NATIONS UNIES Conseil Economique et Social

Transcription

NATIONS UNIES Conseil Economique et Social
NATIONS
UNIES
E
Distr.
GENERALE
Conseil Economique
et Social
E/CN.4/1997/57
21 février 1997
FRANCAIS
Original : ANGLAIS
COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
Cinquante-troisième session
Point 10 de l'ordre du jour provisoire
QUESTION DE LA VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES
FONDAMENTALES OU QU'ELLE SE PRODUISE DANS LE MONDE, EN PARTICULIER
DANS LES PAYS ET TERRITOIRES COLONIAUX ET DEPENDANTS
Rapport sur la situation des droits de l'homme en Iraq, soumis
par M. Max van der Stoel, Rapporteur spécial de la Commission
des droits de l'homme, conformément à la
résolution 1996/72 de la Commission
TABLE DES MATIERES
Paragraphes
Introduction
I.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
VIOLATIONS DES DROITS CIVILS ET POLITIQUES
. . . .
A.
Situation générale
. . . . . . . . . . . . .
B.
Les droits à la vie, à la liberté et à la
sécurité de la personne . . . . . . . . . . .
1 -
Page
6
3
7 - 30
4
7 -
8
4
9 - 16
5
C.
Disparitions
. . . . . . . . . . . . . . . .
17 - 24
6
D.
Liberté d'opinion et d'expression . . . . . .
25 - 30
8
GE.97-10611
(F)
E/CN.4/1997/57
page 2
TABLE DES MATIERES (suite)
II.
III.
Paragraphes
Page
DROIT A UNE ALIMENTATION ET A DES SOINS DE SANTE
SUFFISANTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
31 - 40
10
A.
Situation générale
. . . . . . . . . . . . .
31 - 32
10
B.
L'accord "du pétrole pour des vivres" . . . .
33 - 40
11
. . . . . . . . . .
41 - 45
13
A.
Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . .
41 - 43
13
B.
Recommandations . . . . . . . . . . . . . . .
44 - 45
13
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
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page 3
Introduction
1.
Le Rapporteur spécial a rappelé en détail les termes de son mandat
notamment dans les introductions de ses quatre premiers rapports à la
Commission des droits de l'homme (E/CN.4/1992/31, par. 1 à 17; E/CN.4/1993/45,
par. 1 à 5; E/CN.4/1994/58, par. 1 et 2; E/CN.4/1995/56, par. 1 à 3 et
E/CN.4/1996/61, par. 2 et 3); il s'y est référé également dans les
introductions de la plupart de ses rapports à l'Assemblée générale. Son
mandat n'a pas été modifié quant au fond au cours de l'année passée.
2.
Le présent rapport est soumis conformément au paragraphe 11 de la
résolution 1996/72 de la Commission des droits de l'homme en date du
23 avril 1996, que le Conseil économique et social a approuvée par sa
décision 1996/277 du 23 juillet 1996. Conformément à cette même résolution,
un rapport intérimaire a été soumis à l'Assemblée générale à sa cinquante et
unième session (A/51/496 du 15 octobre 1996 et A/51/496/Add.1 du
8 novembre 1996). Le présent rapport devrait être lu parallèlement au rapport
intérimaire présenté à l'Assemblée générale.
3.
Le Rapporteur spécial a continué à recevoir des renseignements provenant
de diverses sources. Le Gouvernement iraquien a persisté à se montrer peu
coopératif (il a notamment refusé le déploiement d'observateurs des droits de
l'homme dans l'ensemble du pays que l'Assemblée générale et la Commission des
droits de l'homme avaient demandé à maintes reprises dans leurs résolutions),
mais les renseignements recueillis par les fonctionnaires du Centre des
Nations Unies pour les droits de l'homme qui se sont rendus dans des pays
limitrophes de l'Iraq ont été très utiles au Rapporteur spécial. Les trois
missions ci-après ont été effectuées l'année dernière pour recueillir des
témoignages et d'autres renseignements auprès de réfugiés et d'autres
personnes pouvant fournir des données intéressantes récemment arrivés d'Iraq :
du 4 au 10 avril 1996 en Jordanie; du 13 au 25 octobre 1996 en République
islamique d'Iran; du 20 au 27 janvier 1997 en Jordanie et au Koweït. Les
informations rassemblées lors des deux premières missions ont été incluses
dans le rapport intérimaire que le Rapporteur spécial a présenté à l'Assemblée
générale à sa cinquante et unième session (A/51/496 et A/51/496/Add.1). Celles
qui ont été recueillies lors de la dernière mission figurent dans le présent
rapport.
4.
En plus des témoignages et autres renseignements recueillis grâce aux
missions mentionnées ci-dessus, le Rapporteur spécial a continué à recevoir
des informations, dont des allégations tant générales que spécifiques,
provenant de sources très diverses. Il a aussi étudié les documents officiels
des organismes et organes des Nations Unies qui s'intéressent à la situation
des droits de l'homme en Iraq.
5.
En ce qui concerne le cadre juridique dans lequel le Rapporteur spécial
évalue le respect par l'Iraq des obligations qu'il a librement contractées en
vertu du droit international, il convient de rappeler que ce pays est partie
notamment aux instruments suivants : Charte des Nations Unies, Convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide; Pacte international
relatif aux droits civils et politiques; Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels; Convention sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination raciale; Convention sur l'élimination de
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toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes; Convention relative
aux droits de l'enfant; Convention de l'Organisation des Nations Unies pour
l'éducation, la science et la culture (UNESCO) concernant la lutte contre la
discrimination dans le domaine de l'enseignement; Constitution de
l'Organisation internationale du Travail (OIT); Conventions de l'OIT No 98 sur
le droit d'organisation et de négociation collective, No 107 relative aux
peuples indigènes et tribaux et No 111 concernant la discrimination en matière
d'emploi et de profession; et les quatre Conventions de Genève du
12 août 1949. Il convient aussi de rappeler qu'il n'existe aucune circonstance
particulière que l'Iraq pourrait invoquer comme excuse valable en droit
international pour ne pas respecter ses engagements et qu'il n'a pas non plus
notifié au Secrétaire général une quelconque dérogation à ses obligations
spécifiques (on se reportera à cet égard au document E/CN.4/1992/31, par. 22
à 39). Par conséquent, toutes les obligations pertinentes de l'Iraq conservent
leurs effets juridiques normaux. Il existe en outre des obligations spéciales
en rapport avec la situation des droits de l'homme en Iraq par suite d'un
certain nombre de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité, notamment
les résolutions 661 (1990), 666 (1990), 687 (1991), 688 (1991), 706 (1991),
712 (1991), 778 (1992) et 986 (1995).
6.
Les renseignements figurant dans le présent rapport sont à jour au
14 février 1997.
I.
VIOLATIONS DES DROITS CIVILS ET POLITIQUES
A.
Situation générale
7.
Le système politico-juridique n'ayant pas changé en Iraq l'année
dernière, les droits civils et politiques des Iraquiens continuent d'être
violés systématiquement dans tout le pays. Ce système a été précédemment
présenté et analysé en détail par le Rapporteur spécial, notamment dans le
rapport qu'il a soumis à la Commission des droits de l'homme à sa
cinquantième session (E/CN.4/1994/58, par. 159 à 189). Dans le rapport
intérimaire qu'il a soumis à l'Assemblée générale à sa cinquante et unième
session, le Rapporteur spécial a rappelé les principales caractéristiques du
régime politique en place (voir A/51/496, par. 43 à 48). En bref, il s'agit
d'un régime dictatorial et totalitaire qui n'accepte aucune contradiction sur
le plan politique. Les libertés d'opinion, d'expression, d'association et de
réunion n'existent pas en Iraq. Elément fondamental, le régime politique viole
l'obligation incombant à l'Iraq en vertu de l'article 21 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme de faire en sorte que la volonté réelle du
peuple soit le fondement de l'autorité des pouvoirs publics, et celle qu'il a
au titre de l'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques de tenir des "élections périodiques honnêtes ... assurant
l'expression libre de la volonté des électeurs" et garantissant le droit à des
"représentants librement choisis". En fait, tous les pouvoirs sont aux mains
du Président qui, par l'intermédiaire des services gouvernementaux
tout-puissants et du Parti socialiste arabe baas qu'il dirige, régit à son gré
tous les aspects de la vie du pays.
8.
L'appareil de sécurité complexe, vaste et tristement célèbre que le
Président contrôle directement ou par l'intermédiaire de son plus jeune fils,
Qusay Hussein, est d'une importance essentielle pour le maintien du régime
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politique actuel. La position de force dont jouit le Président conduit aux
abus les plus graves qui restent surtout dirigés contre toute menace
d'opposition - réelle ou supposée. Le Rapporteur spécial a précédemment
analysé les abus de pouvoir systématiques en Iraq (voir E/CN.4/1994/58,
par. 177 à 184). Le statut élevé et la protection dont jouissent à la fois
l'appareil de sécurité et le parti Baas accroissent l'ampleur et les effets
des abus de pouvoir dans l'ensemble du pays. Une forte augmentation de la
corruption chez les agents de l'Etat (tolérée pour l'essentiel, voire
encouragée, par les pouvoirs publics) et de la criminalité n'a fait
qu'aggraver la situation, l'ensemble de la population se trouvant ainsi
assujettie aux intérêts arbitraires, multiples et égocentriques d'une classe
privilégiée de personnalités gouvernementales et de dirigeants du parti Baas.
L'impunité dont jouissent même les responsables de violences graves et
d'exécutions extrajudiciaires encourage les abus de pouvoir. Il en résulte des
violations généralisées des droits à la liberté et à la sécurité des
personnes. Ces graves abus de pouvoir commis depuis des décennies, ajoutés au
fait qu'il est interdit d'avoir des opinions "non conformes", de s'exprimer,
de s'associer ou de se réunir, ont rendu les Iraquiens fondamentalement
dociles. En bref, l'essentiel des droits de l'homme - le respect de la dignité
de chaque être humain - a été et continue d'être totalement et
systématiquement bafoué en Iraq.
B.
Les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne
9.
Le Rapporteur spécial a fait état des exécutions extrajudiciaires et des
massacres aveugles de civils qui auraient accompagné le recours à l'armée et
aux forces de sécurité iraquiennes lors des événements qui ont commencé le
31 août 1996 dans le nord de l'Iraq (A/51/496/Add.1, par. 5 à 10). Il a été
confirmé que la ville d'Arbil, notamment, avait fait l'objet de bombardements
effectués sans discernement qui ont fait de nombreux morts et blessés parmi
les civils innocents. Des personnes qui se trouvaient dans les bureaux de
groupes d'opposition auraient été sommairement exécutées de même que
96 pesh merga qui avaient été capturés par les forces gouvernementales
iraquiennes.
10.
Lors de ces mêmes événements, de nombreux membres de groupes
d'opposition (et parfois les membres de leur famille), ont été arbitrairement
arrêtés et placés en détention et certains d'entre eux auraient été torturés
(A/51/496/Add.1, par. 13 à 17).
11.
Selon les informations et allégations reçues, lorsque les forces
militaires iraquiennes se sont ensuite retirées des territoires du nord de
l'Iraq, les services de sécurité iraquiens et leurs agents auraient continué à
opérer dans la région. Des allégations spécifiques portaient sur les
assassinats politiques commis par les forces de sécurité iraquiennes dans la
zone. On mentionnait notamment les cas d'Ahmed Muhi Ahmed et de Kutaiba
al-Nakib tués le 9 novembre 1996 dans la ville de Dahouk.
12.
Au cours de l'année, le Rapporteur spécial a aussi reçu des informations
non confirmées faisant état d'arrestations périodiques, généralement suivies
d'au moins quelques exécutions de militaires et de chefs de tribu soupçonnés,
à tort ou à raison, d'avoir comploté des assassinats. Ainsi, selon certaines
allégations, un grand nombre d'officiers auraient été arrêtés à la fin
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de juin 1996 pour avoir comploté de renverser le régime; une trentaine au
moins auraient été exécutés, dont le général de brigade Ata Samaw'al qui
aurait dirigé l'Unité spéciale des communications rattachée au Cabinet du
Président.
13.
D'autres informations faisant état d'arrestations massives suivies de
nombreuses exécutions ont été reçues après la tentative d'assassinat sur la
personne du fils aîné du Président, Uday Hussein, le 12 décembre 1996. Les
arrestations et mises en détention sans décision judiciaire se seraient
chiffrées par milliers, frappant des éléments de toutes les forces armées et
de tous les services de sécurité, le parti Baas, des dirigeants tribaux
proches du Président et même des membres de sa famille.
14.
Des informations continuent d'être reçues selon lesquelles les forces
armées et les forces de sécurité maintiennent une forte présence dans le sud
du pays et les arrestations et mises en détention arbitraires sont courantes.
En outre, des informations font état de combats sporadiques entre forces
gouvernementales et groupes d'opposition armés, les forces gouvernementales se
vengeant en attaquant sans distinction les endroits où vivent des civils
innocents.
15.
Des témoignages reçus de réfugiés récemment arrivés du centre et du sud
de l'Iraq confirment que les arrestations et détentions arbitraires restent
courantes. La plupart des personnes arrêtées et emprisonnées continueraient
d'être maltraitées et seraient notamment passées à tabac et soumises à
d'autres tortures lors des interrogatoires. Selon certains témoignages, la
corruption des autorités a renforcé le caractère arbitraire des arrestations
et des détentions, les détenus se voyant réclamer de l'argent pour acheter
leur liberté et leur sécurité.
16.
Si d'après les témoignages il semble que les peines d'amputation et de
marquage ne soient désormais guère appliquées, ou ne le soient plus du tout,
le Rapporteur spécial relève de nouveau que les décrets les concernant n'ont
pas encore été abrogés. Des décrets prévoyant des peines cruelles et
inhabituelles restent ainsi en vigueur.
C. Disparitions
17.
Le Rapporteur spécial a précédemment abordé la question dans plusieurs
de ses rapports (E/CN.4/1992/31, par. 60 à 64; E/CN.4/1993/45, par. 42 à 49;
E/CN.4/1994/58, par. 26 à 33; E/CN.4/1995/56, par. 27; E/CN.4/1996/61,
par. 30). Pour ce qui est de la situation actuelle, le Rapporteur spécial fait
observer que figurent dans la base de données du Groupe de travail sur les
disparitions forcées ou involontaires des milliers et des milliers de cas de
disparitions dont le Gouvernement iraquien est comptable. Pour être précis, il
reste 16 199 cas non réglés, le Gouvernement iraquien n'ayant jusqu'ici donné
de réponses précises au Groupe de travail que pour quelques centaines de cas,
dont 130 seulement ont été élucidés. Incontestablement, l'Iraq détient ainsi
un bien triste record. Les souffrances des dizaines de milliers de personnes
qui subissent les conséquences émotionnelles, sociales et économiques de la
disparition d'êtres chers sont encore aggravées par le fait que le
Gouvernement iraquien continue à ne pas donner de réponse adéquate.
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18.
Vu le nombre extrêmement important des disparitions en Iraq, le
Rapporteur spécial continue de déplorer que le Gouvernement iraquien refuse de
faire le moindre effort pour aider les familles en détresse à faire la lumière
sur le sort des disparus. Pour autant qu'on le sache, le Gouvernement iraquien
n'a même pas encore établi de commission nationale chargée d'aborder la
question, comme le Rapporteur spécial le lui a maintes fois recommandé.
19.
La base de données tenue à jour par le Groupe de travail sur les
disparitions forcées ou involontaires ne contient aucun renseignement sur les
cas de plus de 600 Koweïtiens et ressortissants de pays tiers dont on est sans
nouvelles ou qui sont portés disparus, dont un certain nombre avaient été
emprisonnés par les forces iraquiennes lors de l'occupation du Koweït. Le
Rapporteur spécial a rendu compte de ces disparitions de manière concise les
deux années précédentes (E/CN.4/1995/56, par. 27 et E/CN.4/1996/61, par. 30)
et de manière détaillée dans les rapports intérimaires qu'il a présentés à
l'Assemblée générale à ses quarante-neuvième (A/49/652, par. 12 à 33) et
cinquantième sessions (A/50/734, par. 18 à 28). Depuis, la situation n'a guère
évolué. Sur les 625 dossiers concernant 609 personnes (16 personnes dont on
savait qu'elles avaient des pseudonymes avaient deux dossiers) dont on restait
sans nouvelles, deux seulement ont pu être classés au cours des deux dernières
années : un corps a été ramené d'Iraq au Koweït le 11 décembre 1994 de même
qu'une jeune femme le 15 mai 1996. Le Gouvernement iraquien a aussi fait
savoir au Koweït que le cadavre d'un Koweïtien disparu était enterré quelque
part dans une zone assez vaste du nord du Koweït; les autorités koweïtiennes
s'efforcent de déterminer le lieu exact de la sépulture.
20.
Comme on l'a indiqué précédemment, une Commission tripartite composée de
représentants des Gouvernements du Koweït, de l'Iraq et des trois principales
puissances de la coalition (les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France) se
réunit périodiquement en application de l'accord de cessez-le-feu qui a mis
fin au conflit armé pour tenter de régler les affaires en suspens. Le Comité
international de la Croix-Rouge (CICR) assiste aussi à ces réunions. Après
avoir choisi d'en être absent pendant deux ans, l'Iraq a participé aux
réunions au cours des deux dernières années et a fourni des informations
concernant les cas de 128 personnes, dont les trois qui viennent d'être
évoqués.
21.
Le 31 juillet 1996, le Gouvernement koweïtien a soumis au CICR, pour
évaluation, les dossiers de 11 autres personnes qui, selon certaines
indications, ont aussi été emmenées par les forces iraquiennes lors de
l'occupation du Koweït et sont toujours portées disparues. Si le CICR juge ces
indications suffisantes, les cas en question seront ajoutés aux 607 qui
restent en suspens.
22.
Lors de la mission qu'ils ont effectuée au Koweït du 24 au
27 janvier 1997, des fonctionnaires de l'ONU ont eu des entretiens avec
des parents de personnes disparues. Il en ressort clairement que la
non-élucidation de ces cas a eu de graves répercussions sur presque tous les
aspects de la vie des familles. Aux effets émotionnels et psychologiques liés
à la peine profonde et durable qu'aggrave encore l'incertitude quant au sort
des êtres chers, s'ajoutent souvent d'importances conséquences
socio-économiques, tout particulièrement pour les femmes qui n'ont plus
de soutien de famille. En outre, les souffrances prolongées ont eu, dans
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page 8
certains cas, des effets physiologiques négatifs. La responsabilité de ces
effets et de la non-élucidation des cas des personnes disparues doit être
imputée au Gouvernement iraquien.
23.
Il y a lieu de donner quelques exemples des souffrances subies par les
membres des familles pour bien montrer que, six ans après la libération du
Koweït, les problèmes sont loin d'être réglés pour des milliers de personnes.
Une femme dont le fils aîné a été emmené par les forces iraquiennes durant
l'occupation et qui avait déjà perdu son mari quelque temps auparavant est
devenue si dépressive qu'elle ne sort plus et souffre de maux de tête
permanents, d'hypertension, de crises de larmes périodiques et d'insomnies;
les membres de la famille ne célèbrent aucun événement et ont ressenti le
besoin de quitter leur maison pour sortir du milieu dans lequel ils avaient
vécu avec le disparu. Autre exemple, la mère d'un jeune homme, du nom de
Mohammed, est constamment prostrée parce qu'elle entend fréquemment ce nom
(dans d'autres contextes), ce qui lui rappelle sans arrêt l'absence de son
fils. Elle s'est repliée sur elle-même, ne marche plus, mange très peu et est
aujourd'hui de santé fragile; on a récemment diagnostiqué chez elle un diabète
qui serait dû au stress. Dans une troisième famille, les trois fils ont été
emmenés par les forces iraquiennes au milieu de la nuit; le corps de l'un
d'eux a été déposé devant la porte d'entrée de la maison pendant l'occupation,
mais les deux autres - deux jumeaux - sont toujours portés disparus et les
membres de la famille sont complètement abattus. Une autre famille où le père
était mort de cause naturelle avant l'occupation a perdu le seul homme qui lui
restait parce que le fils survivant a été emmené par les forces iraquiennes,
ce qui, dans la société et la culture koweïtiennes, a de graves conséquences
pour elle. Parmi les personnes disparues figurent aussi des mères de jeunes
enfants, désormais élevés par leurs grands-parents, qui resteront
nécessairement profondément traumatisés.
24.
En ce qui concerne le sort des personnes disparues et les effets sur les
familles, le Rapporteur spécial avait précédemment conclu que l'Iraq avait à
la fois une responsabilité pénale générale et une responsabilité pénale
spécifique. L'Iraq était globalement responsable du bien-être de tous les
civils pendant la période où il occupait le Koweït. Il était aussi
expressément responsable de toutes les personnes qu'il avait placées en
détention. Il devrait donc coopérer au maximum aux efforts faits pour élucider
les cas de disparition et, à cette fin, autoriser le CICR à se rendre dans les
lieux de détention partout dans le pays (on savait que de nombreux détenus
koweïtiens avaient été emmenés en Iraq), conformément aux procédures que suit
normalement le CICR, faute de quoi il violerait ses obligations
internationales. Malheureusement, le Gouvernement iraquien n'a jusqu'ici pas
permis au CICR de rendre visite aux détenus, comme celui-ci est normalement
habilité à le faire.
D.
Liberté d'opinion et d'expression
25.
Le Rapporteur spécial a précédemment rendu compte de la suppression
totale des libertés d'opinion et d'expression (E/CN.4/1992/31, par. 76 à 78;
E/CN.4/1993/45, par. 64 à 66; E/CN.4/1994/58, par. 47 à 54; A/51/496, par. 22
à 38). A son avis, cette suppression est un aspect essentiel de la situation
des droits de l'homme en Iraq. La dignité humaine de la population dans son
ensemble n'est aucunement respectée parce que le régime dictatorial n'accepte
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absolument aucune opposition et, en fait, exige essentiellement que la pensée,
l'expression et le comportement soient conformes aux principes du socialisme
arabe Baas et aux caprices de l'élite dirigeante, c'est-à-dire du Président
Saddam Hussein et de sa coterie. On a progressivement étouffé la créativité
dont fait preuve toute la société civile normale, de sorte que l'opposition
politique a été éliminée et les activités culturelles, artistiques et
littéraires anéanties ou dénaturées.
26.
Dans le rapport intérimaire qu'il a présenté à l'Assemblée générale à sa
cinquante et unième session, le Rapporteur spécial a rappelé à nouveau les
effets néfastes de certains décrets et lois importants, dont les suivants : la
loi sur la presse, No 206 de 1968, qui interdit la rédaction d'articles
concernant 12 sujets précis, notamment tout ce qui pourrait être jugé
préjudiciable au Président, au Conseil du commandement de la révolution (RCC)
ou à la révolution; la loi No 94 de 1981 qui dispose que le Ministère de la
culture et de l'information doit développer et superviser tous les aspects des
médias et de la culture "conformément aux principes du Parti socialiste arabe
Baas en Iraq"; le décret No 840 du 4 novembre 1986 du Conseil du commandement
de la révolution (RCC) qui prévoit des peines allant de la prison à
l'exécution capitale pour quiconque critique le Président, le RCC, l'Assemblée
nationale, le Gouvernement ou le parti Baas. Le Code pénal prévoit aussi la
peine de mort pour certains "crimes commis dans les médias" dont le fait de
dresser l'opinion publique contre les autorités; quatre Iraquiens auraient été
condamnés à mort en vertu de cette disposition, le 28 mai 1996.
27.
Il est clair qu'en faisant contrôler l'expression et la culture par un
ministère depuis près de trente ans la dictature du Baas a supprimé
l'expression de vues et d'idées d'opposition et modelé un certain nombre de
jeunes esprits pour qu'ils servent le parti Baas et les dirigeants. De manière
perverse, le Gouvernement a réussi à vider le journalisme de sa substance
(reportages et observations indépendants et exacts) tout en formant une armée
de techniciens à la propagande pour renforcer son emprise sur les cerveaux. Il
l'a fait non seulement par le biais des lois et graves peines mentionnées plus
haut, mais aussi en étant lui-même propriétaire des médias. L'Etat possède les
deux chaînes de télévision nationales, les deux stations de radio nationales
et les principaux journaux et il emploie les "journalistes" qui travaillent
pour eux et ont officiellement le statut de fonctionnaires. Les médias privés
sont soumis à un contrôle strict et les antennes paraboliques privées sont
interdites.
28.
La loi sur les publications est aussi un important moyen de réprimer les
libertés d'opinion et d'expression. Cette loi impose l'obtention d'une
autorisation pour publier et prévoit des peines en cas de publication de l'un
des nombreux ouvrages à l'index. Elle interdit aussi toute publication
susceptible d'être préjudiciable aux relations avec les pays arabes ou mettant
en cause la révolution et ses principes, l'Etat, ses institutions et sa
sécurité intérieure et extérieure. Les publications étrangères sont soumises à
un contrôle tout aussi strict et les journalistes étrangers doivent obtenir
une autorisation pour voyager dans le pays et y exercer leur profession.
29.
Les pouvoirs publics contrôlent aussi la pratique du journalisme en
exigeant des journalistes qu'ils obtiennent une autorisation gouvernementale
pour travailler sur le terrain. Officiellement, cette mesure s'explique par
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page 10
des préoccupations de sécurité nationale. La législation iraquienne contient
de nombreuses dispositions contre l'"espionnage" et les journalistes qui
peuvent avoir des contacts avec diverses personnes et accéder à l'information
gouvernementale sont particulièrement vulnérables aux accusations
d'espionnage. Parmi les actes spécifiques d'"espionnage" figurent la
communication non autorisée d'informations à des étrangers et même les
contacts avec des étrangers.
30.
Il n'est pas surprenant que de nombreux journalistes et écrivains aient
fui l'Iraq en quête de sécurité physique et de liberté intellectuelle.
Beaucoup résident actuellement en Jordanie. Cependant, selon des témoignages
concordants reçus des observateurs des droits de l'homme de l'ONU qui se sont
rendus à Amman en avril 1996 et en janvier 1997, ces personnes disent être
constamment harcelées par des agents du Gouvernement iraquien, dont des
membres du personnel de l'Ambassade d'Iraq à Amman. Leurs craintes ont été
renforcées par la publication dans le numéro du 13 octobre 1996 du journal
Babil (propriété d'Uday Hussein) d'une liste de 60 "intellectuels" (dont de
nombreux journalistes et écrivains) qui avaient quitté l'Iraq et étaient donc
qualifiés de "traîtres". La trahison est passible de la peine de mort en Iraq.
II.
DROIT A UNE ALIMENTATION ET A DES SOINS DE SANTE SUFFISANTS
A.
Situation générale
31.
Le Rapporteur spécial a déjà rendu compte de la situation et fait des
observations au sujet du droit à une alimentation et à des soins de santé
suffisants dans tous les rapports antérieurs (à une exception près) qu'il a
présentés à la Commission des droits de l'homme et à l'Assemblée générale
(A/46/647, par. 52 à 54, 55 et 95 à 98; E/CN.4/1992/31, par. 81 à 83, 138, 143
w), 145 o) et p) et 158; A/47/367, par. 14; A/47/367/Add.1, par. 6 à 14, 56
a), b) et c) et 58 a), b) et c); E/CN.4/1993/45, par. 67 à 72 et 185;
A/48/600, par. 33 à 42, 44 à 46, 58 et 59 et 62 à 88; E/CN.4/1994/58, par. 72
à 79, 152 et 186; A/49/651, par. 89 à 98; E/CN.4/1995/56, par. 44 à 47, 54,
67 m) et 68 c); E/CN.4/1996/61, par. 30 à 40; A/51/496, par. 61 à 86, 104
à 106 et 110 à 115). Depuis des années, la situation est désastreuse pour la
majorité de la population. Aussi, le Rapporteur spécial s'est-il félicité dans
le tout dernier rapport qu'il a présenté à l'Assemblée générale de la
signature, le 20 mai 1996, d'un mémorandum d'accord entre l'ONU et le
Gouvernement iraquien sur les modalités pratiques d'application de la
résolution 986 (1995) du Conseil de sécurité, qui prévoit la formule "du
pétrole pour des vivres". Le Rapporteur spécial a cependant indiqué que la
situation continuait de se détériorer dans le pays et que cette formule
n'était toujours pas appliquée.
32.
Il est certain que les besoins du peuple iraquien décrits par le
Rapporteur spécial dans son rapport intérimaire et confirmés par les
renseignements provenant des organismes humanitaires internationaux restent
considérables et urgents. La population iraquienne ne peut donc se contenter
de la conclusion d'un mémorandum d'accord. Elle doit pouvoir en tirer parti,
le plus vite possible.
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page 11
B.
L'accord "du pétrole pour des vivres"
33.
Après la présentation de son rapport intérimaire à l'Assemblée générale,
le Secrétaire général a indiqué au Conseil de sécurité (document S/1996/1015
du 9 décembre 1996) qu'il notait avec satisfaction que toutes les dispositions
avaient été prises pour commencer à appliquer effectivement la résolution 986
(1995) du Conseil. Le même jour, le Président du Conseil a annoncé que
l'opération humanitaire avait été lancée pour donner suite au rapport du
Secrétaire général. Il a aussi informé le Conseil que les prix sur le marché
des denrées alimentaires et des médicaments en Iraq avaient de ce fait presque
immédiatement chuté de manière spectaculaire, ce qui avait entraîné la fin de
la spéculation sur le marché noir.
34.
Le pétrole iraquien a commencé à couler le 7 janvier 1997. Vers la fin
janvier 1997, environ 200 millions de dollars des Etats-Unis avaient été
déposés sur le compte-séquestre de la Banque nationale de Paris.
Malheureusement, la population iraquienne dans le besoin n'en a pas encore
profité. Alors que des fonds ont été alloués à la Commission d'indemnisation
des Nations Unies et à la Commission spéciale des Nations Unies ou réservés à
d'autres fins, le Comité des sanctions de l'ONU n'a jusqu'ici approuvé que
deux contrats portant sur l'achat de vivres dont la population a désespérément
besoin, à savoir un contrat de 50 millions de dollars pour du blé australien
et un contrat de 21 millions de dollars pour du riz thaïlandais. Des douzaines
d'autres contrats n'ont pas encore reçu l'aval du Comité des sanctions; il
faut espérer qu'une fois dûment examinés, ces contrats seront approuvés sans
retard afin qu'une aide puisse être apportée rapidement aux nombreuses
personnes dans le besoin.
35.
Conformément au rapport intérimaire du Secrétaire général concernant
l'application de la résolution 986 (1995) du Conseil de sécurité (S/1996/978
du 25 novembre 1996), sur le montant de la vente - soit 2 milliards de
dollars - 1 320 680 000 dollars seront utilisés pour satisfaire les besoins
humanitaires urgents. Plus précisément, 804,6 millions de dollars iront à
l'achat de produits alimentaires, 101,3 millions de dollars à l'achat de savon
et de détergents, ainsi que des pièces détachées et moyens logistiques
nécessaires à la distribution des vivres, et 210 millions de dollars à l'achat
de médicaments et de matériel médical; 145 millions serviront à remettre en
état les infrastructures dans les secteurs de l'électricité, de l'agriculture
et de l'éducation, 44,2 millions de dollars à répondre aux besoins urgents de
fournitures et de matériel qui se font sentir dans le secteur de l'eau et de
l'assainissement et 15,4 millions de dollars à répondre aux besoins en matière
d'infrastructures sanitaires et aux besoins nutritionnels. Sur le total,
260 millions de dollars doivent être alloués aux trois gouvernorats du nord.
36.
En ce qui concerne les droits à une alimentation et à des soins de santé
suffisants sur une base non discriminatoire, l'application du mémorandum
d'accord doit permettre une "distribution équitable" des fournitures
humanitaires. Selon le rapport intérimaire du Secrétaire général, ce résultat
sera obtenu de deux façons : dans les 15 gouvernorats du centre et du sud de
l'Iraq, le Gouvernement fera distribuer les marchandises conformément à son
système de rationnement alimentaire actuel, mais cette distribution sera
contrôlée pour garantir que les fournitures humanitaires sont réparties
équitablement et que les ressources sont suffisantes pour répondre aux besoins
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page 12
humanitaires de l'Iraq (par. 26); dans les trois gouvernorats du nord,
la distribution sera faite par l'Organisation des Nations Unies qui "tirera
parti des modalités en vigueur et des ressources existantes" (par. 20).
37.
Selon le même rapport, un total de 151 fonctionnaires internationaux
"chargés des opérations d'observation et d'information" doivent être déployés
en Iraq. Ils seront répartis presque également entre les opérations
d'observation et d'information par zone géographique et par secteur. Ils
jouiront d'une "totale liberté de circulation et d'accès dans l'exercice de
leurs fonctions" (par. 15). Leurs relevés "seront réunis, analysés et intégrés
par le groupe d'observation multidisciplinaire. Celui-ci sera composé de
spécialistes des intrants et des machines agricoles, de la protection
phytosanitaire, de la santé vétérinaire, de la logistique alimentaire, de la
santé publique, des produits pharmaceutiques, du matériel hospitalier, de
l'hygiène et de la salubrité publiques, de l'enseignement et de l'électricité"
(par. 28). En outre, il arrêtera "les règles et les directives nécessaires
pour que la distribution des fournitures soit effectivement contrôlée et
analysée" (par. 28).
38.
Le Rapporteur spécial note avec satisfaction qu'il y a eu accord sur le
mécanisme de supervision destiné à assurer une distribution équitable, compte
tenu en particulier des graves allégations dont il a fait état précédemment
à propos de la manipulation par le Gouvernement du système de rationnement
alimentaire. A cet égard, le Rapporteur spécial est extrêmement préoccupé par
les informations selon lesquelles le Gouvernement iraquien s'efforce de
limiter l'efficacité du système d'observation en refusant le déploiement
d'observateurs dans des sous-stations partout dans le pays et en exigeant que
ces observateurs demandent des autorisations pour voyager dans le pays, ce qui
limite leur liberté de mouvement. En outre, le Gouvernement iraquien
insisterait pour que les observateurs utilisent des systèmes de communication
onéreux et peu sûrs, alors qu'ils doivent pouvoir compter sur la sécurité de
l'information pour mener à bien leur mission.
39.
Le Rapporteur spécial est aussi préoccupé par des informations faisant
état de retards dans la mise en place du système d'observation. Plus
précisément, l'Organisation des Nations Unies aurait pris du retard dans le
recrutement du personnel et certains aspects techniques de ses fonctions
(communications par exemple) ne seraient pas encore réglés avec le
Gouvernement iraquien. De même, ce dernier s'efforcerait d'imposer des
restrictions touchant les conditions de recrutement du personnel local des
Nations Unies.
40.
Il est clair que les besoins de la population iraquienne qui souffre
depuis longtemps devraient pousser les parties responsables à régler sans plus
tarder tous les problèmes qui font encore obstacle à l'application effective
de la formule "du pétrole pour des vivres". L'objectif du système
d'observation et, en fait, de la formule dans son ensemble est de faciliter
la fourniture immédiate, sur une base non discriminatoire, de denrées
alimentaires et de médicaments à ceux qui sont dans le besoin, de manière
à respecter leurs droits fondamentaux. L'Iraq est tenu par le droit
international de faciliter ce processus.
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III.
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
A.
Conclusions
41.
Le Rapporteur spécial note que, d'après les renseignements dont il
dispose, il n'y a pas eu d'amélioration fondamentale de la situation des
droits de l'homme en Iraq. Le pouvoir est pour l'essentiel aux mains d'un
dictateur cruel. On ne peut donc pas dire que l'exercice des droits de l'homme
- quels qu'ils soient - est assuré en Iraq.
42.
Cela dit, on peut au moins et enfin espérer une amélioration sur le plan
de la jouissance des droits à l'alimentation et à la santé. Celle-ci dépend
cependant beaucoup de l'efficacité avec laquelle sera appliquée la
résolution 986 (1995) du Conseil de sécurité et de celle dont fera preuve le
système d'observation des Nations Unies pour assurer une distribution
équitable des denrées alimentaires et des médicaments dont la population a
tant besoin. Il faut en particulier que les observateurs des Nations Unies
puissent se déplacer librement et sans entraves dans tout le pays. Maintenant
que la formule "du pétrole pour des vivres" a été enfin acceptée par le
Gouvernement, il ne faudrait ménager aucun effort pour veiller à ce que le
produit de la vente du pétrole iraquien aille véritablement aux très
nombreuses personnes qui sont dans le dénuement. Elles ont souffert assez
longtemps.
43.
Que la jouissance des droits à l'alimentation et à la santé s'améliore
ou non, la situation des droits de l'homme en Iraq ne pourra sensiblement
changer que si l'ordre politico-juridique est radicalement modifié. La volonté
du peuple doit devenir le fondement de l'autorité des pouvoirs publics. Ce
changement ne sera possible qu'à la suite d'un processus général de
démocratisation qui aurait pour caractéristique la jouissance des libertés de
pensée, d'opinion, d'expression, d'association, de réunion, de mouvement, et
surtout des droits à la vie, à la liberté et à la sécurité individuelle. A
cette fin, le Gouvernement iraquien doit abroger toutes les lois et tous les
décrets prévoyant des peines cruelles, inhabituelles et disproportionnées, ou
d'autres peines contraires aux droits fondamentaux. Il doit aussi abroger
toutes les lois et tous les décrets réprimant la libre expression et l'échange
de vues et d'idées. En outre, l'appareil de sécurité et toutes les autres
composantes des pouvoirs publics, y compris l'exécutif, doivent respecter la
légalité.
B.
Recommandations
44.
Concluant que, pour l'essentiel, la situation des droits de l'homme ne
s'est pas améliorée en Iraq, le Rapporteur spécial renvoie de nouveau à toutes
ses recommandations antérieures, qui restent valables.
45.
En outre, il recommande en particulier :
a)
Que le Gouvernement iraquien coopère à la recherche des Koweïtiens
et ressortissants de pays tiers portés disparus en autorisant le CICR à
accéder pleinement aux lieux de détention partout dans le pays conformément au
mandat et aux pratiques qui sont normalement les siens;
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b)
Que le Gouvernement iraquien coopère pleinement à l'application de
la résolution 986 (1995) du Conseil de sécurité, en particulier en réglant
immédiatement avec l'ONU tous détails techniques en suspens qui pourraient
empêcher un véritable contrôle efficace du caractère équitable de la
distribution et en assurant toute liberté de mouvement aux observateurs dans
l'ensemble du pays.
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