Episode 3 – Preacher Man

Transcription

Episode 3 – Preacher Man
CROW JANE - Episode 3 – Preacher Man
Nouvelle de Maxime Brémond
Le vieux corbeau m’a raconté
La triste nuit rouge de sang
La traque jamais terminée
De l’étranger vêtu de blanc
Les chemins serpentaient à l’assaut des collines
Comme une armée sournoise à l’abri des vallons
Ombre dans la pénombre, une forme féline,
Une fille aux yeux noirs et aux cheveux charbon
Crow Jane allait par les sentiers
Des gens au dos courbé montaient en procession
Vers le sommet où se dressait une chapelle
Le crépuscule s’abattait, le ciel de plomb
Grondait des bruits du tonnerre ; dans la vallée
Des cloches sonnaient un appel
Tous, la tête voilée de blanc et les yeux clos
Marchaient en murmurant doucement des cantiques
Jane, en lançant un bref regard au vieux corbeau,
Se glissa parmi eux et prit un air mystique.
L’oiseau suivit le mouvement.
Le vieux corbeau m’a raconté
La triste nuit rouge de sang
La traque jamais terminée
De l’étranger vêtu de blanc
Et la foule parvint au parvis de l’église
Et Jane parmi eux qui les dévisageait
Lorsqu’un homme apparut sous le porche de pierre
Toisa les pèlerins du haut des marches grises
Parla d’une voix douce et claire :
« Frères et soeurs, venez célébrer la venue
Du Sauveur, qui a su vous garder des malheurs
Qui frappent mécréants, déviants, êtres perdus
Il descend parmi vous pour que vous communiez
Veuillez entrer dans sa demeure ! »
Il dit, s’en retourna vers la nef éclairée
Par les faibles lueurs de bougies tremblotantes
Et la foule suivit, laissant Jane méfiante.
Nulle part l’homme en blanc n’aurait pu se cacher
Sans que ce prêtre ne le sache...
Le vieux corbeau m’a raconté
La triste nuit rouge de sang
La traque jamais terminée
De l’étranger vêtu de blanc
Tous avaient disparu au cœur du bâtiment
Mais Jane n’avait plus cœur à perdre du temps
Un bruit d’ailes se fit entendre à son épaule :
Le corbeau avait vu ce qu’elle avait en tête
- Ses doigts caressaient ses gâchettes
Le corbeau, qui n’aimait pas le sang, prit son vol.
Jane alors se jeta au sein du sanctuaire
Interrompit les chants, fit se taire le clerc
Sur elle, tous les visages s’étaient retournés
Jane se figea, horrifiée.
Les membres déformés, les faces mutilées
Ces gens avaient fondu sous la chaleur des flammes
La peur s’était saisie de leurs yeux qui pleuraient
Les larmes de la guerre asséchées dans leurs âmes ;
Jane brandit ses pistolets.
« Qui es-tu, pécheresse, à venir menacer
Les enfants du seigneur ? » cria soudain le prêtre.
« Es-tu de ceux qui veulent nous voir disparaître ?
Viens-tu seule en ce lieu pour nous exterminer ?
Nous, les rescapés de la guerre ? »
Jane restait figée, les pistolets pointés
Sur les horreurs survivantes des missiles
Des champs brûlés, des maisons mortes désertées
Les enfants transformés par les gaz sur les villes
Et mutés par les radiations.
Ils s’étaient réfugiés, parias dans les vallons,
Près du dieu à la croix, esclaves de leur père.
« La guerre couve encore au-delà de nos terres,
Nos voisins nous craignent, et nos ennemis tremblent
Capturez-la pour faire exemple ! »
Le vieux corbeau m’a raconté
La triste nuit rouge de sang
La traque jamais terminée
De l’étranger vêtu de blanc
Les mutants s’élancent sur Jane restée muette
Elle tire une balle au creux du corps d’un homme
Une autre balle atteint un monstre dans la tête
Elle sent quinze bras qui la frôlent, la touchent
Un cri s’échappe de sa bouche
Elle tire encore dans la foule amassée
Autour d’elle ; un monstre s’écroule ; ils la saisissent
Et le corbeau surgit, griffant les bras dressés
Les pistolets tombent sur le sol de l’église
Et les mutants emportent Jane.
Le prêtre s’empare d’un des Smith et Wesson
Tire sur le corbeau, qui tombe sur le marbre.
Dans l’église bientôt, il n’y a plus personne
Et dehors, on accroche un gibet à un arbre
Où les mutants emmènent Jane.
Le vieux corbeau m’a raconté
La triste nuit rouge de sang
La traque jamais terminée
De l’étranger vêtu de blanc
Les humains, quels qu’ils soient,
Des monstres ordinaires
Des parias qui se terrent
Dans la miséricorde
Des foules si dociles
Aux mots de réconfort
Des bêtes immobiles
Dans leurs abris fermés
Protégés, isolés,
Sont tous, en quelque sorte
Des animaux blessés
Dont l’espérance est morte
Avec l’humanité.
Lecteur, reste encore avec moi
Tu sauras ce que devient Crow Jane.
Si ce conte ne te plaît pas
Passe ton chemin sans grand-peine.

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