Tende – Sainte Agnès (Menton)
Transcription
Tende – Sainte Agnès (Menton)
Tende – Sainte Agnès (Menton) 22 au 27 septembre 2015. 58,5 km. Mardi 22 septembre Tende – La Brigue 6,2 km, D+ : 448 m D- : 502 m, durée 2h 30 Temps couvert. Partis très tôt de Lyon par le TGV pour Nice, nous avions une correspondance pour le « train des merveilles ». En fait de merveilles, l'itinéraire ferroviaire grimpe bien dans les montagnes de l'arrière pays niçois, mais nous sommes tellement dans les tunnels que finalement on ne voit pas grand chose. Nous apercevons tout de même quelques villages perchés ce qui nous laisse présager de notre parcours pédestre. Nous admirons au passage la prouesse technique que fût la réalisation d'une telle voie ferrée1 où l'on ne compte plus les viaducs et les tunnels... A notre arrivée à Tende (810 m), notre première impression est d'avoir passé une frontière et de ne plus être en France. Tende à tout d'un village piémontais de montagne, ce qu'il était d'ailleurs jusqu'en en 1947, date de son rattachement à la France2. Notre étape pédestre consiste à franchir le col de Boselia pour redescendre ensuite sur la Brigue. Le départ est un peu raide mais assez vite nous sommes à flanc de coteau et nous avons une jolie vue sur Tende, une fois passé le col de Boselia (1111 m) nous bifurquons vers l'est pour redescendre par le vallon de même nom. Quelques écologistes courageux ont décidé de faire revivre le vallon et nous rencontrons plusieurs maisons habitées. Un beau chemin caillouteux nous permet de déboucher sur La Brigue (760 m), blottie au fond de la vallée. https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Brigue Nous trouvons notre hôtel malgré l'animation inhabituelle et l'encombrement des ruelles dus à la réalisation d'un film inspiré du roman de Joseph Joffo, « un sac de billes »3. Dix fois la même scène est recommencée. L'équipe technique, slovaque, ne parle pas le Jolie vue sur Tende français. Il y a énormément de matériel et de monde sur le site de tournage, aussi l'hôtel est bien plein heureusement, nous avions retenu quelques jours auparavant la seule chambre disponible. Le soir lors d'un tour dans le village nous trouvons une épicerie de producteurs locaux, pour la plupart ce sont des écolos du coin, et nous y achetons un bout de pain excellent qui nous fera 3 jours sans sécher... Mercredi 23 septembre La Brigue – Saorge 16,8 km ; D+ : 1242 m D- : 1510 m, Durée 6h 15 Soleil puis couvert puis mélange pluie grêle Partis sous le soleil, nous grimpons des pentes assez raides jusqu'au col d'Arpèse (1288 mm). Ici on ne dit pas « col » mais « baisse » cette appellation viendrait du fait qu'au niveau du col la montagne est abaissée. A peu de distance nous atteignons donc la baisse de Peluna (1279 m) puis par un large chemin facile et presque plat le baisse de Géréon (1254 m). Au détour d'un chemin nous faisons la rencontre d'un berger atypique qui vit entourés de chiens. Il nous mets en garde contre les huit patous qui défendent ses brebis contre les loups. C’est en effet par le parc du Mercantour tout proche que les 1 Inaugurée en 1928. 2 Par un référendum local où plus de 93% des votants ont voulu être français. 3 Publié en 1973. L'action se passe pendant la seconde guerre mondiale. canidés se sont réintroduits en France. Pour traverser la meute de patous la bonne technique est de ranger les bâtons dans le sac et de se faire discret : si vous n'êtes pas dévorés tout cru vous passez...Nous avons même amélioré cette technique de base : l'heure de notre pause de midi étant arrivée nous nous sommes arrêtés une centaine de mètres avant le troupeau ce qui a permis aux patous de venir nous renifler, nous en avons profité pour les amadouer avec la croûte de notre fromage et bien sûr nous sommes passés sans encombre. Même pas peur des patous Authentique berger du Mercantour en voie de Après la baisse de Lugo puis la Fontaine des chiens disparition (1472 m) le chemin est une simple sente tracée dans les éboulis très raides qui permettent d'atteindre la baisse d'Anan (1555 m). C'est par là que le vent du nord froid et la pluie mêlée de grêle nous rattrapent vraiment et qu'il faut songer à trouver un abri. Nous le trouvons dans une bergerie à moitié écroulée (bergerie d'Anan ; 1431 m) où nous restons vingt minutes, le temps de laisser passer le plus gros de l'intempérie. La descente est longue jusqu'à l'abreuvoir de la Pinée où nous décidons d'emprunter la variante par le vallon de Peïremont supposée moins raide et donc moins fatigante pour nos genoux. Nous arrivons sur le village perché de Saorge (500 m) par L'orage nous surprend, mais c'est beau l'ancien couvent franciscain. Les ruelles du village sont si étroites qu'aucune voiture ne peut y circuler. L'ensemble est magnifique, la couverture des toitures en lauzes grenats est très homogène. C'est un jeune de 35 ans qui va nous héberger dans une grande maison où il vit mais qui comporte plusieurs chambres d'hôtes. Tout est nickel, le sol est en marbre et nous quittons chaussures et bâtons avant même d'entrer boire un thé. Le seul restaurant ouvert, le Bellevue, est désert mais il porte très bien son nom, la salle à manger surplombant les magnifiques gorges de la Roya d'une centaine de mètres. Arrivée sur Saorge Jeudi 24 septembre Saorge – Breil-sur-Roya 7,8 km ; D+ : 617m d- : 822 m. 4 h. Très beau temps. Nous ne sommes pas pressés, l'étape du jour n'étant pas très longue, aussi nous prenons notre temps pour visiter le village perché. Nous visitons ainsi l'église baroque du début du XVI ème siècle, où un chat nous suit et nous n'arriverons jamais à le faire ressortir de ce lieu consacré... Nous visitons ensuite un véritable joyau, monument national (http://www.saorge.fr/les-monuments/monastere-desaorge.html): l'ancien couvent des franciscains. Il a été fondé en 1633 et a fermé définitivement en 1988. Très bien conservé le couvent comporte de nombreuses peintures réalisées vers 1750 et relatant pour la plupart la vie de st François d'Assise. Il est doté d'un jardin très bien cultivé par une jeune jardinière et dont les produits sont distribués aux écrivains qui ont obtenus le droit de résider quelques mois dans ce lieu très calme. Une ruelle assez raide que des cantonniers nettoient à grande eau nous conduit au bord de la Roya aux eaux parfaitement limpides. Nous empruntons le nouveau tunnel routier Cloître du couvent de 600 m car une crue a emporté la passerelle située sur notre itinéraire. Nous montons et redescendons sans saorge sous la lumière du matin cesse sur le flanc de la montagne qui borde la rive gauche de la rivière. C'est là que nous rattrapons un allemand solitaire avec lequel nous faisons un brin de conversation. Il est en route depuis la mi-août et chemine dans le coin, tantôt en Italie, tantôt en France. Il semble très bien connaître la région où il est déjà venu en 2010 et 2013, alors que « les chemins étaient beaucoup moins raides » nous dit il avec son humour décapant. A la retraite « il est en vacances jusqu'à la mort » et passe plusieurs mois par an à marcher. Nous le doublons et nous déjeunons au soleil un peu plus loin, car si le soleil est vif l'ombre est très fraîche. Un des beaux chemins « raides » Un autre chemin L'arrivée sur Breil devait se faire en prenant un chemin à droite au niveau de la balise n°153, mais un raccourci quelques centaines de mètres avant cette balise s'avère plus pratique et nous amène par le même chemin exceptionnel, taillé dans la pierre à Breil. https://fr.wikipedia.org/wiki/Breil-sur-Roya Nous sommes bien vite dans le centre du vieux Breil qui est affecté par un mouvement de terrain qui a conduit à l'évacuation de quelques maisons sérieusement lézardées et consolidées par des madriers et des ferrailles, l'ensemble nous paraît bon pour la démolition... Nous choisissons la « Bonne Auberge » comme logis et nous y retrouverons le soir notre allemand qui connaît bien cette maison où nous ferons table commune le soir. Ce célibataire a eu une vie plutôt agitée qui l'a conduit au Nigéria comme professeur d'allemand, il vit actuellement à Constance dans le Bade-Wurtenberg. Il est très drôle et professe des idées originales, rejetant le bio, au motif que « ce qui est bon pour les plantes est bon pour les hommes ». Il va même jusqu'à réclamer du moins bio ! Ce n'est pas le genre à boire un verre d'eau avec une feuille d'ortie mais plutôt un sérieux de bonne bière... Vendredi 25 septembre Breil-sur-Roya – Sospel 14,4Km ; D+ : 1215 m ; D- : 1148 m ; 6 h. Très beau Il y a deux solutions pour rejoindre Sospel à pied, soit le GR 510, proche de la frontière italienne, soit le GR 52A. Nous choisissons le second itinéraire qui bien que présentant davantage de dénivelé nous paraît plus direct. Nous montons donc avec Breil dans notre dos, nous atteignons par un beau chemin bien empierré la chapelle de Notre Dame des Grâces puis par une montée soutenue le col de Brouis (880 m). Ce col est accessible en voiture. Après examen de la carte nous optons pour une variante encore un peu plus élevée mais qui nous paraît plus courte, nous empruntons la route de l'armée des Alpes et nous tombons bientôt sur un blockhaus encore équipé de sa tourelle de tir. La caserne toute proche est abandonnée et nous nous enfilons dans un bois pour rejoindre la baisse de Levens (1106 m), ce sera là le point culminant de la journée. Dans la descente nous coupons la route du mont Gros et nous décidons de l'emprunter, toujours dans le souci de ménager nos jointures. Cette route qui fait un détour assez important longe le parc du Mercantour. Nous la quittons au niveau de la baisse de Figuiéra (772 m) pour descendre sur Sospel ( 340 m)par un très beau chemin empierré. Presque immédiatement nous arrivons au Pont Vieux établi au XIIIème siècle, bien restauré dans les années 1950. C'est un ancien point de péage sur la Sospel, le pont vieux route du sel, cette route du sel permettait d'acheminer le sel jusque dans la nord de la Savoie (les Contamines-Montjoie) et générait un trafic considérable d'environ 5 000 mulets et ânes par mois. Nous descendons à l'hôtel du pont Vieux tenu par un couple d'anglais au français hésitant. Le soir un tour dans Sospel nous permet de découvrir la cathédrale St Michel et la place attenante. Samedi 26 septembre Sospel saint Agnès 13 km D+ : 1259m D- : 1004 m ; 6 h Beau temps, voilé à partir de 14h. Une fois la voie ferrée franchie c'est un chemin assez pentu qui monte au roc de Maurigon (710 m). Nous rattrapons deux couples qui font les mêmes étapes que nous mais dans la cadre d'un tour vendu par la société de tourisme Allibert, ces braves gens n'ont donc pas le souci de chercher un logement ou un restaurant et ne portent qu'un bagage très léger, les hôteliers se chargeant d'acheminer les valises à l'étape suivante. L'inexactitude de la carte allié à l'indigence du jalonnement nous font connaître une erreur qui nous fait passer beaucoup plus haut que prévu à Plan German (1005 m) où nous arrivons par un bon sentier qui ne figure pourtant pas sur la carte. Nous nous repérons grâce à la bergerie de Plan German et poursuivons jusqu'à la baisse de Souvion (1168 m). Nous croisons quelques véhicules de chasseurs et nous apercevons le cadavre d'un sanglier fraîchement abattu. Arrivé au col nous sommes rejoint par une équipe de VTTéristes parfaitement équipés. Je soulève un vélo qui ne pèse que 12 kilos mais qui coûte tout de même 5 000 Nous ne sommes pas les seuls ! € ! Un cycliste nous conseille un itinéraire par les crêtes qui nous allongerait le trajet de manière considérable aussi nous prenons une option plus raisonnable qui consiste à descendre sur le col du Castillon par Biatonéa. C'est là que nous tombons sur une équipe de six femmes toutes plus grandes et fortes les une que les autres, il s'agit de suédoises dont je me demande si elles ne sont pas les membres d'une équipe d'haltérophilie ou de catch ! Du col du Castillon (728 m) nous apercevons au loin les maisons de Sainte Agnès blotties contre un piton. La large piste que nous empruntons sur quatre ou cinq kilomètres et qui est interdite même aux riverains par temps de pluie est coupée par un éboulement assez conséquent mais les piétons que nous sommes peuvent encore se faufiler. En vue de Sainte Agnès nous bifurquons vers la droite afin d'éviter de descendre dans un énorme creux qu'il faudrait évidemment remonter et c'est par Peyre Grosse, un vallon très frais où coule de l'eau que nous arrivons sur la chapelle de Ste Agnès (602 m). Il y a là un arrêt de bus et l'horaire nous apprend qu'il y aura un bus dans une heure pour Menton. Comme notre solution de logement « chez le corse » négociée difficilement nous plaît moyennement nous décidons de prendre le bus. En attendant sur un banc se trouve un couple de retraités qui prend l'air. Lui, ancien responsable des transports urbains de Monaco est très prolixe et nous explique des tas de choses sur Monaco, notamment comment Rainier III a négocié avec De Gaulle pour récupérer la TVA sur les produits d'origine française vendus à Monaco. C'est le froid qui les chasse et notre minibus arrive bientôt. La descente n'est pas évidente car la route est étroite mais le chauffeur est un vrai virtuose et nous arrivons à la gare SNCF où nous prenons nos billets de retour pour le lendemain. Le soir nous mangeons à la coupole, un restaurant d'habitués (surtout des retraités) où nous goûtons l'aïoli provençal. Conclusion Cette petite semaine de marche a finalement été assez rude, les étapes courtes en distance ne l'ont pas été en dénivelées, au total nous avons fait 4180m positifs et 4990m négatifs (d'après Google Earth sur lequel, nous avons tracé l'itinéraire) et ce n'est pas bon pour nos genoux surtout ceux de Jacques. Le relief dans ces vallées de l'arrière-pays de Menton est spectaculaire et les vues, depuis les hauteurs, au nord comme au sud splendides.Mais pour les habitants, cette situation géographique et géologique est certainement un problème, une rapide recherche sur internet nous montre que tous ces villages sont exposés à d'importants aléas naturels, glissements de terrain, inondations, effondrements et l'agriculture qui autrefois devait être assez florissante est maintenant pratiquement abandonnée, les terrasses jadis cultivées jusqu'à plus de 1000 m, sont gagnées par la végétation spontanée. Ces villages perchés ont gardé de ce fait une grande authenticité qui plaît au touriste de passage, mais l'état de la plupart des habitations trahit une certaine pauvreté de la population résidente. Pour le marcheur, cette balade est a recommander, les hébergements existent, les chemins sont tracés, et après l’âpreté des vallées et des baisses, l'arrivée sur la Méditerranée est un joli cadeau. Menton au petit matin fin septembre