Du suspense en un seul plan

Transcription

Du suspense en un seul plan
CINÉMA «Victoria», une prouesse cinématographique pour un polar haletant!
Du suspense en un seul plan
en respectant la continuité de
l’espace et du temps. Jusqu’ici,
Hitchcock avait su tirer sur «La
corde» en étirant son film grâce
à des raccords imperceptibles –
la longueur des bobines de pellicule ne permettait pas à l’époque
de tourner un long-métrage
d’un trait.
RAPHAËL CHEVALLEY
Aux films révélateurs de la vitalité actuelle du cinéma allemand, tels «La vie des autres»
de Florian Henckel von Donnersmarck, «La vague» de Dennis Gansel, «Everyone Else» de
Maren Ade ou «Phœnix» de
Christian Petzold, il faut désormais ajouter «Victoria» de Sebastian Schipper. Comédien de
théâtre devenu réalisateur,
Schipper avait joué un second
rôle dans le novateur «Cours,
Lola, cours» (1998) de Tom
Tykwer, un film survitaminé où
Franka Potente dispose de trois
fois vingt minutes pour récupérer un paquet d’argent en courant dans les rues de Berlin.
Une seule prise de vue
Suite à l’avènement du numérique, seul «L’arche russe» de
Sokourov a été tourné en un
unique et véritable plan-séquence, mais c’est un film contrôlé de bout en bout, à la différence de «Victoria», tourné à
l’arrache en une prise de vue de
2h14, entre cinq et sept heures
du matin dans un quartier de
Berlin.
Trois prises ont été effectuées.
La dernière fut la bonne, assurément! }
Nouveau film frénétique
Comme par hasard, suite à ses
premiers films produits sous la
houlette du même Tykwer,
Schipper sort un nouveau longmétrage frénétique, tourné
cette fois-ci en une seule et unique prise de vue, avec une héroïne courageuse qui arpente la
capitale allemande. Une expérience de spectateur saluée par
de nombreuses récompenses,
dont l’Ours d’argent de la
meilleure contribution artistique au festival de Berlin et six
«Lola», l’équivalent des Césars
en Allemagne.
Au cœur de Berlin
Dès les premières images,
«Victoria» plonge au cœur de la
vie nocturne berlinoise. Dans
une boîte de nuit techno, une
jeune immigrée espagnole prénommée Victoria tombe sur
Sonne, Boxer, Blinker et Fuss,
une bande de petites frappes,
certes agressives mais drôles et
attachantes. En quête d’amitié,
Victoria se laisse entraîner dans
une noce arrosée, avant de se retrouver dans de sales draps...
+
INFO
Une jeunesse en rupture
Caméra à l’épaule, Sebastian
Schipper suit frénétiquement
Victoria entourée de ses quatre
mauvais garçons. Dévoilant leur
personnalité au cours de dialogues improvisés et d’autant plus
prégnants, le cinéaste dresse le
portrait d’une jeunesse en rupture dans un pays en crise, dont le
seul dessein valable est de récupérer des euros. Le dispositif saisit à
merveille l’authenticité de chaque instant. Les décisions sont
prises sur le vif, dans le stress ou
l’euphorie. Accordant ainsi le
fond et la forme, le film aborde la
perte de contrôle en immergeant le spectateur en son sein.
Un réalisme brut
Prenant, haletant, tendu, «Victoria» trouve donc dans les propriétés du plan-séquence un
réalisme brut et un suspense ef-
ficace: privé de véritable montage, le film se débarrasse des artifices de la fiction.
Par le passé, d’autres ne s’y sont
pas trompés. Welles, Angelopoulos, Kubrick, Kurosawa ou
Jarmusch ont su privilégier les
plans-séquences pour créer du
suspense ou adhérer à la réalité
«Victoria» de Sebastian Schipper,
avec Laia Costa, Frederick Lau,
Franz Rogowski… Durée: 2h14.
Age légal/conseillé: 12/14.
Actuellement au cinéma Bio
à Neuchâtel.

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