Docteur Yunga, le médecin qui reconstruit le vagin des femmes

Transcription

Docteur Yunga, le médecin qui reconstruit le vagin des femmes
Docteur Yunga, le médecin qui reconstruit le vagin des femmes
Écrit par Hélène Fargues
Vendredi, 29 Juin 2012 23:05
Ce gynécologue-obstétricien congolais opère des femmes souffrant de fistules en zone de
conflit en Afrique.
«Des patientes très pauvres, ayant perdu leur enfant, abandonnées par leur propre famille,
arrivaient par dizaines à l’hôpital. Cela m’a tellement affecté que j'ai voulu faire quelque chose
pour elles.»
Dans les bureaux parisiens de Waha International, ONG de lutte contre la mortalité maternelle,
le médecin congolais Jean de Dieu Foma Yunga, veste bleu marine et pantalon à pinces, se
rappelle comment il a décidé de se «spécialiser sur la fistule».
Pratiquement éliminée dans les pays les plus avancés, où les femmes bénéficient d’un suivi de
grossesse rigoureux, la fistule est «une communication anormale entre voies urinaires et
génitales, qui se forme, dans la majorité des cas, à la suite d’un accouchement difficile»
, explique-t-il, en remontant les branches de ses lunettes.
Source d'incontinence et de maladies, la fistule est un véritable enjeu de santé publique, alors
que deux millions de femmes dans le monde vivent avec ce handicap, principalement dans les
pays en voie de développement, selon l’Organisation mondiale de la Santé.
Le Dr Yunga s'est familiarisé avec cette problématique à l'hôpital de Panzi, dans la province du
Sud-Kivu, en République démocratique du Congo.
Diplômé de la faculté de médecine, il vient en 2004 se former en gynécologie et obstétrique
auprès du Dr Mukwege, médecin récompensé par les Nations unies pour son action en faveur
des victimes de violences sexuelles.
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Docteur Yunga, le médecin qui reconstruit le vagin des femmes
Écrit par Hélène Fargues
Vendredi, 29 Juin 2012 23:05
Un engagement auprès des femmes démunies
Pendant quatre ans, le Dr Yunga soigne, opère, rassure des patientes venues de toute la
région et des pays voisins.
Accouchement difficiles, viols perpétrés sur des adultes comme des enfants... Les causes de
cette mutilation sont multiples. Des femmes au corps meurtri, dont une grande partie est
atteinte de fistule, affluent par centaines pour bénéficier de soins gratuits dans cet hôpital de
Panzi, situé à Bukavu, ville principale de l'Est congolais.
Parce qu’elles ne contrôlent plus leurs urines, ces femmes sont mises au ban de la société.
Abandonnées par le mari à cause des odeurs qu’elles dégagent, privées de marché, d'église;
elles sont réduites à l’isolement.
Pourtant, les fistules sont opérables.
«La plupart des gynécologues et des urologues ne veulent pas s’en occuper parce que cela
prend du temps et parce que c’est délicat», regrette le Dr Yunga.
Pour ce médecin de 38 ans, l’argent n’est pas un critère.
«Si je faisais ce métier pour l’argent, je travaillerais plutôt en France, ironise-t-il. J’ai tout
simplement envie d’aider les populations vulnérables.»
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Docteur Yunga, le médecin qui reconstruit le vagin des femmes
Écrit par Hélène Fargues
Vendredi, 29 Juin 2012 23:05
Une
vie
recluse
en
Somalie
en
ilDepuis
est
Somalie.
devenu
trois
ans,
le
médecin
ilans
collabore
référent
avec
en
Women
gynécologie-obstétrique
Health
Alliance
à
Hanano
(WAHA). En
de
Mogadiscio,
mars
2012,
«Quand
on
m’a
proposé
la
Somalie,
j’ai
dit:
“Quoi?
Avec
tout
ce
qu’on
voit
à
lautile:
télé?”»
Mais
ildans
finit
par
se
laisser
convaincre,
persuadé
que,
sur
place,
ill’hôpital
pourrait
être
«La
rien»,
plupart
des
médecins
ont
fui
lahumain
guerre
et
se
sont
installés
àrappelle-t-il
l’étranger.
Les
gens
n’ont
plus
déplore-t-il.
Dans
périmètre
cette
de
capitale
l’hôpital.
d'Afrique
de
l'Est
encore
en
proie
àjuste
l’insécurité,
son
horizon
est
réduit
au
Une
la
restriction
difficile
à
vivre
au
quotidien,
pour
amateur
de
football,
et
de
pique-niques
sur
«Je
n’ai
pas
de
week-end,
je
ne
compte
pas
mes
heures»,
sourit-il.
Ilsoigne
son
aplage:
aussi
fils
de
dû
quatre
adapter
sa
et
vie
sa
de
fille
famille
de
deux
en
ans
conséquence.
qu'une
fois
Iltous
ne
peut
les
deux
rendre
mois
visite
au
à
Bénin.
son
épouse,
«En
gérer
zone
cela»,
de
guerre,
les
gens
sont
sur
les
nerfs.
Ilcet
faut
être
quelqu’un
d’extraordinaire
pour
Yunga,
lors
de
témoigne
ses
premières
Cheikh
missions,
Mbaye,
un
en
autre
2010.
salarié
de
WAHA.
Il a
fait
la
connaissance
du
Drà
«C'est
quelqu'un
d’ouvert,
de
très
et
toujours
prêt
àInternational
aider
son
prochain.»
La
passion
de
la
médecine
Né
à
est
l'aîné
le
village
d'une
de
fratrie
Kiliba,
dans
trois
la
frères
province
et
sœurs.
du
Sud-Kivu,
de
parents
commerçants,
le
Dr
IlYunga
certaine
ignore
d'où
fascination
lui
vient
à
sa
l’égard
passion
du
personnel
de
la
médecine,
en
blouse
tout
blanche.
se
avoir
eu
enfant,
une
«Mes
de
mon
parents
quartier»,
étaient
surpris
de
voir
que
je
retenais
si
bien
le
nom
des
infirmiers
et
infirmières
sourit-il.
Enfant
l’aide
d’un
de
cœur
missionnaire
pendant
italien.
dix
ans,
il
a
pu
financer
ses
études
secondaires
et
supérieures
grâce
«Sans
lui,
je
ne
serai
probablement
pas
là»,
du
prosélytisme
à
l'hôpital.
explique-t-il.
Catholique
pratiquant,
il
s’abstient
de
tout
le
monde
et
on
reste
neutre.»
«Avec
Waha,
Ilfaire
reconnaît
pourtant
la
difficulté
de
jongler
avec
les
interdits
de
l'Islam:
«On
des
femmes»,
doit
par
exemple
se
débrouiller
pour
écouter
les
battements
de
cœur
sur
les
vêtements
témoigne-t-il.
Au
pour
quotidien,
certaines
il
relatées
faut
composer
sur
le
blog
avec
de
les
l'ONG
coutumes
Les
dialogues
locales,
en
du
dépit
vagin,
des
hébergé
situations
par
d’urgence,
Youphil.com:
«Même
homme
va
demander
si cas-là
donne
une
àsoit
patiente
son
l’oncle
accord.
et
aaimerait
ainsi
l'appui
Et
même
de
de
suite.
cent
si
le
La
autres
mari
décision
est
femmes
d’accord,
est
collégiale»,
pour
ilune
va demander
opération,
au
il faut
grand-père,
qui
raconte
le
Dr
Yunga.
Dans
«on
parle
et
on
attend»,
poursuit-il.
Le
«mythe»
Kirikou
Cet
contraception
artisan
dude
dialogue
élargi en
Afrique.
qu’il
y animé
ait
davantage
de
prévention
et que
l’accès
àqu’un
la sortiron
«Le
complications.
seul
problème,
etces
préfèrent
Comme
c'est
accoucher
que
dans
les
àfemmes
le
domicile.»
dessin
viennent
Kirikou,
nous
voir
elles
seulement
s'imaginent
quand
queelles
l'enfant
ont
des
va
tout
Malgré
les
le
Dr
Yunga
s'imagine
bien
continuer
ainsi
«jusqu'à
la
retraite».
S'il
concède
«souffrir
psychologiquement»
moins
lela
sentiment
d'être
utile:
de
certaines
situations
inextricables,
ilinterventions.
n'en
n'a
pas
«Je
Elle
mots
me
acet
simples
appelé
rappelle
son
qu'elle
avoir
mari
redevenait
opéré
etdeuxième,
lui
aavec
femme.
succès
sec”.
Ce
une
fut
Pour
femme
la
plus
qui
grande
avait
joie
juste
déjà
de
subi
une
ma
façon
d'autres
carrière.»
de
dire
avec
ses
Pour
d'assister
lors
centaines
de
obstétricien
naissance
àde
sa
femmes
naissance.
du
aguerri,
le
promet:
«Trop
ledit “c’est
bonheur
ilstressé»
sera
ce
praticien
là
serait
pour
pour
le
maintenant
qui
assister
petit
amoi,
pourtant
dernier.
àc'était
l'accouchement
de
aidé
pouvoir
dans
avoir
leur
duun
labeur
premier
nouvel
des
et
enfant,
absent
et
Hélène
Fargues
Cet
article
adifficultés,
d'abord
été
publié
sur
Youphil
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