Technique de navigation - Almanach du Marin Breton

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Technique de navigation - Almanach du Marin Breton
Almanach 1901 : P. 45
Quelques mots sur le Baromètre
C’est un fameux sorcier, le baromètre !
Et pourtant, en a-t-il reçu des reproches, ce pauvre baromètre ! Quel est le marin
qui ne s’est pas mis en colère plus de quatre fois contre le baromètre ! haussant les
épaules de mépris, disant qu’il s’amuse à se f… du monde ! jurant qu’il se trompe et
qu’il dit juste le contraire !…
Et cependant vous savez bien
que ce n’est pas le baromètre
qui se trompe…non…c’est celui
qui l’interroge !
Et cependant vous savez bien que ce n’est pas le baromètre qui se trompe…non…
c’est celui qui l’interroge ! Mais dam’, ce n’est pas étonnant : tout le monde ne peut
pas savoir du premier coup le langage du baromètre, car il ne parle ni en breton ni
en français… Il faut se donner la peine de l’étudier si on veut comprendre ses indications, car ce n’est tout de regarder s’il monte ou s’il baisse, ce n’est rien même…
Vous allez voir pourquoi ! Et nous vous assurons de nouveau que le baromètre ne se
trompe pas, c’est nous qui ne savons pas bien interpréter ses indications. Ceci pourra
paraître exagéré ; on va dire peut-être avec une apparence de vérité que, en tout cas,
le baromètre a des caprices qu’on ne s’explique pas. On va ajouter qu’il est souvent
paresseux, hésitant à bouger et à donner un conseil ; qu’il paraît quelquefois fou :
faisant vite le mouvement contraire de celui qu’il vient de faire…qu’il paraît quelquefois bien ignorant : montant pendant le mauvais temps et, aussitôt l’embellie,
se mettant à descendre…quelquefois au contraire descendant malgré un temps pas
méchant et puis montant quand le vent fraîchit et force, etc., etc. ces observations
sont vraies, mais il ne serait pas juste d’accuser le baromètre.
Nous allons essayer d’expliquer le langage de cet instrument, et de montrer qu’il
ne se trompe pas. Il est juste de dire qu’il est quelquefois très difficile à comprendre,
très difficile…mais c’est rare.
Influence des vents sur le baromètre :
Mais il marque en général les
différents vents de la manière
suivante
Qu’on sache bien, d’abord, que le baromètre ne marque pas toujours les grosses
brises ; il ne faut pas lui en vouloir, si pendant l’été il reste insensible aux grandes
brises de N.O. et de N.E., et à certains temps d’orage qui ne l’influencent pas toujours…Mais il marque en général les différents vents de la manière suivante 1 .
Vents du Nord. – Les vents du N., l’hiver, le font quelquefois baisser, dans ce
cas c’est un signe de mauvais temps de N. Mais en général les vents du N. le font
monter lentement. Des petits vents du N. avec baisse du baromètre présagent des
vents d’aval.
Vents de Nordet. – Presque toujours les vents de N.E. et d’E.N.E. font monter le
baromètre, même les grosses brises. Quelquefois, l’hiver, de grands vents de N.E. le
font baisser : dans ce cas, c’est du temps très dur, avec pluie, qu’il faut craindre. Au
printemps et en automne, et quelquefois l’été, on est exposé à avoir de très grosses
brises de N., de N.E. et E.N.E. sans que le baromètre les marque en baissant. C’est
un de ces cas où le baromètre est impuissant à présager de grands vents.
Vents d’Est. – Les vents d’E. sont assez rares sur nos côtes Ouest. Si le baromètre
monte, le vent va tourner à l’E.N.E., souvent en grosse brise ; s’il baisse on doit
craindre que le vent ne tourne au S.E., en grosse brise, et que ce soit le début d’un
coup de vent ! Pourtant pendant le printemps et l’automne, on remarque des journées de brises d’E. et de S.E. quelquefois très fraîches qui font baisser le baromètre
sans amener du mauvais temps.
Vents de Suette. – Si le baromètre continue à baisser avec des vents de S.-E., et si
le ciel est sale, il faut prévoir du mauvais temps ; si le ciel n’est pas très chargé et que
le baromètre s’arrête, ce sera sans doute une série de vents d’E.
Vents du Sud. – La baisse du baromètre avec des vents de S. doit faire craindre
1
Chacun sait reconnaître quand le baromètre monte ou descend : il monte lorsque
l’aiguille noire va vers la droite de l’observateur (même sens que les aiguilles d’une montre) et il
baisse quand l’aiguille recule vers la gauche. Nous parlons ici des baromètres métalliques et ronds,
les seuls d’un usage populaire.
du mauvais temps ; et les vents ne tardent pas à hâler le S.O., avec pluie et survente.
Le vent de S.O. « fait
quelquefois le doux, mais
quand il se fâche il est des
plus fous » dit le dicton !
Vents de Suroît. – Le vent de S.O. « fait quelquefois le doux, mais quand il se
fâche il est des plus fous » dit le dicton ! Le baromètre le sent bien ce vent-là. Quand
il ne baisse pas par vent de S.O. ce sera du S.O. doux, du S.O. maniable ; s’il baisse,
ce sera du S.O. méchant qui ne fera que forcer en tournant à l’O.
Vents d’Ouest et d’Ouest noroît. – Ah qu’ils ont fait de la misère aux pauvres marins de la côte Ouest, ces terribles vents d’O. ! C’est par vent d’O. et O.N.O. que le
baromètre exige des observations attentives car il est d’un conseil difficile : s’il baisse
ce sera sûrement un recul du vent au S.O. ou au S., avec reprise du mauvais temps ;
il y aura souvent, entre les deux, une accalmie de quelques heures. S’il remonte, les
vents vont hâler l’O.N.O., le N.O. et peut-être le N. avec retour du beau temps, ou
bien ils vont mollir au O.N.O. puis reculer, la nuit suivante, vers le S.O. ou le S. ;
dans ce cas là (hausse par vent d’O.) c’est le mouvement plus ou moins rapide, plus
ou moins régulier de hausse, qui doit faire comprendre et faire prévoir le temps ; une
hausse rapide, brusque, indique un recul du vent et reprise du mauvais temps, une
hausse lente, régulière, surtout si elle est accompagnée de vent franc N.O., annonce
une amélioration du temps.
Vents de Noroît. – Les vents de N.O. même très frais font, en général, monter le
baromètre. C’est pourquoi les pêcheurs de nos côtes ouest et noroît doivent se défier
grandement de la hausse, lorsque l’état du ciel leur fait craindre grande brise, car les
coups de temps de N.O. sont des plus dangereux pour les milliers de bateaux sans
pont de nos côtes bretonnes. Quels prodiges d’audace et d’habileté il faut à l’équipage d’un canot de 8 à 10 mètres, aventuré à des 20 ou 30 lieues au large, pour rallier
au bas ris la terre du vent, quand un coup de N.O. ou de N. vient le surprendre si
loin de la côte !!! Donc : ne pas se fier au baromètre qui monte, lorsque l’aspect du
ciel fait craindre de grosses brises de N.O. ou de N. Et quand le baromètre baisse avec
les vents bien crochés au N.O., il faut craindre un gros coup de temps dangereux.
Observation générale :
La difficulté consiste à
apprécier le mouvement plus
ou moins rapide, plus ou moins
lent, de baisse ou de hausse.
Remarquez bien que toute la difficulté consiste à apprécier le mouvement plus
ou moins rapide, plus ou moins lent, de baisse ou de hausse. Les marins qui sont
déjà, par suite de leur métier, très habiles à connaître le temps, arrivent très vite en
observant tous les jours le baromètre, à savoir parfaitement le comprendre et à en
tirer un excellent parti. En vérité, le baromètre peut rendre de très grands services
aux marins-pêcheurs. Tout ceci est chose d’ailleurs très connue ; aussi ne parlonsnous ici de cet instrument que pour engager les jeunes à s’y intéresser et à faire des
observations : cela les instruira beaucoup dans la science de la prévision du temps.
Cette science mystérieuse est d’une si haute importance pour les marins-pêcheurs !!
Almanach 1901 : P. 41
FAUT-IL QUE JE CORRIGE MON
COMPAS ?
Voilà une question que se font beaucoup de patrons de bateaux de pêche de la
côte Ouest :
Comment faire, nous ont
demandé plusieurs patrons ?
Faut-il que je corrige mon compas afin de pouvoir me servir facilement des cartes,
ou bien vaut-il mieux, de peur d’embrouillements, le laisser tel que d’habitude marquent le N.N.O. demi N. et non pas le N. vrai. On a raison en effet d’hésiter : la
plupart des patrons connaissent de mémoire un grand nombre d’aires de vent de
routes pour les compas ordinaires, aussi ils risqueraient beaucoup de faire des erreurs
par oubli, s’ils venaient à corriger leur compas. Mais pourtant c’est si commode et si
instructif un compas corrigé ! Et si intéressant à consulter ! Comment faire, nous ont
demandé plusieurs patrons ? Comment faire ? …
Eh bien, voici notre opinion.
On a raison de ne pas vouloir modifier le compas du bord : tout le monde est habitué à le consulter depuis longtemps et les plus malins risqueraient de faire des erreurs
Nous ne voyons qu’un seul
moyen de réunir tous ces
avantages, c’est d’acheter un
autre compas.
Il est certain que 10 francs
pour des bateaux qui gagnent
si peu, c’est une somme, mais
c’est de l’argent bien employé,
certainement.
Vous savez que les caps du
compas ne marquent pas juste
les caps vrais du monde.
dans les moments difficiles. Mais cependant il est très utile d’avoir à bord un compas
corrigé : on peut naviguer n’importe où avec une carte puisque ça permet de prendre
en une demi-seconde le relèvement vrai d’une roche, d’un amer, d’un bateau, et de
déterminer la route qu’il faut faire.
Nous ne voyons qu’un seul moyen de réunir tous ces avantages, c’est d’acheter un
autre compas : un compas de 8 à 10 francs, c’est tout ce qu’il faut. Celui-là vous le
demandez tout corrigé lorsque vous l’achetez. (Dans le Morbihan et le Finistère, la
correction est de 17 à 18 degrés). Remarquez que ce n’est pas une fausse dépense, car
c’est déjà une sécurité d’avoir le moyen de contrôler ses compas l’un par l’autre et
d’être certain par conséquent qu’on aura toujours au moins un compas, marchant
bien ; que de fois ne vous est-il pas arrivé dans des moments dangereux d’ouvrir votre
compas pour le consulter et de constater qu’il marquait mal !
Il est certain que 10 francs pour des bateaux qui gagnent si peu, c’est une somme,
mais c’est de l’argent bien employé, certainement ; et on a vite fait de rattraper cette
dépense qui peut vous éviter bien des pertes de temps, des relâches, des erreurs de
route. A bord, pour ne pas risquer de les prendre l’un pour l’autre, il n’y a qu’à
acheter le compas corrigé plus petit que l’autre, et à le peindre en rouge. Puisque
nous parlons de compas, nous ne pourrons jamais assez vous conseiller de coller sur
vos compas des roses phosphorescentes qui éclairent le compas la nuit sans qu’on
ait besoin de lanterne aucune. C’est une dépense de 50 centimes au plus, tous les 3
ou 4 ans ; et même ça ne revient qu’à 10 centimes si on le fait soi-même avec la pâte
phosphorescente spéciale (2). Nous avons donné, dans l’Almanach de 1900, la manière de faire ce petit travail ; nous n’y reviendrons donc pas. Mais nous répétons que
pour des milliers de bateaux sans pont qui naviguent entre Belle-Île et Paimpol, c’est
une invention tout à fait précieuse, que tous devraient adopter, puisque ça ne nuit
en rien au compas pendant le jour et que ça le rend tout éclairé la nuit, sans aucune
dépense, et par n’importe quel temps. Un certain nombre de patrons s’en servent :
ceux qui prennent soin de leurs compas sont contents de leur rose phosphorescente.
Il y en a quelques-uns qui lui reprochent de pâlir ; ceux-là ils ont laisser la mer entrer
dans le cuvette et mouiller la rose, qui par la suite s’est avariée. En effet, sous l’action de l’eau salée, la pâte jaunit et n’éclaire plus ; mais, dam’ ! il ne faut pas exiger
l’impossible, rien n’est parfait ici-bas. Que ceux-là reviennent à leur lanterne et qu’ils
comptent combien de fois les paquets de mer éteindront la flamme…ils regretteront
bien vite leur rose phosphorescente.
Vous savez que les caps du compas ne marquent pas juste les caps vrais du monde.
Sur nos côtes bretonnes, ils marquent trop à gauche, ils se trompent juste d’un quart
et demi ; c’est pour ça que le nord de vos compas marque, non pas le nord vrai, mais
le nord un quart et demi noroît vrai du monde. C’est justement cela qui rend difficile l’usage du compas non corrigé pour naviguer avec les cartes.
Ceux qui connaissent à peu près les caps des différentes routes de la côte peuvent,
la plupart du temps, ne pas faire attention à l’erreur du compas. Par exemple, pour
aller de Penmarch à l’entrée du raz de Sein, il faut faire le noroît quart-nord du compas, et ils se contentent de cette indication (qui, souvent, peut suffire), sans savoir
qu’en réalité, c’est le noroît demi-ouest qu’ils font ainsi. Mais les patrons intelligents
qui veulent connaître leur route sur la carte, les marins qui sont dans un pays inconnu et qui veulent se débrouiller avec les cartes marines sans un pratique à bord,
eh bien, ceux-là ont grand avantage à avoir un compas tout corrigé.
Comme jusqu’içi, les pêcheurs ne se servent que de compas qui ne sont pas corrigés, on comprend tout de suite que si on veut relever des amers, se débrouiller
avec le carte dans des parages inconnus, marquer sa route sur la carte, il faut penser
à corriger cette erreur, en lisant son compas. Voilà comment : vous comptez sur le
compas un quart et demi de plus à votre gauche, en ayant soin de toujours faire face
au cap que vous voulez observer.
Voici un exemple : je suppose que vous courrez au plus près, par la brume, avec le
cap au S.E. du compas ; et vous voulez savoir au juste quel cap vrai, quelle route vraie
2
La pâte spéciale pour rendre phosphorescents les compas de marine, se trouve : Fabrique
de Produits Chimiques, maison Rousseau, rue des Ecoles, 44, à Paris.
On peut trouver des roses phosphorescentes toutes prêtes, au prix de 0 fr. 50, chez MM. Chapalen,
opticien, à Brest-Porstrein. – Bonis, horloger, à Douarnenez. – Briand, opticien, quai de la Fosse,
Nantes.
vous faites ? Eh bien, voici le calcul : faites face au S.E. et comptez un quart et demi
à votre gauche : cela vous donne E.S.E.demi S.
Ainsi donc, le S.E. du compas, c’est le E.S.E. demi S. vrai du monde.
C’est que le fer n’est plus assez
aimanté, ou bien que le pivot
est trop pointu.
Ou bien une autre fois, si, au contraire, vous connaissez le cap vrai, et si vous voulez savoir quel cap ça fait sur le compas, alors il faut compter en plus un quart et demi
sur votre droite, toujours en faisant face à la direction que vous observez.
Bien souvent les compas sont trop fous, dans la grosse mer, et on s’en dégoûte,
parce qu’on les croit mauvais. On se trompe, car il est facile de trouver un moyen de
les rendre plus sages. C’est que le fer n’est plus assez aimanté, ou bien que le pivot
est trop pointu.
Si le fer n’est pas assez aimanté, c’est-à-dire si votre lame de couteau ne colle plus
dessus quand vous le touchez, il faut porter le compas chez le marchand qui en fera
l’aimantation. Si le fer est encore aimanté, c’est alors que le pivot (la pointe en cuivre
qui soutient la rose) est trop pointu. Dans ce cas, ouvrez le compas, enlevez la rose
et, au moyen d’une petite pierre dure ou d’une lime, usez et adoucissez un peu le
piquant de cette pointe.
Il faut aussi que la rose soit toujours bien balancée, en parfait équilibre, pour
embarder le moins possible. Et puis, quand vous observez votre compas, faites bien
attention de le tenir loin des grosses ferrailles, comme grappin, chaîne et marmite
(à 4 ou 5 pieds, au moins). Il y a aussi les petites choses en fer, les colliers de mât,
poulies, lanternes, couteaux, boulons, ferrures de gouvernail, gros clous, etc., qui
pourraient vous jouer un mauvais tour et vous faire fausse route.
Dessinez sur du papier une
rose de la grandeur de votre
compas, et collez-la sur le
compas.
Une bonne habitude : c’est d’avoir dans la boîte un bouchon gras que vous passez
de temps en temps sur l’aiguille en fer pour l’empêcher de rouiller.
Pour rendre le compas corrigé, il n’y a rien de plus facile. Dessinez sur du papier
une rose de la grandeur de votre compas, et collez-la sur le compas, mais faites bien
attention de poser le Nord de cette rose juste par-dessus le Nord un quart et demi
Nord-Est de votre compas, c’est-à-dire un quart et demi à droite. Et voilà tout : votre
compas marquera ensuite les caps vrais du monde.
Ceux qui font mettre de la pâte lumineuse sur la rose et qui veulent corriger leur
compas, ceux-là n’auront qu’à faire la chose du même coup : coller la rose lumineuse
non pas Nord sur Nord, mais leur Nord sur le Nord quart et demi Nord-Est du
compas.
-
Almanach 1901 : P. 145
UN LOCH BON MARCHÉ
Placez un homme juste près
l’étrave et un autre juste à
l’arrière.
Un marin de nos amis nous assure que le procédé suivant est précis et pratique
pour mesurer la vitesse d'un bateau : placez un homme juste près l'étrave et un autre
juste à l'arrière. Celui de l'étrave jettera à la mer, bien par le travers de l'étrave, un
petit copeau de bois ou de liège, et en même temps il poussera un cri au moment
où son flotteur touchera l'eau. L'homme qui est derrière compte les secondes aussitôt qu'il entend le cri, et il s'arrête de compter à l'instant où le flotteur passe par le
travers du tableau... Voilà l'observation finie. Il n'y a plus qu'à faire la petite division
suivante : doubler la longueur du bateau et diviser cette longueur par le nombre de
secondes.
Exemple : mon flotteur vient de mettre 6 secondes pour passer de l'avant à l'arrière,
et mon bateau a 9 mètres de long... Je double cette longueur (= 18) et je divise par
6 ; j'obtiens, 3 ; ce produit : 3, est la vitesse, le nombre de mille à l'heure, que je file
en ce moment.
F.

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