A-2006/N°15-La guerre au Liban. Des crimes de guerre

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A-2006/N°15-La guerre au Liban. Des crimes de guerre
Siréas
asbl
Service International de Recherche , d’Education et d’Action Sociale
Année 2006
DOCUMENT n° 15
Analyses et études
LA GUERRE AU LIBAN. DES CRIMES DE
GUERRE ?
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LA GUERRE AU LIBAN. DES CRIMES DE GUERRE ?
L’invasion israélienne au Liban en juillet 2006, déclenchée par la capture de deux soldats
israéliens par les milices du Hezbollah, a tué de manière aveugle quelques milliers de civils
libanais, vieillards, femmes et enfants compris, et détruit l’infrastructure économique et
civile de ce pays : 34 jours de bombardements massifs 1 sur le Sud Liban surtout, mais
aussi sur d’autres villes et villages dans tout le pays sous prétexte que la population
protège les miliciens du Hezbollah. Sans compter les milliers de mines qui jonchent
toujours le terrain et qui continuent à faire des victimes civiles 2. Cette agression d’une
violence sans précédant a provoqué des réactions d’indignation 3 et de scepticisme partout
dans le monde, y compris dans les pays les plus modérés. Des réactions d’opposition se
sont manifestées également au sein de la société civile israélienne.
Ainsi, l’israélien Uri Avnery écrit le 22 juillet 2006 : « Mais nos ministres ont officiellement
décidé que l’objectif est l’assassinat. Ce n’est pas très nouveau : les gouvernements israéliens
successifs ont adopté une politique d’assassinat des dirigeants des groupes ennemis. Notre armée a
tué, entres autres, le dirigeant du Hezbollah Abbas Mussawi, le n°2 de l’OLP Abou Jihad, de
même que le cheikh Ahmed Yacine et d’autres dirigeants du Hamas. Presque tous les Palestiniens,
et pas seulement eux, sont convaincus que Yasser Arafat a également été assassiné. Le résultat ?
La place de Mussawi a été occupée par Nasrallah qui est beaucoup plus capable. Le cheikh Yacine
a été remplacé par des dirigeants beaucoup plus radicaux. Au lieu d’Arafat, nous avons eu le
Hamas. (…). Certes, nous sommes une démocratie. L’armée est totalement soumise au pouvoir
civil. D’après la loi, le conseil des ministres est le « commandant suprême » de l’armée (qui, en
Israël, comprend la Marine et l’Aviation). Mais, pratiquement, aujourd’hui, c’est le sommet de la
hiérarchie militaire qui décide de toutes les questions politiques et militaires. » 4
A quelques semaines du cessez-le-feu du 13 août 2006 et du retrait d’Israël d’une partie du
Liban, suivi par l’installation des troupes de la FINUL, on peut avancer certaines
considérations sur la plus grave des multiples crises qui ont caractérisé les relations
israélo-libanaises depuis plusieurs décennies.
Des vainqueurs et des vaincus ?
Qui est vaincu ? Qui est vainqueur dans cette guerre de juillet-août 2006 ? Parler en
termes de vainqueurs et de vaincus relève d’une autre époque, ces concepts ne sont plus
d’application.
1
Selon Amnesty International, 7000 frappes aériennes et 2500 bombardements et tirs d’artillerie sont attribués à
Israël entre le 12 juillet 2006 et le 14 août 2006.
2
Les opérations de déminage prendront du temps. Elles feront partie de la mission du contingent belge de la
FINUL qui doivent commencer leurs opérations fin octobre 2006.
3
Il y a eu entre autres la réaction violente du célèbre écrivain norvégien Jostein Gaarder, auteur du « Monde de
Sophie ». Sa tribune du 5 août 2006 dans un journal norvégien, intitulée « Le peuple élu de Dieu », a provoqué
la réponse toute aussi violente du Centre Simon Wiesenthal. Voir notamment :
http://www.francoisxavier.net/article.php3?id_article=690
4
http://zope.gush-shalom.org/home/en/channels/avnery/1153678193), traduction sur :
http://www.francoisxavier.net/article.php3?id_article=687
2
Dès l’arrêt de la guerre du Liban nous avons entendu des chefs du Hezbollah affirmer
avec force, dans un décor de destruction, qu’ils avaient gagné la guerre contre Israël avec
l’aide de Dieu. De son côté, Israël déclarait avoir infligé à l’ennemi une leçon et se
permettait une fois de plus, sans risque et avec l’aide des pays européens et des EtatsUnis, de se consacrer à l’agonie du peuple palestinien.
En réalité, nombreux sont ceux qui considèrent qu’Israël a gagné sur le plan militaire mais
a perdu sur le plan politique :
- en premier lieu parce que la stratégie de la terreur déjà expérimentée par les Etats-Unis
dans d’autres guerres (Irak, Afghanistan) n’a que peu d’efficacité face à des peuples qui
ont été écrasés et humiliés depuis longtemps.
- ensuite parce que l’utilisation d’un arsenal militaire moderne comme les américains l’ont
fait en Irak, renforce la réprobation générale (bombes à fragmentation 5 et bombes au
phosphore 6).
- enfin parce que l’attaque israélienne de juillet 2006 a occulté une fois de plus la situation
des Palestiniens, du moins dans les médias, alors que leur problème reste entier et présent.
Il faudra qu’Israël l’affronte tôt ou tard d’une autre manière que par la terreur.
Cette double guerre contre la Palestine et contre le Liban embarrasse beaucoup
d’européens et d’américains qui sont incapables d’en faire une analyse approfondie, de
réfléchir à ses antécédents et à ses conséquences futures dans la région. Elle met en
évidence l’implication et la responsabilité des Etats-Unis et de l’Union européenne, mais
aussi leur manque de clairvoyance et leur incapacité à agir de manière cohérente et
constructive.
Origines du conflit
Pour comprendre la situation et certains facteurs qui ont influencé le conflit, il ne faut pas
revenir à la fondation de l’Etat d’Israël en 1948, qui a repoussé le peuple palestinien hors
de son territoire pour le confiner dans des camps de réfugiés pendant plus d’un demi
siècle, mais bien à la Résolution n° 242 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 22
novembre 1967, adoptée cinq mois après la Guerre des Six-jours , qui a jeté les bases d’un
processus de paix en proclamant le principe de "la paix contre la terre".
La résolution 242 , en effet, met en avant "deux principes" pour instaurer "une paix juste
et durable au Moyen-Orient" : d’une part, le "retrait des forces armées israéliennes des
territoires occupés lors du récent conflit (1967) » ; d’autre part, le "respect et la
reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique
de chaque État de la région et leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et
reconnues à l’abri de menaces ou d’actes de force". Le Conseil souligne en outre
5
voir notamment :
http://archquo.nouvelobs.com/cgi/articles?ad=etranger/20060822.REU38214.html&host=http://permanent.nouve
lobs.com/
6
Voir l’article « Israël a bien utilisé des bombes au phosphore » dans Le Figaro.fr du 23 octobre 2006 :
http://www.lefigaro.fr/international/20061023.WWW000000368_israel_a_bien_utilise_des_bombes_au_phosph
ore.html
3
"l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre", en référence aux territoires principalement palestiniens- conquis par Israël lors de la guerre de juin 1967, notamment
la Cisjordanie, la Bande de Gaza et Jérusalem-Est. 7
Au lieu de se conformer à cette résolution, Israël s’est enfermé dans une idéologie
extrémiste prônée par un intégrisme conservateur et par des courants sionistes radicaux,
et persévère dans sa visée d’établir le grand Etat d’Israël 8 par l’oppression et le rejet du
peuple palestinien en confisquant ses terres, en colonisant son territoire, en refusant toute
discussion sur Jérusalem. Nier ces faits c’est ignorer le moteur du rejet d’Israël par le
monde musulman et de sa réprobation par la plupart des démocraties dans le monde y
compris des forces démocratiques au sein du peuple israélien lui-même. Autant l’Europe
que les Etats-Unis ont tort de soutenir cette politique de l’Etat d’Israël et d’ignorer la
Résolution 242 du Conseil de Sécurité qu’Israël lui-même a signé.
C’est ainsi que, grâce à cette impunité, Israël a continué à développer une immigration
importante, à créer des colonies sur le territoire palestinien, à refuser de revenir sur le
partage de Jérusalem, à concrétiser ce partage en construisant un mur sous prétexte de
défendre la sécurité, en réalité pour fixer une frontière qui ne correspond pas à la décision
du Conseil de Sécurité de l’ONU.
La politique d’oppression à l’égard du peuple palestinien et le refus de lui reconnaître le
droit de vivre en toute indépendance dans des frontières sûres sont sans aucun doute les
éléments qui soudent la résistance du peuple palestinien face à l’arrogance d’Israël et face
à ses ripostes meurtrières en infraction avec les principes du droit international.
Il est impensable qu’un peuple acculé à la misère et au désespoir ne puisse réagir, fusse par
une action symbolique comme l’enlèvement d’un soldat israélien dans la bande de Gaza,
action extrêmement limitée comparée aux arrestations et aux exécutions de Palestiniens
par Israël.
Même si les Palestiniens ont toujours refusé de faire un lien entre la lutte pour
l’établissement d’un Etat Palestinien et l’Islam, il est impossible de dissocier l’agression
contre le peuple palestinien et la radicalisation de l’Islam. Au contraire, cette agression ne
fait que renforcer le terrorisme et le mépris à l’égard d’Israël et des pays occidentaux qui le
soutiennent.
C’est dans cette dynamique qu’on peut interpréter les activités du Hezbollah et
notamment la séquestration de deux soldats israéliens par le Hezbollah qui a déclenché la
dernière guerre contre le Liban préparée depuis longtemps. Le Hezbollah s’est créé dans
la lutte contre l’occupation qui a suivi l’invasion israélienne du Liban en 1982. Quelle
nouvelle organisation violente surgira des décombres actuels du Liban ? 9
7
pour le texte de la résolution, voir http://www.france-palestine.org/article20.html. Voir également :
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9solution_242_(1967)_du_Conseil_de_s%C3%A9curit%C3%A9_des_Na
tions_unies
8
cfr. Ezéchiel 47, 13-23 dans la Bible.
9
C’est la question posée par Alain Gresh dans Le Monde Diplomatique d’août 2006.
4
L’accession au pouvoir du Hamas
L’analyse faite par la presse internationale - surprise par la victoire du Hamas aux élections
législatives du 25 janvier 2006 en Palestine -, s’est centrée sur les positions rigides de ce
parti sans le recadrer dans le contexte des évènements politiques et militaires de la région.
Le Hamas est né à Gaza en 1987 à l’issue de vingt années d’occupation israélienne. Il est
vrai que les Palestiniens et le Hamas ont affirmé à plusieurs reprises qu’ils refusent tout
amalgame avec le fondamentalisme musulman et que leur problème est strictement
israélo-palestinien.
Mais on ne peut pas ignorer l’impact de la guerre en Irak sur l’ensemble des populations
musulmanes. Contrairement aux arguments invoqués par les Etats-Unis pour justifier
cette guerre – la fabrication d’armes nucléaires sous le régime de Saddam Hussein 10 l’objectif semble avoir été, selon de nombreux observateurs, de satisfaire les visées
d’enrichissement pétrolier du clan Bush et d’aider l’économie occidentale par la main-mise
sur les richesses pétrolières irakiennes. L’objectif était également d’affaiblir le rôle de la
Syrie dans la région, de régler définitivement le problème palestinien et de pouvoir
disposer de bases militaires pour isoler ou attaquer l’Iran. Or, la guerre en Irak, - et celle
qui continue à se dérouler en Afghanistan -, n’a fait que radicaliser la conscience du
monde musulman et renforcer sa détermination à lutter contre l’agression occidentale.
Israël, par contre, se sentant soutenu par l’aide inconditionnelle euro-américaine, a
renforcé la pression sur les Palestiniens pour obtenir leur reconnaissance de l’Etat d’Israël
sans devoir accepter les termes de la Résolution 242 du Conseil de Sécurité de l’ONU en
ce qui concerne le retrait des territoires occupés par ses forces armées d’une part, le
respect et la reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de
l’indépendance politique de chaque état de la région d’autre part. La construction d’un
« mur de sécurité » autour de la Cisjordanie et dans Jérusalem et le refus israélien de
reconnaître l’Etat palestinien dans des frontières sûres expliquent sans aucun doute la
victoire électorale du Hamas.
Cette victoire, qui a plongé le monde occidental et israélien dans la perplexité, a mis en
évidence l’échec de la stratégie d’agression euro-occidentale prétendument justifiée par la
nécessité de rétablir la paix et la démocratie au Moyen Orient. En réalité, la politique
israélienne soutenue par les Etats-Unis et l’Europe ne visent pas l’établissement de la
démocratie mais l’assujettissement de ces pays aux stratégies hégémoniques de l’Occident.
La suspension de l’aide aux Palestiniens
La réaction israélo-américaine et européenne contre la victoire du Hamas s’est centrée sur
le passé terroriste de ce mouvement et sur son refus de reconnaître l’Etat d’Israël. Les
mesures de suspension de l’aide humanitaire à la Palestine qui furent prises en
conséquence par l’Europe et les Etats-Unis constituent une agression sans précédent
10
On a su par la suite que ce prétexte avait été fabriqué de toutes pièces à partir de fausses déclarations
5
contre des civils. On a privé de moyens de subsistance vitaux un peuple déjà acculé à la
misère, déjà privé de ses terres, déjà soumis à l’oppression, aux bombardements, aux
arrestations arbitraires.
Ces mesures ont frappé l’ensemble du peuple palestinien, hommes, femmes, enfants,
adultes, vieillards et malades sans distinctions, condamnant tout un peuple à
l’extermination. C’est un acte contraire aux droits de l’homme, à la charte internationale
des droits humains et à la charte internationale des droits de l’enfant.
En tant que citoyens européens nous pouvons nous interroger. Cette Europe à laquelle
nous nous identifions quand elle respecte les principes d’humanité et de démocratie qui
sont issus de nos peuples, comment et en vertu de quels principes s’est-elle associée à cet
acte inhumain ?
Ces mesures sont non seulement inhumaines. Elles sont politiquement mauvaises parce
qu’il y a erreur complète sur l’évaluation de leurs enjeux et de leurs conséquences.
L’attitude intransigeante et inhumaine d’Israël depuis sa création n’a pas eu pour effet de
faire plier le peuple palestinien. Par contre, elle a renforcé la réprobation par l’Islam
d’Israël et des états qui le soutiennent.
Sans doute les chefs d’Etat américains et européens n’ont-ils pas lu ce passage de
Machiavel : « lorsque vous avez gagné la guerre, n’humiliez pas le peuple vaincu sinon il se
relèvera et vous combattra ». Cette phrase est très éclairante. Quand quelques terroristes
ont détruit les tours du World Trade Center en 2001, l’Europe, comme de nombreux états
dans le monde, a soutenu la guerre contre le terrorisme. Comment peut-on imaginer dès
lors que, face aux mesures qui tendent à exterminer le peuple palestinien, il n’y ait pas
dans le monde musulman et occidental un sentiment de solidarité contre cette forme de
terrorisme d’Etat ?
Plaintes pour violation du droit international et crimes de guerre
« De nombreux témoignages ont désormais été recueillis par des hôpitaux, témoins, artificiers, journalistes,
soulevant des doutes très graves sur certains épisodes de l’offensive israélienne actuelle au Liban et à Gaza
(…) On parle de corps dont les tissus sont morts mais qui n’ont pas de blessures apparentes ; (…), de
blessures internes comme celles provoquées par une explosion mais sans traces d’éclats (…) … Tout cela
suggère la possibilité que des armes nouvelles aient été utilisées. (…) … on ne respecte rien : ni règles
internationales (de la Convention de Genève aux traités sur les armes chimiques et bactériologiques), ni
réfugiés, ni hôpitaux et Croix-Rouge… » 11
Le Ministre libanais de l’environnement, Yaacoub Sarraf, a déclaré fin septembre 2006 au
journal Le Monde : « nous sommes quasi certains que des bombes au phosphore ont été
utilisées » 12. Le 22 octobre 2006, le gouvernement israélien admettait pour la première
fois avoir utilisé des obus au phosphore 13. En outre, le gouvernement libanais entend
11
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2006-08-15%2010:16:18&log=invites
Le Monde du 27 septembre 2006
13
voir notamment :
http://www.lefigaro.fr/international/20061023.WWW000000368_israel_a_bien_utilise_des_bombes_au_phosph
ore.html
12
6
poursuivre Israël devant une instance juridique internationale en raison des dommages
que l’invasion israélienne a causés à l’environnement, notamment la marée noire de
15 000 tonnes de carburant provoquée par le bombardement de la centrale électrique de
Jiyeh, au sud de Beyrouth. La marée noire et la pollution atmosphérique provoquée par
l’incendie de la centrale ont causé des dommages à l’environnement, à la pèche, au
tourisme et à la santé du fait des retombées de la pollution sur les zones agricoles. 120
km de côtes sont souillées.
De son côté, le rapport d’Amnesty International accuse également Israël de "crimes de
guerre" au Liban : la destruction extensive de centrales électriques, d'usines de traitements
des eaux ainsi que d'infrastructures routières indispensables pour le transport de la
nourriture et de l'aide humanitaire était délibérée et faisait intégralement partie de la
stratégie militaire d'Israël dans le sud du Liban. Beaucoup de ces attaques ciblées contre
des structures civiles, des attaques aveugles et disproportionnées, sont des crimes de
guerre, a insisté Kate Gilmore, secrétaire générale exécutive adjointe d'Amnesty. A l'appui
de ces affirmations, Amnesty rappelle une déclaration de Dan Haloutz, le chef d'Etat
major israélien: "Rien n'est à l'abri (au Liban), c'est aussi simple que cela", avait affirmé cet
officier lors de l'offensive militaire israélienne au Liban 14.
En effet, citant des chiffres émanant du gouvernement libanais, Amnesty rapporte que 31
installations clés – des aéroports aux usines de retraitement des eaux usées – ont été
partiellement ou totalement détruites, de même que 80 ponts et 94 routes. Plus de 25
stations services ont été touchées, de même que 30 000 maisons, bureaux et magasins.
La Cour Pénale Internationale (La Haye) pourrait être saisie à partir de l’article 8 du
« Statut de Rome » qui est entré en vigueur le 1 juillet 2002. Mais la CPI juge en principe
les personnes et non les Etats.
Une autre voie serait celle du recours au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Mais la
procédure suppose l’accord unanime du Conseil.
La complicité européenne
C’est l’enchaînement des évènements qui a rendu l’Europe complice de cette guerre. En
étant complice des mesures qui ont privé les Palestiniens de moyens de survie, l’Europe a
contribué au développement de cette guerre inhumaine qui a massacré quelques milliers
de personnes civiles et détruit intentionnellement l’infrastructure économique, hospitalière
et écologique de ce pays.
En soutenant la politique expansionniste et meurtrière d’Israël, l’Europe et les Etats-Unis
ne font qu’aggraver la crise et la radicalisation du monde musulman. Ils contribuent de la
sorte au développement du terrorisme international et aux diverses guerres (Irak,
Afghanistan) et menaces de guerre (Iran, Syrie).
En arrêtant son aide à la Palestine, l’Europe contribue à la révolte du peuple palestinien et
du monde musulman. Mais d’où vient cette décision européenne ? Qui l’a prise et à quel
titre ? Ce n’est sûrement pas au nom des peuples d’Europe, dont la plupart sont soucieux
14
voir le Rapport d’Amnesty International du 23 août 2006:
http://web.amnesty.org/library/Index/FRAMDE180072006
7
de mettre fin à ce drame plutôt que de l’attiser, sont fatigués de la lutte contre l’Islam,
fatigués de jouer les gendarmes du monde au service des Etats-Unis, fatigués d’être pris
pour cible par des kamikazes à cause de décisions européennes qu’ils ne partagent pas et
qui sont contraires aux droits de l’homme.
Si l’Europe veut grandir, elle doit être à l’écoute de ses citoyens, et non pas seulement des
impératifs provenant de la Maison Blanche.
La position actuelle de l’ONU
La résolution 1701 du Conseil de Sécurité de l’ONU qui a permis d’envoyer une force
internationale au Liban (FINUL) est encore plus incompréhensible. Elle accuse le Liban
d’être responsable de cette guerre à cause de l’incursion du Hezbollah en territoire
israélien et de la séquestration de deux soldats israéliens, alors que quelques milliers de
libanais croupissent dans des prisons israéliennes et qu’une partie du territoire libanais est
encore occupé par Israël. Elle ne tient pas compte de la jurisprudence internationale sur
le principe de la proportionnalité de la riposte à un tort provoqué. Selon cette
jurisprudence, Israël est passible d’une condamnation pour crimes de guerre en raison de
la gravité des faits commis dans l’actuelle guerre au Liban.
En outre, non seulement les négociateurs au sein de l’ONU ont rejeté toute la
responsabilité sur le Liban en dépit du droit international, mais les militaires de la FINUL
auront pour mission de veiller à ce que les soldats israéliens soient rendus à Israël sans
conditions et d’empêcher le Liban de renforcer son armée pour se défendre.
Perspectives
Qu’est-ce que l’Europe et les Etats-Unis espèrent d’une telle stratégie ? Qu’Israël
parvienne à tuer ou chasser ce qui reste du peuple palestinien pour créer le Grand
Israël où tous les Juifs de la terre pourront se réunir autour du Temple reconstruit en
attendant le Messie ? 15 Que bientôt tout l’Etat d’Israël se convertira au Christianisme et
règnera sur la terre pendant 1000 ans, comme le croient les évangélistes fondamentalistes
américains et G.W. Bush ? 16
Si Israël, les Etats-Unis et certains chefs d’Etat européens croient pouvoir imposer par la
terreur des revendications contraires aux résolutions des Nations Unies, ils se trompent.
Comment les Palestiniens peuvent-ils reconnaître un Etat d’Israël sans frontières sûres
alors qu’ils ne sont pas reconnus eux-mêmes par Israël ? La solution au problème de la
Palestine et la paix au Moyen Orient passe par l’application par Israël de la Résolution n°
242 et non par la guerre, la violence et les massacres de civils innocents comme ce fut le
cas au Liban.
Nul ne peut nier la souffrance et le rejet du peuple juif relégué dans des ghettos pendant
des siècles, ni l’holocauste planifié sous le régime de Hitler avec en quelque sorte la
15
16
cfr. Ezéchiel 39, 25-29 dans la Bible
cfr. Apocalypse 19-20-21 dans la Bible
8
complicité tacite des nombreux pays qui, sans avoir collaboré, n’ont pas réagi pour éviter
le pire tant il est vrai que l’antisémitisme a sévi dans le monde entier.
Il est tout à fait juste que le peuple d’Israël ait un pays où il peut vivre en sécurité. Mais
faut-il que ce soit au dépens du peuple palestinien ? Autrement dit, jusqu’où admettre le
retour des Juifs de la diaspora en Palestine en chassant les Palestiniens de leurs propres
terres ? Les souffrances du peuple israélien ne doivent pas lui permettre de rêver à un
Grand Israël, de modifier les frontières, de rayer un autre peuple de la carte pour le
rejeter hors de ses terres, dans la diaspora.
Il est temps qu’Israël comprenne que sa politique alimente le terrorisme : son refus de
reconnaître l’Etat palestinien, la construction d’un « mur de sécurité » pour fixer une
frontière illégitime, l’occupation des territoires en dépit des résolutions des Nations Unies.
Sans oublier le passé, il est nécessaire qu’Israël se tourne vers l’avenir et fasse preuve de
maturité en renonçant aux visées expansionnistes du Grand Israël. Ce faisant, Israël
trouverait sa place au sein des nations et contribuerait à la paix dans le monde.
9