contesté.