seul l`athlète peut trouver la réponse

Transcription

seul l`athlète peut trouver la réponse
« SEUL L’ATHLÈTE PEUT TROUVER LA RÉPONSE »
Natation. Claude Fauquet, DTN sortant, sur les succès tricolores.
Interview
Libération, déc. 08.
La natation française a crevé tous les plafonds en 2008, Claude Fauquet (62 ans), le directeur technique national (DTN), fut à la fois l’architecte et le prophète du « miracle tricolore » : l’apparition subite - ou pas loin - d’une élite dont la densité (Leveaux, Balmy, Manaudou, Bernard,
Muffat, Duboscq…) fait l’émerveillement de la concurrence. Fauquet a quitté la semaine dernière ses fonctions, qu’il occupait depuis 2001 :
il revient sur le triomphe.
Comment la natation française est-elle sortie du trou après des Jeux d’Atlanta,
en 1996, à zéro médaille ?
Moi, j’ai le sentiment que ces résultats sont le fruit d’une filiation. On a tendance à dire : « On a trouvé la recette. » Mais non. Les
efforts de structurations ont été faits avant. On a défini nos besoins dans le calme, sans pression - fut-ce celle du résultat.
Quand même…
Prenez le sprint : il y a une tradition française. Alain Bernard, Amaury Leveaux ? Je réponds Alain Gottvallès et Michel Rousseau.
L’aspect culturel est fondamental. Ensuite, la direction technique nationale a posé un principe simple : les progrès de nos nageurs
seront d’ordre biomécanique ou ne seront pas. Les autres nations développent les capacités physiques de leurs nageurs ? On fait
autre chose : comment l’individu se déplace dans l’eau ? Comment minimiser la résistance ? On crée un service recherche au sein de
la fédération, qui travaille avec les entraîneurs. La technique est au centre de tout. C’est elle qui fait nos succès. Quand je vois nager
Leveaux ou Bernard, je vois aussi surtout qu’ils sont proches de la perfection technique.
Existe-t-il des règles en matière de détection des athlètes ?
Oui. Pas de détection ! Au contraire ! On a fait en sorte de construire une élite la plus large possible, la plus représentative, sans contrainte de morphologie. L’objectif : être sélectif le plus tard possible. En fait, tout se joue dans la catégorie junior [entre 17 et 20 ans,
ndlr]. Et encore : ce n’est pas parce qu’un gamin a des résultats un peu en deçà de ceux de ses camarades qu’on le condamne. Il
faut lui laisser le temps de se structurer autant que faire se peut : garder en tête le déclic, toujours possible. Un athlète peut trouver
la réponse d’un coup. Sans contrainte, oui… Mais peut-on sprinter à moins d’1,90 mètre ?
Regardez l’Australien Eamon Sullivan, détenteur des records du monde du 50 et 100 mètres en grand bassin : il mesure 1,88 mètre.
Bon, il faut reconnaître que plus on est grand, moins ça crée de résistance dans l’eau ; ce qui évite de déjauger [s’élever au-dessus
le la ligne de flottaison]. Et plus un nageur passe de temps sous l’eau, plus il va vite. Un morphotype ? Plutôt que de se focaliser làdessus, il faut modéliser le parcours de l’athlète, l’accompagner vers le haut niveau, le préparer à gérer psychologiquement le franchissement des étapes. L’aider à assumer. Vous savez, devenir un champion, c’est un chemin très, très compliqué. Laure Manaudou,
pour ne parler que d’elle, a su construire et s’approprier son propre projet sportif.
Mais elle est aujourd’hui en difficulté.
Ce changement d’entraîneur était nécessaire de son point de vue, pour qu’elle puisse se construire en tant que personne : c’est
l’essentiel, c’est la clef. Elle a vécu ce que vivent les adolescents. On se cherche, on expérimente. Mais quoi ? Quand un champion
est sur un plot, c’est son histoire à lui. C’est lui, et lui seul, qui a développé ses propres capacités. Lui seul qui sait pourquoi il est là.
Pas son entraîneur. Après, pour Manaudou, on saura à la fin de la saison 2009 si elle s’est plantée ou non.
Une centaine de records du monde battus en 2008 :
les combinaisons expliquent-elles l’explosion de la discipline ?
Dès l’instant où on est gainé, où on ne laisse plus le corps se déformer au contact de l’eau, on va plus vite. Et comme les combinaisons améliorent ce gainage, que l’on travaille déjà énormément dans l’école tricolore, la technique française s’avère d’autant plus
payante au très haut niveau.
On parle aussi des « piscines qui vont vite ». Mythe ou réalité ?
Réalité, quand même. On connaît le traitement de l’eau qui permet de diminuer les résistances, on place des lignes d’eau brise-vagues
et des fonds qui « absorbent » les remous, de manière à ne pas les renvoyer sur le nageur. Tout ça cumulé…
Reste le dopage.
Par les temps qui courent, on ne peut pas empêcher les gens de s’interroger. Regardez Usain Bolt [sprinteur jamaïcain, recordman du
monde du 100 m] : j’ai la conviction qu’il n’est pas dopé, qu’il y a une explication technique à ses performances. Se doper, c’est tricher. Et pour tricher, il faut se cacher. Or, en natation, on ne s’entraîne jamais seul. Il y a les contrôles de la Fédération internationale,
le suivi longitudinal pour les Français… On n’est pas à l’abri, bien sûr. Mais Alain [Bernard] ou Amaury [Leveaux], je les connais bien.
Je sais aussi les sacrifices qu’ils font tous les jours pour aller aussi vite, le prix payé par eux.
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UNE ÉLITE ?
Interview de Claude Fauquet,
DTN de la natation française.
Libération, déc. 08.
Existe-t-il des règles en matière de détection des athlètes ?
j’ai le sentiment que ces résultats sont le fruit d’une filiation. On a tendance à dire : « On a trouvé la recette. » Mais non. Les efforts
de structurations ont été faits avant. On a défini nos besoins dans le calme, sans pression - fut-ce celle du résultat. (…) L’aspect culturel est fondamental.
Pas de détection des athlètes ! Au contraire ! On a fait en sorte de construire une élite la plus large possible, la plus représentative, sans contrainte de morphologie. L’objectif : être sélectif le plus tard possible. En fait, tout se joue dans la catégorie junior [entre
17 et 20 ans, ndlr]. Et encore : ce n’est pas parce qu’un gamin a des résultats un peu en deçà de ceux de ses camarades qu’on le
condamne. Il faut lui laisser le temps de se structurer autant que faire se peut : garder en tête le déclic, toujours possible. Un athlète
peut trouver la réponse d’un coup. Sans contrainte, oui…
Un morphotype ? Plutôt que de se focaliser là-dessus, il faut modéliser le parcours de l’athlète, l’accompagner vers le haut niveau,
le préparer à gérer psychologiquement le franchissement des étapes. L’aider à assumer. Vous savez, devenir un champion, c’est un
chemin très, très compliqué.