handout - Structures formelles du langage - UMR 7023
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Temporalité: Typologie et Acquisition UMR 7023 16/01/06 L’aspect c’est quoi ? Bridget Copley CNRS/Université Paris 8 [email protected] 1. Plusieurs distinctions importantes 2. Une promenade dans le zoo aspectuel 3. Aspects « méchants » 1. Plusieurs distinctions importantes 1.1 Signe vs. signification « Le progressif » (par exemple) c’est quoi? Trois interprétations : A. un signe morphologique dans une langue particulière be –ing en anglais, être en train de en français, etc. Sous cette interprétation, comment savoir si une pièce de la morphologie est « un vrai » progressif ? Cette question ne se pose pas. La terme « progressif » a était appliqué presque pré-théoretiquement. Un progressif, c’est un morphème avec un sens qui, à première vue, est semblable aux sens des autres morphèmes qui se sont appelés « progressifs » . B. le sens qui est partagé par des signes des langues différentes Cette interprétation présuppose qu’un tel sens éxiste. En principe, on ne sait pas si deux morphèmes en deux langues différentes ont des sens semblables parce qu’ils sont au fond la même catégorie, ou s’ils sont semblables parce qu’ils utilisent des recours différents pour obtenir des résultats semblables. C’est comme le pouce du panda, qui a une fonction semblable au pouce d’un humain, mais il s’avère construit de composants qui diffèrent de ceux qui ont donné lieu à ce dernier. C’est impossible de savoir, si on ne fait que regarder deux pouces (celui du panda et celui des humains, ou celui de la chauve-souris et celui des humains), si on a une relation parce qu’ils ont la même histoire, ou simplement parce qu’ils ont la même fonction et sont soumis aux mêmes pressions pour achever cette fonction. Même si nous discutons les origines ontologiques, pas les origines diachroniques, l’argument reste le même. On ne sait pas exactement ce qui est partagé. En décidant ce qui est partagé, nous nous mettons en position de répondre aux questions : Qu’est-ce qui varie, entre les langues, entre les stages d’acquisition, entre les stages diachroniques ? Qu’est-ce qui reste constant ? C. un « lecture » plus ou moins unitaire en sens ou usage, d’un morphème aspectuel dans (au moins) une langue Ça c’est la plus flexible des interprétations ; elle laisse ouverte la question de ce qui est partagé, en nous permettant de discuter pré-théoretiquement plus que la morphologie. 1 1.2 Aktionsart vs. aspect de point de vue (viewpoint aspect, APV) Le mot « aspect » est employé pour deux sortes de phénomènes, l’un qui est habituellement marqué avec de la morphologie (aspect de point de vue (APV), viewpoint aspect, outer aspect), et un autre qui est associé plus étroitement au VP : Aktionsart(en) (« type d’action »), event type, inner aspect, verbal aspect. Aspect de point de vue (APV) : On dit que ces aspects expriment un perspectif sur un événement. Souvent il y a de la morphologie associée avec le sens. (1) parfaits progressifs perfectives have –en en anglais, e.g. be –ing, être en train de passé simple, simple past en anglais événement passé mais pertinent événement en cours événement vu entièrement … (habituals, generics, autres … ?) Aktionsarten (Vendler, 1967) : associés aux predicates conceptuels (2) states/statives activities achievements accomplishments … (semelfactives, autres ?) être joli(e), connaître, etc. regarder le télé, manger des pommes arriver à la gare, mourir manger une pomme, construire un maison Encore on voit la même distinction de la section 1.1 : on peut également parler des VPs eux-mêmes, ou on peut parler des types d’action qui sont décrites par ces VPs. Notons bien qu’il ne s’agit pas du verbe seulement, mais du VP entier. Problème avec le système de Vendler : il ne parvient pas à expliquer la différence primaire entre les statives et les événementielles, le rôle de l’agent et le force qu’il applique. De plus, beaucoup des langues ont de la morphologie qui distingue entre les statives et les événementielles. Y a-t-il des autres langues qui font une distinction morphologique entre les autres ? 1.3 R vs. E : le parfait existential Reichenbach (1947), Hornstein (1990) (3) John watched TV. Passé simple (4) S E (5) Le sens du passé simple (premier essaie) : S < E (6) John has watched TV (before). temps de l’utterance (S comme « speech ») temps de l’événement Parfait Les sens sont antérieurs, mais ils sont un peu différents. En fait, c’est une forme du « pouce du panda. » On peut dire que les sens sont « assez semblables » et que les usages sont différents. Ou on peut dire que les sens sont vraiment différents, mais que les deux impliquent l’antériorité. Ou est-ce qu’on trace la limite ? 2 Reichenbach propose qu’il y a au fond deux sens différents. L’argument repose sur l’idée qu’il y a un autre temps qui entre dans le calcul. Cet autre temps peut être « shifté » vers l’antérieur par le passé. (7) John had watched TV (before). Plusqueparfait (passé + parfait) (8) R (9) Le sens du passé simple [deuxième essaie] : R < S Le sens du parfait existential : E < R temps de la référence Notation : « X, Y » veut dire que deux points X et Y sont simultanés, et « X _ Y » vert dire que X précède Y. (10) Passé simple : E, R _ S Parfait existential : E _ R, S Plusqueparfait existential (passé simple + parfait existential) E _ R _ S On a besoin d’un rôle spécial pour R, parce que le passé simple et le parfait doivent avoir des interprétations différentes, bien que dans les deux, E précède S. Kamp et Reyle (1993) et Klein (1997) suggèrent que R c’est le temps dont on parle, le « temps du topique ». Donc en quelque sorte le passé simple dit quelque chose d’un temps antérieur, alors que le parfait existential dit quelque chose du présent. En général, dans une telle théorie : (11) Le temps met en rapport S et R L’aspect met en rapport R et E Questions : Le temps et l’aspect, ont-ils les mêmes sortss de relations, ou y –a-il des différences ? S’ils y a des différences, pourquoi ? Y a-t-il d’autres temps à part S, R, et E ? Est-ce qu’il faut toujours R? Comment est-ce qu’on décide? Dans le lexique, un morphème est-il listé d’après sa relation entre R et l’autre temps, ou est-il listé juste comme une relation entre deux temps, avec les « rôles » des temps déterminés par la structure dans laquelle ils apparaissent ? Toutes ces questions demandent en fait : Qu’estce qui nous fait appeler à quelque chose « temps » ou « aspect » ? 2. Une promenade dans le zoo aspectuel 2.1 Autres parfaits Iatridou, Anagnostopoulou, et Izvorski (2001) et op cit. Noms pour les sens différents de la morphologie du parfait : (12) Parfait existential/d’expérience (« parfait E ») (comme ci-dessus) John has watched TV (before). 3 (13) Parfait universal (« parfait U ») a I have been in Paris for four months. b Je suis à Paris depuis quatre mois. c #I am in Paris for four months. (possible mais un sens différent) d *J’ai été à Paris depuis quatre mois. Notons que l’usage du terme « parfait U » est pour une lecture, mais également il faut une certaine morphologie. Quand une telle lecture est disponible pour une autre sorte de morphologie, ce n’est pas appelée « parfait U ». Parfait résultatif (14) I have spilled my coffee. a (Lecture du parfait E : j’ai eu l’expérience de faire ça.) b Lecture du parfait résultatif : c’est ce qui s’est passé, et le café est encore renversé Variation inter-linguistique pour le parfait résultatif: (15) a b Wer hat dieses Gebäude gebaut ? Who built this building ? (16) Did you eat yet ? Panda vs. humain, ou chauve-souris vs. humain ? (17) Parfait de « hot news » (nouvelles fraîches) a The pope has died. b #The pope died. 2.2 Progressif(s) Le progressif sont une type de lecture des imperfectives. Les autres lectures possibles pour les morphèmes appelés « imperfectives » incluent les lectures génériques/habituelles (cf. Cipria et Roberts 2001), et une lecture « neutre » (cf. Smith 1991). (18) a b John was singing. John sang. (19) Bennett & Partee, 1973 [[prog-b&p]] = λp λt . ∃t’ ⊃ t : p(t’) Dowty (1979) : « paradoxe imperfectif » (20) a b Mary was building a house. But then she lost interest and she never finished it. Solution (Dowty, aussi Landman 1992, autres) : un modale sous (essentiellement) le progressif B&P (21) [[prog-dowty]] = λp λw λt . ∃t’ ⊃ t : [∀w’ qui sont continuations inertielles de w à t : p(w’)(t’)] 4 Variation inter-linguistique : (22) a b I’m leaving tomorrow. *Je suis en train de partir demain. Panda et humain, ou chauve-souris et humain ? 2.3 Un proposal très générale des composants temporales des APVs Zagona (2005) (mon formalisation) Aspects avec la quantification existentiale (23) [[aspect]] = λp λt . ∃t’ t : p(t’) (ici, « t » c’est R, le « temps de référence/topique », et « t » c’est E, le « temps d’événement » ) La relation peut être : (24) =⊃ R est incluse dans E: progressif, c’est-a-dire [[progressif]] = P + modale P = λp λt . ∃t’ ⊃ t : p(t’) (25) =⊂ R inclus E : parfait E, c’est-a-dire [[parfait E]] = E E = λp λt . ∃t’ ⊂ t : p(t’) Copley (dans ma tête depuis longtemps mais pas écrit) : Aspects avec la quantification universale (26) a G (comme « générique »)= λp λt .∀t’ ⊃ t : p(t’) [[générique]] = G + modale U (comme « parfait U ») = λp λt .∀t’ ⊂ t : p(t’) [[parfait U]] = U b Voir aussi Copley (2005) pour des parallèles entre P et G. Est-ce qu’il y a la possibilité d’avoir des modales avec les parfaits ? Oui ! Voir par exemple Izvorski/Pancheva (1997, 2005) sur les parfaits « evidentiales » en bulgare. (27) ∃ ∀ R incluse dans E : imperfectives R inclus E : parfaits P G E U Est-ce qu’il y a la possibilité de ne pas avoir aucune relation spécifiée entre R et E ? Si oui, c’est l’imperfectif « neutre » ? Ce n’est qu’un commencement, mais ça fait un bon « hypothèse working ». Dans cette approche, les questions à poser, quand on regarde un morphème aspectuel, sont : 5 Qu’est-ce que c’est la relation entre R et E (ou bien sûr, entre deux autres temps) ? Qu’est-ce que c’est la force de la quantification ? Est-ce qu’il y a de la modalité ? Je pense que ces trois questions pourraient être très utiles en triant les sens possibles. Variation, acquisition, et change : il y a beaucoup de sens disponibles, mais une langue n’a pas besoin de tous parce qu’ils sont très proches. Mais parce qu’ils sont très proches, l’enfant peut se tromper, et puis la langue change… Un alternatif : Les différences sont trop régulières, les changes sont trop prévisible ; on a besoin des processus plus organisé, c’est-à-dire le pragmatique, pour expliquer la change (voir par exemple des œuvres de Caudal, Caudal et Roussarie). La question des « pouces » : Aucune réponse générale à cette question. 3. Aspects “méchants” 3.1 Des aspects qui fixe la location temporale Des APVs et des Aktionsarten qui fixent (ou au moins influencent) la location temporale : (28) Smith & Erbaugh, 2002 (Mandarin) Deictic pattern of temporal form and interpretation a Ongoing events are in the Present: located at Speech Time b States (unbounded) are in the Present: located at Speech Time c Bounded events are in the Past: located before Speech Time d Explicit temporal information may override a-c Créole Haïtien, e.g. (Dechaine 1991) Evénementielles : interprétation antérieure (29) Jan fe yon gato. Jean faire un gâteau ‘Jean a fait cuire un gâteau’ ≠ ‘Jean fait cuire un gâteau’ Statives : interprétation présent (30) Mari renmen chat la. Marie aime chat la ‘Marie aime la chat.’ ≠ ‘Marie a aimé/aimait la chat.’ (sauf la lecture « présent historique ») L’idée que quelque chose qui n’est pas le temps peut fixer la location temporale est récemment devenue populaire : Cf. aussi Shaer 2003, Bittner 2005, Alexiadou 2005 pour des discussions intéressantes. 3.2 “Faux aspect” Iatridou, 2000 (grec) 6 (31) a b An pari afto to siropi tha gini kala. si prendre-np-pff ce sirop fut devenir-np-pff sain ‘S’il prend ce sirop, il deviendra sain.’ An eperne afto to siropi tha ginotan kala. si prendre-pst-imp ce sirop fut devenier-pst-imp sain ‘S’il prendait ce sirop, il devenait sain.’ ≠ ‘S’il était en train de prendre ce sirop, il devenait sain.’ (32) *S’il a pris ce sirop, il devenait sain. 3.3 Aspects et modales Dans certaines langues, de la morphologie aspectuelle peut apparaître dans une position plus haute qu’un modale. Les interprétations résultantes peuvent être difficile à comprendre. Laca, 2005 (33) …ha debido demostrarse … …a dû montré… ‘must have shown’ PARFAIT + DEVOIR + PP Même si on met de côté les problèmes de scope, il y a encore une question : Est-ce que un tel aspect peut avoir un événement comme argument ? (34) aspect avec événements ? [[aspect]] = λp λe . ∃e’ R e : p(e’) L’aspect prend une proposition, ici une proposition modalisée ; mais ce n’est pas plausible pour une proposition modalisée de prend un événement ! Il faudrait un événement (avec location spatiale, et participants, et, pourquoi pas, les instruments) qui est « l’acte de devoir/pouvoir/etc. » et ça semble très étrange. Donc il paraît que cet aspect doit être plutôt un de ceux-ci en dessous. (35) aspect avec temps ? [[aspect]] = λp λt . ∃t’ R t : p(t’) (36) aspect avec situations ? [[aspect]] = λp λs . ∃s’ R s : p(s’) Mais ça nous force de dire quelque chose de semblable pour les autres (plus bas) APVs ? Ou non ? La même question se pose pour la modalité « aspectuelle » dans les progressif et les génériques, qui est un peu différente de celle de ces « vraies » modales (Copley, 2005). Même si la morphologie aspectuelle est prononcée sous le modale, ils y ont toujours problèmes intéressantes de scope ; voir Demirdache & Uribe-Etxebarria 2005, Condoravdi 2001, et op. cit. 4. Conclusions Je suggère que les contenus de cette section deviennent un exercice en groupe : Quelles sont les questions les plus importantes pour notre projet ? 7 5. Références Alexiadou, Artemis. 2005. « Tense (and mood) in the nominal domain ( ?) » Exposé présenté au Workshop on the Linguistic Representation of Tense and Mood, Universität Stuttgart. Bennett, M. & Barbara Partee. 1978. Toward the Logic of Tense and Aspect in English. Indiana University Linguistics Club. Bittner, Maria. In press. « Future discourse in a tenseless language. » Journal of Semantics. Copley, Bridget. 2005. « Ordering and reasoning. » USC ms. http://www-rcf.usc.edu/~copley/ Condoravdi, Cleo. 2001. « Temporal interpretation of modals : Modals for the present and for the past. » Dans David Beaver, Stefan Kaufman, Brady Clark, et Luis Casillas (eds.), Stanford Papers on Semantics, CSLI Publications, 59-82. Dechaine, Rosemary. 1991. « Bare sentences. » SALT I. Demirdache, Hamida, et Myriam Uribe-Etxebarria. 2005. « On the temporal syntax of non-root perfect modals : Temporal anaphora and scope reversal. » Exposé présenté à Time and Modality : A Round Table on Tense, Mood, and Modality. http://www.llf.cnrs.fr/TM/ Dowty, David. 1979. Word Meaning and Montague Grammar. Dordrecht : Reidel. Iatridou, Sabine. 2000. « The grammatical ingredients of counterfactuality. » Linguistic Inquiry 31 : 231-270. Iatridou, Sabine, Elena Anagnostopoulou et Roumyana Izvorski. 2001. « Observations about the form and meaning of the perfect » Dans Michael Kenstowicz (ed.), Ken Hale : A Life in Language. 189-238. Cambridge, Mass. : MIT Press. Izvorski, Roumyana. 1997. « The present perfect as an epistemic modal. » University of Pennsylvania ms. http://www-rcf.usc.edu/~pancheva Laca, Brenda. 2005. « Aspect and the interpretation of modal verbs in Spanish. » Exposé présenté à Time and Modality : A Round Table on Tense, Mood, and Modality. http://www.llf.cnrs.fr/TM/ Landman, Fred. 1992. « The progressive. » Natural Language Semantics 1 : 1-32. Pancheva, Roumyana. 2005. « Tense and evidentiality. » Exposé présenté à Time and Modality : A Round Table on Tense, Mood, and Modality. http://www.llf.cnrs.fr/TM/ Shaer, Benjamin. 2003. « Toward the tenseless analysis of a tenseless language. » SULA 2. 139-156. GLSA, University of Massachusetts, Amherst. Smith, Carlota, 1991. The Parameter of Aspect. Dordrecht : Kluwer. Smith, Carlota et Mary Erbaugh. 2002. « Temporal interpretation in Mandarin Chinese. » Vendler, Zeno. 1967. Facts and Events. Cornell University Press. Zagona, Karen. 2005. « Partitivity and the temporal mapping from Event-time to Reference-time, » University of Washington ms. 8