Effet de la relecture d`un texte d`aide en L1 sur la compréhension et la

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Effet de la relecture d`un texte d`aide en L1 sur la compréhension et la
République Algérienne Démocratique et Populaire
Ministère de L'enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique
Centre Universitaire Mustapha Stambouli - Mascara Institut des Lettres et des Langues
Département de français
École doctorale de français en Algérie
Magistère de français
Option : didactique
Effet de la relecture d'un texte d'aide en L1 sur la compréhension et la
réécriture d'un texte explicatif en L2 en contexte plurilingue
Mémoire présenté par
Fatima Zohra Benaïcha
Jury
MC. Fatima Zohra LALAOUI
Université d'Oran
Présidente
Pr. Denis LEGROS
Université Paris VIII
Directeur de mémoire
MC. Aïcha BENAMAR
Université d'Oran
Examinatrice
Pr. Hadj MILIANI
Université de Mostaganem Examinateur
Année universitaire 2007/2008
REMERCIEMENTS
En premier lieu, je tiens à remercier très profondément le professeur Denis
Legros, mon directeur de recherche, dont la complicité, essentielle à chaque
étape de ce travail, son soutien inestimable et sa générosité ont été fondamentaux
pour la réalisation de cette recherche.
Mes sincères remerciements à Mme Aïcha Benamar, ma co-directrice,
pour sa confiance et ses encouragements.
Je souhaite vivement remercier les membres du jury pour l'honneur qu'ils
me font en participants à cette soutenance.
Merci aux élèves qui ont accepté de participer à l'expérience. Je les
remercie surtout de leur diligence et de leur patience.
Je voudrais remercier Mme Mounia Sebane, dont les aides et les
encouragements m'ont été essentiels pour trouver la force de surmonter les
moments éprouvants de ce parcours.
Finalement, à mon père, ma mère et mes sœurs, à qui je dois beaucoup
pour leur affection. Ils m'ont accompagné dans ce travail avec force et tendresse.
SOMMAIRE
INTRODUCTION ........................................................................................... 9
PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE
Chapitre 1 ........................................................................................................ 18
Approche cognitive de la compréhension de textes
Chapitre 2 ........................................................................................................ 32
Compréhension de textes explicatifs/documentaires et systèmes d'aides en
contexte plurilingue
Chapitre 3 ........................................................................................................ 44
De la compréhension à la production : Approche cognitive de la production
de textes
Chapitre 4 ........................................................................................................ 55
Modèles de production en contexte plurilingue et pluriculturel et systèmes
d'aides à la réécriture en langue L2
DEUXIEME PARTIE : EXPÉRIMENTATION
Chapitre 5 ........................................................................................................ 62
Cadre général de l’expérimentation
Chapitre 6 ....................................................................................................... 72
Expérience : Etude de l'effet des questionnaires de type Macro/micro vs
modèle de situation sur le retraitement des informations au cours de la
compréhension d'un texte explicatif/documentaire, et de l'effet de la
relecture en langue maternelle sur la replanification et la réécriture du
rappel en langue L2 (français)
CONCLUSION GÉNÉRALE : BILAN ET PERSPECTIVES .................. 133
4
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION ................................................................................................ 9
PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE
Chapitre 1. Approche cognitive de la compréhension de textes ....................... 18
1.1 Modèles de Kintsch et Van Dijk (1978), Van Dijk et Kintsch (1983) .............. 18
1.2 Modèle de situation dans la modélisation de Van Dijk et Kintsch (1983) ........ 26
1.3 Modèle de Construction-Intégration de Kintsch (1988 ; 1998) ........................ 28
En résumé ................................................................................................................ 31
Chapitre 2. Compréhension de textes explicatifs/documentaires et systèmes
d'aides en contexte plurilingue ............................................................................. 32
2.1 Complexité des textes explicatifs/scientifiques ............................................... 32
2.2
Activité
inférentielle
dans
la
compréhension
des
textes
explicatifs/documentaires ....................................................................................... 35
2.3 Trois types d'aides à la compréhension des textes documentaires .................... 39
2.3.1 Aides au traitement des unités de la signification de la « surface du texte ».. 40
2.3.2 Aides au traitement des unités de signification de la « base de texte » .......... 41
2.3.3 Aides au traitement des unités de signification du « modèle de situation »
du texte ................................................................................................................... 42
En résumé ................................................................................................................ 43
Chapitre 3. De la compréhension à la production : Approche cognitive de
la production des textes ........................................................................................ 44
3.1 Modèle princeps de la production de textes de Hayes et Flower (1980) ........... 44
3.1.1 Présentation du modèle .................................................................................. 44
3.1.2 Limites du modèle de Hayes et Flower (1980) .............................................. 47
3.2 Rôle de la mémoire de travail dans la rédaction ............................................... 48
3.2.1 Mémoire de travail dans le modèle de Kellogg (1996)................................... 48
3.3 Modèles liés au développement de l'activité rédactionnelle ............................. 50
3.3.1 Travaux de Bereiter et Scardamalia (1987) ................................................... 50
En résumé ................................................................................................................ 53
5
Chapitre 4. Modèles de production en contexte plurilingue et pluriculturel
et systèmes d'aides à la réécriture en langue L2 ................................................ 55
4.1 Production de textes explicatifs en contexte plurilingue et pluriculturel........... 55
4.2 Aides textuelles à la production d'un texte explicatif en contexte plurilingue .. 57
4.3 Relecture d'un texte en langue maternelle (L1) ............................................... 58
En résumé ............................................................................................................... 60
DEUXIEME PARTIE : EXPÉRIMENTATION
Chapitre 5. Cadre général de l’expérimentation .............................................. 62
5.1 Choix du matériel expérimental ....................................................................... 64
5.2 Procédure expérimentale et consignes ............................................................. 67
5.2.1 Présentation des questionnaires .................................................................... 67
5.2.2 Activités de lecture et de relecture ................................................................ 67
5.2.3 Tâches de rappel (rappel R1 vs rappel R2) ................................................... 68
5.2.4 Participants .................................................................................................... 68
5.3 Tâches et conditions expérimentales ................................................................ 69
5.4 Méthode d'analyse des productions : l'analyse propositionnelle ...................... 70
En résumé ............................................................................................................... 71
Chapitre 6. Expérience : Etude de l'effet des questionnaires de type
Macro/micro vs modèle de situation sur le retraitement des informations au
cours de la compréhension d'un texte explicatif/documentaire, et de l'effet
de la relecture en langue maternelle sur la replanification et la réécriture
du rappel en langue L2 (français) ........................................................................ 72
6.1 Objectifs de l'expérience .................................................................................. 72
6.2 Cadre théorique de l'expérimentation ............................................................... 74
6.2.1 Rôle du contexte ............................................................................................ 74
6.2.2 Rôle de la langue maternelle (L1) dans la compréhension et la production
en langue étrangère (L2) ........................................................................................ 76
6.2.3 Rôle de l'activité inférentielle dans la compréhension du texte explicatif en
français langue L2 chez les élèves en contexte plurilingue .................................... 82
6.2.4 Propositions ajoutées de type T1 (Base de texte) et T2 (modèle de
situation) comme traces des processus cognitifs de l'activité de replanification et
de réécriture ............................................................................................................ 86
6
6.3 Hypothèses de recherche et prédictions ........................................................... 89
6.4 Méthode ............................................................................................................ 100
6.4.1 Participants .................................................................................................... 100
6.4.2 Matériel ......................................................................................................... 100
6.4.3 Procédure expérimentale et consignes .......................................................... 100
6.4.4 Analyse et unités d'analyse (variables dépendantes) .................................... 104
6.5 Présentation des principaux résultats ................................................................. 106
6.6 Interprétation .................................................................................................... 117
6.7 Discussion et conclusion .................................................................................. 129
En résumé ............................................................................................................... 132
CONCLUSION GÉNÉRALE : BILAN ET PERSPECTIVES ......................... 133
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ........................................................... 139
ANNEXES ...................................................................................................... 150
Annexe I. Questionnaire (initial et final) « Le réchauffement climatique » . 151
Annexe II. Texte d'aide en langue française (L2) « A propos du réchauffement
climatique : des causes et de grandes conséquences » ..................................... 152
Annexe III. Texte d'aide traduit en langue arabe (L1) .................................... 154
7
LISTE DES FIGURES
Figure 1. Niveau de pertinence des propositions selon les groupes .............. 107
Figure 2. Différence entre les propositions (très pertinentes et
moyennement pertinentes) selon les groupes ................................ 107
Figure 3. Niveau de pertinence des propositions en fonction du niveau
de connaissance en L2 selon les groupes ...................................... 109
Figure 4. Niveau de pertinence d'ajouts en fonction des groupes .................. 110
Figure 5. Différence entre les types d'ajouts (issus de la base de texte vs
issus du modèle mental) en fonction des groupes ......................... 111
Figure 6. Types d'ajouts en fonction du niveau de pertinence des
propositions ajoutées ..................................................................... 112
Figure 7. Types d'ajouts (base de texte vs modèle mental) en fonction de
la langue utilisée selon les groupes ................................................ 113
Figure 8. Niveau de pertinence des ajouts en fonction du niveau de
connaissance en L2 selon les groupes ........................................... 114
Figure 9. Niveau de pertinence des informations ajoutées au
questionnaire final selon les groupes ............................................. 115
Figure 10. Propositions ajoutées au questionnaire final en fonction des
groupes ........................................................................................... 116
8
INTRODUCTION
Depuis les années soixante-dix, la compréhension et la production écrite
constituent des champs de recherches majeurs dans les domaines de la
didactique du français et de la didactique de l'écrit, notamment sous l'influence
de la psychologie cognitive et de la psycholinguistique textuelle qui privilégient
l'étude des processus cognitifs. L’étude de ces mécanismes est incontournable si
l’on veut adapter la recherche didactique et la réflexion pédagogique au
fonctionnement cognitif des apprenants. En effet, la didactique de la production
de l'écrit a beaucoup à gagner en s’appuyant sur les recherches conduites en
psychologie cognitive du traitement du texte.
Grâce aux apports de la psychologie cognitive qui permet de comprendre
le fonctionnement cognitif de l’élève, la didactique peut contribuer à modifier
les pratiques pédagogiques. Elle peut concevoir des activités qui favorisent par
exemple l’activation des connaissances sous-jacentes nécessaires à la mise en
mots d'un texte. Les résultats de ces travaux de recherche commencent à
influencer les milieux didactiques et entraînent de profondes modifications des
pratiques pédagogiques en classe.
Notons ainsi, que la psychologie cognitive du traitement textuel permet
de favoriser la conception de stratégies à mettre en place pour développer de
façon efficace les compétences en rédaction et développer des procédures qui
conduisent l'élève à produire des textes. Néanmoins, nous observons que
l'activité cognitive de la compréhension et de la rédaction de textes n'a pas,
jusqu'aux années quatre vingt, fait l'objet de travaux qui se rattachent aux
modèles classiques de la cognition. Cependant, sur le plan didactique, l'activité
de lecture en classe de L2 (langue étrangère) constituait un champ de réflexion
et d'expérimentation considérable.
Avec l'émergence de nouveaux besoins d'ordre linguistique et de
nouvelles difficultés spécifiques en français pour les élèves, la didactique de
l'écrit a connu un renouvellement conséquent avec la prise en compte du
contexte bilingue ou plurilingue des apprenants. En effet, au moment où l'élève
lit un texte en français, des informations nouvelles apparaissent, ce qui l’oblige à
9
établir un lien entre les connaissances construites dans sa langue maternelle,
stockées en mémoire et les connaissances activées lors du traitement des
informations en français langue étrangère. Les recherches conduites dans le
domaine de la didactique du français du FLE et en FLE ont tenté de proposer des
directions
pédagogiques
susceptibles
d’améliorer
la
construction
des
compétences en compréhension et en production de textes en langue L2
(Bertucci, 2007 ; Miled, 2007).
Cependant les travaux menés dans le domaine de l’apprentissage en
contexte plurilingue ont montré que l’efficacité des réformes ne peut se
concevoir sans la prise en compte des résultats des travaux conduits en
psychologie de l’apprentissage et, plus précisément, en psychologie cognitive du
traitement du texte. Ces recherches constituent une révolution paradigmatique
indispensable à la refondation de la didactique à l’ère du numérique et dans le
contexte de la mondialisation de la formation (Legros, 2005).
La dynamique de l'apprentissage dans la construction d'une signification
de textes assure le développement cognitif de l'apprenant sans mettre en retrait
son environnement socioculturel. Les nombreuses recherches conduites par
l’équipe « TICE, Contextes, Langages et Cognition »1 ont mis en évidence
l’effet positif de la prise en compte de la langue maternelle L1 sur l'activation
des connaissances mises en œuvre dans la compréhension et la production en
langue étrangère L2. De cette façon, les lacunes linguistiques de l'élève sont plus
facilement surmontées grâce, par exemple, aux activités favorisant le
développement des capacités à activer les inférences nécessaires à la
construction de la cohérence de la signification du texte.
De nombreuses générations d’enseignants témoignent que la production
écrite est une tâche difficile pour le scripteur. C'est une activité permanente tout
au long du processus d'apprentissage. Précisons, qu'elle implique d'abord un
traitement de la surface textuelle des propositions à produire (aspects lexicaux,
morphologiques et syntaxiques). Ensuite, elle nécessite une mobilisation de
connaissances sur le thème du texte, afin de construire de façon cohérente les
1
http://classe-numerique.cite-sciences.fr/numeral/textes/
10
composants de la microstructure et de la macrostructure textuelles, en fonction
des structures rhétoriques du texte.
Bien plus, il faut tenir compte dans cette activité rédactionnelle des
facteurs comme l'âge, le niveau scolaire, les connaissances qui interviennent
dans l’activité de production, les connaissances sur le domaine évoquées par le
contenu textuel et les connaissances linguistiques.
La présente recherche s'appuie sur les travaux réalisés en psychologie
cognitive. Plus précisément, sur ceux qui ont traité de l'activité de
compréhension et de production en langue seconde et/ou étrangère en contexte
plurilingue, mettant en œuvre le fonctionnement cognitif de l'élève (Cordier,
Legros & Hoareau, 2005 ; Hoareau & Legros, 2005a ; 2005b). Nous tenterons
pour ces deux activités nécessaires à la réussite des élèves de concevoir des
aides didactiques plus efficaces visant à activer les processus cognitifs
permettant le transfert en L2 des connaissances antérieures développées en L1.
Ces connaissances contribuent ainsi à l’élaboration de la cohérence du contenu
sémantique du texte.
Cette recherche, conduite avec des élèves de deuxième année de cours
secondaire, âgés de 15 à 20 ans, s’inscrit dans les perspectives et les
développements d’un projet du programme TCAN-CNRS2 qui vise à recueillir
des données dans des contextes linguistiques et culturels divers. Ce projet se
rapporte à l'élaboration de façon interdisciplinaire et avec un même modèle de
référence des aides et des systèmes d’aide à l’apprentissage en L2 en contextes
plurilingues (Legros, Hoareau, Boudechiche, Makhlouf & Gabsi, 2007).
Les élèves de filière littéraire impliqués dans notre recherche éprouvent
des difficultés lors de la compréhension et de la production des textes
explicatifs/documentaires. Ce type de texte véhicule en effet des informations
étrangères au contexte linguistique et culturel de ces élèves. Il est plus difficile à
traiter que le texte narratif en raison des difficultés pour le lecteur d'opérer les
inférences nécessaires dans un domaine de connaissances moins disponible ou
peu familier du lecteur (Marin, Crinon, Legros & Avel, 2007).
2
http://www.dr4.cnrs.fr/tcan/tcan/documents/appel2004/Rapports/RapportFinal_Legros.doc
11
De plus, même si l'élève parvient au cours de l'activité de planification à
activer les connaissances nécessaires à la mise en mots, celui-ci éprouve des
difficultés supplémentaires à verbaliser ses connaissances. En effet, il doit
maîtriser non seulement le contenu sémantique du texte, mais aussi l’activité de
traitement du niveau de la surface textuelle en L2. Or, les connaissances
lexicales, orthographiques et syntaxiques sont souvent insuffisantes (Van Dijk &
Kintsch, 1983).
Ce travail permet d'identifier les types de stratégies dans lesquelles
s’engagent les élèves, et ainsi de contribuer à la mise en œuvre d’une didactique
de la compréhension de texte en L2 en contexte plurilingue. Il conduit à la
conception d’aides à l’apprentissage en FLE. C’est pourquoi l’analyse et la
validation d’un type d'aide à la compréhension et à la production de textes
explicatifs/scientifiques constituent l’objet de notre recherche.
Nous allons nous interroger donc sur le rôle important de la langue
maternelle (L1, arabe) dans l’activation des connaissances construites dans cette
langue. Les données expérimentales nous permettent de concevoir des aides en
langue maternelle sur la compréhension et la production écrite en français
langue étrangère L2.
Notre objectif, par la prise en compte du contexte linguistique des élèves,
est d'étudier l'effet de l'utilisation de la langue maternelle (L1, arabe), lors de la
relecture d’un texte d'aide explicatif/documentaire sur la réécriture du rappel du
premier texte et, par hypothèse sur la compréhension de son contenu sémantique
en français langue étrangère (L2).
La démarche expérimentale de ce travail consiste à analyser les
informations ajoutées non seulement au texte source et au premier rappel du texte
explicatif/documentaire, mais aussi au questionnaire final. Ce qui permet
d'expliquer par la suite le résultat de l'activité inférentielle. Il s'agit en effet, de
comprendre comment l'élève réécrit son premier texte explicatif en prenant en
compte le contenu informationnel du texte d'aide (texte source), la complexité
des liens de causalité qui l'organisent et ses connaissances antérieures. Le corpus
est donc constitué des textes résultant de deux tâches de production d'un texte
12
explicatif (écriture et réécriture) en langue L2 (français) et des réponses à deux
questionnaires de connaissances encyclopédiques (initial et final).
À partir de l'analyse des activités proposées au cours de l'expérience, nous
faisons pour notre part l'hypothèse générale, selon laquelle l'utilisation de la
langue maternelle (L1, arabe) dans des aides textuelles pour le groupe G1,
facilitera la réactivation des connaissances déjà construites dans le contexte
linguistique et culturel de ces lecteurs lors de la lecture/compréhension. Sur le
plan des activités de production écrite en langue étrangère (L2, français), nous
formulons l'hypothèse que la relecture en langue L1 exercera un effet important
sur la (re)planification et la réécriture d'un texte explicatif en langue L2. Nous
supposons que l'élève réactive et réorganise les connaissances au cours de la
relecture et la réécriture. Il arrivera ainsi à (re)planifier ses connaissances avant
de les verbaliser en fonction des informations fournies par le texte d'aide à la
réécriture en langue L2.
Le cadre théorique comprend quatre chapitres qui représentent une
synthèse des travaux antérieurs sur la compréhension et la production de textes.
Ces travaux situent les objectifs de notre expérimentation.
Le premier chapitre présentera les principaux modèles de compréhension
de textes (Kintsch & Van Dijk, 1978). Ils rendent compte de la façon dont les
lecteurs construisent progressivement la cohérence locale et globale du texte,
résultant de l'intégration d'informations véhiculées par le texte aux connaissances
générales et personnelles du lecteur. La description de ces modèles permettra
d'expliquer la nature des processus cognitifs qui facilitent aux lecteurs d'accéder
aux informations pertinentes au cours de l'activité de compréhension.
Le « modèle de situation » de Van Dijk et Kintsch (1983) et le modèle «
Construction-Intégration » de Kintsch (1988 ; 1998) seront discutés afin de
montrer l'importance fondamentale de l'interaction entre les processus
linguistiques et l'activation de connaissances des individus, variables selon leurs
contextes linguistiques et culturels. Cette interaction est caractérisée par
l'intégration de nouvelles informations favorisant la compréhension effective d'un
texte.
13
Sur les bases de données théoriques fournies dans le premier chapitre,
seront introduits les autres chapitres. Précisément, dans le deuxième chapitre,
nous nous intéresserons à la compréhension de textes explicatifs/documentaires
en L2. Puis, nous fournirons quelques exemples de systèmes d'aides en contexte
plurilingue. Or, le texte explicatif constitue notre point d'intérêt, étant donné qu'il
forme
le
matériel
didactique/expérimental
utilisé
dans
les
activités
d'apprentissage proposées aux participants.
En effet, nous expliquerons pourquoi le texte explicatif/documentaire est
plus difficile à comprendre que le texte narratif. C’est en raison des difficultés
qui se situent à la fois au niveau de la surface textuelle et de son contenu
sémantique. Ensuite, l'activité inférentielle qui joue un rôle essentiel dans le
traitement du texte sera présentée, ainsi que les facteurs qui influencent la
génération d'inférence au cours de l'activité de compréhension de textes
explicatifs. Il est plus difficile pour un élève de lire un texte explicatif ou
scientifique qui développe des savoirs sur le monde, « Les causes et
conséquences du réchauffement climatique » du moment qu'il doit inférer les
connaissances absentes du texte, mais évoquées par son contenu au cours de la
lecture.
Ce même chapitre nous conduira à nous interroger sur les types d'aides à
la compréhension de textes documentaires. Ces aides textuelles facilitent la
construction de la cohérence de la signification du texte et du domaine évoqué
par le texte. Elles contribuent au développement d'une didactique du texte et de
l'apprentissage des connaissances textuelles qui s'appuient sur le fonctionnement
cognitif de l'apprenant.
Dans le troisième chapitre, des modèles seront discutés comme autant de
pistes théoriques potentielles à l'explication des processus cognitifs intervenant
lors de la production des textes. Dans un premier temps, sera présenté le modèle
princeps de la production verbale écrite de Hayes et Flower (1980). Ce modèle
est élaboré à partir de l'étude des protocoles verbaux des rédacteurs experts. Il
décrit les processus cognitifs de l'activité rédactionnelle, à savoir le processus de
planification, le processus de mise en texte et le processus de révision. Ainsi,
14
nous présentons ses caractéristiques et les modifications apportées par Berninger
et Swanson (1994) et Hayes (1996).
Nous discuterons succinctement le modèle de Kellogg (1996). Ce nouveau
cadre théorique s'est donné pour objectif de préciser le rôle de la mémoire de
travail en production de textes chez l'adulte. Enfin, nous chercherons plus
particulièrement à expliquer les deux modélisations de Bereiter et Scardamalia
(1987), utilisées par des rédacteurs novices et experts. Ce modèle est relatif à la «
stratégie des connaissances racontées » (Knowledge Telling Strategy), et à la «
stratégie des connaissances transformées » (Knowledge Transforming Strategy).
Ces auteurs décrivent les stratégies d'utilisation des connaissances en fonction du
type de traitement effectué par des rédacteurs jeunes et/ou adultes.
Le quatrième chapitre qui se focalise sur la prise en compte du contexte
plurilingue et pluriculturel dans le processus de production de textes explicatifs,
montrera l'importance des connaissances générales et spécifiques du rédacteur
façonnées dans son contexte linguistique et culturel (Hoareau & Legros, 2005a ;
2006 ; Van Dijk, 1999). Les connaissances antérieures construites dans la langue
maternelle et le milieu culturel de l'élève favorisent le traitement inférentiel
nécessaire à la « textualisation » des informations récupérées en mémoire.
Dans le cadre des aides à l'activité de réécriture de textes
explicatifs/documentaires en langue L2, nous discuterons le rôle de la relecture
en langue maternelle afin de montrer son effet sur l’activation des connaissances
lors de la production écrite en langue L2. Les aides textuelles à la réécriture
présentées dériveront un ensemble d'activités visant le développement des
compétences qui sont transposables de la compréhension à la production. Pour
cela, nous étudierons la réécriture comme le produit du retraitement du premier
texte (1er jet). Nous nous appuierons sur les recherches menées sur les aides à la
réécriture comme celles de Legros (2003 ; 2007 ; 2008) afin de mieux analyser
l'effet de ces aides sur la production d'un texte explicatif en langue L2.
La partie expérimentale présente l’expérience que nous avons conduite
dans le but d'évaluer et d'analyser l'effet de l'utilisation de la langue arabe (L1)
dans des aides textuelles à la compréhension et à la réécriture d'un texte
explicatif/documentaire en français langue étrangère (L2). Elle est composée de
15
deux chapitres. Dans le cinquième chapitre, nous décrivons la méthodologie
générale de la recherche : les participants, le choix du matériel expérimental, les
conditions expérimentales, la procédure, les consignes et la méthode d'analyse
des productions des élèves qui sera basée sur l'analyse propositionnelle.
Dans le sixième chapitre, nous exposerons en détail l'expérience. Notre
objectif consiste à vérifier l'hypothèse émise au cours des activités menées en
classe par des élèves de deuxième année secondaire. Rappelons, que cette
expérimentation repose essentiellement sur l'hypothèse selon laquelle la relecture
d'un texte d'aide documentaire en langue arabe (maternelle, L1) favorisera
l'activation des connaissances antérieures nécessaires à la compréhension et à la
réécriture du premier rappel du texte explicatif en langue française (étrangère,
L2).
L'effet de la langue maternelle a été analysé à partir des données
recueillies auprès de 40 lycéens du même niveau scolaire. Dans ce chapitre, nous
nous sommes appuyés sur quelques travaux portant sur le rôle de la langue
maternelle au cours de la compréhension et de la production de textes
scientifiques en langue seconde et étrangère. Une place importance est consacrée,
d'un côté, à l'analyse des productions et aux réponses aux questionnaires, d'un
autre côté, à l'interprétation des résultats. Nous proposons également une
discussion des résultats obtenus.
Pour conclure, nous présentons un bilan de notre recherche. Des
perspectives didactiques et scientifiques seront aussi exposées. À la fin de ce
volume (I) figure une pochette d'annexes intégrant un questionnaire de
connaissance (initial et final), un texte explicatif et l'ensemble des productions
des participants, volume (II).
16
PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE
17
Chapitre 1. Approche cognitive de la compréhension de textes
1.1 Modèles de Kintsch et Van Dijk (1978), Van Dijk et Kintsch (1983)
Chaque texte offre au lecteur un ensemble d'informations. L'assimilation
de nouvelles connaissances nécessite la mise en relation de trois éléments, à
savoir les données textuelles, la tâche à accomplir et les connaissances
individuelles. Les informations apportées par le texte sont traitées et transformées
en fonction des connaissances déjà stockées en mémoire et activées par le lecteur
au cours de la lecture. En activant des connaissances préconstruites, ou des
modèles mentaux, le lecteur met en fonctionnement ce que Fayol (1991) appelle
la « base de connaissance » dans l’activité cognitive de compréhension. En effet,
les textes proposés aux lecteurs favorisent l'activation des informations non
explicitées dans le texte. Ils favorisent aux lecteurs la construction des
connaissances (McNamara & Kintsch, 1996).
Pour comprendre, l'élève élabore une représentation du contenu
sémantique du texte tout au long de la lecture. En effet, il construit une
représentation sémantique du texte qui n'est pas figurée dans le texte, mais
présente dans sa tête. Par voie de conséquence, la compréhension vue comme
une activité mentale achevée consiste à construire une représentation cohérente
de la signification.
Par ailleurs, la signification globale d'un texte (macrostructure) nécessite
la mise en cohérence des différents éléments du texte (microstructure) pour
élaborer la cohérence de l'ensemble. La construction de la cohérence de la
signification est fortement liée à l'activation des connaissances générales et
spécifiques du monde évoqué par le contenu du texte. En d'autres termes, le
lecteur doit faire des inférences pour élaborer cette cohérence et donc parvenir à
une meilleure compréhension.
La capacité à construire la cohérence locale et globale du texte s'acquiert
par l'adaptation d'un apprentissage explicite de la compréhension. Ainsi, il s'agit
de montrer à l'élève comment identifier les mots, comment analyser les structures
syntaxiques et sémantiques, comment sélectionner l'information pertinente,
18
comment construire activement la signification textuelle. C'est à partir du sens
que le lecteur construit la signification globale du texte.
Cela nous conduit à signaler que la compréhension d'un texte ne consiste
pas en une simple projection des structures textuelles dans l'esprit du lecteur
(Legros, 1988, p.198). De telle façon que le lecteur perçoit d'abord les
informations apportées par le texte pour intégrer ensuite ces nouvelles
informations à ses propres connaissances. D'où la nécessité de mettre en
combinaison le système de connaissances/croyances du lecteur et le texte, dont la
structure et le contenu sémantique résultent du milieu culturel duquel il émane
(Legros & Maître Pembroke, 2002).
L'activité de compréhension ne peut pas être directement extraite de la
structure de surface, mais elle est toujours le résultat d'une construction et d'une
interprétation du lecteur. Pour lui, le texte est un support formé d'une suite de
propositions à partir de laquelle s'élabore la signification globale. D'autant plus
que les informations issues du texte n'ont pas pour lui la même importance. Ce
qui explique que la variabilité dans la compréhension d'un même texte dépend de
plusieurs facteurs telles que l'origine culturelle du lecteur, ses motivations, ses
connaissances/croyances et la valeur affective de l'information (Legros, 1988).
Construire donc une signification dépend en grande partie des connaissances
antérieures du lecteur et des connaissances élaborées dans sa langue et sa culture.
La compréhension nécessite ainsi l'établissement d'une interaction entre,
d'un côté, l'élève, possédant au préalable une série variables de connaissances en
fonction des représentations construites au fil des expériences et des
apprentissages précédents et, d'un autre côté le contenu du texte afin de
construire un nouveau texte lorsqu'on lui demande de faire un rappel. En
l'occurrence, la compréhension s'appuierait non seulement sur de nouvelles
relations entre diverses connaissances, mais aussi sur les processus qui
interviennent au cours de la lecture.
La construction de la signification prend en compte à la fois les
connaissances activées et les processus mis en œuvre dans l'élaboration de ces
connaissances au cours des tâches de lecture, de compréhension et de production
d'écrits. L'importance de la construction de la signification réside dans
19
l'appréhension du fonctionnement cognitif de l'apprenant dans ces tâches. C'est
pourquoi, les méthodes de recherches utilisées ne se contentent donc plus
d'analyser la représentation activée ou construite et mise en mots (méthode off
line), mais les processus de construction de ces représentations (méthode on line)
(Jamet, 2006).
Le processus de lecture/compréhension nécessite l'établissement d'une
connexion d'une part, entre les informations linguistiques et sémantiques
véhiculées par le texte et d’autre part, les connaissances préconstruites et
récupérées en mémoire. La réussite de cette interaction n'est possible que par la
mise en œuvre de l’activité de construction d'une représentation mentale lors de
la lecture.
Pour étudier la représentation mentale, il est primordial de dire que
l'apprenant construit trois niveaux de représentation du texte et de son contenu :
un « niveau de surface » exprimant les informations lexicales et syntaxiques, un
« niveau sémantique » représentant à la fois la signification locale et globale des
phrases et du texte, et un « niveau situationnel », englobant les connaissances
antérieures évoquées par le texte, ainsi que les aspects contextuels de la situation
de lecture (Legros & Marin, 2008). Nous précisons que le niveau situationnel se
caractérise par l'intégration des connaissances du lecteur aux informations
fournies par le texte. C'est le niveau de représentation le plus élaboré.
Au moment où le lecteur interprète les informations issues du texte, il fait
intervenir son système de connaissances/croyances. En d'autres termes, il met en
évidence la façon dont il représente le monde et non pas uniquement ses
connaissances sur le monde. La signification qu'un individu établit entre une
connaissance, c'est-à-dire une représentation qu'il pense être vraie et une
croyance, c'est-à-dire une représentation qu'il ne peut estimer quant à sa valeur de
vérité affecte les activités d’apprentissage et le traitement cognitif des textes
(Legros & Baudet, 1997, voir Legros & Marin, 2008).
Ce qu'il faut retenir de ces données réside dans l'importance accordée à la
construction de la signification textuelle. Cette activité cognitive complexe met
en œuvre les connaissances initiales du lecteur, ses buts et le type de texte traité
pour pouvoir l'aborder en vue d'une compréhension et/ou d'une production d'un
20
nouveau texte lors d’un rappel ou d’un questionnaire sur le contenu du texte, à
titre d'exemple. Ces considérations nous conduisent à avancer que le lecteurcompreneur modifie ses représentations antérieures pour qu'il puisse établir de
nouvelles relations entre les connaissances. En effet, les connaissances
antérieures permettent de comprendre le traitement des nouvelles données et la
façon dont sont réinvesties les informations lues dans le texte.
Plusieurs modèles théoriques sur la compréhension se sont développés
durant les quinze dernières années permettant d'avoir une meilleure connaissance
des processus intervenant lors de cette activité mentale complexe. Nous y
évoquerons succinctement le modèle de Kintsch et Van Dijk (1978) et son
prolongement (1983 ; 1988) qui nous intéressent dans les limites de notre travail
et qui nous paraissent complémentaires.
Nous présentons en effet une rapide synthèse des principales composantes
du modèle de Van Dijk et Kintsch (1983), en insistant sur les mécanismes de la
compréhension de textes (Kintsch & Van Dijk, 1978) et la prise en compte des
connaissances antérieures du lecteur, à travers la notion de « modèle de situation
» proposée par Van Dijk et Kintsch (1983). Puis, nous essayerons de mettre en
évidence d'autres données aussi nécessaires pour expliquer les mécanismes de la
compréhension que Kintsch regroupe dans le modèle de « ConstructionIntégration » (1988 ; 1998).
Dans le modèle procédural de Kintsch et Van Dijk (1978), le lecteur
sélectionne dans un premier temps des informations au détriment d'autres jugées
moins importantes et/ou pertinentes, puis il les hiérarchise en fonction du thème
général du texte. L'ensemble de ces informations est agencé et coordonné afin de
construire la cohérence locale et globale du texte. La construction de cette
cohérence correspond respectivement à la microstructure et à la macrostructure.
L'élaboration de ces deux niveaux constitue un aspect central du processus de
compréhension. Elle représente le résultat de la capacité des lecteurs à mettre en
relation les éléments véhiculés par le contenu du texte.
À l'opposé du traitement de la microstructure qui sert à effectuer des liens
entre chacune des phrases ou des propositions du texte en respectant le principe
de cohérence, le traitement de la macrostructure gère les informations
21
importantes et assure la cohérence de l'ensemble. En somme, la compréhension
d'un texte selon Kintsch et Van Dijk (1978) repose sur la construction d'une «
base de texte » cohérente.
D'une manière précise, il existe trois processus complexes qui
interviennent lors du traitement de l'information. Ils sont considérés comme très
importants pour construire la signification globale : la sélection, la
hiérarchisation des informations en fonction de leur niveau d’importance relative
et la mise en cohérence de ces informations (Kintsch & Van Dijk, 1978 in
Denhière, 1984).
La sélection
Ce processus permet au lecteur de prendre en compte certaines
informations et d'en délaisser d'autres. Conformément au but de la lecture, l'élève
ne sélectionne que les propositions importantes et/ou pertinentes, car il ne peut
pas mémoriser toutes les informations contenues dans le texte.
La hiérarchisation
Après avoir effectué une sélection, certaines informations portant sur le
thème général du texte dominent, tandis que d'autres restent secondaires. Cela
résulte du processus de hiérarchisation. Il peut varier en fonction des
connaissances du lecteur, de sa culture et de son origine. En organisant les
informations, on peut augmenter la probabilité de les retenir. C'est-à-dire que
pour devenir permanentes, les connaissances doivent être organisées.
La cohérence
Le lecteur organise les informations déjà sélectionnées et hiérarchisées
selon l'objectif de la lecture. L'élève qui tente de comprendre un texte, doit
construire une signification cohérente qui dépend de sa capacité à interpréter le
contenu du texte et de la représentation de la causalité telle qu'elle est édifiée
dans sa tête.
Pour construire la cohérence de la représentation des informations
textuelles, deux niveaux de cohérence s'opèrent : la microstructure (la cohérence
locale). Elle présente un niveau sur lequel la signification est basée sur les
informations qui se rattachent aux propositions du texte. D'une autre manière, la
microstructure représente une structure de signification d'une information locale.
22
Elle conduit à la construction des propositions sémantiques du contenu du texte.
Tout simplement, c'est la liste des propositions qui composent le texte et qui
nécessitent d'être reliées les unes aux autres.
En revanche, la macrostructure (la cohérence globale) correspond à une
structure globale de la signification d'un texte. Elle désigne les propositions
majeures et générales du texte à travers lesquelles l'élève peut organiser et
hiérarchiser les informations dominantes, en s'appuyant sur les propositions du
contenu textuel afin de constituer une représentation mentale définie et durable.
En effet, si la cohérence globale du contenu sémantique du texte ne peut
toujours pas être élaborée, il est important qu'un processus d'inférence se
déclenche afin de permettre au scripteur d’activer et de mettre en mots l'ajout des
propositions reliant les informations déjà traitées. Le lecteur doit alors activer ses
connaissances en mémoire pour mieux appréhender le contenu sémantique du
texte lu. L'activité inférentielle est essentielle dans la mesure où elle permet au
lecteur d'accéder aux connaissances sous-jacentes évoquées par le texte ou au «
modèle de situation ».
L'importance de ce modèle de compréhension réside dans la possibilité
d'analyser les processus qui interviennent lors du traitement de l'information. En
effet, les deux auteurs s'attachent au traitement de l'information on line (Van Dijk
& Kintsch, 1983). Selon leur conception, la représentation doit être analysée en
elle-même, c'est-à-dire les processus menant à sa construction, et non pour ellemême en tant que produit fini. Or, la lecture est une activité stratégique
permettant de construire une représentation cohérente d'un texte. L'élaboration de
cette représentation implique l'intervention des micropropositions et des
macropropositions. Notons que les secondes classent les premières de façon
hiérarchique.
L'élève construit conjointement à cette élaboration un modèle de la
situation du monde évoqué par le texte (Van Dijk & Kintsch, 1983) dans sa
mémoire de travail (MDT) qui constitue le référent du texte lu. Il s'est bâti une
représentation du monde, un modèle mental, que la lecture du texte suscite et
alimente (Gouraud, 2002 in Crinon & Legros, 1995).
23
Dans le prolongement de la modélisation de Van Dijk et Kintsch (1983), le
processus de compréhension est étudié selon trois niveaux de représentation du
texte (Legros & Marin, 2008).
D'abord la « surface du texte ». Elle prend en compte les formes
linguistiques rudimentaires : le lexique choisi et les structures syntaxiques
utilisées. Ensuite, la « base de texte ». Elle correspond au contenu sémantique du
texte. Elle est composée de propositions explicites du texte. L'ensemble des
propositions textuelles s'organise en deux niveaux : le niveau local et le niveau
global (la microstructure et la macrostructure). Enfin le « modèle de situation »
qui englobe les connaissances et les expériences antérieures du lecteur évoquées
par le texte. Le lecteur est appelé à construire un modèle sur la situation décrite
par le contenu textuel. Ce modèle s'appuie sur les connaissances élaborées dans
la culture du lecteur, mais détachées du contenu du texte.
Pour la microstructure, il est indéniable d'avancer qu'elle nécessite un
traitement propositionnel, c'est-à-dire un traitement de l'information du texte
phrase par phrase. Elle correspond à la structure locale du texte. Tandis que la
macrostructure réunit les informations dominantes du texte. Elle comprend un
ensemble de propositions hiérarchisées représentant ainsi la structure globale du
texte. C'est ainsi que la macrostructure représente le socle de la signification.
Plusieurs facteurs interviennent dans la construction d'une macrostructure,
comme les connaissances initiales du lecteur et le contexte.
La microstructure et la macrostructure sont deux niveaux sémantiques qui
forment la « base de texte ». Cette dernière est constituée d'un ensemble de
propositions organisées de façon hiérarchique et d'informations sémantiques
directement issues du texte. Face à l'insuffisance et à l'incohérence des éléments
textuels lors de l'activité de compréhension, le lecteur doit nécessairement mettre
en œuvre ses propres connaissances résultant de ses apprentissages et de ses
expériences familiales et culturelles. Cela lui permet de rendre une structure
cohérente, lorsque l'information qui lui est fournie ne semble pas cohérente, et de
construire de ce fait un « modèle de situation » du monde évoqué par le texte.
La construction d'un « modèle de situation » est le résultat d'une
interaction entre ce que le lecteur a compris du texte, sans aucune relation avec la
24
structure textuelle et intégré à ses connaissances. Ainsi, ce modèle permet
d'acquérir de nouvelles informations. Parallèlement, Johnson-Laird (1983)
désigne le « modèle de situation » sous une autre dénomination, celle du «
modèle mental ». Cette notion représente une structure mentale qui entraîne la
réactivation des modèles déjà façonnés précédemment à partir de la situation
décrite par le texte et les nouvelles informations traitées. Elle représente donc les
informations évoquées par le texte et activées par le lecteur dans le but de
construire une interprétation personnelle.
Nous avons pris appui sur les notions de « base de texte » et de « modèle
de situation » dans notre expérimentation afin d'analyser le type d'ajouts apportés
par les participants lors de la réécriture (2ème jet) de leur premier jet. Précisons
toutefois que ces propositions ajoutées sont issues du texte et du modèle de
situation sous-jacent au texte activé par les élèves.
Pour construire un modèle de situation selon Van Dijk et Kintsch (1983),
il est essentiel de faire intervenir les différents types de connaissances : des
connaissances sur le monde en général et sur le monde du lecteur en particulier,
sur la spécificité de la situation de communication, sur les expériences
personnelles du lecteur. En conséquence, les connaissances initiales du lecteur et
ses expériences jouent un rôle important dans la l'élaboration de la signification
du texte. Ces connaissances permettent en effet de transformer une structure
isolée en mémoire (« base de texte ») en un réseau de connaissances plus
cohérent et plus complet. Dans cette modélisation acceptée maintenant par la
plupart des spécialistes de la didactique du texte et de la compréhension, les
connaissances du lecteur sont d'une importance décisive. Elles assurent une
compréhension profonde du texte en facilitant le passage de la base de texte au
modèle mental.
25
1.2 Modèle de situation dans la modélisation de Van Dijk et Kintsch (1983)
L'activité de compréhension de texte implique non seulement la
construction d'une représentation mentale du contenu textuel, mais aussi
l'intégration des informations apportées par le texte aux connaissances de
l'apprenant. Le processus résultant de cette intégration représente une élaboration
d'un modèle de la situation évoquée par le texte. Plus exactement, les « modèles
de situation » (Van Dijk & Kintsch, 1983, voir Blanc & Brouillet, 2003)
permettent la conceptualisation des représentations du monde que les apprenants
activent lors de la lecture. Ces représentations sont construites au cours de leurs
expériences et de leurs apprentissages. Elles sont activées pendant les processus
de lecture et de compréhension de textes.
Or, un « modèle de situation » est défini comme une représentation
cognitive des évènements, actions, individus et de la situation en général
qu'évoque le texte (Van Dijk & Kintsch, 1983, voir Legros & Marin, 2008, p.17).
Ce modèle prend en évidence les connaissances provenant des expériences
antérieures de l'apprenant. Précisément ses connaissances spécifiques et les
systèmes de connaissances/croyances construits pendant ses expériences.
Cependant, l'élaboration d'un modèle de situation cohérent est complexe.
Elle nécessite l'intégration des informations en cours de traitement aux
connaissances du lecteur déjà stockées en mémoire à long terme (MLT). De plus,
elle est contrainte par les capacités limitées de la mémoire de travail (MDT).
Voyons plus en détail le « modèle de situation » pour faire la distinction
entre deux types de traitement. Le traitement des mots, qui concerne la
signification de la surface textuelle, et le traitement du contenu, qui renvoie à la
signification des informations sémantiques contenues dans le texte, renvoyant à
la structure locale et globale du texte (microstructure et macrostructure).
Précisons que le second traitement (traitement du contenu) met en relation les
informations apportées par le texte et les connaissances antérieures du lecteur
activées au cours de la construction de la signification. Réussir à comprendre un
texte selon ce modèle, inclut l'élaboration en mémoire d'une représentation
cohérente de la situation décrite par le texte (Legros & Marin, 2008).
26
Dans notre expérience, les participants sont en situation de faire
fonctionner leurs connaissances afin de répondre à des questions portant sur le
réchauffement climatique, de produire des textes explicatifs, décrivant les causes
et les conséquences de ce phénomène, et de transférer les informations acquises
au cours de la lecture et de la relecture d'un texte d'aide documentaire sur le
même thème. Au fil de la lecture de ce texte, les élèves doivent focaliser leur
attention sur un certain nombre d'informations en vue d'extraire les propositions
dont ils ont besoin suivant la consigne donnée, et qui renvoient particulièrement
au soulignement des informations sur les causes et des conséquences du
réchauffement climatique, tout en étant capable d'abstraire les éléments qui ne
sont pas pertinents.
Ces données vont dans le sens de notre hypothèse selon laquelle la lecture
d'un texte d'aide entraînera l'activation et/ou la réactivation des représentations
antérieures. Le processus d'activation des connaissances contribue ainsi à
l'interprétation d'une nouvelle proposition dans le texte lu par l'élève.
En outre, les élèves doivent être capables de donner naissance à des
informations nouvelles. Les données recueillies, lors d'une première lecture,
indiquent que les élèves semblent avoir des difficultés à intégrer les propositions
textuelles en cours de traitement à leurs connaissances préalablement construites
lors d'une première production d'un texte explicatif (1er jet), vu le vocabulaire
scientifique et la complexité du texte explicatif. Une relecture, plus précisément
en langue maternelle (arabe), apparaît donc nécessaire afin que le lecteur puisse
construire une signification qui lui permettra d'élaborer un « modèle de situation
», favorisant ainsi l'écriture et la réécriture d'un texte explicatif/documentaire.
Le texte ne doit être pour eux qu'une piste lexicale et sémantique à partir
de laquelle ils pourront effectuer un travail de construction de la signification.
Or, le « modèle de situation » rend compte de l'interaction basique entre les
éléments linguistiques et l'activation des connaissances du lecteur. Cette
interaction caractérise la compréhension effective et profonde d'un texte.
En liaison avec les données exposées sur le « modèle de situation », nous
avançons en outre que les connaissances du lecteur assurent essentiellement le
passage de la base de texte au modèle de situation (Legros & Marin, 2008). Pour
27
construire un « modèle de situation » et créer ainsi une structure cohérente en
mémoire, il faut l'intervention de différents types de connaissances :
connaissances linguistiques, lexicales, syntaxiques, sémantiques et pragmatiques,
connaissances et croyances sur le monde, connaissances sur l'organisation et la
structure typique des textes.
L'intégration de ces informations en un modèle de situation cohérent est
conditionnée par les connaissances antérieures et leur organisation. Néanmoins la
prise en compte des connaissances préalables n'est pas suffisante pour élaborer la
signification des textes. Or, le rôle actif du lecteur et ses objectifs favorisent la
construction des représentations tout au long de la lecture. Pour que l'élève
assume sa responsabilité de lecteur, il doit développer devant le texte à lire une
attitude active. Or, la fixation des buts lui permet d'enrichir et de développer un
modèle de situation qui correspond à l'ensemble des tâches qu’il est appelé à
accomplir ultérieurement.
Dans les modèles récents, la focalisation sur le rôle du sujet dans l’activité
de compréhension et l’importance de la mémoire explique les perspectives et les
recherches nouvelles sur le développement des compétences cognitives,
métacognitives, didactiques ainsi que sur le développement des systèmes d’aide
(Legros & Marin, 2008, p. 71)
1.3 Modèle de Construction-Intégration de Kintsch (1988 ; 1998)
Le modèle cognitif de « Construction-Intégration » marque un tournant
dans le processus de compréhension de textes. Ce modèle proposé par Kintsch
(1988 ; 1998) est un prolongement de la théorie construite par Van Dijk et
Kintsch (1983). Il est guidé par les connaissances du lecteur qui permettent de
construire les différents niveaux de représentation du texte : un niveau de surface,
un niveau sémantique (microstructure/macrostructure) et un modèle de situation
(Van Dijk & Kintsch, 1983).
Toutefois la centration sur ces niveaux de représentation que le lecteur est
supposé élaborer a été modifiée, vu que ce modèle vise à étudier les étapes du
processus de compréhension. Afin de construire la cohérence de la signification,
28
Kintsch (1988 ; 1998) simplifie son approche en se focalisant sur les processus
responsables de la sélection des informations congruentes et pertinentes (Blanc
& Brouillet, 2003, p. 80).
La construction de la signification modélise la représentation des textes en
mémoire lors de l'activité de compréhension et la manière dont ces textes sont
intégrés aux connaissances du lecteur. Elle est fortement liée à l'élaboration de la
« base de texte » à partir des éléments lexicaux textuels et des connaissances du
lecteur. L'activité de compréhension met en relation les informations fournies par
le texte et les connaissances antérieures du lecteur. Ces connaissances permettent
en effet de construire un « modèle de situation ». D'ailleurs, Kintsch (1988 ;
1998) définit la compréhension comme un processus flexible et sensible au
contexte, et propose par conséquent un modèle dirigé par les données (Blanc &
Brouillet, 2003, p. 80).
Nous nous appuyons sur cette définition pour avancer que les propositions
textuelles formant la microstructure, restent essentielles pour la compréhension
de textes. En outre, les effets du contexte sont également présents dans la mesure
où ils constituent une source de satisfaction des contraintes lors de la
construction de la signification. Par ailleurs, le modèle de « ConstructionIntégration » implique nécessairement deux phases dans l'élaboration d'une
représentation mentale du contenu textuel :
La « phase de construction » repose sur l'activation des éléments corrects
de la représentation. Mais, seule une partie peut être activée, ce qui rend la
signification d'une proposition incomplète, instable, voire non pertinente. La
construction de la « base de texte » se rattache à quatre procédés. La première
étape consiste à former les propositions qui se dégagent directement du contenu
linguistique du texte. Dans un deuxième temps, la microstructure du texte est
élaborée par la sélection d'un certain nombre de propositions textuelles, associées
à d'autres éléments issus du réseau de connaissance. Ainsi, les propositions
formées lors de l'étape précédente servent d'indice de récupération des
informations qui proviennent du réseau de connaissances des lecteurs (Legros &
Marin, 2008). À ce niveau, le processus de construction ne permet pas la
production de toutes les inférences utiles pour la compréhension.
29
C'est pourquoi, une troisième étape est destinée à la production
d'inférences, permettant en effet de construire des liaisons entre les propositions
et d'établir des macropropositions. Enfin, la quatrième étape consiste en une
caractérisation des interrelations entre les propositions lexicales dérivées du
texte, les propositions construites, ainsi que les inférences produites au niveau
local et global. Il résulte de ce processus de construction, une « base de texte »
initialement riche, mais incohérente et contradictoire. La « base de texte » sera
par la suite assujettie à un processus d'intégration afin d'élaborer une signification
cohérente.
La « phase d'intégration » fait intervenir un processus d'activation plus
élevé, afin d'évincer les incohérences et de former une nouvelle structure
cohérente. Ce modèle est utilisé pour renforcer les informations contextuelles
appropriées et désactiver les informations inappropriées ou non pertinentes. Le
résultat du processus d'intégration est une structure cohérente dans laquelle le
sens approprié du mot est renforcé (Blanc & Brouillet, 2003, p.84).
Selon le modèle de « Construction-Intégration », l'élaboration de la
signification textuelle commence par un processus d'activation qui est basé, dans
un premier temps, sur les éléments lexicaux fournis par le texte. Ces éléments
seront intégrés à l'ensemble des propositions du texte pour activer une nouvelle
représentation. Autrement dit, il faut activer à la fin de ce processus une
signification cohérente et spécifique. Les connaissances du lecteur sont placées
au cœur de l'activation des éléments pertinents de la signification. Il est
nécessaire de souligner que l'interaction entre les connaissances activées par le
lecteur et le contexte du texte représente une signification appropriée et réservée
en mémoire.
Dans ce cas, Kintsch (1998) réduit la représentation du texte à deux
niveaux seulement : la « base de texte » et le « modèle de situation » (Blanc &
Bouillet, 2003). Cette nouvelle modélisation met en liaison les propositions du
texte, ainsi que les connaissances issues du contenu sémantique (le niveau micro
et le niveau macro), mais aussi les informations fournies par le texte et activées
lors de la lecture. Ces informations permettent de construire une signification de
la situation décrite par le texte. Dans cette activité de compréhension, la
30
représentation mentale est vue comme un tout englobant les informations
directement véhiculées par le texte et le réseau de connaissances de l'individu.
L'apprenant construit selon Kintsch (1998) une représentation séquentielle
du texte. En d'autres termes, chaque segment textuel traité est intégré au fur et à
mesure au reste du texte. Il est maintenu ainsi en mémoire de travail (MDT). Le
traitement d'une nouvelle information permet d'ajouter un nouvel élément à la
représentation. Cette conception primaire de la compréhension est conçue à
l'égard des contraintes du modèle de « Construction-Intégration ». On ne saurait
nier toutefois que ce modèle met en valeur l'interaction entre les éléments
linguistiques et les connaissances construites préalablement du lecteur.
En résumé
Nous nous sommes intéressées, dans ce chapitre, aux modèles princeps de
l'activité de compréhension de textes. Après avoir synthétisé le modèle de
Kintsch et Van Dijk (1978) et son prolongement par Van Dijk et Kintsch (1983),
nous avons présenté sa révision sous le nom de modèle « ConstructionIntégration » (Kintsch, 1988 ; 1998). Ces spécialistes de l'activité cognitive de la
compréhension de textes se sont intéressés aux processus mis en jeu au cours de
cette activité complexe. Ils expliquent comment les mécanismes cognitifs
interviennent lors de la construction d'une signification cohérente des textes.
31
Chapitre 2. Compréhension de textes explicatifs/documentaires et systèmes
d'aides en contexte plurilingue
2.1 Complexité des textes explicatifs/scientifiques
Le lecteur construit la signification du texte en mettant en relation les
informations véhiculées par le texte et son système de connaissances/croyances
initiales, ainsi que ses expériences précédentes activées en mémoire. Cela permet
de monter que la signification est une activité cognitive détachée du contenu
textuel, mais construite par le lecteur.
Le traitement cognitif d’un texte, selon la modélisation de Van Dijk et
Kintsch (1983) permet d'avancer que la surface linguistique textuelle et la base
de texte (la microstructure et la macrostructure) sont des niveaux fortement
déterminés par le contenu développé par le texte. Or, ce que l'élève conserve en
mémoire est d'une importance dominante lors de la construction d'un modèle de
situation. En effet, ce modèle de la situation décrite par le texte est élaboré lors
de l'intégration des connaissances préalables activées pendant la lecture. Le
traitement des textes explicatifs implique de ce fait les trois niveaux de ce modèle
général.
Comprendre un texte explicatif, qui a pour but d'informer et d'expliquer
objectivement un phénomène, est une tâche qui relève d'une activité cognitive
complexe et coûteuse en ressources attentionnelles. En effet, le domaine de
connaissance et le thème abordé sont souvent non familiers aux lecteurs et plus
variables que celui, par exemple, des textes narratifs. De plus, ces textes sont
souvent constitués d’un vocabulaire technique et de termes à la fois scientifiques,
complexes et nouveaux qui peuvent être difficilement compris lorsque le lecteur
ne prédispose pas de connaissances spécifiques au domaine évoqué par le texte.
C'est pourquoi, la compréhension de textes explicatifs/scientifiques présente des
difficultés spécifiques, contribuant ainsi à renforcer l'échec dans les milieux
scolaires et universitaires. D'autant plus qu'ils « portent » des informations
souvent étrangères à la culture des élèves et des étudiants.
32
Il est plus difficile pour un élève de lire un texte explicatif qui développe
des savoirs sur le monde qu'un texte narratif, puisque le lecteur doit réaliser des
inférences qui ne font pas partie de ses connaissances antérieures, mais qui sont
nécessaires à la compréhension. L'activité de compréhension de ce type de texte
suppose l'élaboration d'une signification. C'est ainsi que la signification n'est pas
une partie intégrante du texte, mais un mécanisme construit par le lecteur. Elle
est le résultat d'une jonction entre les informations textuelles et l'ensemble de
connaissances/croyances antérieures et d’expériences activées en mémoire par le
lecteur.
Contrairement à l'importance des marques contextuelles lors de la
compréhension des textes narratifs qui permettent de construire la signification,
le contexte n'exerce pas d'effets sur la construction de la signification des textes
explicatifs/scientifiques. Précisément, il n'est pas suffisant pour clarifier la
signification des mots. La compréhension profonde d'un texte explicatif nécessite
notamment la mise en œuvre des connaissances non évoquées par le texte, mais
appartenant au modèle de situation. Ces connaissances permettront à l'élève de
construire une représentation mentale cohérente du contenu du texte lu.
Ainsi, la compréhension d'un texte explicatif proposé aux élèves de 2ème
année de cours secondaire, décrivant « Les causes et les conséquences du
réchauffement climatique », nécessite de la part des participants une activation
des connaissances sur ce sujet pour saisir le contenu sémantique du texte. En
d'autres termes, il est essentiel de faire intervenir leurs connaissances
individuelles pour traiter un texte explicatif. Il est encore plus important de
prendre en compte le fonctionnement de la mémoire et des représentations des
connaissances de ces élèves. Kintsch et Van Dijk (1978) avancent d'ailleurs que
le traitement de l'information fait appel à la fois à la mémoire de travail (MDT)
et à la mémoire à long terme (MLT).
La construction de la signification est conçue comme un processus
activant les représentations sémantiques stockées en mémoire à long terme
(mémoire permanente). Le rôle de la mémoire à court terme (MCT) consiste
ensuite à combiner ces unités de signification en une représentation sémantique
plus large.
33
Il a été remarqué effectivement que l'analyse des activités de traitement de
textes s'appuie particulièrement sur les représentations des connaissances initiales
de l'individu et sur les processus de traitement qui s'opèrent à partir de celles-ci.
Les données expérimentales ont affirmé que le texte explicatif est plus
difficile à traiter que le texte narratif, en raison des difficultés se situant au niveau
de la surface du texte et de son contenu : nombre d'informations proposées,
concision du lexique spécialisé, la complexité scientifique des propositions, un
agencement textuel non disponible dans la mémoire à long terme du lecteur. Ce
type de texte se caractérise par des mots qui ne possèdent qu'un seul sens ; c'està-dire des termes monosémiques, spécialisés et difficiles à mémoriser.
C'est pourquoi, notre recherche étudie en partie l'effet de la relecture d'un
texte d'aide documentaire en L1 sur la compréhension d'un texte explicatif en
français (langue étrangère, L2), vu l'insuffisance des connaissances lexicales et
scientifiques des élèves en L2. Nous testons encore l'effet de l'utilisation de
l'arabe (langue maternelle, L1) lors de la relecture et du second rappel
(réécriture) sur l'activation des connaissances nécessaires à la production des
textes explicatifs décrivant précisément « Le réchauffement climatique »
Des recherches expérimentales montrent que le processus de transfert des
connaissances construites en langue maternelle L1 vers une langue étrangère est
complexe, lors de la compréhension de texte en L2 et en contexte plurilingue.
Cependant, la plupart des données indiquent que les connaissances du monde
construites en L1 sont plus facilement transférées en L2 (Boudechiche & Legros,
2007a ; 2007b ; 2007c)
Nous ferions l'hypothèse que le texte proposé aux élèves en langue
maternelle lors de la relecture d’un texte d’abord lu en L2 (français), facilitera
l'activation des connaissances et leur retraitement en L2. Dès lors, il favorisera
l'activation des inférences et l'élaboration des relations de causalité entre les
informations qui sont nécessaires à la construction de la signification globale et
cohérente du contenu du texte. Plus précisément, nous supposions que le texte
d'aide en arabe L1 permet d’accéder de façon plus efficace aux connaissances du
monde évoquées par le texte.
34
Il est nécessaire d'avancer que la compréhension et la production du texte
explicatif requièrent une élaboration des relations causales entre les différents
évènements expliquant dans notre recherche les causes et les conséquences du
réchauffement climatique.
Le traitement et la construction de la cohérence de la signification de ce
type de textes ne renvoient pas à la causalité intentionnelle découlant de
l’expérience quotidienne du lecteur, mais à la causalité du monde physique
(Jamet, Legros & Pudelko, 2004). La construction de la structure locale
(microstructure) de chaque évènement du texte est fondamentale à l'élaboration
de la signification globale (macrostructure). De ce fait découle la nécessité
d'activer les connaissances du lecteur sur le domaine du monde évoqué par le
texte lors de la construction de la cohérence causale et par conséquent de la
signification.
En revanche, le traitement du texte narratif est plus facile dans la mesure
où l'élève puise dans ses expériences quotidiennes les informations nécessaires
pour créer des liens explicites entre les connaissances qui servent ensuite à
construire une signification globale cohérente. Le traitement du texte explicatif
est complexe, en particulier, le traitement des inférences lorsque l'élève ne
possède pas des informations sur le monde évoqué par le texte. Il ne peut pas en
effet parvenir aux connaissances nécessaires à la construction de la signification
du texte.
2.2
Activité
inférentielle
dans
la
compréhension
des
textes
explicatifs/documentaires
Le processus de compréhension le plus élaboré suppose un ensemble de
traitements complexes qui va de la saisie de l'information textuelle à
l'interprétation de ce qui est dit. Ces traitements proviennent généralement de
deux sources : d'une part des données textuelles, d'autres part des connaissances
antérieures activées par le lecteur. La plupart des propositions comportent une
large part d'implicite, c'est-à-dire un système de connaissances/croyances que
l'individu est censé déjà posséder. L'activation des connaissances relevant en
35
particulier d'inférences causales représente un niveau de traitement coûteux en
ressources attentionnelles.
Examinons à présent certaines pistes de réflexion concernant l'activité
inférentielle puisqu'elle occupe une place prépondérante dans la compréhension
de textes. En effet, la compréhension de texte est le résultat d'une représentation
mentale, fondée sur les informations issues du texte et également sur les
informations non présentes dans le texte et qui font partie des connaissances du
lecteur. Ce dernier effectue des relations entre les propositions. Autrement dit, il
doit inférer des liens pour interpréter le texte. Il doit allez au-delà du texte luimême tout en dépassant la compréhension littérale.
La compréhension inférentielle, contrairement à la compréhension littérale
qui repose spécialement sur les informations fournies par le texte, est fondée sur
des connaissances supplémentaires provenant de la mémoire à long terme (MLT)
du lecteur. L'élève ne doit pas se contenter d'une compréhension littérale des
textes. Il faut qu'il aille au-delà des éléments du texte lu pour réaliser des
inférences. Rappelons à cet égard que tout texte apporte des informations
insuffisantes. Pour cela le lecteur (re)construit le sens en rapport avec ses
connaissances initiales et le type de texte, du moment qu'il faut engendrer de
nouvelles informations à partir d'un traitement inférentiel.
Lors du traitement de l'information, l'élève active les connaissances du
monde nécessaires, dans l'intention de comprendre le texte. Activer les
connaissances, au cours de la compréhension, c'est produire des inférences. Une
inférence se produit au cours de la lecture pendant que l'élève active des
informations implicitement fournies par le texte. Elle représente un élément
indispensable à la compréhension du contenu textuel.
Dans le cas des textes explicatifs, le lecteur doit générer des inférences
causales. Elles sont liées à la recherche des causes des événements et des
relations entre ces événements. Plus précisément, elles sont relatives à la
causalité du monde physique (Denhière & Baudet, 1992, voir Marin, Crinon,
Legros & Avel, 2007). Si nous prenons en compte les propositions du texte
explicatif sur « Le réchauffement climatique », il est possible de les relier entre
elles de façon causale, vu que toutes les explications portant sur les causes et les
36
conséquences de cet évènement. Les informations du texte parlent du même
thème et présentent une vérité générale. En lisant ce texte, l'élève construit des
inférences par exemple à partir de la définition de ce phénomène naturel, de ses
caractéristiques.
Les inférences causales renvoient à des connaissances disciplinaires
absentes du contenu du texte. Elles sont plus difficiles à traiter que les inférences
intentionnelles. Dans le cas des textes narratifs, le lecteur doit réaliser des
inférences d'intentionnalité. Ces inférences englobent des actions et des
évènements de la vie quotidienne. Le texte narratif comporte une similitude entre
les situations décrites et le vécu du lecteur. Particulièrement, il partage des liens
situationnels avec le contexte antérieur du lecteur (Blanc & Brouillet, 2003).
Selon les recherches conduites par l'équipe « TICE, Contexte, Langage et
Cognition »3 les élèves ont une compréhension efficace, lorsqu'ils ont de bonnes
connaissances sur le sujet évoqué par ce type de texte. L'élève se réfère souvent à
ses expériences et les utilise pour mieux comprendre le contenu textuel. Ces
connaissances référentielles intervenant lors de la compréhension des textes
narratifs proviennent de son environnement familial et de ses pratiques
culturelles. Tandis que le texte explicatif induit des vérités scientifiques. Son
traitement représente des difficultés au niveau de la forme linguistique de surface
(termes scientifiques) et au niveau des informations contenues dans le texte qui
sont moins disponibles ou peu familières au lecteur.
Le lecteur est donc amené à produire des inférences pour développer ses
capacités de construction d'une macrostructure textuelle cohérente et d'un modèle
de situation permanent. Des recherches empiriques ont montré que la
récupération des connaissances nécessaires à la construction de la signification
variait selon le contenu des textes (Legros & Baudet, 1997), leur structure
(Denhière & Larget, 1989 ; Fayol, 1985) et leur valeur affective (Legros, 1988).
Etant donné que l'accès de l'élève aux informations du texte explicatif est difficile
pour élaborer un « modèle de situation ». Le traitement des inférences représente
également des difficultés.
3
http://classe-numerique.cite-sciences.fr/numeral/textes/
37
C'est pourquoi de nombreux élèves n'arrivent pas à produire des inférences
fondées sur les connaissances du monde évoquées par le texte. Ils sont donc
incapables d'élaborer la structure globale du contenu sémantique du texte
explicatif. Notons, qu'il existe de ce fait plusieurs types d'inférences. Cependant
il n’y a que les inférences de type causal qui attirent notre attention étant donné
qu'elles constituent une des variables de notre expérimentation. Il y a les
inférences nécessaires à la liaison, et les inférences d'élaboration (Marin, Crinon,
Legros & Avel, 2007, p. 4).
Les premières sont relatives à la construction d'un modèle propositionnel
du texte. Elles s'appuient sur quelques éléments de la base de texte, tout en
ajoutant ensuite d'autres propositions nouvelles, qui ne correspondent pas au
modèle de situation. Elles contribuent à relier les données sémantiques
implicitement mises en relation dans la base de texte. En somme, elles servent à
maintenir la cohésion et la cohérence entre les propositions textuelles déjà lues.
Et donc de construire en partie la cohérence de la représentation du contenu du
texte.
Les secondes renvoient à l'élaboration d'un modèle de la situation décrite
par le texte. En effet, elles contribuent à la construction d'un « modèle de
situation ». Ces énoncés inférentiels sont différents du texte, non seulement sur le
plan de la structure du texte, mais aussi sur le contenu des propositions. Il s'agit
d'expliciter le contenu textuel par des ajouts liés aux connaissances particulières
et encyclopédiques du lecteur sur le monde évoquées par le texte. C'est-à-dire de
remplacer les informations implicites du texte par des informations extraites des
connaissances préalables du lecteur.
De cette façon, la compréhension des textes explicatifs stipule l'élaboration
des différents niveaux de la représentation du texte. Plus précisément, elle
nécessite principalement la construction d'une représentation cohérente du
domaine évoqué par le texte. Pour construire cette représentation, il faut que le
lecteur intègre de nouvelles informations fournies par le texte. La production des
inférences servant à construire des liens entre les informations proposées par le
texte permet d'élaborer la cohérence de la signification du texte.
38
2.3
Trois
types
d'aides
à
la
compréhension
des
textes
explicatifs/documentaires
Les travaux menés par l'équipe « TICE, Contextes, Langages et Cognition
» dans le cadre du projet Numéral : Numérique et apprentissages locaux
(programme TCAN-CNRS, Laboratoire CHArt4), nous permettent d'expliquer
quelques systèmes d'aide à la construction de la signification d'un texte
scientifique/documentaire. Les recherches expérimentales de cette équipe visent
à concevoir et à valider un système d'aide à la compréhension et à la production
de textes en langue seconde et en langue étrangère en contexte plurilingue. Dans
le cadre de ce programme, nous nous intéressons essentiellement à trois types
d'aides textuelles.
En effet, favoriser la compréhension des textes explicatifs/documentaires
en langue L2 chez des élèves au cours de la lecture, implique de proposer des
aides en fonctions des trois niveaux de traitement du texte, tels qu'ils ont été
analysés par Van Dijk et Kintsch (1983). En d'autres termes, ces aides portent
sur chacun de ces niveaux. D'abord, les éléments linguistiques de surface, c'està-dire l’organisation syntaxique et les unités lexicales traduisant le contenu
sémantique explicite du texte. Ensuite, la « base de texte », assurant la cohérence
locale et globale des propositions textuelles. Enfin, le « modèle de situation » du
texte lu renvoyant aux connaissances sur le domaine évoqué par le texte. Il met
en relation le contenu du texte avec les connaissances disciplinaires du lecteur
activées au cours du traitement inférentiel afin de construire une représentation
cohérente du texte.
La distinction entre les trois niveaux de représentation du texte - surface
linguistique, base de texte et modèle de situation - met en jeu plusieurs processus
cognitifs du traitement textuel au cours de la compréhension. C'est ainsi que les
niveaux de difficultés des élèves peuvent être détectés et donc plusieurs types
d’aides seront proposés.
4
Denis Legros : Responsable scientifique du projet Numéral (Numérique et apprentissages locaux) du
programme PI–TCAN-CNRS : Programme interdisciplinaire CNRS « Traitement des connaissances,
apprentissage et NTIC ».
39
Une recherche récente (Marin, Crinon, Legros & Avel, 2007) a évalué
l'effet, sur des lecteurs novices du cycle 3 de l’école primaire (CM2), de trois
types d'aides à la compréhension d'un texte documentaire scientifique. Le
premier dispositif expérimental mis en œuvre consiste en une réécriture du texte
simplifiant sa syntaxe. Le deuxième est constitué d'ajouts d'informations
explicitant le contenu du texte, et le troisième présente l’ajout d’informations
facilitant l’activité inférentielle pour construire la cohérence de la signification
du texte.
2.3.1 Aides au traitement des unités de la signification de la
« surface du texte »
L'étude de l'effet du type d'aide portant sur la surface linguistique du texte
consiste essentiellement à faciliter le traitement linguistique par la reformulation,
l'explication et la simplification de la syntaxe. Précisons en effet, que le recours à
une syntaxe simplifiée rend le traitement du texte, à ce niveau, moins coûteux en
ressources cognitives. L'élève peut arriver à automatiser quelques processus de
traitement de la forme linguistique et à construire seulement un niveau micro du
texte. Ces aides à la compréhension sont testées lors de la production de rappel à
travers la reconstitution des propositions chez les élèves. Elles permettent de
maintenir seulement la cohérence de la signification locale (microstructure), mais
pas le niveau global du texte (macrostructure). C'est ainsi que le rappel paraît
plus riche en informations microstructurelles.
L'intérêt de ce type d'aide ne porte pas sur l'amélioration de l'activation
des liens causaux entre les propositions sémantiques du texte. Néanmoins, il
s'inscrit dans une optique du traitement lexical et syntaxique des informations.
Sur ce point, nous avançons que l'aide au traitement des unités de la surface
textuelle est un processus ou opération qui vise à attribuer un sens aux mots et à
identifier les structures phrastiques afin de construire une signification locale.
Au cours de ce traitement microstruturel, l'élève se contente de segmenter
le texte (identification des mots, mise en relation des propositions, traitement
syntaxique, etc.). En effet, les éléments linguistiques, tels que la transformation
40
de phrases complexes en phrases simples, l'utilisation de phrases verbales au lieu
de phrases nominales, influence l'activité de compréhension. Ils facilitent ainsi
aux élèves l'accès aux informations véhiculées par le texte.
Généralement, le type d'aide le plus souvent proposé aux élèves face à des
textes scientifiques documentaires, consiste à traiter le niveau de représentation
linguistique du texte (Van Dijk & Kintsch, 1983). Toutefois, l'une des difficultés
rencontrées lors de la compréhension de textes scientifiques est d'ordre général.
C'est-à-dire des connaissances non disponibles ou absentes sur le domaine
évoqué par le contenu du texte, ce qui rend difficile le traitement inférentiel.
Donc, il ne suffit pas de jouer sur la surface linguistique du texte pour que le
lecteur surmonte ce type d'obstacle.
Après avoir mis en évidence le rôle des aides au traitement de la surface
textuelle, nous soulignons l'importance de proposer un second type d'aide
facilitant le traitement de la « base de texte ».
2.3.2 Aides au traitement des unités de signification de la « base de
texte »
Pour aider l'élève à activer ses connaissances d'ordre lexical, il semble
important de fournir un ensemble de notes facilitant ainsi la reconnaissance ou la
compréhension du vocabulaire scientifique des textes explicatifs. Précisons que
ces notes explicitant le contenu de la base de texte comportent des définitions et
des éclaircissements lexicaux qui montrent et exemplifient les éléments
techniques du texte explicatif/documentaire. Ces notes lexicales proposées
comme une aide à l'activité de compréhension et par hypothèse à la production,
correspondent à des activités de classe. Les processus cognitifs, intervenant lors
du traitement des nouvelles informations véhiculées par le texte, ne sont pas
testés.
Au début de notre expérimentation, nous avons proposé des
questionnaires d'aide. Il y a deux questions qui renvoient à la microstructure
textuelle. Cette condition expérimentale permet aux élèves de produire, au cours
d'une épreuve de rappel (R1 vs R2), plus de propositions de type microstructurel
41
que de propositions de type macrostructurel. L'élève peut accéder aux
informations lexicales absentes du texte. Elles ne sont efficaces que pour
construire le contenu des propositions, mais pas pour maintenir la cohérence de
l'ensemble. Or, l'élève focalise essentiellement ses ressources attentionnelles sur
le traitement des informations isolées.
2.3.3 Aides au traitement des unités de signification du « modèle de
situation » du texte
Lorsque les élèves rencontrent des difficultés pour accéder aux
informations constituant le modèle de situation des textes scientifiques, ils
éprouvent simultanément des difficultés à traiter les inférences. Nous présumons
que l'aide fournie pour enrichir le modèle de situation est la plus efficace. En
effet, la compréhension de textes explicatifs scientifiques dépend principalement
des connaissances acquises par l'élève sur le monde évoqué par le texte.
Cette aide favorise l'activation des connaissances du lecteur, de façon à
faciliter la production d'inférences et la sélection des informations pertinentes.
Elle explicite les relations sous-jacentes des informations du texte. Ce type d'aide
facilite le développement des capacités de compréhension. Il conduit le lecteur à
effectuer un ensemble d'opérations mentales complexes afin de construire une
cohérence globale de la signification du texte. La lecture de textes explicatifs en
vue de produire des rappels nécessite d'inférer les informations absentes du
contenu textuel.
Selon les objectifs de notre expérience, nous pouvons donc supposer que
lorsqu'un élève de deuxième année de filière littéraire au lycée lit un texte
explicatif sur « Les causes et conséquences du réchauffement climatique » en
langue maternelle (arabe, L1), il met en œuvre ses connaissances personnelles sur
le domaine évoqué par le texte d'aide et le contenu sémantique de celui-ci. Les
informations présentées dans les deux textes d'aides (L1 vs L2) à la
compréhension et la (re)planification en langue L2 (français) sont catégorisées en
fonction de trois niveaux de pertinence (propositions très pertinentes,
moyennement pertinentes et peu ou non pertinentes). Ces niveaux de pertinence
42
déterminent le contenu informationnel de chaque proposition textuelle. De ce
fait, ce type d'aide vise par excellence à faciliter le traitement inférentiel. Il
permet également aux élèves de (re)construire une relation causale entre non
seulement les phrases (microstructure), mais aussi les paragraphes et le texte
(macrostructure).
En résumé
Nous nous sommes attachés à mettre en évidence deux éléments
importants : la compréhension de textes explicatifs /documentaires en contexte
plurilingue et les systèmes d'aides à la compréhension de textes. Pour ce faire,
nous avons traité le texte explicatif en termes de complexité. Il a été aussi
question d'aborder l'activité inférentielle dans la compréhension de ce type de
textes afin d’analyser les facteurs qui influencent la production d'inférences. Les
données expérimentales confirment que ce type de texte est plus difficile à traiter
que le texte narratif en raison des difficultés se situant au niveau de la surface
textuelle et de son contenu.
Notre objectif ne consiste pas à analyser l'activité inférentielle en ellemême, au contraire, nous essayons d'expliquer les facteurs favorisant l'activité
inférentielle dans la construction de la cohérence de la signification d'un texte
explicatif en français langue L2, en contexte plurilingue. Nous évaluons le
traitement inférentiel, à travers l'analyse des informations ajoutées aux textes
réécrits lors de l'utilisation de la langue maternelle. Par la suite, nous nous
sommes intéressés aux trois types d'aides textuelles qui permettent de surmonter
les difficultés de compréhension du texte explicatif en langue L2.
43
Chapitre 3. De la compréhension à la production : Approche cognitive de la
production des textes
3.1 Modèle princeps de la production de textes de Hayes et Flower (1980)
3.1.1. Présentation du modèle
La production de textes mobilise plusieurs processus complexes dont
l'interaction est fondamentalement prise en compte au cours de l'écriture. En
effet, l'activité de production de textes est conçue comme une activité de
« textualisation » des différents niveaux - structure de surface, microstructure et
macrostructure - du contenu textuel (Van Dijk & Kintsch, 1983). Dans ce cas, la
compréhension et la production d'écrits sont envisagées de façon similaire (Marin
& Legros, 2006). En schématisant cette conception, nous pouvons avancer que si
la compréhension est considérée comme une activation des connaissances
évoquées par le texte, la production ne peut être qu'une mise en mot de ces
connaissances.
Après avoir montré succinctement la relation d'implication entre les
processus de compréhension et de production, nous prenons quelques lignes pour
expliquer la typologie du modèle fondateur de Hayes et Flower (1980), servant à
décrire les différents processus rédactionnels utilisés par des rédacteurs adultes.
L'objectif de ces chercheurs consiste à élaborer un modèle de production à partir
de l'analyse de protocoles verbaux de rédacteurs experts. Cette technique a été
définie comme l'enregistrement de ce qu'a pu verbaliser un rédacteur à propos
de ses pensées tout au long de sa composition par écrit, suite à une consigne
incitatrice (Piolat & Roussey, 1992, p. 107).
Ce modèle comporte trois dimensions différentes : l'environnement de la
tâche, la mémoire à long terme (MLT) et les processus cognitifs impliqués dans
l'activité rédactionnelle ; la planification, la mise en texte et la révision. Il est
important de noter que ces processus cognitifs fonctionnent d'une manière
itérative. Ils peuvent être imbriqués les uns aux autres, sans suivre
nécessairement cette chronologie (Fayol, 2002)
44
La première de ces dimensions est relative à l'environnement de la tâche.
Elle implique toutes les caractéristiques contextuelles qui peuvent influencer la
réalisation de la tâche elle-même.
La seconde est liée à la mémoire à long terme (MLT). Elle regroupe les
informations correspondant au thème abordé, au rédacteur et au genre du texte à
produire. Dès lors, le rédacteur doit récupérer les connaissances initiales stockées
en mémoire à long terme (MLT) dans lesquelles il peut puiser l'information
nécessaire pour construire son texte.
La troisième dimension inclut les trois processus cognitifs d'écriture, gérés
par une instance de contrôle. D'abord, le processus de planification qui permet
d'extraire les informations issues de la mémoire à long terme (MLT). Elle sert
ainsi à élaborer un plan d'écriture. En d'autres termes, au cours de cette phase de
« pré-écriture », le rédacteur recherche de façon active les connaissances sur le
domaine évoqué par le texte conformément à ses buts d'écriture et au niveau de
pertinence des informations sélectionnées. Il s'agit donc de structurer ses
informations préalables. Dans le modèle révisé de 1981, Hayes et Flower
subdivisent la planification en trois sous-processus : la fixation des buts, la
génération d'idée, l'organisation des connaissances (voir Legros & Marin, 2008)
Ensuite, le processus de mise en texte ou de textualisation consiste à
transformer les différentes informations récupérées lors de l'étape de planification
en propositions (sélection des unités lexicales, représentations orthographiques
des mots, construction des structures syntaxiques), tout en respectant les
principes de la langue (cohérence locale et globale de l'énoncé). Il s'agit en
réalité, de transformer les idées en mots, en phrases et en texte.
Enfin, le processus de révision intervient afin de vérifier et d'évaluer le
texte produit. Cette activité de retour sur le texte consiste à (ré)écrire, à
(ré)organiser les informations textuelles dans le but d'améliorer la qualité du texte
produit ou en cours de construction. Pour le scripteur, la révision permet de
détecter les écarts entre le texte produit, les normes langagières et ses propres
intentions (Olive & Piolat, 2003, p.2). Ce processus est divisé en deux sousprocessus : la lecture et la correction (Fayol, 2002, p. 48).
45
La lecture vise à évaluer le degré de conformité entre le texte écrit et les
buts fixés durant la planification. Demander alors aux élèves de relire leurs
premiers textes ne suffit pas, car il s'agit d'un objectif imprécis et vague. Il est
indispensable d'expliquer clairement et précisément ce qui est attendu de la
relecture lors de la révision. La correction cherche à modifier le plan formel
(corrections de type lexicales, syntaxiques par exemple) et à vérifier le contenu
profond du texte (corrections de type sémantiques ou pragmatiques).
C'est pourquoi, la prise de recul par rapport au premier rappel du texte au
cours de la (re)lecture/révision est nécessaire afin de détecter et d'identifier les
erreurs au niveau de la surface du texte et de son contenu sémantique. Le retour
sur les productions dépend exclusivement du but final de la révision et de la
capacité à discerner les erreurs. Néanmoins, le rédacteur peut organiser les
phrases de son texte tout en essayant dans le même temps, de contrôler chaque
proposition au moment où elle est verbalisée.
Par rapport à notre recherche, l'analyse de ces processus impliqués dans la
production de textes, nous permet d'évaluer et de vérifier les stratégies
rédactionnelles optées par les élèves : s'interrogent-ils sur la nature et la forme du
contenu textuel à développer ? C'est-à-dire, planifient-ils leurs textes avant de
verbaliser les connaissances antérieures récupérées et activées ? Comment
agissent-ils sur le premier jet de façon à améliorer son contenu pour obtenir un
nouveau texte cohérent ? Est-ce que le texte réécrit correspond au texte attendu?
Et quelle est la qualité des informations ajoutées au second rappel du texte
explicatif écrit en français langue étrangère L2 ?
Le modèle canonique que nous venons d'évoquer conduit à mieux
comprendre les difficultés auxquelles les élèves doivent faire face lors de la
rédaction de textes. C'est ainsi nous tentons de proposer quelques réponses à nos
interrogations au cours de l'expérimentation.
46
3.1.2 Limites du modèle de Hayes et Flower (1980)
Il nous semble important de prendre en compte les limites de ce modèle
dans la mesure où il ne peut porter que sur le fonctionnement cognitif de l'expert.
Les conceptions de Hayes et Flower (1980) n'ont pas expliqué le développement
des compétences rédactionnelles chez les scripteurs novices. Elles ont statué
particulièrement sur les aspects fonctionnels du traitement de l'information
lorsque le scripteur planifie et contrôle son écrit. Ces auteurs ont privilégié
seulement le processus de planification et le processus de révision. Toutefois, les
problèmes liés à la verbalisation (mise en texte) n'ont pas été explorés. Cette
composante était quasi vide, car ces auteurs n'ont pas accordé une place à la
mémoire de travail (MDT).
Les travaux de Hayes (1996) et de Berninger et Swanson (1994) ont
clairement renouvelé le modèle princeps de production de texte, notamment en se
focalisant sur la composante de « mise en texte », peu spécifiée chez Hayes et
Flower (1980). Pour décrire le fonctionnement de l'activité rédactionnelle, ces
dernières mises à jour ont accordé une moindre importance à la planification et à
la révision. Ils ont visé essentiellement à formaliser le développement des
traitements de mise en texte en relation avec les capacités limités de la mémoire
de travail (MDT) et de la mémoire à court terme (MCT). Leur objectif consiste
alors à déterminer le rôle occupé par la mémoire de travail, comme interface avec
la mémoire à long terme (MLT) lors de l'activité rédactionnelle (Legros & Marin,
2008).
Vu l'utilité des travaux de Hayes et Flower (1980) dans une perspective
didactique et pédagogique, les recherches actuelles sur la production d'écrits en
langue L2 continuent à faire référence à cette modélisation ancienne. Ce modèle
a connu un regain d'intérêt, particulièrement avec les travaux réalisés par Hayes
(1996) et la construction d'un modèle développant la place décisive de la
mémoire de travail lors de l'activité rédactionnelle par Kellogg (1996).
47
3.2 Rôle de la mémoire de travail dans la rédaction
L'activité rédactionnelle est une activité cognitive complexe qui nécessite
de conserver en mémoire à court terme (MCT) des informations pour pouvoir
produire un texte. Contrairement à la mémoire à long terme (MLT), qui fournit
un ensemble d'informations « stables » et « cristallisées », la mémoire de travail
(MDT) stocke les informations de façon active et temporaire. La mémoire de
travail maintient momentanément les connaissances nécessaires récupérées
depuis la mémoire à long terme car l'élève gère ses ressources cognitives en
fonction des connaissances disponibles dans la MLT et activées au cours de la
rédaction.
Nous jugeons nécessaire d'avancer que la mémoire de travail (MDT) est
un aspect particulier du fonctionnement de la mémoire à court terme. Rappelons
que la mémoire à court terme correspond à un type de mémoire limité en durée
et en capacité (Legros & Marin, 2008, p.96). La MDT est une composante
cognitive liée précisément à la réalisation d'une tâche d'écriture. En effet, vu sa
capacité limitée lors du traitement de l'information, elle vise fondamentalement à
sélectionner et à contrôler les processus cognitifs qui interviennent au cours du
traitement du contenu textuel (Piolat, 2004). Il s'agit en quelque sorte d'une
mémoire active, c’est-à-dire d’une mémoire qui travaille et dont la gestion des
traitements contrôlés jouerait un rôle central dans le développement de
l’expertise rédactionnel.
3.2.1 Mémoire de travail dans le modèle de Kellogg (1996)
Les capacités limitées des systèmes cognitifs ont été envisagées comme la
principale contrainte de l'activité de production de textes (voir Hayes & Flower,
1980 ; Van Dijk & Kintsch, 1983 ; Bereiter & Scardamalia, 1987). Les travaux
récents évoquent communément l'interaction entre la mémoire de travail (MDT)
et les processus rédactionnels afin de rendre compte du fonctionnement général
de cette activité complexe chez les adultes (Kellogg, 1996). Les capacités
limitées des systèmes de traitements rédactionnels et l'aspect limitatif des
48
ressources attentionnelles du rédacteur constituent l'une des contraintes majeures
de l'activité de production de textes. Précisons cependant, que la mémoire de
travail (MDT) occupe une place importance d'interface dans la production
d'écrits.
Le modèle de Kellogg (1996) qui tire bénéfice du modèle de la mémoire
de travail de Baddeley (1986), aide à préciser quelle(s) composante(s) de la
mémoire de travail (MDT) doit (doivent) être impliquée(s) au cours de la mise en
œuvre du processus rédactionnel. Il s'agit bien d'expliquer le fonctionnement des
différents processus rédactionnels, en relation avec les trois catégories de la
mémoire de travail : la formulation, l’exécution et le contrôle (Chanquoy &
Alamargot, 2002). Ce modèle consiste à développer les mécanismes de la
production écrite à travers la description du rôle de la MDT.
En effet, dans le cadre des traitements associés aux processus
rédactionnels, Kellogg (1996) avance que les systèmes de production du langage
impliquent nécessairement l'intervention des processus basiques. La formulation
(formulation), se scinde en deux processus. Elle assure les traitements relatifs au
processus de planification et au processus de mise en texte (traduction). Dans ce
cas, le scripteur récupère lors de la planification les connaissances nécessaires en
mémoire à long terme (MLT) sous une forme conceptuelle et qui seront
converties en propositions linguistiques. Or, le choix du lexique et la prise en
compte des facteurs contextuels forment des éléments indispensables au cours du
processus de formulation.
Pour l'exécution, il faut intégrer également deux processus à savoir la
programmation et l'exécution. Elle permet de programmer les idées issues de la
phase de formulation afin de les transformer en texte écrit. Le dernier système
concerne le contrôle de l'activité rédactionnelle. Il se subdivise en deux
processus. Le processus de lecture et le processus d'édition. Le premier permet de
vérifier le texte en cours d'élaboration ou déjà élaboré en fonction des objectifs
de l'écriture. Tandis que le second sert à effectuer des modifications afin de
proposer une nouvelle version du texte, après avoir détecté les erreurs et ses
catégorisations (voir Legros & Marin, 2008).
49
3.3 Modèles liés au développement de l'activité rédactionnelle
3.3.1 Travaux de Bereiter et Scardamalia (1987)
Dans le but de rendre compte du développement de l'activité
rédactionnelle chez les élèves selon les travaux de Bereiter et Scardamalia
(1987), nous soulignons encore une fois que la production écrite nécessite la mise
en œuvre de trois processus : la planification, la mise en texte et la révision
(Hayes et al., 1980). Rappelons que le processus de planification repose à la fois
sur la récupération des connaissances conservées en mémoire à long terme
(MLT) et sur la sélection des informations récupérées et hiérarchisées selon le
but de l'écriture.
En effet, les deux stratégies rédactionnelles (Knowledge Telling Strategy
vs Knowledge Transforming Strategy) distinguées par les chercheurs Bereiter et
Scadamalia (1987) reposent sur la planification ou non des connaissances
destinées à être verbalisées. Il est important de préciser que ces deux types de
traitement sont opérés par des scripteurs âgés de 9 à 16 ans et par des scripteurs
adultes (Piolat, 2004).
Ces auteurs ont montré que la stratégie dite « stratégie des connaissances
formulées ou racontées » procède par la transmission des connaissances
retrouvées en mémoire au fur et à mesure de leur récupération (Knowledge
telling strategy). Cette stratégie est utilisée par des scripteurs novices. Ils
récupérèrent de manière linéaire et directe les informations sous forme de mot,
sans réorganiser la surface linguistique ni le contenu sémantique textuel. C'est
pourquoi, les textes produits sont le résultat d'un assemblage phrastique structuré
selon les connaissances du rédacteur.
La « Knowledge telling strategy » est une stratégie économique. Elle se
traduit par l'utilisation à l'identique des informations prélevées, sans aucun
retraitement (Legros & Marin, 2008, p. 118). Son but consiste à rédiger un texte
sans reconstruire son contenu, ni réactiver les informations implicites évoquées
50
par le texte. Elle ne sert à maintenir qu'une cohérence locale et s'organise autour
de trois composants5 (Hoareau, Legros, Gabsi, Makhlouf & Khebbeb, 2006).
Le premier définit la représentation mentale des instructions (« Mental
représentation of assignement »). Il accorde au scripteur la possibilité d'identifier
le thème du texte, ainsi que sa fonction.
Le second comporte deux types de connaissances : les connaissances sur
le domaine (« Content Knowledge »), servant à élaborer le contenu textuel et les
connaissances
discursives
(« Discourse
Knowledge »),
relatives
aux
connaissances linguistiques et pragmatiques du scripteur. Ces connaissances
déterminent le type de texte à produire.
Le troisième représente le processus d'écriture (« Knowledge Telling
Process »). Il englobe les différents processus intervenant lors de planification du
texte à produire. Il met en œuvre les connaissances dont dispose le scripteur et
ses objectifs d'écriture. Ces trois composants indiquent que les idées produites
étaient insérées dans le contenu du texte comme elles avaient été réactivées en
mémoire à long terme (MLT).
En revanche, la stratégie dite « stratégie des connaissances transformées »
s'opère par le remaniement et la réorganisation des connaissances en fonction des
objectifs assignés à l'activité rédactionnelle (Knowledge transforming strategy).
Cette stratégie traite l’information au niveau sémantique et se l’approprie en
effaçant les marques linguistiques du contexte où elles ont été prélevées (Legros
& Marin, 2008, p.118).
À la différence du rédacteur novice, le rédacteur expert parvient à
réorganiser ses connaissances afin de les rendre compatibles avec les
contraintes thématiques et rhétoriques liées à une intention spécifique (Legros &
Marin, 2008, p. 102). Par ailleurs, les rédacteurs experts arrivent à produire des
textes plus élaborés que ceux des scripteurs novices, car ils sont devenus
capables de prendre en compte les contraintes rédactionnelles supplémentaires.
5
Recherche conduite dans le cadre du projet Numéral (Numérique et apprentissages locaux), Programme
TCAN-CNRS (Technologies de la Connaissance et Apprentissages Numériques, 2004-2007).
51
Dans cette stratégie, le processus de planification se complexifie
graduellement et les compétences se développent afin d'accéder aux buts les plus
complexes de l'activité de production d'écrits. D'ailleurs, la « Knowledge
transforming strategy » permet au scripteur d'effectuer les modifications
nécessaires sur l'organisation de ses connaissances pour engendrer de nouvelles
idées, et donc produire un texte cohérent et riche en informations.
Les trois composants de la « stratégie des connaissances racontées » (la
représentation mentale des instructions, les connaissances sur le domaine, les
connaissances discursives et enfin le processus d'écriture) sont présents dans la «
stratégie des connaissances transformées ». De surcroît, cette dernière accorde
une place importante à un système de « résolution de problèmes » (Hoareau et
al., 2006), qui contribue à la reconstruction des connaissances du rédacteur selon
les deux premiers composants (mental representation of assignment, content
knowledge et discourse knowledge), avant la mise en œuvre du processus
d'écriture par le troisième composant (knowledge telling process).
Ces deux stratégies d'utilisation de connaissances concernent deux
aspects, d'un côté, la planification et, d'un autre côté, l'impact de cette
composante sur la qualité et la quantité des informations produites. L'ensemble
des données (McCutchen, 2000 ; Bereiter et al., 1987) renforce l'idée selon
laquelle le type et la qualité des propositions textuelles résultent des
connaissances antérieures sur le thème et la structure du texte. La production de
textes sur un sujet peu familier conduit les élèves à utiliser des stratégies de bas
niveau. Dans ce cas, nous pouvons nous interroger sur le degré d'expertise
rédactionnel : l'élève se limite-t-il au traitement de la forme linguistique du texte
? Ou réactive-t-il ses connaissances antérieures en rapport avec le texte proposé à
la lecture, forme d'une stratégie rédactionnelle plus élaborée ?
Notre ambition dans ce travail vise à mettre en interaction les trois
processus de production de textes (planification, mise en texte et révision)
modélisés selon Hayes et Flower (1980), ainsi que les stratégies liées au
développement de l’expertise de l'activité rédactionnelle (stratégie des
connaissances rapportées vs stratégie des connaissances transformées) analysées
par Bereiter et Scardamalia (1987) avec la contribution des principaux résultats
52
des recherches conduites en psychologie cognitive du traitement du contenu
textuel (Van Dijk & Kintsch, 1983 ; 1998).
En fonction des objectifs de notre recherche, la prise en compte
simultanée de ces travaux théoriques (processus de planification, stratégie de
rédaction et les mécanismes du traitement de l'information) nous facilite la
compréhension de l'activité rédactionnelle. Il nous est alors possible d'évaluer le
rôle du contexte linguistique du rédacteur et d'analyser les processus cognitifs
mis en jeu au cours des activités de lecture/compréhension et de réécriture de
rappel du texte explicatif en français langue étrangère L2.
En nous appuyant sur les stratégies de production adoptées par les élèves
(Knowledge telling strategy vs Knowledge transforming strategy) dans le but de
valider particulièrement l'apport des textes d'aides proposés en langue maternelle
à la compréhension et à la réécriture du premier rappel en langue L2. Pour ce
faire, nous prenons en compte un ensemble de facteurs tels que la complexité du
texte explicatif, la langue utilisée dans les aides et la relecture en L1 vs L2.
Ces facteurs nous permettent de proposer des aides favorisant ainsi la
construction de connaissances et par inférence le développement des capacités
rédactionnelles en langue L2. Le développement de la maîtrise rédactionnelle est
envisagé comme un passage qui s'effectue de façon continue et progressive de la
telling strategy à la transforming strategy via des stratégies intermédiaires (voir
Chanquoy & Alamargot, 2002).
En résumé
En vue de comprendre la conception cognitiviste de la production de
textes, nous avons étudié le modèle canonique de Hayes et Flower (1980) qui est
basé essentiellement sur la mobilisation des processus cognitifs au cours de
l'activité rédactionnelle. Il s'intéresse précisément à la description des processus
de la production écrite, en les décomposant en trois processus : planification,
mise en texte et révision. Ensuite, nous avons présenté les limites de ce modèle
en évoquant quelques grandes lignes des travaux de Hayes (1996) et Berninger et
Swanson (1994). Leur démarche consiste à expliciter la relation entre le
53
processus de « mise en texte » et le développement de l'activité de production
écrite chez les scripteurs novices et experts. Nous avons essayé d'illustrer le rôle
de la mémoire de travail, en tant qu'une composante cognitive nécessaire à
l'activité rédactionnelle et par inférence à l'apprentissage. D'ailleurs, le modèle
récent de Kellogg (1996) a été discuté afin de montrer le rôle de la mémoire de
travail en production de textes. Kellogg (1996) décrit la relation entre le
processus de production et les six composantes de la MDT : planifier, traduire /
programmer, exécuter / lire, éditer. Le modèle de Bereiter et Scardamalia (1987)
décrivant les deux types de stratégies rédactionnelles (knowledge telling strategy
vs knowledge transforming strategy) a été proposé. La « knowledge
telling strategy » consiste à récupérer les informations de la mémoire à long
terme (MLT) sans retraiter le contenu textuel. En revanche, la « knowledge
transforming strategy » est une stratégie plus élaborée qui contribue à réorganiser
le texte, en fonction des buts de la production. Il s'agit dès lors de mieux
comprendre comment l'apprenti scripteur ou adulte procèdent lors d'une tâche
d'écriture à utiliser ses connaissances en fonction de son développement.
54
Chapitre 4. Modèles de production en contexte plurilingue et pluriculturel
et systèmes d'aides à la réécriture en langue L2
4.1 Production de textes explicatifs en contexte plurilingue et pluriculturel
Les recherches expérimentales menées en psychologie cognitive sur la
production de textes en situation plurilingue sont plus spécifiquement orientées
sur les processus cognitifs impliqués dans la rédaction de textes en langue L2
(Hoareau & Legros, 2005 ; 2006). Ces travaux visent à favoriser l'apprentissage
et à développer les compétences des élèves en compréhension et en production
de textes en langue étrangère L2. Dans le cadre de cette recherche, nous nous
interrogeons sur les processus cognitifs mis en jeu au cours des activités de
relecture et de réécriture de textes explicatifs. Nos analyses permettront de
déceler les écarts entre le premier rappel du texte explicatif (écriture) et le second
texte retraité (réécriture).
Pour construire un texte cohérent, l'élève doit, d'une part, maîtriser les
processus généraux de la production de textes écrits (planification, mise en texte
et révision) et d'autre part, mobiliser et coordonner ses connaissances construites
dans son contexte linguistique et culturel. En effet, l'activité de production de
textes scientifiques ne peut être étudiée en dehors du contexte linguistique et
culturel de l'élève. Ces contextes influencent les processus cognitifs du scripteur.
C'est pourquoi, ils doivent être pris en compte dans les processus
d'apprentissage/enseignement en langue L2.
En contexte plurilingue, l'apprenant traite les informations véhiculées par
le texte en fonction des connaissances façonnées dans son contexte linguistique
et culturel. Il est appelé à adapter ses stratégies d'apprentissages selon les
différents contextes et leurs effets sur le traitement du texte (Van Dijk, 1999). La
relation maintenue entre la production d'écrits et le développement des
compétences rédactionnelles en L2 des élèves sont complexes. Elle implique
ainsi le recours à des aides spécifiques qui facilitent pour les élèves l'exploitation
des ressources liées aux connaissances linguistiques, discursives et pragmatique
du domaine.
55
Le contexte linguistique est nécessaire au traitement du contenu
phrastique et informationnel du texte. L'utilisation de la langue L1 favorise la
récupération et l'activation des connaissances antérieures construites dans la
langue maternelle et stockées en mémoire à long terme (MLT). Adopter donc des
aides à la production de textes basées sur ces facteurs permet d'expliquer
l'amélioration des capacités rédactionnelles du scripteur.
La relation entre production d'écrits et mémoire de travail (MDT) souligne
l'importance accordée à la mémoire à long terme (McCutchen, 2000) qui sert à
stocker les différentes connaissances impliquées dans le traitement textuel. D'où
la nécessité de placer en amont les caractéristiques culturelles/linguistiques des
lecteurs-scripteurs. Il est essentiel également de prendre en compte la capacité
limité de la mémoire, pour proposer en aval des types aides potentielles à mettre
en place afin de favoriser le développement des stratégies rédactionnelles du
texte explicatif en langue L2.
Au total, les modèles de production de textes en contexte plurilingue
suggèrent que les scripteurs soient capables d’activer des processus de hauts
niveaux, même dans la condition où ils éprouvent certaines difficultés à traiter les
processus de bas niveaux tels que la formulation et la transcription (Barbier,
1998a). Les résultats empiriques et expérimentaux recueillis ont fourni les
éléments nécessaires à la compréhension des difficultés éprouvées par les élèves
lors de la production de textes en langue L2. Il serait possible de concevoir à
partir de ces données un matériel didactique de travail permettant aux
enseignants de cours secondaire d'enseigner plus efficacement la production de
textes explicatifs/documentaires en français langue étrangère L2.
56
4.2 Aides textuelles à la production d'un texte explicatif en contexte
plurilingue
Sur le plan de l'explication des aides à la réécriture, les informations
ajoutées et le scripteur constituent les éléments primordiaux impliqués dans cette
activité. L'élève éprouve des difficultés à retraiter son premier texte, dans le cas
où ses connaissances sur le domaine ne sont pas disponibles ou suffisantes
(Scardamalia & Bereiter, 1986). Si le scripteur dispose de peu d'informations en
mémoire, la relecture d'un texte d'aide en langue L2 ne peut activer suffisamment
de connaissances. Les trois niveaux de représentation de textes : niveau de
surface linguistique, niveau microstructurel et macrostructurel et modèle de
situation (Van Dijk & Kintsch, 1983) peuvent être, par hypothèse transposables à
l'activité rédactionnelle.
Dans notre recherche, les aides proposées à la réécriture en langue L2
consistent à fournir aux participants des textes d'aide en langue maternelle (L1)
afin d'activer leurs connaissances sur le thème du « Réchauffement climatique ».
Ce type d'aide peut permettre l'activation simultanée de processus de
compréhension et de production en français langue L2. Il peut faciliter ainsi
l'analyse des processus cognitifs qui contribuent au retraitement du premier jet.
C'est pourquoi, l'élève transforme son texte en fonction du but final de la
réécriture. Mais l'enjeu porte plutôt sur la validation des aides permettant de créer
des progrès de rédaction en langue L2. Dans cette perspective, nous prêtons plus
d’attention à ce qui se passe au niveau cognitif lorsque les élèves produisent leurs
rappels du texte explicatif en français langue L2.
En effet, la langue d'origine, le niveau de connaissances linguistiques en
L2, voire aussi le contexte linguistique et culturel de l'élève sont des composants
qui définissent le degré d'expertise en langue L2 de chaque élève. Or,
l'identification du niveau de connaissances linguistiques des élèves en L2 est
nécessaire pour déterminer soigneusement les facteurs à étudier dans le cadre de
notre expérience.
57
4.3 Relecture d'un texte en langue maternelle (L1)
Les travaux conduits récemment sur l'activité rédactionnelle en L2
(Barbier, 2003 ; Wang & Wen, 2002) portent sur l'analyse des liens entre le
traitement en L1 et en L2, au cours de la production de textes en langue L2. Le
fonctionnement cognitif des rédacteurs dans ces deux langues permet de
comparer ces deux systèmes différents au cours des activités de compréhension
et de production de textes. Le rédacteur éprouve des difficultés à relier le niveau
local (microstructure) et global (macrostructure) du contenu sémantique du texte
en langue L2 et à maintenir la cohérence de l'ensemble.
Le but de notre recherche ne porte pas sur le contrôle des processus
rédactionnels en temps réel (Barbier, 2003, p. 8), mais sur l'analyse via
l'utilisation de la langue maternelle au cours de la relecture, des transformations
du contenu propositionnel du texte. Et par inférence, les effets sur le retraitement
du premier rappel du texte en L2 et la réactivation des connaissances antérieures
construites en langue maternelle (L1).
En contexte plurilingue et pluriculturel, les résultats d'une étude
comparative menée par Legros, Maître de Pembroke et Makhlouf (2003),
contribuent à la construction d'une didactique qui favorise la prise en compte du
contexte linguistique, culturel et familial de l'apprenant. Ces auteurs n'évitent pas
de souligner les nombreuses difficultés de compréhension et de production en
langue L2.
L'objectif de cette recherche consiste à co-construire à distance, via le net,
des documents encyclopédiques à visée explicative concernant « Les causes et
les conséquences de la pollution des eaux douces » par des élèves de deux
classesi: (1) une classe de CM2, de l’école Henri Barbusse II, de Clichy-SousBois et (2) une classe de 6è année primaire d’une école d’un village de Kabylie.
Les processus cognitifs intervenant lors de l'écriture et la réécriture sont
influencés par des facteurs linguistiques, culturels et géographiques (voir Legros,
Hoareau, Boudechiche, Makhlouf & Gabsi, 2007).
L'aide consiste à proposer à ces élèves des textes encyclopédiques à lire.
Ces textes sont écrits dans leur langue d'origine (L1, français vs kabyle) afin de
58
les aider à réécrire et réviser le contenu conceptuel et sémantique de leur premier
rappel du texte. L'activité de réécriture s'applique ici à la verbalisation des
différents niveaux activés ou construits de la représentation du domaine. En effet,
lors de la tâche de réécriture, les structures de rappel construites pendant la
lecture du texte d’aide sont réactivées (Kellogg 2001 ; McCutchen, 2000, voir
Legros & Marin, 2008).
La lecture d'un texte en langue maternelle permet d'activer les
connaissances emmagasinées en mémoire à long terme (MLT). D'un coté, elle
met en œuvre le système de connaissances/croyance implicite au domaine
(Johnson-Laird, 1983) déjà construit dans la culture et la langue des élèves et
d'un autre côté, elle fournit de nouvelles informations. Ce type d'aide facilite le
traitement du niveau macrostructurel aussi bien que le niveau de la surface
textuelle. Il incite le rédacteur à mobiliser davantage ses connaissances.
Les textes d'aide en langue L1 qui fournissent un accès aux informations
implicites du texte, constituent un facteur explicatif de la valeur de l’activité
inférentielle. Ils s'appuient essentiellement sur des aspects sémantiques à travers
les connaissances (ré)activées par le rédacteur. De ce fait, ces dispositifs ont un
effet sur l'amélioration des textes en situation d'écriture et de réécriture.
Le traitement du contenu sémantique du texte implique nécessairement la
mise en œuvre des processus d'activation de connaissances issues d'informations
en langue L1. La différence entre « le scripteur expert » et « l'apprenti scripteur »
au cours de la réécriture repose sur la mobilisation des processus généraux de la
rédaction de textes. En effet, à l'opposé du scripteur expert qui utilise d'une
manière récursive et permanente les différentes composantes de la réécriture,
l'apprenti scripteur ne peut maintenir l'aspect récurrent de ces processus. Il doit
passer d'abord par un apprentissage de chacune de ces composantes. La révision
peut être considérée pour les apprentis scripteurs comme une simple correction
des fautes au niveau de l'orthographe et de la syntaxe.
Le recours à des aides en langue L1 au cours de la révision d'un texte
explicatif en langue L2 favorise la réactivation des connaissances générales et
spécifiques en mémoire à long terme (MTL) du scripteur réviseur (Legros &
Marin, 2008). Or, la qualité de fonctionnement de la mémoire de travail à long
59
terme (MTLT) semble être déterminée par l'utilisation de la langue native
pendant la construction des niveaux de représentations du texte (Kintsch, 1998).
Ces recherches engagées dans l'analyse des relations entre l'utilisation de
la langue maternelle et la production de texte en L2, contribuent absolument à
expliquer certains résultats que nous avons obtenus dans le cadre d'expérience de
ce travail, sur l'effet du facteur « Langue » L1.
Ainsi, la langue maternelle utilisée dans des aides à la réécriture est
considérée comme une meilleure aide à l’activation de connaissances. Les élèves
qui relisent le texte d'aide en langue L1 produisent des textes de bonne qualité au
niveau de la pertinence des propositions et des inférences (Gabsi, 2004, voir
Olive & Piolat, 2003). Dans le cadre du modèle de développement des
compétences en production de Bereiter et Scardamalia (1987), ces élèves optent
pour un traitement de type knowledge transforming strategy. La langue L1
permet ainsi au scripteur réviseur de structurer les informations activées sous
forme de structures de rappel en MTLT (McCutchen, 2000).
En résumé
Dans ce chapitre, nous nous sommes intéressés aux travaux (Hoareau &
Legros, 2005 ; 2006 ; Van Dijk, 1999) qui prennent en compte le rôle du contexte
plurilingue et pluriculturel dans l'activité de production de textes. Ils ont montré
que les connaissances du rédacteur construites dans sa langue et dans sa culture
sont indispensables à l'activité rédactionnelle. Nous avons abordé par la suite
l'importance du recours à des bases de données textuelles servant à aider les
scripteurs à réécrire des textes explicatifs/documentaires en langue L2. Le rôle de
la relecture en langue maternelle est présenté également afin de montrer son effet
sur l’activation des connaissances nécessaires à la production écrite en langue
L2.
60
DEUXIÈME PARTIE : EXPÉRIMENTATION
61
Chapitre 5. Cadre général de l’expérimentation
Les recherches en psychologie et en didactique cognitive basées
essentiellement sur l’étude des processus cognitifs, (« modèle de situation » et
« Construction-Intégration ») (Kintsch & Van Dijk, 1978 ; Van Dijk & Kintsch,
1983 ; Kintsch, 1988 ; 1998), ont montré que l'apprenant construit trois niveaux
de représentation du texte et de son contenu au cours de la lecture : Un niveau de
surface exprimant l’information lexicale et syntaxique, un niveau sémantique
représentant à la fois la signification locale et globale (microstructure et
macrostructure) des phrases et du texte, et un niveau situationnel, englobant les
connaissances antérieures évoquées par le texte, ainsi que les aspects contextuels
de la situation de lecture (Boudechiche, 2007 ; Marin & Legros, 2008, voir
Hoareau & Legros, 2006).
La microstructure et la macrostructure sont deux niveaux sémantiques qui
représentent la « base de texte ». Cette dernière est constituée d'un ensemble de
propositions organisées de façon hiérarchique et d'informations sémantiques
directement issues du texte. Ces représentations renvoient respectivement à la
signification locale et globale du contenu textuel. Cependant, le « modèle de
situation » représente les informations évoquées par le texte et activées par le
lecteur, mais détachées de la base de texte. Ces connaissances sont nécessaires à
la construction de la cohérence de la signification.
Le modèle de « Construction-Intégration » (CI) est basé dans un premier
temps sur les éléments lexicaux fournis par le texte. Ces éléments seront intégrés
aux connaissances antérieures du sujet afin d'activer une nouvelle représentation.
Tous les modèles récents sur l'activité de compréhension et qui s'inspirent de
Kintsch (1998) se réfèrent au rôle de la mémoire et des activités mnémoniques
mises en œuvre lors de la production d'inférences (Blanc & Brouillet, 2003 ;
Hoareau & Legros, 2008).
Le texte explicatif/documentaire, que nous avons proposé aux élèves de
2ème année de cours secondaire, décrivant « Les causes et les conséquences du
réchauffement climatique », nécessite de leur part une activation des
connaissances sur ce sujet pour saisir le contenu du texte. Comprendre donc un
62
texte explicatif est une tâche qui relève d'une activité cognitive complexe. En
effet, non seulement le domaine de connaissance est non familier aux lecteurs,
mais aussi il comprend souvent un vocabulaire technique et des termes à la fois
scientifiques, complexes et nouveaux qui peuvent être difficilement compris,
lorsque le lecteur ne dispose pas de connaissances spécifiques sur le domaine
évoqué par le texte.
De manière identique, nous avançons que sur le plan linguistique, le texte
explicatif contient souvent des mots nouveaux que le lecteur peut ne pas savoir
les interpréter. En outre, le contenu sémantique entraîne également des difficultés
de compréhension et de production, en raison de la complexité et du degré
d'abstraction des idées véhiculées par le texte (Otero, Leon & Graesser, 2002).
Pour que ces élèves de deux filières différentes (2LL1 vs 2LP1) arrivent à
construire une représentation globale des idées contenues dans le texte, il faut
d’une part qu’ils possèdent des connaissances conceptuelles minimales sur le
domaine, et d’autre part, qu’ils puissent établir de nombreux liens entre les
propositions. En d'autres termes, chaque élève doit produire, la plupart du temps,
des inférences pour accéder au sens du texte et pouvoir réécrire par la suite des
textes explicatifs intéressants en langue L2.
S'interroger ainsi, en reprenant au niveau méthodologique le paradigme de
Millis et de ses collaborateurs (1998), nous conduit à orienter notre
problématique générale autour de trois axes fondamentaux représentés dans trois
tâches proposées aux élèves au cours de trois séances.
1. Effet de la tâche de soulignement des propositions importantes sur
l'activité de hiérarchisation de l'information (l’un des processus à la base de
l’activité de compréhension), et sur la production du premier rappel du texte
documentaire/explicatif en langue L2, français, (Séance 1) ;
2. Effet de la relecture d'un texte d'aide en langue maternelle (L1, arabe)
sur la réécriture et le retraitement du premier jet (écriture) en français (L2),
(Séance 2) ;
3. Effet des tâches de lecture et de production sur les transformations
apportées aux réponses au questionnaire de connaissance final et sur la
réorganisation des connaissances en mémoire, (Séance 3).
63
Dans la tâche 1, nous émettons l'hypothèse que l’activité de soulignement
comme aide à la hiérarchisation et à la sélection de l'information proposée au
groupe (G1) aurait plus d'effet sur le rappel de texte en L2. Les participants de ce
groupe se souviendront mieux des informations du texte lu. Nous prédisons que
l'aide à la hiérarchisation se manifeste surtout pour les élèves d'un niveau de
connaissance moins bons en français, L2, (G1N2) lors de la production du rappel
(R2).
Dans la tâche 2, nous formulons l'hypothèse selon laquelle la relecture
d'un texte d'aide en langue maternelle (arabe, L1) favorise l'activation des
connaissances du monde évoquées par le texte, et donc joue le rôle d’aide à la
compréhension et la réécriture en L2. Nous prédisons que les élèves qui ont lu le
texte d'aide en langue L1 (G1) produisent davantage d’informations pertinentes
qui expliquent précisément « Les causes et les conséquences du réchauffement
climatique ».
Dans la tâche 3, nous formulons l'hypothèse selon laquelle la relecture en
L1 et les premiers rappels en L2 (R1) ont un effet sur les réponses des élèves au
questionnaire final. Les réponses des participants comportent des transformations
par rapport au questionnaire initial. Nous prédisons que les élèves qui ont relu le
texte d'aide en L1 (G1), produisent plus de réponses pertinentes que le groupe qui
a relu le texte d'aide en L2 (G2).
C'est à partir de ces trois étapes de l'expérimentation que nous fondons les
hypothèses de notre étude.
5.1 Choix du matériel expérimental
En nous attachant à la production d'un texte explicatif en L2, nous avons
opté pour un sujet brûlant d'actualité qui explique les causes du réchauffement
climatique et développe ainsi les conséquences néfastes pour la planète.
Nous avons donc élaboré un questionnaire encyclopédique de
connaissance qui interroge les élèves sur les causes et les conséquences de ce
phénomène et un texte sur ce même thème. Le questionnaire comprend six
64
questions qui permettent d'activer trois types de représentations telles quelles
sont modélisées selon Van Dijk et Kintsch (1983).
Les questions 1 et 2 renvoient à des réponses qui portent sur la
microstructure textuelle (significations locales). En effet, les réponses à ces
questions sont des informations qui constituent des détails du contenu
sémantique du texte. La réponse nécessite un simple rappel du texte sans aucun
traitement inférentiel.
Les questions 3 et 4 correspondent à des réponses qui s'appuient sur la
macrostructure textuelle (signification globale). Ces réponses renvoient à la
signification globale du texte à laquelle les informations sont attachées par des
liens de causalités. Elles nécessitent un traitement inférentiel. En répondant à ce
type de question, l'apprenant passe de la surface des mots au contenu sémantique
et à la sélection des informations les plus pertinentes.
Les questions 5 et 6 mettent en jeu des réponses qui renvoient au modèle
de situation sous jacent au texte. Les réponses ont une relation directe avec les
connaissances générales ou spécifiques du monde évoquées par le texte et
activées par l'élève.
(voir questionnaire annexe I, p. 151)
Le texte proposé comme aide à la réécriture est un texte explicatif
évoquant un sujet scientifique qui concerne toute la planète. Cet écrit aborde le «
Réchauffement climatique ». Il décrit les causes principales de ce phénomène
brutal et développe l’analyse de ses conséquences sur les écosystèmes de
l'environnement naturel et la population.
L'ensemble de causes et de conséquences développées dans ce texte,
représente une suite d'informations enchaînées de manière causale.
Nous utilisons deux versions du texte. La première a été proposée en
arabe6 (L1) pour les élèves du groupe G1. La deuxième a été proposée en
français (L2) pour les participants du groupe G2. Précisons que dans la traduction
6
Nous remercions M. Mustapha Aouimer, enseignant au CEM de Cheikh Abde el-Hamid Ben Badis de
Mascara, pour la traduction de ce texte.
65
du texte d'aide proposé en arabe, nous avons respecté la même structure
sémantique que celle du texte proposé en L2.
(voir textes annexes II, III pp. 152-154)
Dans le cadre de cette expérience, nous avons décomposé le texte en
propositions sémantiques (Kintsch, 1998). Ces propositions permettent de
construire et de décrire la signification du texte (Le Ny, 1989). En effet, le
contenu sémantique du texte, c’est-à-dire sa représentation en mémoire est formé
d’un ensemble de propositions constituées d’un prédicat et de plusieurs
arguments qui sont les correspondants mentaux des informations textuelles. Les
différentes catégories d'informations font l'objet d'un traitement différent. Elles
sont analysées et catégorisées comme suit :
Informations suivant le niveau de pertinence :
- informations très pertinentes ;
- informations moyennement pertinentes ;
- informations peu ou non pertinentes.
Informations renvoyant au contenu sémantique du texte « base de texte » :
- informations microstructurelles ;
- informations macrostructurelles ;
- informations inférentielles « modèle de situation » (Van Dijk & Kintsch,
1983).
Informations renvoyant à un traitement de type :
- « Knowledge telling strategy » ;
- « Knowledge transforming strategy » (Bereiter & Scardamalia, 1987)
66
5.2 Procédure expérimentale et consignes
La mise en œuvre de l'expérimentation a nécessité lors de la première
rencontre avec les participants, de justifier notre présence et de mettre au clair les
objectifs de cette expérience.
5.2.1 Présentation des questionnaires
Conformément aux étapes de cette expérimentation, les questionnaires
(initial et final) sont identiques. Ils ont été distribués sans être lu par
l'expérimentateur. En effet, les mêmes questions ont été présentées pour les deux
groupes, avec la même consigne : « Essayez de vous concentrer au maximum
pour répondre le plus précisément possible aux questions » (Temps accordé 30
minutes).
5.2.2 Activités de lecture et de relecture
Pour la lecture, nous distribuons un texte explicatif en langue L2
(français) aux deux groupes expérimentaux afin qu'ils lisent cette première
version. La consigne est la suivante : « Lisez bien et suivez attentivement ce texte
de façon à comprendre son contenu, lors de la lecture ». En revanche, nous
demandons à un seul groupe (G1) de souligner les informations importantes du
texte lu. C'est ainsi que nous avançons à ces participants : « Concentrez-vous
pour souligner les idées importantes de ce texte ». (Temps accordé 10 minutes).
Pour la relecture, nous distribuons deux versions du texte explicatif. La
première est une version en arabe (L1) et la deuxième en français, identique au
premier texte proposé lors de la lecture (L2). La consigne est la suivante : « Vous
allez relire très attentivement ce texte. Vous le lisez une fois et doucement, car la
semaine prochaine, vous êtes appelés à réécrire un texte explicatif en étant le
plus précis possible ». (Temps accordé 10 minutes). Cette consigne a été donnée
à tous les participants.
67
5.2.3 Tâches de rappel (rappel R1 vs rappel R2)
La réalisation de ces tâches nécessite la distribution de feuilles blanches
aux élèves. Chaque élève remplit d'abord sa copie suivant ces entrées : Nom,
Prénom, Âge et Classe.
La consigne pour la première production du rappel (R1) est la suivante :
« Nous vous demandons de vous souvenir du texte lu et de rédiger à votre tour
un texte qui explique d'une manière claire et précise les causes et les
conséquences du réchauffement climatique. Donnez suffisamment d’informations
et essayez d'être précis de manière à ce que vos rédactions soient claires,
simples et faciles à lire. Utilisez les idées que vous avez déjà recueillies la
séance passée. Vous devez rendre les textes à la fin de cette séance ». (Temps
accordé 30 minutes).
Une deuxième tâche de production du rappel (R2) est effectuée, après
sept jours. Nous présentons pour cette tâche de réécriture la consigne suivante :
« Vous allez relire votre premier texte afin de réécrire un nouveau texte plus
précis et plus détaillé. Essayez à nouveau de réécrire le texte, le plus
précisément possible, en étant le plus proche possible du thème. Essayez de
développer vos idées. Rédigez avec soin. Nous vous demandons d'être le plus
précis possible et le plus complet ». (Temps accordé 30 minutes).
5.2.4 Participants
L'expérience a été effectuée en mai 2007 dans deux classes situées dans le
même lycée de « Djamel Eddine El Afghani » de la wilaya de Mascara.
L'épreuve a été effectuée auprès d'élèves de niveau 2LP1 et 2LL1. Ces deux
niveaux correspondent à la deuxième année secondaire. Ils représentent
respectivement deux filières : « Lettres et sciences humaines » et « Lettres et
langues étrangères ».
Par ailleurs, la classe (2LL1) a attiré notre attention, vu qu'elle a pour
particularité d’avoir un enseignement des matières à la fois en langue maternelle
(arabe, L1), mais aussi en langues vivantes (français, anglais et allemand).
68
Contrairement à la classe (2LP1) dont l'enseignement se base sur la langue
maternelle (arabe, L1). Néanmoins, le français et l'anglais figurent dans deux
matières. En revanche, il est important de noter que les groupes ont été choisis
sans sélection préalable des élèves. Le choix a été fait de façon aléatoire,
conformément aux principes de la recherche expérimentale.
Cette expérience a été menée dans ces deux classes où plusieurs langues
coexistent tout au long de l'année scolaire. Les pratiques linguistiques sont plus
diversifiées, puisqu'il y a plusieurs langues et plusieurs contextes dans la même
classe. Cette situation plurilingue peut enrichir non seulement la conception des
invariants cognitive mise en jeu dans les activités d'apprentissage/enseignement,
mais aussi ils contribuent à la conception de systèmes d'aides qui tiennent
compte du contexte linguistique et culturel de l'élève.
Les élèves concernés sont âgés de 15 à 20 ans. Deux groupes de 20
participants issus de deux classes composent nos deux groupes expérimentaux.
Le premier groupe d'élève est divisé en deux sous-groupes selon le niveau de
connaissance en L2 (bons et moins bons). Ces niveaux sont définis en fonction
des résultats scolaires obtenus au cours de l'année scolaire.
5.3 Tâches et conditions expérimentales
Les deux groupes expérimentaux sont soumis à six tâches au cours de
trois séances, espacées d'une semaine.
Nous avons pris comme point de départ le même questionnaire pour les
deux groupes. Dans chaque classe est distribué un questionnaire de
connaissances initial comprenant six questions sur le thème du réchauffement
climatique. Les participants vont répondre à ce questionnaire suivi de la lecture
d'un texte explicatif d'une quarantaine de lignes sur les causes et les
conséquences du réchauffement climatique (première séance : 40 minutes) ;
Suite à cette lecture, et après la production d'un premier rappel (R1) d'un
texte explicatif, les élèves sont invités à une relecture du même texte sur les
causes et les conséquences du réchauffement climatique (deuxième séance : 40
minutes) ;
69
Lorsque les élèves ont terminé de relire le texte proposé, les premières
productions (rappel 1) sont distribuées à l'ensemble des participants. À ce
moment, ils produisent un second rappel (R2) du texte explicatif. Enfin, ils
répondent à un questionnaire final qui présente les mêmes questions que celles
données aux élèves au début de l'expérience. (troisième séance : 60 minutes).
Les tâches sont présentées dans quatre conditions expérimentales
correspondant aux groupes d'élèves suivants :
- G1: groupe lisant le premier texte, avec tâche de soulignement des informations
textuelles importantes et/ou pertinentes ;
- G2 : groupe lisant le même texte, sans tâche de soulignement ;
- G1 : relecture d'un texte d'aide en langue maternelle (arabe, L1) ;
- G2 : relecture d'un texte d'aide en langue étrangère (français, L2).
5.4 Méthode d'analyse des productions : l'analyse propositionnelle
L'analyse propositionnelle inspirée par les travaux menés en psychologie
cognitive (Denhière, 1984 ; Kintsch, 1974 ; Le Ny, 1979 ; 1989), sert à effectuer
des analyses de la production des élèves lors d'un rappel écrit d'un texte qu'ils
ont déjà lu. Précisément, il faut analyser la signification du contenu textuel en se
basant sur les propositions sémantiques. En effet, celles-ci représentent le
contenu microstructurel, c’est-à-dire, le support de la signification globale du
texte. Elles contribuent ainsi à donner la cohérence de la signification du texte
(niveau cognitif) et la cohésion du texte (niveau de la surface textuelle). La suite
des propositions du contenu textuel constitue la microstructure. Ces propositions
sont formées d'unités linguistiques minimales qui correspondent à des «
micropropositions ». Elles sont composées essentiellement d'un prédicat et de un
ou de plusieurs arguments.
Tout ce qui est attribué à une chose ou à un objet comme qualité ou action
représente un prédicat, alors que l'argument est la chose ou l'objet auquel le
prédicat s'applique. Par ailleurs, chaque proposition permet d'expliquer le
contenu sémantique textuel afin de pouvoir construire la signification du texte.
70
Pour analyser le texte en propositions, il faut calculer les prédicats qui sont
suivis d'un ou de plusieurs arguments.
Au cours de l'analyse du texte, il est indispensable d'attribuer à chacune
des propositions qu'il comporte un niveau d'importance par rapport à l'ensemble
du texte et/ou un niveau de pertinence par rapport à la thématique exposée. Cela
nécessite de découper le texte en termes de distinction des différents niveaux
d'importance et/ou pertinence. D'ailleurs, les propositions très importantes et/ou
pertinentes sont celles qui amorcent les arguments nouveaux.
Dans cette recherche, nous avons opté pour l'analyse propositionnelle, vu
que les textes produits par les élèves lors des deux rappels (rappel 1 et rappel 2),
sont des structures cognitives construites lors de l'activité de lecture et de
relecture, sous forme d'une suite propositionnelle. Appliquer dès lors une analyse
propositionnelle permet de décrire le contenu sémantique non seulement des
productions, mais aussi des réponses aux questionnaires par les deux groupes de
participants. Elle permet aussi de prédire quelles propositions ou informations
ont le plus de chance d'être rappelées. L'analyse propositionnelle consiste à
décomposer les textes et les réponses produites par les élèves de
l'expérimentation en propositions sémantiques pour en analyser le nombre
d'informations traitées et présentées.
En résumé
Nous avons décrit dans le cinquième chapitre, la méthodologie générale
de notre expérimentation menée auprès des élèves de cours secondaire : le choix
du matériel expérimental, les participants, la procédure, les conditions
expérimentales et la méthode d'analyse des productions des élèves fondées sur
l'analyse propositionnelle.
71
Chapitre 6. Expérience : Etude de l'effet des questionnaires de type
(Micro/macro vs modèle de situation) sur le retraitement des informations
au cours de la compréhension d'un texte explicatif/documentaire, et l'effet
de la relecture en langue maternelle sur la replanification et la réécriture du
rappel en langue L2 (français).
6.1 Objectifs de l'expérience
À partir de l'analyse des informations ajoutées lors de la réécriture du
premier jet et les réponses au questionnaire final, nous visons à évaluer l'effet de
la langue (arabe, L1 vs français, L2) et l'effet des types de questions sur la
relecture et le retraitement du premier rappel. Notre démarche consiste alors à
analyser l'effet des aides proposées sur l'activation des connaissances construites
par l'apprenant dans son contexte linguistique et culturel et sur la réécriture en
français L2 de textes explicatifs.
Le premier objectif de cette recherche sur les activités de compréhension
et de réécriture d'un texte explicatif est d'étudier chez des élèves de filières
différentes, âgés de 15 à 20 ans, l'effet des questionnaires sur la compréhension
d'un texte explicatif/documentaire et le rappel en langue L2, français (Hoareau,
Legros, Gabsi, Makhlouf & Khebbeb, 2006). Précisément, nous visons à
analyser, à partir des informations ajoutées au questionnaire final et au premier
rappel, l'effet des questions sur l'activation de connaissances construites dans le
contexte linguistique et culturel de l'élève et sur la replanification lors de la
réécriture en L2 (Sawadogo & Legros, 2007).
Les deux questionnaires (initial et final) sont identiques. En effet, il y a
des questions qui portent sur les éléments textuels, renvoyant au contenu de la
base de texte (questions sur la micro vs questions sur la macro). De plus, des
questions portant sur les connaissances évoquées par le texte, et qui renvoient au
modèle mental. Il s'agit, de comparer les réponses des deux questionnaires (initial
et final), pour distinguer les différences qui ont surgi, et d'analyser précisément
les ajouts, en supposant qu'ils constituent l'indice de nouvelles connaissances
construites.
72
Le second objectif est d'étudier l'effet de la tâche de soulignement et le
rôle du niveau de connaissance en L2 sur la hiérarchisation des informations
importantes et sur la replanification en L2.
Le troisième objectif est d'évaluer l'effet de la langue utilisée dans les
textes d'aides (L1, arabe vs L2, français) sur la compréhension et la réécriture de
textes en français langue L2, en contexte plurilingue. Notre étude prend en
compte les propositions ajoutées au texte source et celles au rappel (R1). Ce qui
permet d'expliquer par la suite l'activité inférentielle. Il s'agit de comprendre
comment l'élève réécrit un texte explicatif en prenant en compte le contenu
informationnel du texte d'aide (texte source), la complexité des liens de causalité
qui l'organisent et ses connaissances antérieures.
Ces objectifs nous offrent la possibilité de comprendre comment l'élève
pourra traiter les informations lors de la compréhension et de la réécriture en L2
d'un texte explicatif/documentaire. Le but final est de proposer quelques aides
textuelles facilitant ainsi la production en L2, pour des élèves de classe
secondaire, et plus précisément en contexte plurilingue. Autrement dit,
l'ensemble des analyses nous permettra de concevoir des aides efficaces à la
production des textes documentaires/explicatifs en langue L2.
Nous optons pour une démarche expérimentale qui se décompose en trois
séances. Les élèves des deux groupes (G1 et G2) répondent, au cours de la
première séance, à un questionnaire de connaissances. Le questionnaire proposé
renvoie à des réponses qui portent, d'abord sur la microstructure textuelle, c'est-àdire les réponses sont des informations qui constituent les détails explicites du
contenu sémantique du texte. Ensuite, des questions qui correspondent à la
macrostructure textuelle. Les réponses représentent ainsi des informations
attachées par des liens de causalité et nécessitent un traitement inférentiel. Enfin,
des questions mettant en jeu des réponses qui renvoient aux modèle de situation.
C'est-à-dire, aux connaissances du monde évoquées par le texte, mais absentes de
son contenu, et cependant nécessaires à la compréhension. Puis, tous les élèves
lisent un texte explicatif en français (L2) sur « Les causes et les conséquences du
réchauffement climatique » afin de souligner les informations importantes du
texte. Cette tâche de soulignement est proposée seulement pour le groupe (G1).
73
Lors de la seconde séance, quelques jours plus tard (une semaine),
l'ensemble des participants produit une première version du texte explicatif en
français (rappel 1) sur le même thème. Ils se servent d'informations qu'ils ont pu
recueillir et comprendre pendant la première lecture. Une relecture du même
texte, une version en langue maternelle (arabe, L1) pour le groupe G1 et une
version en langue étrangère (français, L2) pour le groupe G2, est proposée.
Une semaine après, suite à la distribution du premier rappel du texte, les
participants révisent ce premier jet et réécrivent un nouveau texte en vue
d'améliorer et d'enrichir la première production du texte explicatif. Enfin, ils
répondent à un questionnaire final, identique au questionnaire initial, afin de
pouvoir évaluer l’effet des tâches de lecture et de production sur la réorganisation
des connaissances en mémoire.
Notre corpus est donc constitué des textes résultant de deux tâches de
production d'un texte explicatif (écriture et réécriture) en langue L2 (français) et
des réponses à deux questionnaires de connaissances (initial et final).
6.2 Cadre théorique de l'expérimentation
6.2.1 Rôle du contexte
Dans le paradigme classique du traitement cognitif du texte, les
connaissances relatives au contexte ne sont pas fréquemment étudiées. Van Dijk
(1999) constate que la plupart des modèles cognitivistes récents de traitement du
texte ont réduit le contexte à de simples variables indépendantes, comme l’âge, le
but de lecteur ou le niveau de connaissance antérieur (voir Legros & Maître de
Pembroke, 2002).
Toutefois, une nouvelle génération de recherche prend en compte l'effet
des contextes sur la lecture, la compréhension et la production de textes (Daguet,
Ghiglione, Legros & Denhière, 1999). De ce fait, la mise en valeur du contexte
linguistique et culturel de l'apprenant est nécessaire dans le paradigme de
traitement de texte, étant donné que ces contextes sont des composantes centrales
dans le fonctionnement cognitif de l'individu, et particulièrement dans celui du
74
traitement cognitif des informations textuelles. Autrement dit, le contexte est
considéré comme un composant indispensable à l'analyse d'un texte.
La compréhension et la production de textes dans cette perspective ne sont
plus seulement le résultat d’une interaction entre les connaissances initiales du
lecteur et les informations véhiculées par un texte, mais aussi le résultat d’une
interaction entre deux facteurs : le contexte culturel et le contexte linguistique
(Legros, Maître de Pembroke & Talbi, 2002 ; Legros, Maître de Pembroke,
Makhlouf & Talbi, 2001 ; 2002).
La recherche actuelle qui met en jeu les processus cognitifs intervenant
lors de la compréhension et la production en français langue L2 de textes
documentaires/explicatifs en contexte plurilingue, nous conduit à nous intéresser
au contexte linguistique des élèves. En effet, notre étude se limite à l'effet de la
langue maternelle sur la compréhension et la réécriture en L2. Dans ce cas, il
convient d'avancer que la signification d'un texte est le produit de rencontre entre
les informations véhiculées par le texte et qui résulte d'une interaction entre le
texte et ses unités d'une part, et d'autre part entre la base de connaissances du
lecteur-compreneur, constituée par son système de connaissances/croyances sur
le domaine évoqué par le texte (Legros & Baudet, 1997).
L'importance du contexte linguistique, perceptible dans l'analyse du texte
en tant que produit d'un processus cognitif de l'élève, est au moment de l'activité
de compréhension et de production de textes en contexte plurilingue et
pluriculturel un fait incontestable (Boudechiche, 2007 ; Boudechiche & Legros,
2007b ; Legros, Hoareau, Boudechiche, Makhlouf & Gabsi, 2007). Les
connaissances acquises dans le contexte linguistique dans lequel grandit le
lecteur influencent la production de textes. Par ailleurs, l'utilisation de la langue
maternelle dans des textes d'aide représente une composante cognitive qui rend
explicites les conditions du rôle des contextes linguistiques et culturels dans une
activité de compréhension de textes et de production des rappels en L2. Pour
toutes ces raisons, ces activités doivent être décrites en termes explicitement
cognitifs.
Notre cadre théorique de référence s'appuie essentiellement sur les travaux
réalisés en psychologie cognitive du traitement du texte (Denhière & Baudet,
75
1992 ; Van Dijk et Kintsch, 1983 ; Kintsch, 1988 ; 1998 ; Van Dijk, 1999 ;
Scardamalia & Bereiter, 1987). Plus précisément, sur ceux qui ont traité de
l'activité de compréhension et de production en langue seconde ou étrangère en
contexte plurilingue mettant en œuvre le fonctionnement cognitif de l'élève
(Legros, 2005 ; 2006b ; Makhlouf, Legros et al., 2005 ; Cordier, Legros &
Hoareau, 2005 ; Hoareau & Legros, 2006 ; Marin, Crinon, Legros & Avel, 2007 ;
Legros & Marin, 2008). Bien plus, nous prenons appuie sur les recherches
expérimentales qui ont pris en compte le rôle de la langue maternelle sur la
compréhension et la production en langue L2 (français) des textes
scientifiques/documentaires en contexte plurilingue (Makhlouf, Legros & Marin,
2006 ; Legros, Hoareau, Boudechiche, Makhlouf & Gabsi, 2007 ; Ammari &
Legros, 2007 ; Boudechiche & Legros, 2007a ; 2007b).
6.2.2 Rôle de la langue maternelle (L1) dans la compréhension et la
production en langue étrangère (L2)
Le lecteur possède déjà des connaissances, des valeurs, une culture et une
langue. Le recours à la langue maternelle (L1) dans les activités de
lecture/compréhension ou de lecture/production en langue L2 peut favoriser chez
les élèves l’activation des connaissances construites dans leur langue, leur milieu
familial et l'école. En effet, la langue maternelle qui permet à l'apprenant de
former ses idées, sert essentiellement à constituer et à structurer ses savoirs.
Dans l'apprentissage/enseignement en L2, les connaissances antérieures
(linguistiques ou disciplinaires) doivent servir de point de référence pour
s'approprier d'autres informations. Elles sont une piste d'accueil qui permet
d'associer de nouvelles informations. Cela signifie que les connaissances
construites dans la langue et la culture de l'élève jouent un rôle primordial dans
la construction de la signification du contenu textuel.
À ce stade, nous essayerons de présenter certains travaux de référence sur
l'effet de la langue maternelle (L1) et le rôle des connaissances antérieures dans
la compréhension et le rappel de textes en langue étrangère (L2). Les recherches
en psychologie cognitive du traitement du texte ont montré que pour comprendre
76
et produire un texte, il faut mettre en avant le rôle fondamental des
connaissances antérieures préconstruites en langue maternelle (Legros et al.,
2002 ; Legros, Maître de Pembroke & Acuna, 2003 ; Gabsi, 2004). Ainsi, les
connaissances personnelles et générales de l'apprenant se rattachent à la nouvelle
information véhiculée par le texte. Pour ce faire, l'élève est appelé à mettre en
relation les entrées linguistiques du texte et ses connaissances antérieures.
Tout au long de la lecture/compréhension, l'élève fait appel à son vécu et
réutilise ses connaissances façonnées au cours de ses expériences et ses
apprentissages précédents dans son environnement proche et dans un contexte
propre à sa langue, afin d'orienter sa lecture. C'est dans cette logique et
rejoignant la perspective d'une didactique interculturelle, que Legros, Acuna et
Maître de Pembroke (2006) soulignent la nécessité de prendre en compte les
contextes linguistiques et culturels. Ces contextes déterminent ou influencent la
construction des connaissances en langue étrangère (français, L2).
Or, l'élève ne peut pas comprendre d'une manière profonde un texte sans
mettre en pratique ce qu'il sait déjà. Ces connaissances désignent un « modèle de
situation » décrit par le texte. Malgré cela, il n'est pas suffisant d'avoir un
ensemble de connaissances. L'élève doit en outre mettre en œuvre un processus
cognitif qui conduit à l'activation de connaissances lors de la lecture. C'est ce
processus qui favorise la compréhension et le rappel en langue L2. Ceci
consolide notre intérêt à mener une étude sur le rôle de la langue maternelle
(arabe, L1) versus langue étrangère (français, L2) sur la compréhension et la
production de textes en L2.
Précisément, notre but est de nous intéresser à la langue maternelle en tant
que moyen d'aide à la compréhension et à la réécriture de textes
explicatifs/documentaires en français langue étrangère L2. Une aide qui met en
œuvre les processus cognitifs responsables du traitement de la surface du texte et
de son contenu. Ces processus portent également sur le traitement des
informations textuelles sous-jacentes et sur la mise en cohérence des
connaissances antérieures activées avec celles extraites du texte proposé en
français (L2) au cours de la lecture. Ces tâches, grâce aux processus qu’elles
77
mettent en œuvre, permettent de construire efficacement de nouvelles
connaissances en contexte plurilingue.
Selon les spécialistes de la didactique du texte, il est important donc de
concevoir et de proposer des aides aux élèves afin de favoriser l’activation des
connaissances qu'ils possèdent sur le texte et son contenu sémantique. De ce fait,
ils saisissent ce qu'ils savent déjà sur le contenu textuel. Ils arrivent à activer ou à
élaborer une structure mentale qui leur permettra d'intégrer le contenu du texte et
de réaliser les inférences nécessaires pour combler les « trous sémantiques »
laissés par le texte. C'est-à-dire, il est important d'établir un lien entre le texte et
les connaissances antérieures du lecteur afin que celui-ci puisse se faire une
représentation de ce qui est dit.
La question du rôle de la langue maternelle dans la compréhension et la
production en L2 en contexte plurilingue a été abordée par plusieurs chercheurs.
Des travaux ont montré son rôle pour rendre compte de l'interaction entre le texte
et les structures mémorielles du sujet dans le cas de la compréhension (Hoareau
& Legros, 2006) ou de la production (Hoareau et al., 2006) de textes explicatifs
ou de textes de spécialité (Legros et al., 2006) en L2 en contextes plurilingues et
pluriculturels. C'est ainsi que nous avons jugé utile de citer quelques études
engagées dans ce même cadre de recherche. Les résultats de ces travaux ont été
fondés sur des démarches expérimentales, et qui vont dans le sens de notre
objectif.
Nawal Boudechiche7(2007) a étudié chez des apprenants universitaires de
tronc commun, sciences agronomiques inscrits au Centre Universitaire d’El Tarf
(Algérie), l’effet de deux types de questionnement d’aide à la compréhension de
texte explicatif en L2 (français). Ces aides renvoient dans le premier cas (G1),
aux connaissances implicites évoquées par le texte et indispensables à la
compréhension de ce dernier, et dans le second cas (G2) aux informations
explicites contenues dans le texte. Ces deux types d’aide renvoyant
respectivement soit au modèle de situation (aide macro) soit à la base de texte
7
Expérience conduite dans le cadre de la thèse de Mme Nawal Boudéchiche (Ecole doctorale, Université
d’El Tarf)
78
(micro) sont également proposés aux apprenants soit en langue maternelle L1 soit
en langue étrangère (L2).
L'expérience s'est déroulée en deux séances. Les apprenants lisent le texte.
Après une tâche distractive, ils produisent un rappel des informations retenues et
comprises du texte. Quelques jours plus tard, les apprenants du groupe
expérimental G1 répondent aux questions « macro » renvoyant au modèle de
situation du texte (L1 vs L2). Ceux du groupe G2 répondent, dans les mêmes
conditions (L1 vs L2) aux questions « micro » renvoyant au contenu de la base
du texte. Quant aux participants du groupe G3, le groupe témoin, ils ne
bénéficient d’aucun type de questions. Suite à la relecture du texte, et à la
distribution de leur premier rappel du texte, les étudiants rédigent en langue
étrangère un second rappel (rappel différé) afin d’enrichir et de préciser le
premier rappel.
Les résultats indiquent que le type de question (question macro vs question
micro) et de la langue utilisée dans ces questions (langue maternelle L1 vs langue
étrangère L2) exerce un effet sur le retraitement du rappel. Les sujets qui utilisent
la langue L1 produisent plus d’ajouts. Ils activent davantage de connaissances
lors d’une relecture du texte consécutive aux réponses aux questionnaires. Les
réponses aux questions en langue maternelle portant sur le modèle de situation
favoriseraient l’activation des structures mémorielles et donc faciliteraient
l’activation des connaissances lors de la relecture, du retraitement et du rappel du
texte.
En résumé, les aides proposées, sans distinction de type (Macro vs Micro),
permettent non seulement un ajout d’informations plus important lors du second
rappel. Mais elles permettent, plus précisément, une compréhension plus « fine »
du texte grâce à l’ajout d’inférences renvoyant à une interaction entre les
informations du texte et les modèles mentaux du lecteur. Conformément aux
données issues des travaux inspirés du modèle de Kintsch (1988 ; 1998), les
apprenants construisent une représentation cohérente du texte à laquelle ils
intègrent leurs expériences préalables, leurs connaissances en mémoire à long
terme (MLT). Les questionnaires constituent une aide à l’activation des
connaissances dans l’activité de compréhension de texte chez des étudiants
79
bilingues quel que soit leur niveau d’expertise en L1 et en L2. Ainsi, les aides
proposées sont très utiles à la compréhension du texte explicatif et la réécriture
en langue étrangère (L2).
Ainsi, une série de recherches conduites au Burkina Faso8 (Sawadogo &
Legros, 2005 ; 2007), porte non sur les aides à la réécriture, mais sur les aides à
la production de textes explicatifs en L2 en contexte diglossique. Elle vise à
tester l’effet de questionnements à distance via Internet élaborés par des élèves
(en L1 vs L2) sur l’activité de planification. Elle s’inscrit dans les travaux sur la
conception du co-apprentissage à distance en contexte plurilingue avec des
systèmes d’aide dits ouverts ou « open-ended Internet environments » (Legros et
al., 2006).
Au niveau de l’effet de l’utilisation de la langue L1 lors de la phase de
questionnements et de discussions sur la production, les résultats de ces
expériences montrent que l’utilisation de la langue maternelle lors de
questionnements préalables à la production produit un effet favorisant du point
de vue du processus de planification en termes d’activation des connaissances,
d’organisation et de restructuration des idées. Particulièrement, la langue
maternelle L1 conformément aux résultats antérieurs active davantage les
connaissances construites dans le contexte culturel de l’élève et favorise le
retraitement, l’activité inférentielle et la planification.
Une autre expérience a été menée par Gabsi (2004)9 dans le but d’analyser
les effets du contexte linguistique des élèves apprentis scripteurs. Elle a conduit
une recherche sur la production, la co-révision à distance de texte par des élèves
d’une classe de collège de la banlieue parisienne et une classe de la Wilaya de
Tizi Ouzou. L’objectif était d’étudier le rôle de la langue maternelle (tamazigh)
utilisée dans un texte d’aide sur la révision et la co-révision à distance d’un texte
explicatif en L2 (français) et sur la (co)construction des connaissances, en
situation multilingue et pluriculturelle. Les élèves révisaient leur propre texte et
le texte d’un partenaire distant via Internet.
8
Recherches conduites au Burkina Faso par François Sawadogo dans le cadre de sa thèse
Recherche de DEA conduite par Amel Gabsi (2004) dans le cadre du projet GdR CNRS 2657 «
Approche Pluridisciplinaire de la Production Verbale Ecrite » (Responsable, Denis Alamargot, LaCo,
Poitiers) et dans le cadre du projet Numéral (TCAN-CNRS).
9
80
Deux classes de 4e d’un collège de Meudon et deux classes de 9e année de
la wilaya de Tizi Ouzou ont produit en français un premier jet d’un texte
explicatif sur les causes et les conséquences de la pollution des eaux douces. Ce
premier jet a été suivi d’une tâche de lecture d’un texte scientifique en vue
d’aider les élèves à réviser, à réécrire et à enrichir le contenu sémantique et la
forme de leur premier jet. Le texte d’aide était présenté aux élèves d’une des
classes de la wilaya de Tizi Ouzou dans leur langue maternelle, le tamazigh
(groupe G1), et dans l’autre classe en français (groupe G2). Les élèves des quatre
classes effectuaient ensuite une tâche de réécriture de leur propre texte (réécriture
1), puis, quelques jours plus tard, du texte d’un élève de l’autre pays (réécriture
2) envoyé par Internet. Un questionnaire de connaissances initial et un
questionnaire final encadraient les tâches d’écriture afin d’étudier l’effet de
celles-ci sur la construction des connaissances.
Dans le domaine des aides à la production de textes, ces travaux ont utilisé
le paradigme de la révision ou de la réécriture de texte en vue d’étudier les effets
de l’interaction de la langue maternelle L1 et de la langue seconde L2 lors de la
production de texte en contexte plurilingue. Ces travaux ont mis en évidence le
rôle de la langue maternelle utilisée dans les textes d’aide sur la révision et la
réécriture à distance d’un texte explicatif en langue L2 (Hoareau et al., 2006).
Les résultats obtenus par ces recherches expérimentales sont compatibles
avec notre hypothèse générale selon laquelle l’utilisation de la langue maternelle
L1 dans les textes d’aide favorise l’activation des connaissances et par
conséquent elle facilite l’activité de réécriture en français L2. Le groupe
expérimental (G1) lisant le texte d'aide en langue L1 auront une production
meilleure au niveau quantitatif (nombre de propositions ajoutées) et qualitatif
(informations issues du modèle de situation sous-jacent au texte) que les
participants (G2) qui utilisent uniquement la langue L2
Nos résultats qui vont dans le sens de ceux obtenus par des travaux récents
sur la co-révision à distance (Hoareau, Legros, Gabsi, Makhlouf, & Khebbeb,
2006) ouvrent des perspectives quant à la compréhension du rôle que pourrait
jouer la langue L1 dans les situations de co-construction à distance et aux
81
fondements de nouvelles approches didactiques qui prennent en compte les
contextes linguistiques.
6.2.3 Rôle de l'activité inférentielle dans la compréhension du texte
explicatif en français langue L2 chez les élèves en contexte plurilingue
Compte tenu du contexte linguistique et culturel dans lesquels
grandissent les élèves, nous pouvons comprendre l’intérêt de la notion de
modèles de situation développés par Van Dijk et Kintsch (1983) qui considèrent
la compréhension comme un processus constructif. Selon Bransford et ses
collaborateurs (1972), ce processus constructif représente une mise en œuvre
d'une activité inférentielle. En effet, au cours de la lecture, l'élève tente de
construire la signification du texte par un ensemble d’opérations complexes :
identifier des mots, saisir l’organisation syntaxique et morphosyntaxique des
phrases, mémoriser et mettre en relation les informations issues du texte avec les
connaissances activées (Van Dijk & Kintsch, 1983 ; Kintsch, 1998 ; Kintsch &
Van Dijk, 1988).
Or, il est nécessaire de mettre en œuvre les connaissances du lecteur
construites dans sa langue maternelle et dans son contexte culturel et mises à sa
disposition face à une nouvelle connaissance (Hoareau & Legros, 2006). C'est à
ce stade que se manifeste l'importance de l'activité inférentielle. Lorsque le
lecteur traite le contenu sémantique textuel, il infère l'ensemble des
connaissances évoquées par le texte et activées lors de la lecture.
Des recherches ont montré que les contextes linguistiques et culturels des
élèves constituaient des facteurs indispensables pour rendre compte des
processus cognitifs mis en jeu lors de l'activité de compréhension et de
production en langue L2. Ainsi, l'élève va être amené à produire des inférences
relatives à un ensemble de connaissances, dont certaines informations ne sont pas
exprimées dans le texte, mais qui doivent nécessairement être évoquées dans la
situation décrite par le texte, alors qu'elles n'y sont pas citées. L'inférence peut
être facilement produite si elle reçoit de l'activation de plusieurs sources (L1 vs
L2). L'activité inférentielle met en œuvre au cours de la compréhension des
82
connaissances linguistiques et des connaissances sur le type de texte proposé à la
lecture, mais aussi les connaissances sur le monde, la tâche à accomplir et les
buts de la lecture.
Pour vérifier que les participants possèdent un minimum de connaissances
sur le sujet abordé, il faut au préalable s'en assurer grâce à des pré-expériences ou
à des questionnaires de connaissances. Dans notre expérience, nous optons, en
premier lieu, pour des questionnaires de connaissances et, en second lieu pour
une activité de lecture suivie d'une tâche de soulignement des propositions
pertinentes.
D'abord,
les
questionnaires
proposés,
comprenant
des
questions
inférentielles, amélioreraient - dans la mesure où elles activent les connaissances
du lecteur - la compréhension et le rappel du texte explicatif en L2. Ensuite, si le
lecteur lit le texte avec un but précis (le repérage et le soulignement des
informations pertinentes), il est possible qu'il produise des inférences qui sont en
relation avec ce but.
Les élèves s'engageraient alors dans l'activité inférentielle. Des inférences
sont fortement activées également au cours de la relecture en langue maternelle
(L1). Cette activation est facilitée par l'utilisation de la langue L1 (arabe) dans les
textes d'aide à la réécriture en langue L2 (français). Les inférences, dans ce cas,
ont une possibilité d'autant plus élevée d'être produites qu'elles sont activées à
partir de textes relus en langue maternelle (L1).
Les connaissances sous-jacentes au texte et activées lors de la lecture de
ce texte jouent un rôle considérable dans la compréhension de textes et, plus
précisément, dans l'activité inférentielle. D'ailleurs, la production d'inférences
permet d'activer des informations implicites, absentes du texte, grâce aux «
connaissances du monde » stockées dans la mémoire à long terme (MLT) du
lecteur (Le Ny, 1989).
L’inférence consiste d'un côté, à mettre en relation le contenu textuel
explicite et les connaissances activées par le lecteur, et d'un autre côté, elle fait
intervenir le contexte linguistique et culturel à travers les connaissances
antérieures de l'élève qui seront repérables au cours du deuxième rappel du texte
explicatif en langue L2, au niveau des propositions ajoutées aux textes réécrits.
83
L'activité de production d'inférences est particulièrement importante lors
de la compréhension de textes explicatifs et la production écrite en langue
étrangère (L2). C’est la raison pour laquelle, comprendre et produire des textes
explicatifs, développant des savoirs sur le monde, sont plus difficiles à traiter que
les textes narratifs (Graesser, McNamara & Louwerse, 2003)
Des travaux conduits antérieurement (Legros, 1997) montrent que la
compréhension d'un récit reste une activité relativement facile cognitivement,
dans la mesure où le texte suffit. En général, le lecteur n'a pas besoin de faire
appel à des connaissances particulières sur le monde. Il faut en effet rappeler que
le contenu du texte narratif est généralement plus proche du vécu des lecteurs et
de leurs expériences. Il évoque souvent des formes stéréotypées de
connaissances. Contrairement au texte explicatif qui développe des vérités
scientifiques généralement « révélées » au cours de la scolarisation de l'élève.
Le contenu proposé dans les textes explicatifs exige des connaissances
minimales sur le domaine et, par conséquent, une activité inférentielle plus
complexe pour construire la cohérence de la signification du texte. Comprendre
donc un texte explicatif/scientifique en langue L2 par des élèves, dont la langue
arabe représente la langue maternelle, revient à activer les connaissances
antérieures afin de les mettre en cohérence avec celles véhiculées par le texte. Ce
type de lecteur tente d’élaborer une représentation mentale associée aux
connaissances construites en langue maternelle et stockées en mémoire à long
terme (MLT) (Kinstch, 1998).
L'activation des connaissances des élèves est une phase essentielle dans la
construction de connaissances vu qu’elle s'attache à une compréhension plus fine
des informations issues du texte. Elle met en avant les connaissances
personnelles et générales du lecteur au cours de la lecture. Par ailleurs, le lecteur
est amené lors de la génération d'inférences à sélectionner les informations
textuelles en fonction de leur importance relative (Baudet, 1989). Dans cette
étape, l'élève doit distinguer l'information pertinente de celle qui est moins ou
non pertinente, suivant le but final de la lecture et de la production de textes en
langue L2.
84
De ce fait, le lecteur a compris le texte quand il a sélectionné les
informations pertinentes. Par conséquent, il a activé les connaissances qui
correspondent aux informations développées par le texte. La compréhension de
texte dépend ainsi des connaissances antérieures de l'élève, des informations
fournies par le texte et des inférences que la langue maternelle pourrait favoriser.
La procédure expérimentale utilisée pour détecter et analyser le
mécanisme de l'activité inférentielle, dans notre recherche, consiste à analyser les
informations ajoutées au premier rappel. C'est-à-dire, nous nous intéressons à la
production d'inférences lors de la réécriture du premier jet du texte explicatif en
langue L2, dans lesquelles les propositions ajoutées relevant du « modèle
mentali» ou du « modèle de situation » et de la « base de texte ». C'est pourquoi,
nous nous attachons à l'activité inférentielle en tant que processus permettant la
construction ou le transfert des connaissances.
Précisons cependant, que notre intérêt ne se dirige pas vers le transfert des
compétences acquises en langue maternelle (L1) vers la langue étrangère (L2), au
contraire, nous visons à étudier les processus cognitifs qui favorisent la
récupération de ces connaissances construites préalablement vers une situation de
compréhension et de production en langue L2. La langue et la culture de l'élève
restent des éléments de base nécessaires pour analyser les processus cognitifs
intervenant à la fois dans le domaine de la compréhension et de la production de
textes en L2 lors des rappels (Hoareau & Legros, 2005 ; 2008). Nous finirons
cette partie par la remarque suivante.
Dans la suite de l'étude des rappels, nous avons analysé le produit de
l'activité de compréhension et de réécriture de textes explicatifs à partir des
propositions ajoutées issues du « modèle mental » et de la « base du texte ». Les
inférences relatives au modèle de la situation décrite par le texte servent à
enrichir et à compléter la représentation propositionnelle. Le modèle mental est
favorisé particulièrement par l'utilisation de la langue arabe dans les textes
proposés aux élèves au cours de la relecture. Tandis que les inférences issues de
la base du texte interviennent au niveau des propositions textuelles. Elles
assurent la cohérence locale du texte (mots, phrases, paragraphes) et globale.
85
6.2.4 Propositions ajoutées de type T1 (Base de texte) et T2 (modèle
mental) comme traces des processus cognitifs de l'activité de replanification
et de réécriture
Nous nous intéressons à étudier via l'utilisation de la langue L1 lors de la
relecture, les transformations du contenu propositionnel et sémantique du texte
explicatif réécrit, et par conséquent son effet sur le retraitement du premier jet en
langue L2. Pour pouvoir analyser les types de propositions ajoutées au deuxième
rappel, nous nous référons essentiellement aux travaux de Bereiter et
Scardamalia (1987). Plus précisément, notre attention porte sur les informations
ajoutées issues du contenu de la base de texte, qui renvoient à une stratégie
adoptée par les élèves de type « knowledge telling ». Mais aussi sur les
informations qui renvoient à une stratégie plus riche et plus élaborée de type
« knowledge transforming ».
La première stratégie permet à l'élève de récupérer les informations
stockées dans sa mémoire à long terme sans effectuer un retraitement linguistique
ou sémantique. Si l'élève adopte cette stratégie, il ne peut construire lors de son
rappel qu'une cohérence locale du contenu sémantique du texte. Cependant, la
seconde stratégie est plus coûteuse en ressources cognitives. Certes, l'élève
récupère également les informations, mais contrairement au premier traitement, il
réorganise l'ensemble de ces informations activées en fonction du but de la tâche
et de la consigne de travail, le but final de la réécriture, la différence entre la
première production (1er jet) et la seconde (2ème jet), les connaissances du
scripteur. La mise en œuvre de ces facteurs permet la production d'un texte
explicatif cohérent qui décrit mieux le thème du « Réchauffement climatique ».
Dans notre travail, le rappel de ces deux types de propositions a été
catégorisé soit en informations de type T1, soit en informations de type T2. Ces
deux modalités de rappel sont relatives, par hypothèse, à des traitements
différents. La première catégorie (T1) est liée aux propositions ajoutées non
retraitées, c'est-à-dire copiées du texte source (la surface textuelle) et rappelées
sans modification lors de la réécriture. La seconde catégorie (T2) concerne les
86
informations ajoutées retraitées, renvoyant au modèle mental, absentes du
contenu textuel, mais activées lors de la relecture.
Les deuxièmes rappels ont été analysés en distinguant les propositions T1
et T2. En effet, ces types d'informations ajoutées lors de la réécriture sont la trace
de l'activité cognitive effectuée par les élèves au cours de la replanification et le
retraitement de leurs premiers jets. Dans la mesure où les élèves rajoutent
davantage de propositions de type T2, ce résultat nous offre la possibilité
d'avancer qu'il y a une capacité de réécrire en langue L2 (français), et donc,
d'évaluer la différence qui existe entre le premier rappel produit par les
participants une semaine auparavant et le texte à produire lors d'une séance de
réécriture du texte explicatif en langue L2.
Ainsi, ce type d'informations ajoutées (T2) suppose que les participants
ont activé un ensemble de connaissances qui ne se limite pas à la récupération
des informations mémorisées au cours de la lecture en L2 et la relecture en L1,
mais qu'ils sont capables de mettre en œuvre ces informations en fonction du
contexte locale et globale du texte. Nous supposons donc que les élèves mettent
en jeu toutes leurs ressources cognitives les plus coûteuses, afin de tenter
d'associer les informations textuelles entre elles et à leurs connaissances
antérieures activées au cours de l'activité de lecture.
Dans notre recherche, les propositions (T1), provenant du texte source,
sont des informations identiques à celle du texte. L'élève reproduit lors du second
rappel les mêmes informations que celles du texte initial sans retraitement de son
contenu. En effet, il traite les propositions assurant seulement la cohérence locale
et globale. Nous pouvons même parler d'un traitement « mot à mot ». Lorsque les
élèves rappellent les mêmes phrases que celles du texte lu, le traitement ne peut
être effectué qu'au niveau de la surface textuelle. Par ailleurs, les propositions
(T1) dépendent généralement de la microstructure et de la macrostructure du
premier texte. Ce type d’information ajoutée n’est pas l’indice d’un retraitement
sémantique et le type de stratégie auquel il renvoie n’est donc pas favorable à la
restructuration des connaissances en mémoire et donc à l’apprentissage.
En revanche, les propositions (T2) englobent l'ensemble des informations
du contenu sémantique du texte source. Ces propositions sont retraitées
87
sémantiquement. L'élève tente alors de modifier son premier texte en adoptant un
traitement sémantique plus profond. Au moment où le lecteur produit le premier
jet (rappel R1), il fait appel aux phrases et aux propositions du texte explicatif
proposé au cours de la lecture en langue L2 (français). Il cherche à se rappeler
davantage des mots textuels. Tandis que lors du deuxième jet (rappel 2), il
retraite son premier texte produit en français en fonction de nouvelles
connaissances activées au cours de la relecture en langue maternelle (L1). C'est
ainsi qu'il se souvient de la signification du texte et non de ses éléments
linguistiques de surface.
Dans notre expérimentation, les propositions analysées dans les
productions des participants étaient soit en rapport avec la base du texte, au
niveau de la microstructure et la macrostructure (T1), soit en rapport avec le
modèle de situation évoqué par le texte (T2). Les résultats ont montré qu'au cours
des deux rappels, les élèves du groupe G2 (relecture en L2) produisaient
davantage de propositions renvoyant à la base de texte (T1), c'est-à-dire à une
« stratégie des connaissances racontées », que les élèves du groupe G1. En
revanche, les participants du groupe G1 (relecture en L1) produisaient plus de
propositions de type T2, et moins de propositions de type T1.
Selon notre hypothèse générale, le contexte linguistique, via la langue
maternelle (arabe), favoriserait chez les élèves l'activation de connaissances
évoquées par le contenu sémantique du texte. En revanche, le groupe G2, à qui
nous avons proposé une relecture en français (L2), traiterait davantage la surface
textuelle. Nous prédisions que compte tenu de la langue maternelle, les élèves
comprennent mieux le contenu sémantique du texte explicatif, dans la mesure où
elle facilite l'activation des connaissances déjà construites dans leurs contextes
linguistiques et culturels.
Ainsi, nous avançons que les deux groupes expérimentaux mettent en jeu
deux niveaux de traitement : soit en rapport avec le niveau de la surface textuelle
et le niveau sémantique chez les élèves du groupe G2, soit en rapport avec le
modèle mental implicite du texte et les connaissances de l'élève sur le domaine
chez les participants du groupe G1. Les propositions ajoutées (T2) correspondent
au « modèle de situation » (Van Dijk & Kintsch, 1983), c'est-à-dire des
88
connaissances évoquées par le texte et activées par le lecteur au cours de l'activité
de lecture-compréhension. Elles sont compatibles avec un traitement de type
« knowledge transforming strategy » (Bereiter & Scardamalia, 1987).
6.3 Hypothèses de recherche et prédictions
Nous visons l’analyse des deux versants du traitement du texte : la
compréhension de textes et la production de deux rappels (écriture/réécriture).
Nous analysons les activités proposées au cours de cette expérience en
formulant quatre séries d'hypothèses.
La première série d'hypothèses concerne l'effet du soulignement sur
l’activité de hiérarchisation des informations en fonction de leur importance
relative et sur les propositions rappelées lors du premier jet (écriture). Nous
essayerons en effet de montrer que la lecture suivie d'une tâche de soulignement
contrairement à la lecture sans tâche de soulignement facilite la hiérarchisation
des informations et l'activation des connaissances.
La deuxième hypothèse est liée au rôle du niveau de connaissances en
français L2 des élèves : N1, élèves qui ont un bon niveau de connaissances en
langue L2 ; N2, élèves ayant un niveau moins bon ou faible en langue L2.
La troisième concerne l'effet des questionnaires (initial et final) sur la
compréhension et le rappel en L2.
Enfin, la quatrième série d'hypothèses est relative au rôle de la langue
(maternelle vs étrangère) utilisée dans les textes d'aide à la replanification et à la
réécriture.
La première série d'hypothèses
La première série d'hypothèses concerne l'effet du soulignement comme
système d'aide à la hiérarchisation, à la sélection des informations importantes, et
à l'activation des connaissances et à leur réorganisation en mémoire via la
lecture/compréhension et la lecture/production.
89
Hypothèse 1. Effet de la tâche de soulignement sur l'activité de
compréhension
Nous émettons l'hypothèse que le soulignement des propositions
pertinentes favoriserait la hiérarchisation des informations du texte. Le groupe
G1 qui a souligné les informations arriverait à activer les connaissances
préconstruites en MLT en fonction du contenu du texte proposé à la lecture de
façon plus efficace que les élèves du groupe G2 à qui nous n'avons pas demandé
de souligner les informations du texte. La tâche de soulignement effectuée par le
groupe G1, contrairement au groupe G2, faciliterait la construction de la
cohérence globale du texte (la macrostructure) au cours de la compréhension et
la production en L2.
Hypothèse 2. Effet de la tâche de soulignement sur le rappel de textes
Parlons des élèves du groupe G1, nous émettons l'hypothèse que
l'ensemble de ce groupe, produirait au cours de la tâche du premier rappel du
texte explicatif en L2, un nombre plus important et plus riche en informations de
type « micro » et « macro » que les élèves du groupe G2. Nous supposons en
effet que le soulignement comme aide se manifesterait ultérieurement
(réécriture) pour les élèves d'un niveau moins bon en L2 (G1N2). Ainsi, nous
supposons que les élèves moins bons en français (G1N2) produiraient lors du
deuxième rappel (réécriture) un nombre d'ajouts similaires aux informations
ajoutées par les élèves d'un bon niveau en français (G1N1).
La deuxième série d'hypothèses
La deuxième série d'hypothèses correspond à la compréhension et au
rappel du texte en français (L2), en fonction du niveau de connaissances des
élèves dans cette langue (N1 vs N2). Selon l'objectif de l'analyse, nous avons
90
divisé le groupe G1 en deux sous-groupes, en fonction des résultats obtenus au
cours de l'année scolaire en langues étrangères. Nous faisons deux hypothèses.
Hypothèse 3. Effet du niveau des élèves en français langue étrangère L2 sur
le nombre d’informations rappelées lors du premier rappel du texte
explicatif
Nous prédisons que les élèves de niveau N1 rappelleraient davantage, en
français (L2), un nombre plus élevé de propositions que les élèves de niveau N2.
Nous supposons que les élèves qui parviendraient à traiter le niveau de la surface
textuelle (Van Dijk & Kintsch, 1978 ; 1983), produiront au cours du deuxième
rappel (réécriture) plus de propositions en langue L2.
Hypothèse 4. Effet des connaissances des élèves (L1 vs L2) sur l’activité
inférentielle en langue étrangère.
L'hypothèse que nous formulons est que les élèves de niveau N1
produiraient un nombre d'inférences plus important que ceux de niveau N2.
Nous supposons dès lors que le nombre d'informations ajoutées de type T2 ne
varie pas en fonction du niveau faible en français des élèves du sous-groupe
G1N2. Nous supposons que les informations véhiculées par le texte en rapport
avec la langue et la culture de l'élève favoriseraient la production d'inférences en
rapport avec le contenu du texte et de propositions rappelées en liaison avec les
connaissances liées au contexte linguistique et culturel du lecteur. Ainsi, plus les
connaissances des élèves sur le sujet abordé sont activées et riches, et plus leurs
stratégies de compréhension et de production sont variées, plus il sera facile de
comprendre le contenu du texte.
La troisième série d'hypothèses
Au cours de la troisième série d'hypothèses, nous émettons l'hypothèse
générale que le recours à la langue maternelle dans des aides (G1) facilitera la
91
réactivation des connaissances déjà construites dans le contexte linguistique et
culturel du lecteur et l’interaction avec les informations du contenu du texte
explicatif proposé en langue L2 (français). Nous visons à mettre en évidence les
stratégies de production utilisées par les élèves lors de la réécriture du texte
explicatif en L2. Cette dernière série d'hypothèses est liée également aux
connaissances antérieures de l'élève construites dans sa langue maternelle.
Précisément, c'est le contexte linguistique des élèves qui nous intéresse aussi.
Hypothèse 5. Effet de la relecture (langue maternelle vs langue étrangère)
sur l'activité de replanification
Sur le plan des activités de production en langue étrangère (L2, français),
nous formulons l'hypothèse que la relecture en langue maternelle (L1, arabe)
exercerait un effet important sur la replanification en langue L2. Nous supposons
que l'élève réactiverait et réorganiserait
les connaissances au cours de la
relecture et la réécriture. Il arrive ainsi à (re)planifier ses connaissances avant de
les verbaliser en fonction du texte d'aide proposé à la replanification. Nous
émettons l'hypothèse que les élèves du groupe expérimental G1, qui ont
bénéficié de la relecture d'un texte d'aide en langue L1, produiront lors de la
tâche de réécriture du texte explicatif, un meilleur rappel sur le plan quantitatif et
qualitatif que le groupe expérimental G2, qui ont relu le même texte proposé en
langue L2 lors de la première séance de lecture. Pour plus de précision, nous
avançons que les participants du groupe G1, produiront au cours du rappel R2,
un texte plus riche en informations, que celui des participants du groupe G2,
aidés par un texte d'aide en français (L2).
Hypothèse 6. Effet de la langue maternelle utilisée sur l'activité inférentielle
des élèves et sur le niveau de pertinences des propositions produites.
Nous prédisons que les élèves du groupe G1, produiraient lors du rappel
R2, un nombre plus important d'inférences que les élèves du groupe G2. Ainsi,
nous supposons que les participants qui ont bénéficié d'un texte d'aide en langue
92
maternelle (G1) lors de la relecture, réviseraient et retraiteraient mieux leurs
premiers jets (écriture), ce qui conduit les élèves à activer les connaissances du
monde et à produire davantage d’informations à la fois pertinentes et renvoyant
au modèle de situation évoqué par le texte.
Le recours à la langue maternelle faciliterait ainsi la réactivation des
connaissances et, par conséquent, favoriserait la production d'inférences
nécessaires au maintien de la cohérence locale et globale du texte explicatif à
réécrire en langue L2. Les élèves, dans ce cas, produiraient des inférences plus
fines et de meilleure qualité. Nous supposons en effet que l'activité inférentielle
des deux groupes G1 et G2 varie en fonction de la langue utilisée dans le texte
d'aide proposé à la production en L2. Or, les participants du groupe G1 qui ont
bénéficié d'une aide en langue maternelle, produiraient davantage d'inférences,
au cours de la réécriture en L2 du premier rappel, que ceux du groupe G2 qui ont
bénéficié d'un texte d’aide en langue étrangère.
Hypothèse 7. Effet de la langue maternelle utilisée dans les textes d'aide sur
le type des propositions ajoutées lors de la réécriture
Nous émettons l’hypothèse que les élèves du groupe G1 qui ont bénéficié
d'un texte d'aide en langue maternelle (L1), produiraient lors de la réécriture du
premier jet des ajouts plus pertinents, correspondant ainsi au but final de
l'écriture que ceux du groupe G2. Les participants du groupe G1 utiliseraient
davantage une stratégie de type (T2) « knowledge transforming strategy » ou «
stratégie de connaissances transformées » (Bereiter & Scadamalia, 1987). Les
participants du groupe G1 qui ont relu le texte explicatif d'aide en arabe
produiraient des propositions plus pertinentes que les autres participants du
groupe G2. En revanche, les élèves (G2) qui ont lu et relu seulement le texte
d'aide en français L2, sans une aide en langue maternelle (L1) tendraient à
activer moins de connaissances en rapport avec l'importance du contenu
sémantique textuel. Ils produiraient des propositions portant sur les informations
issues du contenu de la base de texte.
93
De plus, les participants du groupe G2 utiliseraient lors de la réécriture en
L2 une stratégie de type (T1) « knowledge telling strategy » ou « stratégie de
connaissances racontées » qui consiste lors de la replanification à « copier » des
informations issues du texte en L2 et à les « coller » sans les retraiter et sans les
intégrer de façon cohérente au contenu sémantique du 1er jet de leur texte. Nous
supposons donc une différence entre les groupes du nombre de propositions
ajoutées de type (T2), lors de la réécriture, renvoyant au modèle de situation
évoqué par le texte, c'est-à-dire à l'activité inférentielle des élèves. Nous
prédisons de la part des élèves du groupe expérimental G1 une production
d’inférences supérieure à celle du groupe G2 qui produirait davantage de
propositions de type (T1), renvoyant à la surface textuelle et au contenu local du
texte.
Les élèves du groupe G2 traiteraient donc plus les mots du texte ; c'est-àdire la surface du texte que son contenu sémantique. De ce fait, nous prédisons
que les ajouts de type (T2) seront supérieurs à ceux de type (T1), renvoyant au
contenu de la base de texte. Nous supposons en effet, que les élèves de niveau
N2 produiraient des ajouts similaires à ceux de niveau N1 lors du traitement de
leur premier jet.
Hypothèse 8. Effet du contexte linguistique des élèves sur l’activité
inférentielle en langue étrangère
Nous supposons que les textes d'aides proposés en langue maternelle (L1)
favoriseraient l'activité inférentielle des élèves. L’hypothèse que nous formulons
est que, grâce à l’intervention de la langue maternelle, lors des activités de
compréhension et de production en L2, les élèves du groupe G1, contrairement à
ceux du groupe G2 vont davantage activer de connaissances stockées en
Mémoire à Long Terme (MLT) en cohérence avec les informations véhiculées
par le texte et qui vont être récupérées par la Mémoire de Travail à Long Terme
(MTLT) au cours de l'activation et la structuration de connaissances en MLT
(Eriksson et Kintsch, 1995 ; Kintsch, 1998). La MTLT, en tant que structure
responsable de l'activation et de la réorganisation des connaissances en mémoire
94
via la lecture/production permet la construction des connaissances à l’aide de
textes.
Nous prédisons en effet, que le groupe G1 bénéficiant d'une aide textuelle
en langue maternelle (L1) ajouterait plus de propositions de type (T2), renvoyant
au modèle mental sous-jacent au texte et moins de propositions de type (T1)
renvoyant au contenu de la surface textuelle, que les élèves du groupe G2
bénéficiant de ces textes en langue étrangère (L2). Les participants du groupe G1
vont développer un mode de traitement des informations - en vue de la
replanification - différent de celui développé chez les élèves du groupe G2. Le
contexte linguistique des élèves leur permet de réactiver en mémoire les
informations absentes du contenu textuel. Nous pensons que les connaissances
antérieures de l'élève construites dans son contexte linguistique faciliteraient le
retraitement sémantique des propositions fournies par le texte.
La quatrième série d'hypothèses
La quatrième série d'hypothèses est relative aux questionnaires proposés
comme
aide
à
la
compréhension
et
à
la
production
de
texte
explicatif/documentaire en langue L2. Ces questionnaires (initial et final)
renvoient, non seulement à la microstructure et à la macrostructure ; c'est-à-dire
aux informations explicites de la base de texte, mais aussi au modèle de situation
sous-jacent au texte ; c'est-à-dire au contenu implicite textuel. Nous émettons
trois hypothèses.
Hypothèse 9. Effet des questionnaires sur l'activité inférentielle des élèves
Nous supposons que l'activité inférentielle des élèves des groupes G1 et
G2 varie en fonction de type de questions (micro/macro vs modèle de situation)
proposées comme aide à la compréhension et à la construction de connaissances
en langue L2. Ainsi, les questionnaires portant sur le « modèle mental » ou le «
modèle de situation » favoriseraient l'activation des connaissances en rapport
avec les connaissances antérieures des élèves construites dans leur contexte
95
linguistique et culturel. Nous faisons l'hypothèse que les réponses des élèves du
groupe G1 au questionnaire final sur les inférences tendent à produire un nombre
de propositions plus important que ceux du groupe G2, vu qu'ils ont déjà
bénéficié d'une aide en langue maternelle.
Hypothèse 10. Effet des questionnaires sur le type d’information ajoutée
(Q1, Q2, Q3)
Nous formulons l'hypothèse que les questionnaires d'aide à la
compréhension permettraient de produire un nombre important d'ajouts de
propositions de type (Q3), renvoyant au modèle de situation évoqué par le texte.
Concernant les informations ajoutées par le groupe G2, nous supposons que ces
élèves produiront plus d'informations ajoutées de type (Q1, Q2), renvoyant
respectivement au niveau micro/macro du texte que de propositions de type
(Q3). En revanche, les élèves du groupe G1 produiraient plus d'ajouts de type
(Q3) et moins de propositions de type (Q1, Q2).
Hypothèse 11. Effet de la langue maternelle sur le nombre et la pertinence
des propositions ajoutées au questionnaire final
Nous émettons l'hypothèse que l'ensemble des élèves, sans mettre en
évidence leur niveau de connaissance en français (L2), produirait un grand
nombre de propositions ajoutées très pertinentes au questionnaire final dans le
cas où ils ont bénéficié d'aide en langue maternelle (arabe, L1). Nous supposons
en effet, que la langue maternelle favoriserait davantage la production d’ajouts
de propositions que la langue étrangère (français, L2).
96
En résumé, nous attendons les résultats suivants :
Prédictions sur l'effet de la tâche de soulignement
Prédiction 1. Effet de la tâche de soulignement sur l'activité de
compréhension
G1 > G2 pour le nombre et la pertinence des propositions hiérarchisées et
sélectionnées (P3, propositions très pertinentes)
Prédiction 2. Effet de la tâche de soulignement sur le rappel de textes
G1 > G2 pour le nombre de propositions rappelées (micro + macro)
G1N1 = G1N2 pour le nombre de propositions ajoutées (T1 + T2, base de texte
+ modèle de situation)
Prédictions sur l'effet du niveau de connaissances des élèves en langue L2
Prédiction 3. Effet du niveau des élèves en français langue étrangère
L2 sur le nombre d’informations rappelées lors premier rappel R1 du texte
explicatif
N1 (G1) > G2 (G1) pour le nombre de propositions produites (T1 + T2, base de
texte + modèle de situation)
Prédiction 4. Effet des connaissances des élèves en (L1 vs L2) sur
l’activité inférentielle en langue étrangère.
G1N1 = G1N2 pour le nombre d'inférences ajoutées (T2, propositions renvoyant
au modèle de situation)
G1 > G2 pour le nombre d'inférences (T2, propositions renvoyant au modèle de
situation) au rappel du texte explicatif en français langue étrangère (L2)
97
Prédiction sur l'effet de la langue maternelle (arabe, L1)
Prédiction 5. Effet de la langue utilisée lors de la relecture (L1 langue
maternelle vs L2 langue étrangère) sur l'activité de replanification
L1 (G1) > L2 (G2) pour le nombre et la pertinence des propositions ajoutées lors
de la réécriture (T2 + P3, propositions renvoyant au modèle de situation,
propositions très pertinentes).
Prédiction 6. Effet
de la langue maternelle utilisée sur l'activité
inférentielle des élèves et sur le niveau de pertinence des propositions
produites lors du second rappel.
L1 (G1) > L2 (G2) pour le nombre d'inférences (T2) ajoutées au rappel 2 du
texte explicatif en langue L2.
Prédiction 7. Effet de la langue maternelle utilisée dans les textes
d'aide sur le type des propositions ajoutées lors de la réécriture
T2 > T1 pour les informations ajoutées au rappel R2 du texte explicatif
(knowledge transforming strategy vs knowledge telling strategy)
L1 T2 (G1) > L2 T2 (G2) pour le nombre de propositions ajoutées (T2,
knowledge transforming strategy).
G1N1 = G1N2 pour le nombre de propositions ajoutées (T2 + T1, knowledge
transforming strategy + knowledge telling strategy).
Prédiction 8. Effet du contexte linguistique des élèves sur l’activité
inférentielle en langue étrangère
L1 (G1) > L2 (G2) pour le nombre d'inférences (T2, propositions renvoyant au
modèle de situation) au rappel R2 du texte explicatif en français langue étrangère
(L2).
98
Prédictions sur l'effet des questionnaires
Prédiction 9. Effet des questionnaires sur l'activité inférentielle des
élèves
G1 > G2 pour le nombre d'inférences ajoutées (Q3, propositions renvoyant au
modèle de situation)
Prédiction 10. Effet des questionnaires sur le type d’information
ajoutée (Q1, Q2, Q3)
G2 > G1 pour le nombre de propositions ajoutées (Q1, Q2, micro + macro)
G1 > G2 pour le nombre de propositions ajoutées (Q3, propositions revoyant au
modèle de situation)
Prédiction 11. Effet de la langue maternelle sur le nombre et la
pertinence des propositions ajoutées au questionnaire final
L1 (G1) > L2 (G2) pour le nombre d’informations ajoutées au questionnaire
final (Q3, propositions revoyant au modèle de situation)
99
6.4 Méthode
6.4.1 Participants
La mise en œuvre de cette expérimentation a nécessité la participation de
deux classes de deuxième année secondaire du lycée « Djamel Eddine El
Afghani » de la wilaya de Mascara. Les analyses conduites dans cette recherche
ont été réalisées à partir des protocoles de 40 élèves.
Nous avons proposé à deux groupes d'élèves, deux versions d'un texte
explicatif d'aide à la compréhension et à la réécriture en L2. La première en
langue L2 (français), la seconde en langue L1 (arabe). Les groupes
expérimentaux ont été choisis de façon aléatoire. 20 élèves de la classe 2LL1 ont
formé le groupe G1 et 20 élèves de la classe 2LP1 ont composé le groupe G2.
Les participants du groupe expérimental G1 bénéficiant d'un texte d'aide
en langue maternelle ont été répartis en deux sous-groupes (G1N1 vs G1N2) en
fonction de leur niveau de connaissances en français (L2). Les élèves étaient
âgés de 15 à 20 ans.
6.4.2 Matériel
Le matériel expérimental que nous avons utilisé pour cette expérience est
constitué de deux questionnaires de connaissances (initial et final) et d'un texte
explicatif dont l'intitulé est : « A propos du réchauffement climatique : des causes
et de grandes conséquences » (voir texte annexe II, pp. 152-153)
6.4.3 Procédure expérimentale et consignes
Séance n° 1
Cette première séance se déroule en trois temps
1. Dès le début de la séance, nous présentons d'une manière claire et précise
l'objectif des activités proposées aux élèves qui vont être menées en trois séances
100
afin de produire des textes explicatifs sur les causes et les conséquences du
réchauffement climatique.
Consigne générale
« Vous allez participer à une expérience sur un sujet d'actualité et qui concerne
toute la planète. Nous avons choisi ce sujet, car il nous concerne tous et vous en
avez tous entendu parlé. Vous avez tous vu des images à la télévision. Le but de
cette expérience est de rédiger des textes explicatifs qui expliquent les causes et
les conséquences du réchauffement climatique. L'objectif est d'étudier la façon
dont nous comprenons les choses, et ainsi d'arriver à écrire des textes
explicatifs, compréhensibles, clairs, intéressants et accessibles aux lecteurs.
Soyez attentifs durant cette expérience. Nous comptons sur votre précieuse
collaboration ».
2. Questionnaire initial
À ce stade, nous proposons aux élèves le questionnaire
Consigne questionnaire initial
« Nous allons vous distribuer un questionnaire qui va vous interroger sur les
causes et les conséquences du réchauffement climatique. Nous vous demandons
de bien le lire, car ensuite vous allez répondre aux questions. Essayez de vous
concentrer au maximum pour répondre le plus précisément possible » (Le temps
imparti pour répondre au questionnaire initial était de 30 minutes).
3. Lecture initiale d'un texte sur les causes et les conséquences du réchauffement
climatique.
Consigne
« Vous avez un texte sous les yeux sur les causes et les conséquences du
réchauffement climatique. Lisez le bien et en entier. Suivez attentivement ce texte
de façon à comprendre son contenu. Vous devez essayer de le comprendre par
vous-même autant que possible. Concentrez-vous pour souligner les idées qui
101
vous paraissent importantes ou essentielles » (Le temps imparti pour la lecture
du texte explicatif était de 10 minutes).
Une semaine plus tard, une première tâche de rappel sur le texte explicatif est
proposée
Séance n° 2
1. Écriture 1 (Rappel R1)
Pour préparer la séance, nous expliquons aux élèves qu'ils vont devoir utiliser
toutes les informations qu'ils ont discernées lors de la dernière séance pour écrire
un texte sur les causes et les conséquences du réchauffement climatique..
Consigne
« À ce stade, nous vous demandons de rédiger un texte qui explique d'une
manière claire et précise les diverses causes du réchauffement climatique et ses
conséquences. Donnez suffisamment d’informations et essayez d'être précis de
manière à ce que vos rédactions soient claires, simples et faciles à lire. Utilisez
les idées que vous avez déjà recueillies la séance passée. Vous devez rendre les
textes à la fin de cette séance » (Le temps imparti pour la production du premier
jet était de 30 minutes)
2. Lecture d'un texte d'aide sur les causes et les conséquences du réchauffement.
Pour cette troisième tâche, nous proposons la relecture d'un texte d'aide en
langue française pour le groupe G1 et en langue arabe pour G2. Il y a seulement
le facteur de langue qui change.
Consigne
« Vous allez relire très attentivement un texte qui indique les causes et les
conséquences du réchauffement climatique. Vous le lisez une fois et lentement,
car vous êtes appelés à réécrire le texte explicatif en étant le plus précis
102
possible, la semaine prochaine » (Le temps imparti pour la relecture du texte
d'aide était de 10 minutes)
Une semaine plus tard une deuxième tâche de rappel est proposée sur le texte
explicatif.
Séance n° 3
1. Réécriture (Rappel R2)
Les élèves produisent une seconde version du texte explicatif. Cela implique un
retour au texte du rappel R1. La réécriture consiste alors à retravailler le contenu
sémantique du texte existant pour l'améliorer, l'enrichir et le clarifier en vue
d'apporter plus d'informations. Dès lors, une véritable tâche de réécriture est
proposée à la classe.
Consigne
« Vous allez être invité à relire votre premier texte afin de réécrire un nouveau
texte précis et plus détaillé. Essayez à nouveau de réécrire le texte, le plus
précisément possible, en étant le plus proche du thème. Essayez de développer
vos idées les plus précises pour expliquer les causes et les conséquences du
réchauffement climatique. Rédigez avec soin. Je vous demande d'être le plus
précis possible et le plus complet » (Le temps imparti pour la production du
second jet était de 30 minutes).
2. Questionnaire final
Même questionnaire que le questionnaire initial
Consigne questionnaire final
« Nous allons vous distribuer le même questionnaire que celui du début de
l’expérience et qui va vous interroger encore une fois sur les causes et les
conséquences du réchauffement climatique. Essayez de vous concentrer au
maximum pour répondre aux questions le plus précisément possible » (Le temps
imparti pour répondre au questionnaire final était de 30 minutes).
103
6.4.4 Analyse et unités d'analyse (variables dépendantes)
Dans le cadre de ce travail, trois premières analyses des données ont été
effectuées.
La première vise à évaluer l'effet de l'activité de soulignement, et donc
d’aide à la hiérarchisation de l’information sur la production du premier rappel
du texte explicatif en français L2, en fonction des deux groupes (G1 vs G2) et en
fonction du niveau de connaissance en langue L2 du Groupe (G1 : G1N1 vs
G1N2).
Cette première tâche permet en effet de faire des hypothèses sur l'effet du
soulignement sur l'activité de hiérarchisation et de sélection des informations en
fonction de leur niveau de pertinence relative, correspondant ainsi au but de
l'écriture (production des textes expliquant les causes et les conséquences du
réchauffement climatique).
Nous analysons les premiers jets (écriture) des élèves d'abord en fonction
de leur niveau de pertinence par rapport au texte à produire. Les propositions
peuvent être très pertinentes (P3), moyennement pertinentes (P2) ou non
pertinentes (P1). Autrement dit, des propositions apportant des informations qui
correspondent directement à la consigne donnée, et donc au but de l'écriture (P3),
ou peu ou pas pertinentes (P2, P1), c'est-à-dire qu’elles apportent des
informations sans une relation directe avec la consigne donnée et le but
d’écriture.
Ensuite, l’analyse porte sur l’effet du niveau de connaissances en français
(L2, langue étrangère) des participants. Plus précisément pour un seul Groupe
(G1), afin de tester l'effet du soulignement des informations d'un sous groupe
moins bon en L2 (G1N2) sur, non seulement le niveau de compréhension, mais
aussi sur le nombre et la pertinence des propositions produites lors des rappels,
c’est-à-dire sur l’aspect quantitatif et qualitatif du rappel.
La seconde analyse concerne les deuxièmes jets produits lors de la
réécriture. Le but est d’évaluer l'effet de la relecture d'un texte d'aide en langue
maternelle (L1, arabe) sur la réécriture et le retraitement du premier jet (écriture)
en français (L2). Les propositions ajoutées au 1er jet sont analysées selon leur
104
niveau de pertinence (P3, P2, P1) et leur type de traitement (T1, T2). Le
traitement des ajouts correspond aux propositions renvoyant soit au contenu
sémantique du texte, c’est-à-dire à la base de texte (Kintsch, 1998) (T1, ajouts
issus du texte), soit aux connaissances antérieures évoquées par le texte et
activées par le lecteur-scripteur (T2, ajouts issus du modèle mental) lors de la
réécriture. Les premières (T1) sont des informations qui renvoient à la
signification locale et qui ne sont pas nécessaires à l'élaboration de la
signification globale du texte (Van Dijk & Kintsch, 1983). Les secondes sont des
informations importantes qui servent à intégrer les connaissances du lecteur aux
informations issues du texte (Van Dijk & Kintsch, 1983) afin de construire une
signification cohérente du contenu textuel.
C'est à l'issue du mode d'utilisation des connaissances, lors de la
production des textes, variables selon le niveau de développement des
compétences rédactionnelles tel qu’il est conçu par Bereiter et Scardamalia
(1987), que les premiers ajouts (T1) peuvent être considérés comme compatibles
avec « la stratégie des connaissances racontées ou rapportées » (knowledge
telling strategy), les second (T2) avec « la stratégie des connaissances
transformées » (knowledge transforming strategy).
Dans la troisième analyse, nous cherchons à étudier les transformations
apportées aux réponses au questionnaire de connaissance final, par rapport à
celles du questionnaire initial. Nous comparons donc les réponses à ces deux
questionnaires. Les ajouts apportés aux réponses ont été analysés, selon les
questions
en
propositions
de
types
«
microstructurelles
»
(Q1),
«
macrostructurelles » (Q2), et aux informations renvoyant au « modèle de
situation » évoquées par le texte (Q3). Pour répondre à la question Q1, il suffit
d'un simple retour au texte proposé. Les ajouts produits font appel au traitement
de type « knowledge telling strategy ». En revanche, la réponse aux questions Q2
et Q3 nécessite la mise en œuvre d'un traitement de type « knowledge
transforming strategy ».
105
6.5 Présentation des principaux résultats
1er Analyse (A) : Écriture (1er jet)
Les données ont été analysées selon le plan d'expérience S < G2 > *P3
dans lequel les lettres S, G, P renvoient respectivement aux facteurs Sujet,
Groupe (G1 = lecture avec tâche de soulignement ; G2 = lecture sans tâche de
soulignement), Pertinence (P3 = propositions très pertinentes ; P2 = propositions
moyennement pertinentes ; P1 = propositions non pertinentes).
En tâche de rappel, après une première lecture en L2 (français) suivie
d'une tâche de soulignement, le premier résultat qui apparait important est le
nombre et la pertinence des propositions rappelées par les élèves et qui varient
d'un groupe à l'autre.
Le facteur Groupe indique que les participants du Groupe G1 rappellent
plus de propositions (23,45) que ceux du groupe G2 (18).
Le facteur Pertinence indique que la supériorité des propositions (très)
pertinentes rappelées sur les propositions moyennement ou non pertinentes varie
selon les groupes
L'interaction des facteurs Groupe et Pertinence est manifestée. Elle
indique que le groupe G1 a produit lors du premier rappel plus de propositions
moyennement pertinentes et très pertinentes (18,75) que de propositions non
pertinentes (4,7). En revanche, le groupe G2 à qui, nous n'avons pas demandé de
souligner, a rappelé plus de propositions peu et non pertinentes (12,4) que de
propositions très pertinentes (5,6) (voir Figure 1).
106
20
18
16
14
12
10
G1
G2
8
6
4
2
0
Très / Moyennement
Pertinentes
Non pertinentes
Figure 1. Niveau de pertinence des propositions selon les groupes
Le nombre d'informations très pertinentes du groupe G1 est supérieur à
celui du groupe G2 (13,3 vs 5,6). En revanche, nous n'observons pas de
différence entre le nombre des propositions moyennement pertinentes chez les
élèves des deux groupes (G1 = 5,45 vs G2 = 4,05) (voir Figure 2).
14
12
10
8
G1
6
G2
4
2
0
Très pertinentes
Moyennement pertinentes
Figure 2. Différence entre les propositions (très pertinentes et moyennement
pertinentes) selon les groupes
107
1er Analyse (B) : Écriture (1er jet)
Les données ont été analysées selon le plan d'expérience S < G1 *N2 >
*P3 dans lequel les lettres S, G, N, P renvoient respectivement aux facteurs Sujet,
Groupe (G1 = lecture avec tâche de soulignement), Niveau en L2 (N1 = niveau
bon ; N2 = niveau moins bon ou faible), Pertinence (P3 = propositions très
pertinentes ; P2 = propositions moyennement pertinentes ; P1 = propositions non
pertinentes).
Le facteur Niveau de connaissance en L2 est important. En effet, les
participants qui ont un bon niveau en L2 (G1N1) soulignent en général davantage
les informations importantes renvoyant à chaque information nouvelle fournie
par le texte que les élèves moins bons en L2 (G1N2). Le nombre et la pertinence
des propositions produites varient dans le même groupe (G1) en fonction du
niveau de connaissance en L2 (français).
Le nombre de propositions produites par le sous-groupe (G1N1) est
supérieur à celui du sous-groupe (G1N2).
L'interaction entre les facteurs Groupe et Niveau de connaissances en L2
indique que les élèves d'un bon niveau en langue française (G1N1) produisent
plus de propositions (26,6) que ceux d'un niveau moins bon en L2 (G1N2) (17,9).
L'interaction des facteurs Groupe, Niveau de connaissance en L2 et
Pertinence indique que les participants du groupe (G1N1) rappellent plus de
propositions très pertinentes (13,2) que ceux du groupe (G1N2) (6). En revanche,
le groupe (G1N2) produit moins de propositions moyennement pertinentes (4,2)
que le groupe (G1N1) (8) (voir Figure 3).
108
14
12
10
8
6
G1N1
4
G1N2
2
0
Très pertinentes
Moyennement pertinentes
Figure 3. Niveau de pertinence des propositions en fonction du niveau de
connaissance en L2 selon les groupes
2er analyse : Réécriture (2er jet)
La réécriture a été analysée selon le plan d'expérience S < G2 > *P3 *T2
dans lequel les lettres S, G, P, T renvoient respectivement aux facteurs Sujet,
Groupe (G1 = groupe ayant bénéficié du texte d'aide en langue arabe ; G2 =
groupe ayant bénéficié du texte d'aide en langue française), Pertinence (P3 =
propositions ajoutées très pertinentes ; P2 = propositions ajoutées moyennement
pertinentes ; P1 = propositions ajoutées non pertinentes), Type d'ajouts (T1 =
ajouts issus du contenu du texte ; T2 = ajouts issus du modèle mental).
Le facteur Groupe indique globalement que le nombre total d’ajouts varie
peu d'un groupe à l'autre (G1 27,15 ; G2 = 25,35).
Le facteur Pertinence montre que les élèves produisent plus d'ajouts très
pertinents que d'ajouts non pertinents (30,65 vs 19). C'est-à-dire que les
informations ajoutées par les deux groupes sont davantage des propositions très
pertinentes cohérentes avec l'ensemble du texte, correspondant ainsi à l'objectif
de l'écriture que de propositions non pertinentes.
109
Les élèves du groupe G1 produisent plus d'ajouts très pertinents (18,15)
que les élèves du groupe G2 (10,6).
Le nombre d'ajouts non pertinents du Groupe G2 est supérieur à celui du
Groupe G1 (10,5 vs 3,8).
En revanche, nous n’observons pas de différences évidentes (sensibles)
entre les groupes (G1 vs G2) lors de la production d'ajouts moyennement
pertinents (5,2 vs 4,25).
L'interaction des facteurs Groupe et Pertinence montre que la supériorité
des ajouts très pertinents sur les ajouts moyennement ou non pertinents varie en
fonction des groupes (28,75 vs 23,75) (voir Figure 4).
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
G1
G2
Très pertinents
Moyennement
pertinents
Non pertinents
Figure 4. Niveau de pertinence d'ajouts en fonction des groupes
Les types d'ajouts issus du « modèle mental» sont largement supérieurs à
ceux des ajouts issus du « contenu du texte». Le nombre des ajouts produit par
l'ensemble des participants et renvoyant au traitement de type «Knowledge
110
transforming strategy» (34,55) est supérieur à celui des ajouts appartenant au
contenu textuel «traitement de type Knowledge telling strategy» (18,05).
L'interaction des facteurs Groupe et types d'ajouts montre cependant que
la différence entre les ajouts de type (T1 vs T2) varie d'un groupe à l'autre. Le
nombre d'ajouts issus du « modèle mental» du groupe G1 est supérieur à celui du
groupe G2 (21,85 vs 12,7). En revanche, les ajouts issus de la « base de texte» du
groupe G2 sont supérieurs à ceux du groupe G1 (12,65 vs 5,3) (voir Figure 5).
25
20
15
G1
10
G2
5
0
Base de texte
Modèle mental
Figure 5. Différence entre les types d'ajouts (issus de la base de texte vs issus du
modèle mental) en fonction des groupes
L'interaction des facteurs Pertinence et Types d'ajouts indique que les
propositions ajoutées très pertinentes (28,75) – plus nombreuses que les
propositions moyennement pertinentes (9,45) – sont plus des informations issues
des connaissances des participants (22,65) que des propositions issues du contenu
du texte (15,55) (voir Figure 6).
111
25
20
15
BT
10
MM
5
0
Très pertinents
Moyennement pertinents
Figure 6. Types d'ajouts en fonction du niveau de pertinence des propositions
ajoutées
La double interaction des facteurs Groupe, Pertinence et types d'ajouts
indique que les élèves (G1) qui ont lu le texte d'aide en langue maternelle (L1,
arabe) rajoutent plus de propositions très pertinentes et appartenant au modèle
mental (13,8) que d'ajouts très pertinents et appartenant à la base de texte (4,35).
À l'opposé des élèves du groupe G1 qui ont lu le texte d'aide en langue
maternelle (L1, arabe) et rajoutant plus d'informations très pertinentes de type
modèle mental (13,8) que de propositions très pertinentes de type base de texte
(4,53), les élèves du groupe G2 tendent à rajouter des informations très
pertinentes et renvoyant au contenu du texte (9,45) que d'ajouts très pertinents et
renvoyant au modèle mental (1,15) (voir Figure. 7).
112
14
12
10
8
G1 L1
6
G2 L2
4
2
0
Base de texte
Modèle mental
Figure 7. Types d'ajouts (base de texte vs modèle mental) en fonction de
la langue utilisée selon les groupes.
Les élèves du groupe G1, contrairement à ceux du groupe G2, ajoutent
davantage d’informations issues du modèle mental très pertinentes.
Le nombre de propositions ajoutées par les participants d'un niveau moins
bon en L2 (G1N2) tend à s'approcher lors du rappel 2 du nombre de propositions
ajoutées par le groupe d'un bon niveau en L2 (G1N1) (22 vs 25,9). En revanche,
il n' y a pas de différence entre les ajouts moyennement ou non pertinents entre
les sous-groupes (G1N1 = 9,8 vs G1N2 = 9,4) (voir Figure 8).
113
30
25
20
15
G1N1
10
G1N2
5
0
Très pertinents
Moyennement/Non pertinents
Figure 8. Niveau de pertinence des ajouts en fonction du niveau de
connaissance en L2 selon les groupes
3er analyse : Questionnaires
Les réponses aux questions finales ont été analysées selon le plan
d'expérience S < G2 > *P3 *Q3 dans lequel la lettre Q renvoie au facteur
Questions (Q1 = réponses renvoyant à la microstructure, Q2 = réponses
renvoyant à la macrostructure ; Q3 = réponses renvoyant au modèle de
situation).
Le facteur Groupe indique globalement, qu'il n'y a pas de différence
sensible entre le nombre de propositions ajoutées au questionnaire final selon les
deux groupes (G1 = 6.533 vs G2 = 7,208).
Le facteur Question montre que les participants ajoutent plus
d'informations à la question Q1 (9.583) par rapport aux questions Q2 (9,461) et
Q3 (8,483).
Vu la nuance entre les ajouts, nous ne pouvons pas déterminer le rapport
entre les propositions ajoutées et le processus d'activation de connaissances
114
mises en œuvre par les élèves lors des réponses au questionnaire final. C'est
pourquoi, nous avons analysé les ajouts en fonction de leur niveau de pertinence.
Cette analyse nous permet de constater une différence entre les trois
questions proposées :
Q1 P3 vs Q2 P3 vs Q3 P3 (6,8 vs 5,275 vs 5,25)
Q1 P2 vs Q2 P2 vs Q3 P2 (5,35 vs 4,15 vs 5,175)
Q1 P1 vs Q2 P1 vs Q3 P1 (2,225 vs 4,7 vs 4,6)
Partons de ces résultats pour avancer que l'interaction des facteurs Groupe
et Pertinence indique que les élèves du groupe G1 font plus d'ajouts très
pertinents (7,65) que ceux du groupe G2 (3,9). En revanche, le groupe G2 ajoute
plus d'informations moyennement et non pertinentes (5,258), contrairement au
groupe G1 (2,705) (voir Figure 9).
8
7
6
5
4
G1
3
G2
2
1
0
Très pertinentes
Moyennement pertinents
Figure 9. Niveau de pertinence des informations ajoutées au questionnaire
final selon les groupes
L'interaction entre les facteurs Question et Groupe montre que les
réponses varient en fonction des questions et des groupes. Pour ce qui est des
trois types de questions (Q1, Q2, Q3), les élèves du groupe G1 font plus d'ajouts
très pertinents à la question Q3 (8,75) par rapport aux questions Q1 (7,35) et Q2
115
(6,86). Concernant le groupe G2, les informations ajoutées très pertinentes
renvoient à la question Q1 (6,25), contrairement aux questions Q2 (3,7) et Q3
(1,75) (voir Figure 10).
9
8
7
6
5
4
G1
3
G2
2
1
0
Q1
Q2
Q3
Figure 10. Propositions ajoutées au questionnaire final en fonction des
groupes
116
6.6 Interprétation
Nous interprétons à présent les résultats de notre expérience réalisée
auprès des lycéens de deuxième année secondaire éprouvant des difficultés lors
de la production des textes documentaires/explicatifs en français langue étrangère
L2. Cette expérience porte sur l'effet de la langue maternelle (L1) utilisée dans
les textes d'aide sur la compréhension et la réécriture d'un texte explicatif en
langue étrangère (L2). L'interprétation des résultats sera précédée d'un rappel des
principales hypothèses mises à l'épreuve dans cette expérimentation.
La première série d'hypothèses concerne l'effet du soulignement comme
système d'aide à la hiérarchisation et à la sélection des informations pertinentes
via la lecture/compréhension. Aider en effet, les élèves à anticiper en soulignant,
dans le texte explicatif proposé en L2 au cours de la lecture, les informations
pertinentes semble intéressant pour faciliter la construction de la cohérence
globale (une macrostructure) du texte produit au premier rappel (R1). De plus,
cette technique d’aide à la hiérarchisation permet aux élèves d’être attentifs aux
détails du texte et de pouvoir repérer les propositions importantes et/ou
pertinentes lors de l'activité de lecture. Nous formulions l'hypothèse (H.1) que le
groupe G1 produirait au cours du premier jet du texte explicatif en L2, un
nombre plus important et plus riche en informations de type « micro » et « macro
» que les élèves du groupe G2. Cette hypothèse n'est pas validée. Les résultats
indiquent que les élèves du groupe G2 (sans tâche de soulignement), ont
également rappelé des propositions renvoyant au niveau « micro » et « macro »
du texte.
La deuxième série d'hypothèses établie correspond à la compréhension et
au premier rappel (R1) du texte explicatif, en fonction du niveau de connaissances
des élèves en français langue L2 (N1 vs N2, Niveau bon vs Niveau moins bon ou
faible).
Nous faisions l'hypothèse (H.2) que les élèves de niveau N1 rappelleraient
davantage, en français (L2), un nombre plus élevé de propositions que les élèves
de niveau N2 lors de la première tâche de rappel (R1). Nous constatons que le
117
facteur « Niveau » de connaissances des élèves en français (L2) marque une
importance au cours du traitement du contenu du texte explicatif/documentaire «
réchauffement climatique ». L'hypothèse émise sur l'importance du niveau de
connaissances des élèves en français langue L2 sur la production d'un nombre
pertinent des informations lors du premier jet est validée. Le résultat est
compatible avec l’hypothèse que le niveau de connaissances en langue L2 exerce
un effet sur le nombre et la pertinence d'informations rappelées au cours de la
première tâche de rappel (R1). Donc, les participants d'un bon niveau en langue
L2 traitent plus les informations textuelles lors du premier rappel du texte
explicatif (R2).
Le niveau de connaissances en L2 semble avoir un effet sur le traitement
des données du texte explicatif et, par hypothèse, sur l'activité inférentielle. En
effet c'est grâce à leur niveau de connaissances en L2 que les élèves peuvent
traiter la surface textuelle. Ce facteur peut faciliter ultérieurement (rappel R2)
l'ajout de propositions renvoyant à la base de texte (T1). Il faut donc un bon
traitement de la surface textuelle pour pouvoir engager un bon traitement
sémantique. Néanmoins, ce résultat semble valable plus tard, pour les participants
de niveau N2 qui bénéficient d'une aide textuelle en langue maternelle lors de la
réécriture en langue L2 en contexte plurilingue. Cela nous permet d'avancer que
les connaissances en français sont essentielles, mais elles ne sont pas suffisantes
pour traiter le contenu sémantique du texte explicatif.
Ainsi, la production d'inférences exige la présence des aides à la
compréhension et à la réécriture afin que les élèves puissent récupérer leurs
connaissances stockées en mémoire. Suite à ces données, on peut supposer que le
traitement sémantique profond du texte explicatif en français ne se base pas sur
les connaissances des élèves plus ou moins stabilisées et permanentes en langue
L2, c'est pourquoi, nous pouvons conclure que des aides didactiques et
pédagogiques à la compréhension et à la production sont indispensables.
La troisième série d'hypothèse formulée est relative au recours à la langue
maternelle. Précisément, à son effet non seulement sur l'activité inférentielle,
mais aussi sur la replanification et le type d'informations ajoutées lors de la
réécriture, au premier rappel en français langue L2.
118
Concernant l'effet de l'utilisation de la langue maternelle sur l'activité
inférentielle des élèves en contexte plurilingue, nous faisions l'hypothèse (H.3)
que les participants qui ont bénéficié d'un texte d'aide en langue maternelle (G1)
lors de la relecture, réviseraient et retraiteraient mieux leurs premiers jets
(écriture). En revanche, les élèves du groupe G2, à qui nous avons proposé une
aide en français langue L2, produiraient lors du deuxième rappel R2, un nombre
moins important d'inférence par rapport au groupe G1.
Nous supposions que le texte d'aide proposé en langue maternelle L1,
favoriserait l'activation des connaissances et donc permettrait une meilleure
production des inférences que le texte d'aide en langue étrangère L2. Nous
prédisions que les élèves du groupe G1 activeraient les connaissances du monde
et produiraient davantage d’informations renvoyant au modèle de situation
évoqué par le texte.
L'hypothèse (H.3) émise dans ce cadre est validée. Ces données peuvent
s'interpréter par le fait que la langue maternelle facilite chez les lecteurs
l’extraction des informations implicites du texte, qui sont nécessaires à la
compréhension et à la production en langue L2. Ce résultat nous permet de
conclure que le texte proposé en arabe (L1) permet davantage aux élèves de
comprendre les informations sous-jacentes fournies par le texte. Dans ce cas,
l'activité de compréhension du monde évoqué par le contenu du texte permet de
mettre en cohérence les informations véhiculées par le texte explicatif en français
(L2) avec celles construites dans le contexte linguistique et culturel des élèves et
stockées ainsi dans leur mémoire à long terme. Nous constatons que la génération
d'inférences apparaît comme une activité liée aux aides textuelles proposées en
langue maternelle (L1) qui favorisent davantage l'activation des connaissances
évoquées par le contenu textuel.
Etant donné que l'aide en L1 vise à développer un modèle mental de la
situation décrite par le contenu du texte explicatif, les élèves appréhendent
parallèlement la signification des informations de la surface du texte, du contenu
sémantique textuel et les informations sous-jacentes évoquées par le texte. Par
ailleurs, ils activent davantage leurs connaissances personnelles et générales
relatives au domaine abordé. En d'autres termes, la langue maternelle utilisée
119
dans
les
aides
à
la
replanification
et
à
la
réécriture
de
textes
explicatifs/scientifiques en langue L2, favorise l'activation des connaissances
construites dans le contexte linguistique et culturel de l'élève correspondant en
effet, au domaine évoqué par le texte.
Nous pouvons expliquer l'ajout d'un nombre plus élevé de propositions au
second rappel (R2), renvoyant aux informations sous-jacentes au texte proposé,
exclusivement par l'utilisation de la langue maternelle au cours de la relecture.
Ce qui peut permettre une compréhension profonde du texte proposé et une
bonne production de rappel en langue L2. Rappelons que les élèves traitent un
texte qui est particulièrement difficile, vu le nombre de termes techniques, la
concision du lexique et la complexité scientifique des informations.
Face à ce type de texte, le recours à la langue maternelle dans des aides
semble avoir pour ces élèves un effet important sur le traitement des
informations. Notons ainsi que les lecteurs se focalisent globalement sur le
lexique employé dans le texte. De telle façon, ils déploient plus de ressources
cognitives au cours de l'identification des mots. Cependant, les lacunes
linguistiques des élèves sont plus facilement surmontées grâce à l'utilisation de la
langue maternelle favorisant ainsi le développement des capacités à activer les
inférences nécessaires lors de la compréhension et le retraitement du second
rappel (R2).
Avec l'aide en langue L1 à la compréhension et à la réécriture en langue
L2, le groupe expérimental G1 retraite davantage le contenu sémantique du
premier rappel, en ajoutant des propositions de type T2 au cours du second
rappel R2, que d'ajouts de type T1 renvoyant aux informations issues de la base
de texte. Nous pouvons interpréter ce résultat, en notant que l'aide textuelle en
langue L1 lors de la relecture, conduit les élèves à inférer davantage les
informations absentes du contenu textuel et à réactiver les informations
mémorisées de ce même contenu. Alors que les élèves du groupe G2 produisent
moins de propositions renvoyant au modèle mental (T2) que de propositions
renvoyant à la base du contenu textuel (T1). Les élèves du groupe G1 produisent
beaucoup plus de propositions de type T2 que de propositions de type T1
120
On peut conclure que la langue maternelle facilite l’activation des
processus cognitifs intervenant lors de l'activité de compréhension et de
production du contenu sémantique explicite et implicite du texte. Selon les
résultats obtenus, les élèves bénéficiant d'une relecture en langue maternelle
ajoutent davantage de propositions issues de leurs connaissances antérieures. En
revanche, les élèves bénéficiant d'une relecture en langue étrangère ajoutent
davantage d'informations issues du contenu de la base de texte. Le résultat nous
permet de conclure que la langue maternelle favorise l'activité inférentielle chez
les élèves.
Dans le cadre de l'effet de la langue maternelle utilisée dans les textes
d'aide sur le type de propositions ajoutées lors de la réécriture en langue L2, nous
formulions l'hypothèse (H.4) selon laquelle les élèves du groupe G1 produiraient
lors du retraitement du premier jet un nombre supérieur d'ajouts renvoyant au
modèle de situation (T2) et moins de propositions renvoyant à la base de texte
(T1). En revanche, les élèves du groupe expérimental G2, ajouteraient un
nombre important de propositions portant sur les informations issues du contenu
de la base de texte (T1) et moins de propositions portant sur le modèle de
situation sous-jacent évoqué par le contenu textuel (T2).
Conformément à notre hypothèse et prédiction sur la production en langue
L2 (R2) du rappel d'un nombre important d'informations de type T2, nous
constatons que le facteur « Type d'ajouts » exerce un effet important lors de la
réécriture en français langue L2. Avec la distinction du type d'aide proposées à la
compréhension et à la réécriture en L2 (langue maternelle versus langue
étrangère) lors de la relecture du texte explicatif, les élèves ajoutent davantage de
propositions de type T2. Ce résultat confirme l'effet de l'utilisation de la langue
maternelle dans les aides à la replanification en langue L2 sur le type de
traitement adopté par les participants au cours de la relecture. L'importance du
type d'informations ajoutées par les élèves lors de la réécriture de leur premier
rappel, permet de valider l’hypothèse que le groupe expérimental lisant le texte
d'aide en langue maternelle ajoute un nombre supérieur d'informations issues du
modèle mental, c'est-à-dire que les élèves sont arrivés à activer davantage leurs
connaissances antérieures sur le domaine évoqué par le contenu textuel. C'est
121
pourquoi la langue maternelle peut intervenir largement pour faciliter le processus
de compréhension et de production en langue L2. Elle représente une préparation
immédiate qui favorise l'activation et la mobilisation des connaissances
personnelles de l'élève.
Nous supposions que le texte d'aide à la replanification proposé en langue
arabe au groupe expérimental G1 aurait plus d'effet qu'un texte proposé en langue
française pour les élèves du groupe G2 sur la réécriture en français langue L2 de
leurs premiers rappels du texte explicatif.
Le résultat de l'interaction des facteurs « Groupe * Types d'ajouts » au
niveau du second rappel (R2), nous permet de constater que, les élèves du groupe
G1 traitent non seulement le niveau de la surface textuel en reformulant les
informations du texte avec leurs propres mots, mais aussi le niveau sémantique en
ajoutant des informations nouvelles renvoyant à leurs connaissances personnelles
activées lors de la relecture du texte d'aide en langue maternelle.
Nous pouvons conclure, dans ce cas, que les connaissances stockées dans
la mémoire des élèves facilitent le traitement du niveau sémantique du texte
explicatif en langue L2. Contrairement aux élèves du groupe G2, ils reproduisent
les mêmes mots du texte proposé lors de la relecture en langue L2. Ce groupe
garde en mémoire les mots du texte d'aide en français (L2). Cependant les élèves
du groupe G1 retraitent le contenu de leurs premiers jets en fonction des
informations stockées dans leur mémoire et mise en œuvre au cours de la
relecture en langue L1 et de la réécriture en langue L2. Ce sont les stratégies de
traitement qui varient en fonction de l'aide textuelle proposée.
Lorsque nous avons analysé l'effet de la langue maternelle utilisée dans
les textes d'aide à la replanification et à la réécriture en français, la double
interaction des facteurs « Groupe * Types d'ajouts et Pertinence » semble
exercer un effet lors du traitement du contenu du texte explicatif. Nous faisions
l'hypothèse (H.5) que les élèves du groupe G1 bénéficiant d'un texte d'aide en
langue maternelle (L1, arabe) rajoutent un nombre plus important de
propositions de type T2 et très pertinent que celui du groupe G2. Concernant les
ajouts de type T1, nous remarquons que ce type d'informations copiées sans un
traitement est largement utilisé par les élèves du groupe G2. Ils sont davantage
122
capables de traiter le niveau de la surface textuelle que le niveau sous-jacent du
domaine évoqué par le contenu textuel. Le résultat obtenu indique une différence
entre les informations ajoutées par les deux groupes d'élèves. L'utilisation de la
langue maternelle renvoie en effet, à des différences de nombre et de type
d'informations ajoutées par l'ensemble des deux groupes expérimentaux. Ainsi,
nous pouvons constater que l'activité de compréhension et de production du texte
explicatif en contexte plurilingue, est fortement liée aux aides proposées lors de
la relecture.
L'ensemble des élèves des deux groupes produit plus d'ajouts pertinents
que d'ajouts non pertinents. Toutefois, le nombre d'informations ajoutées
moyennement pertinentes ne varie pas, quel que soit le groupe. En revanche, le
nombre d'informations ajoutées au premier jet, renvoyant au modèle mental est
supérieur au nombre d'ajouts correspondant à la base de texte. Nous constatons
que cette différence est plus importante chez les élèves du groupe G1. Nous
observons des différences dans les propositions ajoutées. L'interaction des
facteurs « Groupe * Pertinence » montre que la supériorité des ajouts très
pertinents sur les ajouts moyennement ou non pertinents varie en fonction des
groupes.
Les élèves du groupe G1, contrairement à ceux du groupe G2, produisent
un nombre plus important d'informations très pertinentes que d'informations
moyennement ou non pertinentes. Nous pouvons avancer que la lecture d'un texte
d'aide en langue maternelle favorise la réécriture en L2. Les résultats sont
compatibles avec l'hypothèse selon laquelle la relecture du texte d'aide en langue
maternelle (arabe, L1) favorise le retraitement du premier rappel (R1). Lorsque
les élèves réécrivent leur premier texte (R1), les propositions qu'ils ajoutent sont
surtout des informations pertinentes et qui correspondent directement au thème
abordé « Réchauffement climatique : causes et conséquences ». Nous remarquons
que les textes explicatifs produits lors du second rappel (R2) par les élèves du
groupe G1 sont retraités et renvoient au modèle de situation. Les informations
qu'ils ajoutent sont cohérentes et pertinentes.
Le type de propositions ajoutées représente un indice qui nous permet de
comprendre les processus cognitifs intervenant au cours de l'activité de
123
retraitement des informations du premier texte produit. Nous remarquons ainsi,
une différence de traitement des informations via la langue utilisée dans les aides
chez les participants du groupe G1 et G2. Lorsque, le texte d'aide est proposé en
langue maternelle (L1, arabe), les participants quel que soit leur niveau en langue
étrangère (L2, français) rajoutent plus de propositions (macro et modèle mental).
Néanmoins lorsqu'il est présenté en langue L2 (français), les participants tendent
à ajouter un nombre moins important de propositions et qui renvoient
essentiellement à la base de texte (micro et macro).
Concernant l'effet de la langue maternelle sur le type de stratégie utilisée
lors de la réécriture du texte explicatif en langue L2, nous émettions l'hypothèse
(H.6) que les participants du groupe G1 utiliseraient une stratégie de type (T2)
« knowledge
transforming
strategy »
ou
« stratégie
de
connaissances
transformées » (Bereiter & Scadamalia, 1987). En revanche, les participants du
groupe G2 utiliseraient lors de la réécriture en L2 une stratégie de type (T1)
« knowledge telling strategy » ou « stratégie de connaissances racontées » qui
consiste lors de la replanification à « copier » des informations issues du texte en
L2 et à les « coller » sans les retraiter et sans les intégrer de façon cohérente au
contenu sémantique du 1er jet de leurs textes.
Si nous supposons que les deux types de propositions ajoutées (T1 vs T2)
peuvent résulter de processus de traitement différent, nous constatons que les
élèves du groupe G1, bénéficiant d'une aide en langue maternelle, mettent en jeu
ces deux types de processus correspondant ainsi à deux stratégies de traitement
de l'information (knowledge telling vs knowledge transforming). Cependant,
nous remarquons que les élèves du groupe G1 ont développé une stratégie qui
relève d'un traitement sémantique ou d'une « stratégie de connaissances
transformées » (knowledge transforming strategy). Cette stratégie est plus
utilisée dans les seconds rappels (R2) par le groupe expérimental G1. Ce
traitement repose essentiellement sur la modification de la base de texte sous
forme de propositions renvoyant aux connaissances de l'élève activées par le
texte d'aide, mais absentes de son contenu. Ainsi, les élèves du groupe G1
bénéficient d'une meilleure activation de connaissances du fait que les textes
d'aide sont en langue maternelle (arabe). Le recours aux connaissances relatives
124
au contexte linguistique des élèves permet de construire un modèle de situation
en rapport avec le texte. De ce fait, le modèle de situation facilite l'intégration
des informations véhiculées par le texte et les connaissances que l'élève dispose
sur le monde.
Concernant l'effet du contexte linguistique des élèves sur l’activité
inférentielle en langue étrangère, nous faisions l'hypothèse (H.7) que le groupe
G1 ajouterait plus de propositions de type T2, renvoyant au modèle mental sousjacent au texte et moins de propositions de type T1 renvoyant au contenu de la
surface textuelle. En revanche, les élèves du groupe G2 bénéficiant de ces textes
en langue étrangère (L2) produiraient plus de propositions de type T1 et moins
de propositions ajoutées de type T2.
Nous prédisions en effet, que grâce à l’intervention de la langue arabe lors
des activités de compréhension et de production en langue L2, les élèves du
groupe G1, contrairement à ceux du groupe G2 activeraient davantage les
connaissances stockées en Mémoire à Long Terme (MLT) en cohérence avec les
informations véhiculées par le texte. Les résultats indiquent dans l'ensemble que
la langue maternelle exerce visiblement un effet sur l'activité de compréhension
et sur la production d'informations ajoutées de type T1 et T2 chez les élèves des
groupes G1. L'utilisation de la langue L1 a favorisé la production de propositions
ajoutées en rapport avec les connaissances liées au contexte linguistique et
culturel de l'élève (T2).
Nous supposons que les 40 participants ont déjà un bagage linguistique et
des compétences disciplinaires en français langue L2 sur le thème abordé, vu que
ces deux groupes expérimentaux ont déjà suivi un cours sur « l'effet de serre »
lors du deuxième trimestre de l'année scolaire 2007-2008. Nous prédisions que
lorsque ces compétences sont associées à la relecture d'un texte d'aide en langue
maternelle (arabe, L1) sur « Les causes et les conséquences du réchauffement
climatique », ces participants ajouteraient davantage d'informations lors de la
réécriture en langue L2, renvoyant à la base de texte et surtout à leurs
connaissances personnelles. Précisément, nous prédisions qu'il n' y aurait pas de
différence sensible entre les élèves de bon niveau (N1) et de niveau moins bon en
125
langue L2 (N2) lors de la production du second rappel (R2) vu qu'ils ont bénéficié
du même texte d'aide.
Les résultats obtenus au cours des analyses valident ainsi cette hypothèse.
Nous constatons que, le nombre de propositions ajoutées par les participants d'un
niveau moins bon en L2 (G1N2, 10/20) tend à s'approcher lors du rappel (R2) du
nombre de propositions ajoutées par le groupe d'un niveau bon en L2 (G1N1,
10/20). De ce fait, grâce à l'aide proposée en langue maternelle, les élèves du
groupe G1 bons et moins bons infèrent des connaissances antérieures construites
en général dans leur contexte linguistique et culturel. Les élèves de niveau moins
bon en langue L2, à qui nous avons proposé également de relire le texte d'aide en
langue maternelle, font un nombre similaire d'inférences lors de la réécriture et
ajoutent par conséquent de propositions très pertinentes. Ainsi le texte proposé
lors de la relecture en langue L1 a produit un effet positif sur l'activité
inférentielle et le rappel d'ajouts, permettant ainsi aux élèves de niveau N2 de
produire un second rappel (R2) en langue L2 plus riche en propositions
renvoyant au modèle de situation du texte explicatif. Les résultats obtenus nous
permettent de constater que les participants de niveau N2 infèrent également
leurs connaissances antérieures construites en langue maternelle.
Enfin la quatrième série d'hypothèse est relative aux questionnaires de
connaissances en tant qu'aides à la compréhension et au traitement des textes
explicatifs/documentaires en français langue L2. L'ensemble des questions d'aide
à la compréhension de type micro (Q1), macro (Q2) et modèle de situation (Q3)
peut faciliter la construction des connaissances en langue L2 dans un contexte
d'apprentissage plurilingue.
Concernant l'effet des questionnaires sur l'activité inférentielle des élèves,
nous formulions l'hypothèse (H.8) que les participants du groupe expérimental
G1 ajouteraient un nombre supérieur de réponses au cours du questionnaire final,
que les participants du groupe G2. Notre hypothèse n'est pas validée. Les
résultats obtenus nous indiquent qu'il n'y a pas de différence sensible entre le
nombre de propositions ajoutées au questionnaire final selon les deux groupes.
Pour ce qui est des trois types de questions (Q1, Q2, Q3), les élèves du
groupe G1 ajouteraient plus d'informations très pertinentes à la question Q3 par
126
rapport aux questions Q1 et Q2. Concernant les élèves du groupe G2, les
informations ajoutées très pertinentes renvoient à la question Q1, contrairement
aux questions Q2 et Q3. Nous constatons que l'interaction des facteurs « Groupe
* Pertinence » indique que les élèves du groupe G1 font plus d'ajouts très
pertinents que ceux du groupe G2. En revanche, les participants du groupe G2
ajoutent plus d'informations moyennement et non pertinentes, contrairement à
ceux du groupe G1.
Concernant l'effet de la langue maternelle sur le nombre et la pertinence
des propositions ajoutées au questionnaire final. Nous faisions l'hypothèse (H.9)
que l'ensemble des élèves, sans mettre en évidence leur niveau de connaissance
en français (L2), produirait un grand nombre de propositions ajoutées très
pertinentes au questionnaire final dans la mesure où ils ont bénéficié d'une aide en
langue maternelle (arabe, L1). Les résultats montrent que les élèves bénéficiant
auparavant d'une aide en langue L1 produiront plus d'ajouts renvoyant au modèle
de situation (Q3) et moins de propositions renvoyant au niveau micro et macro du
texte (Q1 et Q2). Nous constatons que les questions d'aide portant sur le « modèle
de situation » favorisent l'activation des connaissances en rapport avec les
connaissances antérieures des élèves construites dans leur langue maternelle et
activées par le texte d'aide. De même, ce texte d'aide proposé en langue L1 à la
réécriture en français permet l'ajout d'un nombre important de propositions lors
du questionnaire final, nous pensons que les élèves du groupe G1 traiteraient
efficacement les six questions proposées. Ces questions ont permis aux élèves de
traiter profondément le contenu du texte explicatif lors des tâches de rappels (R1
et R2). Les questionnaires (initial et final) facilitent chez les participants le
traitement des propositions au niveau syntaxique et sémantique, mais aussi
l'activation des connaissances construites dans leur langue d'origine (L1, arabe).
C'est en générant via les inférences que les élèves peuvent rappeler plus
d'informations pertinentes lors des rappels.
Notre interprétation consiste à avancer que les questions proposées aux
participants renvoyant au modèle de situation évoqué par le texte favoriseraient
la production des inférences et par conséquent l'ajout d'un nombre important de
propositions.
127
Nous constatons également à travers l’analyse de l’effet du facteur
« Groupe », un nombre similaire d'ajouts lors du questionnaire final entre les
deux sous-groupes expérimentaux d'un niveau de connaissances bon (N1) et
moins bon ou faible (N2) en français (L2). Rappelons encore qu'ils ont bénéficié
préalablement du même texte d'aide en langue maternelle (L1). De ce fait, nous
ne remarquons pas une différence entre le nombre d'informations ajoutées aux
réponses des élèves du premier sous-groupe G1N1 par rapport à celui des élèves
du second sous-groupe G1N2. C'est-à-dire qu’il ne semble pas y avoir de
différence du nombre d'informations ajoutées entre les sous-groupes en fonction
des trois types de questions proposées (micro, macro et modèle de situation) et de
leur niveau de connaissances en langue L2.
Pour conclure, nous pouvons avancer que, dans le cadre de l'utilisation de
la langue maternelle lors de la compréhension et la réécriture des textes
explicatifs/scientifiques en français langue L2, en contexte plurilingue,
l'ensemble des résultats sur l’effet de l’aide de la langue maternelle montrent que
bénéficier d'une aide en langue L1 favorise une compréhension profonde du
contenu du texte en L2, et une fois de plus, une réécriture en langue L2 (français)
riche en informations très pertinentes. Ce type d'aide permet d'améliorer les
premiers rappels du texte explicatif et les réponses au questionnaire final. Ainsi,
la mise en cohérence des informations textuelles avec les connaissances
construites dans la langue maternelle des élèves est particulièrement liée aux
types d'aides proposés. Nos résultats renforcent donc ceux obtenus par des
travaux antérieurs sur la compréhension et la production de texte conduits en
contexte plurilingue (Legros, Maître de Pembroke & Makhlouf, 2003 ; Hoareau,
Legros, Gabsi, Makhlouf & Khebbeb, 2006 ; Boudechiche & Legros, 2007) qui
témoignent d’un effet de la langue maternelle des apprenants sur la
compréhension des textes explicatifs en langue L2.
128
6.7 Discussion et conclusion
Cette recherche conduite avec des élèves de deuxième année de cours
secondaire, âgés de 15 à 20 ans s’inscrit dans un paradigme en émergence qui
vise à recueillir des données dans des contextes linguistiques divers et à élaborer
de façon interdisciplinaire un modèle intégrateur de référence (Legros, Hoareau,
Boudechiche, Makhlouf & Gabsi, 2007). Nous présentons une recherche qui a
pour objectif d'étudier l'effet de l'utilisation de la langue maternelle (L1), lors de
la relecture d’un texte explicatif proposé aux élèves en français langue étrangère
(L2), sur la réécriture du rappel d’un texte et par hypothèse sur la compréhension.
Précisons que les résultats ont été recueillis dans le cas des élèves éprouvant des
difficultés de compréhension et de production d'écrits documentaires en langue
L2. Notre recherche a mis en évidence l'importance de la démarche didactique
consistant à aider les élèves à comprendre et à réécrire des textes explicatifs
pertinents et cohérents, en leur fournissant des aides en langue maternelle.
Les résultats nous permettent d’étudier l'effet de la réactivation des
connaissances antérieures construites dans le contexte linguistique et culturel de
l'élève sur la compréhension et plus précisément sur la production des inférences
nécessaires à la compréhension. Les résultats sont compatibles avec l’hypothèse
selon laquelle le recours à la langue d'origine des élèves (arabes, L1) facilite la
réactivation et la récupération des connaissances en mémoire et favorise ainsi le
rappel en langue étrangère L2 (Hoareau & Legros, 2005 ; 2006 ; 2008).
Notre démarche a permis de tester l'effet du contexte linguistique et
culturel des participants sur les processus d'activation de connaissances stockées
en mémoire à long terme lors de l'activité de compréhension et de rappels de
textes explicatifs en langue L2 et par hypothèse sur l'apprentissage en français
langue étrangère. Les résultats de notre recherche valident nos principales
hypothèses. Ils montrent en effet que les propositions ajoutées lors du second
rappel (réécriture du premier jet) renvoient davantage au modèle de situation
(Van Dijk & Kintsch, 1983) sous-jacent au texte, et contribuent à maintenir la
cohérence du contenu sémantique du texte. Cette recherche permet d'identifier les
types de stratégies dans lesquelles s’engagent les élèves et ainsi de contribuer à la
129
mise en œuvre d’une didactique de la compréhension de texte en L2 en contexte
plurilingue.
C'est en fonction de l'activité inférentielle que nous avons traité les
niveaux de compréhension du texte : base de texte (micro/macro) et modèle de
situation (ajouts de type T1 et T2). Les productions des élèves ont été analysées
en fonction du contenu sémantique du texte rappelé et par hypothèse compris
afin d'identifier les types de stratégies dans lesquelles s'étaient engagés les élèves
des deux groupes G1 et G2.
Les deux groupes d'élèves ont mis en œuvre deux stratégies
rédactionnelles d'activation de processus implicites qui se rapprochent de la
stratégie dite « stratégie des connaissances transformées » (knowledge
transforming strategy) ou la stratégie dite « stratégie des connaissances racontées
ou rapportées » (knowledge telling strategy) (Bereiter & Scardamalia, 1987). Il
ressort qu'en fonction de la pertinence et du type d'informations rappelées ou
ajoutées, nous reconnaissons la qualité du traitement inférentiel des informations.
Cela nous conduit à faire l'hypothèse que la relecture en langue maternelle exerce
un effet non seulement sur la compréhension de textes explicatifs/scientifiques,
mais aussi le rappel des propositions pertinentes correspondant au but final de la
réécriture en français langue L2. De plus, elle favorise l'activation de
connaissances renvoyant au modèle de situation, et donc aux informations sousjacentes évoquées par le contenu textuel.
Il est important d'avancer que l'utilisation de la langue maternelle dans des
aides textuelles facilite le traitement inférentiel des informations. Cette activité
inférentielle résulte de la capacité de la Mémoire de Travail à Long Terme
(MTLT). En effet, la théorie de la MTLT permet d'évaluer l'effet de la culture du
lecteur sur l'activation de ses connaissances stockées en Mémoire à Long Terme
(MLT), lors de l'activité de compréhension et de rappel en langue L1 vs L2
(Hoareau, 2005). Pour plus d'illustration, nous citons les travaux de Hoareau et
Legros (2006) qui ont réanalysé les données de l'étude conduite par Gabsi (2004)
à partir du modèle de Construction-Intégration de Kintsch (1988 ; 1998). Ces
auteurs ont mis en évidence le rôle de la Mémoire de Travail à Long Terme
(MTLT) d'Erickson & Kintsch (1995) dans l'activation de connaissances. Ils ont
130
montré que lorsque le sujet possède des connaissances sur le domaine évoqué par
le texte, et notamment lorsque ces connaissances construites dans la langue
maternelle sont activées, les structures de rappel élaborées et/ou activées
permettent un fonctionnement optimal de la MTLT et donc une meilleure
compréhension et une meilleure production de textes. Ils concluent que la langue
avait un effet sur la qualité du traitement inférentiel qui dépend de la qualité de
fonctionnement des structures de rappels de la MTLT.
La compréhension et le rappel des textes documentaires/explicatifs
présentent des obstacles si les connaissances de l'élève sur le domaine évoqué par
le texte sont absentes ou moins disponibles, ce qui rend difficile l'activité
inférentielle. Dans ce cas, le traitement de la surface linguistique du texte ne peut
pas être efficace, et l’aide unique à ce type de traitement ne suffit pas. Le lecteur
doit être capable d’inférer les informations manquantes afin de construire une
base de texte cohérente (localement et globalement). Il est donc nécessaire pour
les élèves de mettre en œuvre leurs connaissances.
En effet, pour traiter les informations du texte, l'élève est appelé à
combiner les propositions fournies par le texte, les informations contextuelles et
ses connaissances antérieures. Ces informations aident à élaborer une
représentation cohérente du texte. Il en résulte qu'en contexte plurilingue et
pluriculturel, la compréhension et le rappel de textes prennent en compte les
connaissances liées au contexte culturel du sujet. Les connaissances améliorent la
qualité du texte produit et permettent une meilleure réécriture en langue L2. Les
données sur le rôle du contexte linguistique et culturel de l'élève dans la
compréhension et la réécriture de textes en langue L2, nous permettent de
mesurer l'effet de la langue maternelle du lecteur et de son importance dans les
activités
d'apprentissage/enseignement.
L'ensemble
des
recherches
expérimentales (Hoareau & Legros, 2005 ; 2006 ; 2008 ; Boudechiche & Legros,
2007a) liées aux modèles de compréhension et de rappel en langue étrangère L2
envisage ainsi de concevoir une didactique cognitive de l'apprentissage/
enseignement en milieu plurilingue et pluriculturel.
131
En résumé
Dans le sixième chapitre, nous avons exposé notre recherche dans le but
de rendre compte d'un côté, de l'effet des questionnaires sur le (re)traitement de
l'information textuelle, d’un autre côté, de l'effet de l'utilisation de la langue
maternelle (L1, arabe) dans des aides à la compréhension et à la réécriture de
textes explicatifs/documentaires en langue étrangère (L2, français). Ces effets ont
été analysés à partir des données recueillies à la suite d'un travail mené auprès de
40 lycéens du même niveau scolaire. Dans ce chapitre, nous nous sommes
appuyés sur quelques travaux portant sur le rôle de la langue maternelle au cours
de la compréhension et la production de textes scientifiques en langue seconde et
étrangère. Une place importance a été consacrée à l'analyse et à l'interprétation
des résultats de l'expérimentation. Nous avons également proposé une discussion
des résultats obtenus.
132
CONCLUSION GÉNÉRALE : BILAN ET PERSPECTIVES
Les résultats de cette recherche sur l'effet de la relecture d'un texte d'aide
en L1 sur la compréhension et la production d'un texte explicatif en L2 en
contexte plurilingue, nous ont permis de faire des avancées sur l'appréhension du
rôle de la langue maternelle (arabe, L1), lors de l'activité de compréhension et au
cours de la réécriture du rappel de texte explicatif/documentaire en langue
étrangère (L2, français).
En effet, le contexte linguistique et culturel des élèves, qui rendait compte
des processus d'activation des connaissances stockées en Mémoire à Long Terme
(MLT), montre particulièrement que le recours à la langue maternelle (L1) des
élèves exerce un effet sur la qualité des informations ajoutées en langue L2. Les
effets que nous avons constatés sur l'utilisation des aides textuelles en langue
arabe L1, apportent des éléments exploitables relatifs à la phase d'activation des
connaissances et au type de stratégies adoptées par l'ensemble des élèves.
Ces effets indiquent que relire un texte d'aide en langue maternelle (L1)
influence les mécanismes cognitifs impliqués au cours du traitement inférentiel
des informations textuelles et du retraitement de la première production du texte
explicatif en langue L2. Dans cette perspective, nous avançons que la langue
maternelle facilite la production d'inférences que le lecteur produit pour ajouter
des éléments d’informations complémentaires à ceux présentés dans le texte. Ce
qui permet d'établir une interaction entre les informations du texte et les
connaissances activées en lien avec le sujet abordé par le texte d'aide.
Ce travail, qui étudie et analyse l'effet de l'aide en langue L1 montre que
ce type d'aide favorise la construction de nouvelles connaissances linguistiques et
thématiques en langue L2. La prise en compte du contexte linguistique et culturel
de l'élève est donc essentielle pour activer les connaissances construites en L1,
conformément aux données antérieures de l’élève (Hoareau & Legros, 2005 ;
2006 ; 2008). À partir de ces conceptions, il est important de souligner encore
une fois, que la langue d'origine des élèves développe les capacités à générer des
inférences de qualités lors du traitement du contenu textuel.
133
Les aides que nous avons proposées à la réécriture de texte explicatif en
langue L2 ont montré que la lecture de texte d’aide en L1 facilite la réactivation
des connaissances construites en langue L1 et donc favorise lors de la relecture
du premier jet du texte produit en L2 la replanification et la révision/réécriture du
texte explicatif/documentaire.
Les résultats de l’analyse des ajouts d’informations produits lors de la
réécriture ont montré que les élèves (G1) qui ont lu le texte d’aide en langue
maternelle produisent des ajouts plus pertinents et relevant d’un retraitement
sémantique, alors que les élèves (G2) qui ont lu le texte d’aide en langue L2 se
contentent le plus souvent de reproduire dans leurs ajouts des informations issues
du texte d’aide sans tenir compte de la pertinence de ces informations par rapport
au contenu du premier rappel du texte écrit (Legros & Gabsi, 2004 ; Legros,
Makhlouf, Gabsi, Hoareau, 2006 ; Makhlouf, Legros, Marin, Lecompte,
Makhlouf & Friscera, 2005).
L'un des résultats se rapporte à l'ajout de propositions de type T1 (base de
texte) et T2 (modèle de situation), lors de la réécriture du premier rappel du texte
explicatif en langue L2. L'observation de ces résultats permet de constater que la
relecture en langue maternelle exerce un effet sur le type de stratégie
rédactionnelle utilisé pour l'activation des connaissances sous-jacentes évoqué
par le texte.
Il ressort qu'en fonction de la pertinence et du type d'informations
ajoutées, nous reconnaissons les deux types de stratégies de connaissances
utilisées par les deux groupes d'élèves. Cela nous conduit à préciser que la
stratégie dite « stratégie des connaissances transformées » (knowledge
transforming strategy) est favorisée par le recours à la langue arabe (L1). En
revanche, la relecture en langue L2, a facilité seulement l'utilisation de la
stratégie dite « stratégie des connaissances racontées ou rapportées » (knowledge
telling strategy) (Bereiter & Scardamalia, 1987).
L'analyse des informations ajoutées au premier jet du texte explicatif en
français L2 - ajouts de propositions renvoyant au contenu explicite du texte (T1)
ou ajouts renvoyant aux informations implicites activées par l'élève (T2) - varie
en fonction de la langue utilisée dans les textes d'aides. Les élèves du groupe G1
134
à qui nous avons proposé de relire le texte d'aide documentaire en langue
maternelle (L1), ajoutent davantage, lors du second rappel (réécriture), des
propositions issues du modèle mental sous-jacent au contenu textuel (T2). En
revanche, les élèves du groupe G2 à qui la relecture est proposée en français
langue étrangère (L2), produisent davantage d'ajouts fournis par le contenu
explicite du texte (T1).
Par ailleurs, les résultats du questionnaire final ayant montré des effets sur
l'ajout d'informations de type (Q3, modèle de situation) que d'ajouts de type
(Q1/Q2, micro/macro) vu l'aide bénéficiée préalablement en langue maternelle
pour les élèves du groupe G1. Ils indiquent une différence de traitement au
niveau du type de propositions ajoutées. Dans l'ensemble, ces données nous
conduisent à supposer que bénéficier d'aides en langue L1 favorise, d'une part,
une compréhension profonde du contenu du texte en L2, et d'autre part, une mise
en mot d'informations pertinentes lors de la réécriture et lors des réponses à des
questionnaires de connaissances.
Toutefois, cette recherche présente un certain nombre de limites, si nous
considérons que le recueil de données n'était pas en totalité contrôlé. De plus, les
procédures expérimentales mises en œuvre lors de l'analyse de l'activité de
compréhension et de production de textes explicatifs/documentaires en français
langue étrangère L2 devront être révisées et affinées. Les analyses des
productions des élèves demeurent donc partielles, étant donné que notre but était
de mettre en évidence l'effet de l'utilisation de la langue maternelle dans des
aides textuelles à la compréhension et à la production en langue L2 en contexte
plurilingue.
Le défi que doit relever la recherche sur l'enseignement/apprentissage en
contexte plurilingue et pluriculturel est de préparer les élèves et les enseignants à
la mondialisation de la formation. Ceci présuppose en effet d'accepter de se
former à la connaissance et à la pratique de sa propre culture et de la culture de
l'autre. Toutefois, le recours à la langue L1 lors de l'apprentissage « potentialise »
les acquisitions. C'est ainsi que nous pouvons parler en parallèle d'une
décentration permettant de prendre en compte des contextes linguistiques et
135
culturels sur une base de connaissances diversifiée et d'ouvrir de nouvelles
perspectives à la recherche.
La mondialisation de la formation augmente la rapidité, le dynamisme et
l'importance de la recherche. Bien plus, elle est essentielle pour accéder au bassin
mondial des connaissances. Or nous retrouvons des étudiants diplômés et des
chercheurs hautement qualifiés, flexibles du point de vue culturel et qui sont
capables de tenir compte dans le cadre de leurs travaux de la nature indépendante
du monde intellectuel et culturel.
La construction des connaissances à l'école en situation plurilingue et
pluriculturelle nécessite le développement d'une didactique cognitive qui ouvre
des perspectives nouvelles et particulièrement fécondes sur la compréhension des
mécanismes d'acquisition et d'apprentissage des langues. À partir des situations
de classes et de pratiques réelles ou expérimentales, la didactique basée sur des
fondements cognitifs se propose d'être attentive aux méthodologies d'analyse en
vue d'obtenir des résultats observables sur un des paramètres de la situation
didactique définis au préalable (notion de variable). De cette façon, l’élève est
appréhendé dans sa dimension cognitive.
Il sera intéressant et nécessaire d'étudier la compréhension et la production
à l'ère du numérique. Les travaux menés sur le rôle des nouvelles technologies
dans ces activités engendrent un rapprochement des disciplines (Legros, Maître
de Pembroke & Talbi, 2002). C'est pourquoi, le contexte numérique met en usage
des outils cognitifs internes (la langue, l'écriture et les textes) et des outils
externes
(NTIC,
Nouvelles
Technologies
de
l’Information
et
de
la
Communication) lors du processus de lecture, de compréhension, de production
de textes et de construction de connaissances (Hoareau, Legros, Boudechiche,
Makhlouf & Gabsi, 2007).
Ces outils cognitifs internes placent l'analyse linguistique et le contexte
culturel au cœur de toute démarche en didactique cognitive, mais aussi des outils
externes (NTIC). Les NTIC mettent en pratique des éléments d’analyse
permettant de modifier la façon d'apprendre et d'enseigner les activités de
compréhension et de production d'écrits en langue L2. Elles imposent de prendre
en compte les caractéristiques culturelles et linguistiques de l'apprenant. Elles
136
favorisent, en classe, la mise en œuvre de nouvelles situations d'apprentissage qui
permettent d'enrichir et d'améliorer les activités de co-compréhension, de coécriture et de co-apprentissage à distance.
Pour qu'une didactique de la compréhension et de la production de textes
en contexte plurilingue et pluriculturel soit effectivement féconde, elle doit
décrire les processus cognitifs des systèmes de connaissances/croyances des
différents élèves.
Perspectives pour la recherche
Nous poursuivrons nos recherches sur l’étude des mouvements oculaires
en temps réel (on line) des rédacteurs au cours de la réécriture d’un texte
scientifique en français langue étrangère (L2) en milieu universitaire.
Précisément, il s'agit d'analyser les pauses et les débits de réflexion au moment
où le scripteur planifie le contenu de son document écrit. Dans ce cas, comment
cette capacité à lire et à réécrire peut-elle être observée et analysée ?
Les données recueillies sur ces activités (stylo électronique vs techniques
oculométriques), permettent de comprendre les transformations et les effets sur le
traitement et sur l’apprentissage (Baccino, 2004). Par ailleurs, les mouvements
oculaires du scripteur peuvent refléter les processus cognitifs mis en œuvre lors
de l'activité de lecture/compréhension ou de lecture/production.
Cependant, nous utiliserons le stylo électronique, d'une part comme un
moyen d'observation et d'enregistrement des pauses et des débits, traces de
l'activité rédactionnelle, et d'autre part comme un procédé de vérification des
mécanismes cognitifs mis en jeu par le rédacteur dans la construction du sens et
de connaissances. Il est nécessaire d'avancer que ces objectifs dépendent
essentiellement du type de texte proposé à la lecture.
Ainsi, l'identification de la nature des informations regardées pendant
l'écriture fournit aux chercheurs des explications importantes sur le déroulement
des stratégies impliquées dans la production. En effet, l'analyse des modifications
des processus de la production verbale devrait avoir des effets sur la gestion et
les rythmes de la production.
137
Du point de vue de l'utilisation des NTIC et la prise en compte des
processus cognitifs dans des situations d'enseignement/apprentissage en français
langue étrangère (L2), ces recherches récentes sur l'étude de la gestion on line de
la production verbale à l'aide du stylo électronique constitueront donc le cadre
général d'une recherche ultérieure.
138
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149
ANNEXES
Annexe I. Questionnaire (initial et final) « Le réchauffement climatique »
Annexe II. Texte d'aide en langue française (L2) « À propos du réchauffement
climatique : des causes et de grandes conséquences »
Annexe III. Texte d'aide traduit en langue arabe (L1)
150
Annexe I
Questionnaire (initial et final) « Le réchauffement climatique »
1. Quelles sont les activités humaines qui peuvent réchauffer la planète?
2. Y a-t-il d'autres causes du réchauffement climatique que les activités humaines
? Lesquelles ?
3. Quelles conséquences le réchauffement planétaire peut-il avoir sur la nature?
4. Pourquoi la terre se réchauffe ?
5. Quels sont les gestes au quotidien qui permettent de lutter contre le
réchauffement climatique ?
6. Comment la température du climat peut-elle augmenter ?
151
Annexe II
Texte d'aide en langue française (L2) « A propos du réchauffement
climatique : des causes et de grandes conséquences »
Il est pratiquement certain que les causes du réchauffement sont
attribuables essentiellement à l'activité humaine : industrie, agriculture,
transports, commerce, chauffage…et en particulier à ses consommations
d'énergie ou les émissions d'autres gaz. Le principal gaz à effet de serre est le
dioxyde de carbone, ou CO2, ou gaz carbonique. Lorsque nous utilisons des
énergies fossiles, telles que le charbon, le pétrole ou le gaz, nous brûlons du
carbone, ajoutant ainsi du CO2 à l'air : environ 20 milliards de tonnes par an
dans le monde. Ainsi, depuis 1850, la centration des gaz à effet de serre a
augmenté. Notre couette s'est épaissie: au lieu de nous protéger du froid, elle
commence à nous donner trop chaud. C'est pourquoi la lutte contre le
changement climatique engage tous les niveaux de responsabilité.
Le réchauffement climatique, également appelé réchauffement planétaire
est un phénomène brutal. Il pourrait entraîner des dommages importants, tant
pour les écosystèmes de notre environnement naturel que pour l'humanité. La
fonte des neiges et des glaciers et le réchauffement des océans pourraient
entraîner une élévation du niveau des mers, que les hypothèses moyennes
évaluent à 50 cm, menaçant 92 millions de personnes vivant dans les zones
côtières. Par ailleurs, l'accentuation des "événements climatiques extrêmes"
(sécheresses, inondations, raz de marrée violent, cyclones, pluies torrentielles,
canicules) peut s'accroître dans certaines régions de la planète.
En outre, une disparition est à prévoir de certaines espèces animales, et
aussi un changement de comportement migratoire chez les oiseaux et les
poissons. Le réchauffement climatique qui engendre une baisse des rendements
de récoltes pourrait conduire également à des situations de famine. Or, les
risques pourraient menacer les ressources d'eau douce surtout dans la plupart des
régions sèches tropicales et subtropicales. Il est très probable (de 90 à 99 % de
probabilité) que ce phénomène provoquera une élévation particulière des
152
températures nocturnes. C'est ainsi que les vagues de chaleur (augmentation des
températures) seront intenses et plus longues: on prévoit donc un accroissement
consécutif des maladies cardio-vasculaires ; indirectement, un certain nombre de
maladies se transmettront plus facilement (paludisme, dengue, fièvre jaune,
encéphalites). Le réchauffement climatique implique tous les aspects de la vie
humaine et, plus particulièrement, nos modes de production et d'utilisation de
l'énergie.
153
‫‪Annexe III‬‬
‫)‪Texte d'aide traduit en langue arabe (L1‬‬
‫ﻓﻴﻤﺎ ﳜﺺ ﺍﻻﺣﺘﺒﺎﺱ ﺍﳊﺮﺍﺭﻱ ‪ -‬ﺍﻹﺳﺘﺪﻓﺎﺀ ﺍﳌﻨﺎﺧﻲ ‪ -‬ﺍﻷﺳﺒﺎﺏ ﻭ ﺍﻟﻨﺘﺎﺋﺞ ﺍﻟﻜﺒﲑﺓ‬
‫ﻟﻘﺪ ﺛﺒﺖ ﻭ ﺑﺎﻟﺘﺄﻛﻴﺪ ﺃﻥ ﺃﺳﺒﺎﺏ ﺍﻻﺣﺘﺒﺎﺱ ﺍﳊﺮﺍﺭﻱ ﺗﻨﺴﺐ ﰲ ﺟﻮﻫﺮﻫﺎ ﺇﱃ ﺍﻟﻨﺸﺎﻁ ﺍﻹﻧﺴﺎﱐ‪:‬‬
‫ﺯﺭﺍﻋﺔ‪ -‬ﺻﻨﺎﻋﺔ‪ -‬ﻧﻘﻞ‪ -‬ﲡﺎﺭﺓ‪ -‬ﺃﻓﺮﺍﻥ ﻭ ﺑﺎﳋﺼﻮﺹ ﺇﱃ ﻋﻤﻠﻴﺎﺕ ﺍﺳﺘﱰﺍﻑ ﺍﻟﻄﺎﻗﺔ ﺃﻭ ﺍﻧﺒﻌﺎﺙ ﻏﺎﺯﺍﺕ‬
‫ﺃﺧﺮﻯ ﺍﻟﻐﺎﺯ ﺍﻟﻄﺒﻴﻌﻲ ﺫﺍ ﺍﳌﻔﻌﻮﻝ ﺍﻟﺪﺍﻓﺊ ﻫﻮ ﺛﺎﱐ ﺃﻛﺴﻴﺪ ﺍﻟﻜﺮﺑﻮﻥ ﺃﻭ ‪ - CO2-‬ﺃﻭ ﺍﻟﻐﺎﺯ ﺍﻟﻜﺮﺑـﻮﱐ‬
‫‪.‬ﻓﻌﻨﺪﻣﺎ ﻧﺴﺘﻌﻤﻞ ﻫﺬﻩ ﺍﻟﻄﺎﻗﺎﺕ ﺍﳌﺘﺤﺠﺮﺓ ﺍﻟﻜﺮﺑﻮﻧﻴﺔ ﻣﺜﻞ ﺍﻟﻔﺤﻢ ﻭ ﺍﻟﺒﺘﺮﻭﻝ ﺃﻭ ﺍﻟﻐﺎﺯ‪ ,‬ﻓﺈﻧﻨـﺎ ﻧﻘـﻮﻡ‬
‫ﺑﺈﺷﻌﺎﻝ ﺍﻟﻜﺮﺑﻮﻥ‪ ,‬ﻭ ﺑﺎﻟﺘﺎﱄ ﺗﺰﻳﺪ ﻭ ﺗﻀﺎﻋﻒ ﻧﺴﺒﺔ ‪ CO2‬ﰲ ﺍﳍﻮﺍﺀ‪,‬ﺣﻮﺍﱄ ‪ 20‬ﻣﻠﻴﺎﺭ ﻃﻦ ﺳـﻨﻮﻳﺎ ﰲ‬
‫ﺍﻟﻌﺎﱂ‪ .‬ﻫﺬﺍ ﻭ ﻣﻨﺬ ﺳﻨﺔ ‪ 1850‬ﻓﺈﻥ ﺍﻹﻓﺮﺍﻁ ﰲ ﺍﻟﻐﺎﺯﺍﺕ ﺫﺍﺕ ﺍﳌﻔﻌﻮﻝ ﺍﻟﺪﺍﻓﺊ ﻗﺪ ﺍﺭﺗﻔﻌﺖ‪ .‬ﻓﺎﻟﻐﻼﻑ‬
‫ﺷﻬﺪ ﲰﻜﺎ ﻭ ﻛﺜﺎﻓﺔ ﻓﺒﺪﻻ ﻣﻦ ﺃﻥ ﳛﻤﻴﻨﺎ ﻣﻦ ﺍﻟﱪﻭﺩﺓ‪ ،‬ﻓﻘﺪ ﺑﺪﺃﺕ ﰲ ﺇﻋﻄﺎﺋﻨﺎ ﺣﺮﺍﺭﺓ ﺷﺪﻳﺪﺓ‪ .‬ﻟﺬﻟﻚ ﻭ‬
‫ﳍﺬﻩ ﺍﻷﺳﺒﺎﺏ‪ ,‬ﻓﺈﻥ ﺍﻟﺘﺼﺪﻱ ﻭ ﻣﻘﺎﻭﻣﺔ ﺍﻟﺘﻐﲑ ﺍﳌﻨﺎﺧﻲ ﻳﻠﺰﻡ ﻭ ﳚﻨﺪ ﻛﻞ ﺍﳌﺴﺘﻮﻳﺎﺕ ﻛـﻞ ﺣﺴـﺐ‬
‫ﻣﺴﺆﻭﻟﻴﺎﺗﻪ‪.‬‬
‫ﺍﻻﺣﺘﺒﺎﺱ ﺍﳊﺮﺍﺭﻱ ﻭ ﺍﳌﺴﻤﻰ ﻛﺬﻟﻚ ﺑﺎﻻﺣﺘﺒﺎﺱ ﺍﻟﻜﻮﻛﱯ ﳝﺜﻞ ﻇﺎﻫﺮﺓ ﻋﻨﻴﻔـﺔ‪ ,‬ﳝﻜـﻦ ﺃﻥ‬
‫ﻳﺴﺒﺐ ﺃﺿﺮﺍﺭﺍ ﺟﺴﻴﻤﺔ ﺳﻮﺍﺀ ﺇﱃ ﺃﻧﻈﻤﺔ ﺑﻴﺌﺘﻨﺎ ﺍﻟﻄﺒﻴﻌﻴﺔ ﺃﻭ ﺇﱃ ﺍﻹﻧﺴﺎﻧﻴﺔ ﰲ ﺣﺪ ﺫﺍ‪‬ﺎ‪ .‬ﻓﺬﻭﺑﺎﻥ ﺍﻟﺜﻠﻮﺝ‬
‫ﻭ ﺍﻟﻄﺒﻘﺎﺕ ﺍﳉﻠﻴﺪﻳﺔ ﻭ ﺍﺭﺗﻔﺎﻉ ﺩﺭﺟﺔ ﺣﺮﺍﺭﺓ ﺍﶈﻴﻄﺎﺕ ﳝﻜﻨﻬﺎ ﺃﻥ ﺗﺴﺒﺐ ﺍﺭﺗﻔﺎﻉ ﻣﺴﺘﻮﻯ ﺍﻟﺒﺤـﺎﺭ‪،‬‬
‫ﺣﻴﺚ ﻗﺪﺭ‪‬ﺎ ﺍﻟﻔﺮﺿﻴﺎﺕ ﺍﳌﺘﻮﺳﻄﺔ ﺏ‪ 50‬ﺳﻨﺘﻴﻤﺘﺮ‪ ,‬ﻭ ﺍﻟﱵ ﺳﺘﻬﺪﺩ ﺣﻮﺍﱄ ‪ 92‬ﻣﻠﻴﻮﻥ ﺷﺨﺺ ﻳﻌﻴﺸﻮﻥ‬
‫ﻋﻠﻰ ﺍﳌﻨﺎﻃﻖ ﺍﻟﺴﺎﺣﻠﻴﺔ‪ .‬ﻣﻦ ﺟﻬﺔ ﺃﺧﺮﻯ‪ ,‬ﻓﺈﻥ ﺗﺸﻜﻞ ﺑﻌﺾ ﺍﳌﻈـﺎﻫﺮ ﺍﳌﻨﺎﺧﻴـﺔ ﺍﻟﺸـﺪﻳﺪﺓ ﻣﺜـﻞ‬
‫‪:‬ﺍﳉﻔﺎﻑ‪،‬ﺍﻟﻔﻴﻀﺎﻧﺎﺕ‪ ،‬ﺍﳌﻮﺟﺎﺕ ﺍﻟﻌﻨﻴﻔﺔ ﺍﻟﻨﺎﲨﺔ ﻋﻦ ﺍﻟﺰﻻﺯﻝ‪ ,‬ﻭ ﺍﻷﻋﺎﺻﲑ ﺍﻟﺸﺪﻳﺪﺓ ﻭ ﺍﳊﻠﺰﻭﻧﻴـﺔ ﻭ‬
‫ﺍﻷﻣﻄﺎﺭ ﺍﻟﺴﻴﻠﻴﺔ ﻭ ﺻﻴﻒ ﺷﺪﻳﺪ ﺍﳊﺮﺍﺭﺓ ﳝﻜﻦ ﺃﻥ ﺗﺘﻀﺎﻋﻒ ﻭ ﺗﻜﺜﺮ ﰲ ﺑﻌﺾ ﻣﻨﺎﻃﻖ ﺍﻷﺭﺽ‪.‬‬
‫ﺑﺎﻹﺿﺎﻓﺔ ﺇﱃ ﺫﻟﻚ‪ ،‬ﳝﻜﻦ ﺃﻥ ﳛﺪﺙ ﻓﻘﺪﺍﻥ ﻟﺒﻌﺾ ﺍﻷﻧﻮﺍﻉ ﺍﳊﻴﻮﺍﻧﻴـﺔ ﻭ ﻛـﺬﻟﻚ ﺗـﺘﻐﲑ‬
‫ﻣﺴﺎﺭﺍﺕ ﺍﳍﺠﺮﺓ ﻟﺪﻯ ﺑﻌﺾ ﺍﻟﻄﻴﻮﺭ ﻭ ﺍﻷﲰﺎﻙ‪ .‬ﻓﺎﻻﺣﺘﺒﺎﺱ ﺍﳊﺮﺍﺭﻱ ﺍﻟﺬﻱ ﻳﺴﺒﺐ ﺍﳔﻔﺎﺿﺎ ﰲ ﻣـﺮﺩ‬
‫ﻭﺩﻳﺔ ﺍﻹﻧﺘﺎﺝ‪ ,‬ﳝﻜﻦ ﺃﻥ ﻳﻘﻮﺩ ﺇﱃ ﻭﺿﻌﻴﺎﺕ ﻣﻦ ﺍ‪‬ﺎﻋﺔ‪ .‬ﰲ ﺣﲔ‪ ،‬ﺃﻥ ﺍﻷﺧﻄﺎﺭ ﳝﻜﻦ ﺃﻥ ‪‬ﺪﺩ ﻣﻨﺎﺑﻊ ﻭ‬
‫ﻣﺼﺎﺩﺭ ﺍﳌﺎﺀ ﺍﻟﻌﺬﺏ‪ ,‬ﺧﺎﺻﺔ ﰲ ﺃﻏﻠﺐ ﺍﳌﻨﺎﻃﻖ ﺍﳉﺎﻓﺔ ﺍﻻﺳﺘﻮﺍﺋﻴﺔ ﻭ ﺍﻟﻘﺮﻳﺒﺔ ﻣﻨﻬﺎ‪ .‬ﻣﻦ ﺍﶈﺘﻤﻞ ﺑﻨﺴـﺒﺔ‬
‫‪ %90‬ﺇﱃ ‪ %99‬ﺇﻥ ﻫﺬﻩ ﺍﻟﻈﺎﻫﺮﺓ ﳝﻜﻦ ﺃﻥ ﺗﺆﺩﻱ ﺇﱃ ﺍﺭﺗﻔﺎﻉ ﺧﺎﺹ ﻟﺪﺭﺟﺎﺕ ﺍﳊﺮﺍﺭﺓ ﺍﻟﻠﻴﻠﻴﺔ‪ ،‬ﻫﻜﺬﺍ‬
‫ﻓﺈﻥ ﻣﻮﺟﺎﺕ ﺍﳊﺮﺍﺭﺓ ﺗﻜﻮﻥ ﺷﺪﻳﺪﺓ ﻭ ﻃﻮﻳﻠﺔ ‪:‬ﻓﺈﻧﻨﺎ ﻧﺘﻮﻗﻊ ﺇﺫﻥ ﺗﻜﺎﺛﺮ ﻣﺘﺘـﺎﺑﻊ ﻟﻸﻣـﺮﺍﺽ ﺍﻟﻘﻠﺒﻴـﺔ‬
‫ﺍﻟﻮﻋﺎﺋﻴﺔ‪ ،‬ﻓﺒﻄﺮﻳﻘﺔ ﻏﲑ ﻣﺒﺎﺷﺮﺓ ﻋﺪﺩ ﻣﻦ ﺍﻷﻣﺮﺍﺽ ﳝﻜﻦ ﺃﻥ ﺗﻨﺘﻘﻞ ﺑﻜﻞ ﺳﻬﻮﻟﺔ ﻣﺜﻞ‪ :‬ﺍﳌﻼ ﺭﻳﺎ‪ ,‬ﲪـﻰ‬
‫ﺍﻟﻀﻨﻚ‪ ,‬ﲪﻰ ﺍﳌﺴﺘﻨﻘﻌﺎﺕ‪،‬ﺍﻟﺘﻬﺎﺏ ﺍﻟﺪﻣﺎﻍ‪ .‬ﻓﺎﻻﺣﺘﺒﺎﺱ ﺍﳊﺮﺍﺭﻱ ﻳﺸـﻤﻞ ﻛـﻞ ﻣﻈـﺎﻫﺮ ﺣﻴﺎﺗﻨـﺎ‬
‫ﺍﻹﻧﺴﺎﻧﻴﺔ‪,‬ﻭ ﺑﺎﳋﺼﻮﺹ ﻃﺮﻕ ﺇﻧﺘﺎﺟﻨﺎ ﻭ ﺍﺳﺘﻌﻤﺎﻻﺗﻨﺎ ﻟﻠﻄﺎﻗﺔ‪.‬‬
‫‪154‬‬