Des ânes à la rescousse de la biodiversité
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Des ânes à la rescousse de la biodiversité
TERRE D’ELLE Vendredi 10 mai 2013 VALAIS Portrait • • • Des ânes à la rescousse de la biodiversité NICOLE HOSTETTLER Exploitante en association Coffrane (NE) Contacts à la récré Nicole Hostettler a toujours voulu épouser un paysan. «C’était ancré dans ma tête, ça me vient très probablement de mes quatre grands-parents qui étaient agriculteurs.» Après son CFC de coiffeuse, elle entreprend une formation de nurse et c’est tout à fait logiquement qu’elle rencontre Christian, agriculteur à Coffrane, son futur mari. Nicole Hostettler est une paysanne active et engagée. Elle confectionne des pâtisseries et autres délices pour la Récré de la paysanne qui se tient tous les mardis à l’école secondaire de Cernier. Elle aime cette activité et a du plaisir au contact des adolescents. Les plannings qu’elle établit sont serrés. Elle relève qu’une ou deux personnes de plus seraient les bienvenues. L’idée du projet est de promouvoir des produits sains et maison. Les préparations salées telles que sandwiches, sèches ou croissants au jambon ont toujours du succès, de même que les baguettes magiques au chocolat ou les strudels et autres muffins sont aussi appréciés. Christiane Grandmousin Au gré des saisons, les ânes de Paulette Deladoey remplissent une série de missions, dont un programme d’entretien et de sauvegarde des praires sèches. Plusieurs races dans le troupeau Paulette Deladoey est la seule à élever des ânes dans la région. Un programme de sauvegarde A quoi le troupeau s’occupet-il d’ordinaire? Cela dépend Au premier plan, les trembles occupent la place. Au fond, la prairie sèche broutée fait la joie d’un chamois. Programmes d’asinothérapie En parallèle, Paulette organise des activités qui visent à sensibiliser les enfants à la vie de l’âne et son utilité dans la biodiversité. Ces programmes s’adressent aux jeunes de 9 à 11 ans de préférence. En fonction de l’intérêt des enseignants et des animateurs, ils peuvent se dérouler dans les écoles, les colonies de vacances, à l’aide de livres, chants, contes, dessins, etc. ou lors de journées spécifiques, d’ordinaire au printemps. Depuis douze ans, en collaboration avec le Mouvement de jeunesse de Suisse romande, Paulette propose en juillet des séjours d’une semaine à l’alpage Gauthier, audessus de Nax. L’enfant peut alors se familiariser avec les besoins de l’âne et participer à des randonnées. Sur demande et avec l’aide du monde médical ou social, elle pratique des séances d’asinothérapie, principalement avec des enfants. CG des saisons. Dès mi- ou fin avril, il participe à un programme de sauvegarde et d’entretien des prairies sèches (terrasses et pâturages boisés) dans la région de Vercorin, à 1300 mètres d’altitude environ. Autrefois, les habitants de Chalais, dans la plaine du Rhône, y cultivaient des pommes de terre sur des lopins en terrasse. Une fois abandonnées, ces parcelles deviennent la proie d’une espèce d’arbre envahissante, le tremble, et la biodiversité typique de ce genre d’environnement disparaît. Pour lutter contre ce phénomène, la Confédération suisse, en collaboration avec d’autres organismes spécialisés tels que Pro Natura, Œkoskop, Pro.Seco, le canton du Valais, la commune de Chalais, ont mis sur pied en 2006 un projet pilote très surveillé, contrôlé d’entretien et de conservation de ce patrimoine. A cause du genre de climat et de terre, la majorité des prairies sèches – environ 70% – se trouve en Valais. Deux autres cantons font l’objet du même projet: le Tessin et les Grisons. Pour réaliser cette étude, Pro Natura a contacté la ferme de Paulette, seule exploitation à élever des ânes dans la région. Avantages des ânes Pourquoi des ânes, pas des chèvres? Au départ, il avait été question d’engager des chèvres, mais comme dit Paulette «elles sont toujours chez le voisin», il est nécessaire de les garder, d’employer un chevrier. Quant aux ânes, ils raffolent des jeunes pousses de trembles, rongent énormément de bois et de ce fait stoppent l’avance de la forêt. Les prairies étant pauvres, les ânes risquent peu le surpoids et la fourbure. Autre avantage, il suffit d’une clôture électrique pour les maintenir dans un parc, qu’ils partagent souvent avec les chamois du coin! Paulette, qui habite à proximité, leur rend visite trois fois par semaine au moins. Emouvantes et joyeuses retrouvailles à chaque fois! ESPÈCE MENACÉE Si toutes les races d’ânes ne sont pas menacées, il en est une néanmoins qui risque de disparaître. Il s’agit de l’onagre, un âne sauvage d’Asie. En 1975 déjà, Werner Stamm, de Bâle, crée une fondation dans le but de lutter contre ce risque en favorisant la reproduction et le relogement de cette race. Un sujet qui préoccupe beaucoup Paulette. Dans le même but, en 2012, une nouvelle association voit le jour, A.S.L., Association Sauvez Lunedi. Lunedi, c’est «le nom donné au mâle du troupeau de la station d’élevage de la Fondation W. Stamm». Evidemment, Paulette suit l’activité de cette association avec beaucoup CG d’intérêt! Médaille d’argent de la biodiversité Depuis, la pousse des trembles régresse de manière significative sur les terrains pâturés des cinq zones retenues pour le projet. Des espèces de faune et de flore réapparaissent, comme le lézard à tête bleue, les sauterelles bleues, rouges, noires, etc. Sur cinq ans, on a dénombré le retour de 90 espèces. Pour plus d’information, consulter le rapport 2011 de Pro Natura/Pro. Seco sur www.cadichon.ch, qui analyse scientifiquement comment les ânes de Paulette contribuent au débroussaillement et au retour de la biodiversité de la région de Vercorin. La nature, ses ânes et elle – c’est ainsi qu’elle l’exprime – ont reçu la médaille d’argent de la biodiversité en 2010. Financièrement, les subventions attribuées servent à couvrir les frais d’exploitation. SUR LE WEB www.cadichon.ch, le site de La ferme à Cadichon. www.wst-foundation.ch, le site de la Fondation Werner Stamm. SP ferme, un âne de Provence, à la croix de Saint-André bien marquée sur le dos, des Bourbonnais bruns, des gris souris du Cotentin, des très clairs, presque beiges de Sardaigne. Elle en a possédé d’autres encore, du Poitou, des «rasta», des noirs du Berry. A chacun son nom, sa fonction et sa personnalité! En Suisse, il n’existe pas de race d’âne. Une mule, Marina, âgée de 17 ans, accompagne le troupeau. D’après Paulette, «on ne connaît pas bien l’âne en Suisse», par contre «il est très connu en France, en pays méditerranéen». Il n’y a plus de mule en Suisse, «ce n’est pas son espace», regrette-elle. M. EBERLE Le troupeau de Paulette se compose de plusieurs races: Cadichon, le tout premier, celui qui a donné son nom à la M. EBERLE D epuis une douzaine d’années, Paulette Deladoey élève un troupeau d’ânes dans le Valais central, sur le versant nord de la vallée du Rhône. Le troupeau a compté jusqu’à quarante têtes. Aujourd’hui, il en reste une vingtaine. Avec le temps, Paulette acquiert une belle connaissance de l’espèce, «un animal très serein, très bien dans ses baskets». Il n’y a pas de chef dans un troupeau, donc l’âne n’a pas la notion d’obéissance. Un troupeau génère un groupe cohérent d’individus. Mais l’individualisme de l’animal fait qu’aucun ne viendra l’aider si besoin est. S’il a des ennuis, il doit se débrouiller. En principe, il s’arrange pour ne pas être dans une situation critique! En cas de problème, de danger, il l’affronte. C’est un animal qui ne se sauve pas. Face à un loup, par exemple, un âne ne bouge plus; au lieu de fuir, les moutons se regroupent, si troupeau il y a. Alors qu’un cheval rue dans le vide, un âne vise d’abord, tout en souplesse. Il est capable de tuer un chien. Pour la garde, les moutonniers ont néanmoins préféré les chiens dont la gestion s’avère plus simple. Agri A. CHALLANDES 14 Nicole Hostettler prépare des produits sains et maison pour les élèves de Cernier. Contributions à la collectivité Pendant douze ans, Nicole Hostettler s’est aussi consacrée au groupe Val-de-Ruz de l’Union des paysannes neuchâteloises (UPN) en participant au comité comme caissière puis comme présidente pendant ces quatre dernières années. Elle vient de laisser son poste ayant atteint la durée maximale fixée par les statuts. «Cette activité m’a apporté beaucoup de plaisir au contact des autres paysannes et j’ai pris confiance en moi.» Même si elle n’est plus dans le comité, Nicole Hostettler souhaite rester engagée dans l’association pour participer aux activités et apporter son aide en cas de besoin. Elle continue d’ailleurs de chanter dans la chorale comme elle le fait depuis plus de vingt ans avec beaucoup d’entrain. Elle précise que c’est pour elle un passe-temps important. C’est aussi avec cette volonté de contribuer à la collectivité qu’elle s’est engagée dans le projet Interreg appelé FARAH mis en place de manière transfrontalière. Il réunit des paysannes, sous l’égide d’Agridea, côté suisse, pour mieux définir le rôle des femmes dans les exploitations et dans les organisations professionnelles et mettre sur pied des actions concrètes pour faciliter leur engagement. Ce projet lui tient à cœur car, ayant pris conscience de son propre statut, elle souhaite entre autres mettre sur pied un moyen d’information pour les jeunes paysannes et agricultrices sur les différents statuts possibles, leurs avantages et leurs inconvénients respectifs. Toujours enthousiaste, elle donne aussi l’enseignement religieux, participe aux devoirs surveillés à l’école primaire et est conseillère pour une marque de récipients en plastique. Elle aime également jardiner et partager des moments en famille. En conclusion, elle dit être contente qu’un de ses fils suive la formation agricole et envisage de reprendre le flambeau. ANNE CHALLANDES Dates clés • • • 1990 Mariage avec Christian Hostettler, agriculteur à Coffrane et reprise du domaine familial. 1991 Naissance de Valentin, suivi de Baptiste en 1993, d’Antoine en 1995 et de Raphaël en 2003. 2000 Association avec deux autres agriculteurs du village en 2000-2001. 2001 Entrée au comité de la section Val-de-Ruz de l’Union des paysannes neuchâteloises. 2012 Devient exploitante en reprenant la part de son mari dans l’association, suite à l’élection de celui-ci à l’Exécutif à plein temps de la nouvelle commune fusionnée de Val-de-Ruz.