Hacène Belmessous, Opération banlieues. Comment l`État prépare

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Hacène Belmessous, Opération banlieues. Comment l`État prépare
Hacène Belmessous, Opération banlieues. Comment l’État prépare la
guerre urbaine dans les cités françaises, La Découverte, 2010.
Chers camarades,
Pour ce nouveau
numéro, un
panorama de sujets
divers allant de nos
combats
fondamentaux
(logement) à des
questions plus
méconnues
(l’euthanasie). Les
deux autres articles
sont quant à eux
consacrés au
décryptage toujours
nécessaire d’un
capitalisme bien
décidé à nous vendre
la peur (ici en
banlieues et là-bas
outre-mer) pour
miner toute
résistance. Bonne
lecture !
Nordine Idir
L’ouvrage de ce journaliste présente une vue d’ensemble de la politique
sécuritaire de Nicolas Sarkozy en direction des quartiers populaires considérés comme
des terres de non-droit…
La sortie en 2008 du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale éclaire
bien les mutations impulsées par Nicolas Sarkozy. Pour la première fois, défense et
sécurité nationale sont mêlées : il s’agit de lutter contre les ennemis de l’extérieur et
de l’intérieur… L’utilisation de l’armée de terre devient possible sur le territoire
français comme à l’époque de la guerre d’Algérie. Des soldats sont déjà préparés dans
un camp d’entraînement pour des opérations en milieu urbain. Un Conseil de défense et
de sécurité nationale – Pentagone à la française avec pleins pouvoirs au président –
sera chargé d’évaluer les forces à utiliser pour enrayer la nouvelle « crise des
banlieues ». Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur est
également un point d’étape pour réduire la distance du militaire avec la police.
L’urbanisme est aussi touché. Le gouvernement et l’Agence Nationale pour la
Rénovation Urbaine (ANRU) obligent les acteurs locaux à redessiner des quartiers en
accord avec la police pour lui faciliter la tâche. La loi prévoit l’obligation de la prise en
compte des demandes de la police lorsque des logements sociaux sont reconstruits :
emplacements stratégiques pour un éventuel commissariat, voies d’accès réservées pour
la police, etc.
Le programme sécuritaire passe aussi par la vidéosurveillance, présentée comme
l’outil permettant de réduire la délinquance et de lutter contre le terrorisme : 60 000
caméras installées depuis 2007, 20 millions € pour leur installation dans 75 villes sans
compter tous les frais supplémentaires. Ça ne permet pas de reconnaître terroriste ou
délinquant : dangereux, inefficace et ruineux donc. La LOPPSI 2 prévoit pourtant
(article 17 ter) qu’en cas de mairie refusant d’installer des caméras, le préfet puisse
s’y substituer pour imposer la vidéosurveillance et l’inscrire d’office au budget.
Quant aux bailleurs sociaux, ils sont sommés d’intégrer le programme
sécuritaire. Depuis 2010, la loi leur permet d’installer dans toutes les parties
communes des caméras avec renvoi automatique des images à la police. Les dérives sont
inévitables. D’ores et déjà, l’OPAC du Rhône a passé un contrat avec une entreprise de
sécurité privée. Ces agents de sécurité, choisis de préférence « d’origine nord-africaine
ou subsaharienne », vont là où la police ne va plus pour faire un travail de prévention
mais aussi de répression. Ces mi-grands frères, mi-gardiens d’immeubles, mi-policiers
pourront porter des bâtons défense de type tonfa lorsque le préfet les y autorise…
L’ouvrage d’Hacène Belmessous permet de comprendre comment la politique
sécuritaire est adossée à la politique capitaliste de la bourgeoisie. Les quartiers
populaires sont abandonnés à leurs maux pendant que l’État adopte une ligne attentiste
mais prévoit tous les outils nécessaires pour écraser toute révolte des banlieues.
Ourouk Jawad
A partir d’une note d’
L’Humanité (23/02/2011)
Lofti Maherzi, professeur des universités (Versailles – Saint-Quentin)
L’hypocrisie des élites médiatisées
Le philosophe slovène Slavoj Žižek écrivait récemment dans Libération « Les libéraux
occidentaux soutiennent publiquement la démocratie, hypocritement, et quand le peuple se
soulève contre les tyrans, ils sont profondément inquiets. » Il aurait pu ajouter dans sa
magistrale démonstration que cette même hypocrisie est lourdement présente dans
l’intelligentsia française et autre « élite médiatisée » – d’Alain Finkielkraut à André Glucksmann,
de Bernard-Henri Levy à Alexandre Adler et tant d’autres. Ces philosophes, dont le combat
devrait être partout dans le monde, au cœur des luttes contre les tyrannies, les dictatures et les
impunités, ont trahi les révolutions arabes, par leur silence éloquent et complaisant.
On le sait maintenant, les soutiens extérieurs aux révoltes arabes ne sont pas venus de
ces intellectuels médiatisés, mais d’autres intellectuels français trop souvent écartés des cercles
influents pour leur engagement à contre-courant du politiquement correct.
Pourquoi cette faute ? La réponse réside dans les stratégies humanitaires empruntées par
ces philosophes trop souvent opportunistes et sélectifs ainsi que dans leur volonté de donner
une posture géopolitique à des discours essentiellement identitaires.
Une contestation sélective et communautariste, une surenchère verbale destructrice
Ces intellectuels et bien d’autres étaient naguère en première ligne pour défendre la
liberté d’expression et les causes justes ; désormais, ils apportent leur soutien à des causes
conservatrices et communautaires : guerre en Irak et en Afghanistan, ils militent pour l’invasion
de l’Iran et défendent la politique israélienne au moment où celle-ci est accusée de bafouer les
règles élémentaires du droit humanitaire et international.
Affichant sur les plateaux indépendance et liberté d’esprit, ils se mobilisent en réalité en
propagandistes grâce à leurs multiples réseaux influents, contre tous ceux qui dénoncent la
politique de colonisation et d’oppression du gouvernement d’Israël.
Stéphane Hessel, humaniste, à l’avant-garde de toutes les luttes contre les oppresseurs et
les tyrans, a subi leur censure infâme pour empêcher les échos de son indignation contre la
colonisation des territoires palestiniens et les raisons du boycott des produits provenant de ces
territoires spoliés.
Alors qu’en Israël, des artistes, des auteurs et des cinéastes s’opposent à se déplacer ou à
se produire dans ces territoires, car attitude contraire au droit international et que partout dans
le monde, de plus en plus de démocrates juifs refusent de cautionner la politique du
gouvernement Netanyahou, car elle est contraire à leur propres valeurs, nos philosophes
utilisent la vieille stratégie du bunker pour censurer toute pensée critique envers Israël.
Leur mobilisation bruyante pour empêcher la lapidation de l’Iranienne Sakineh se
réfugie dans le silence lorsqu’il s’agissait de dénoncer l’agression contre la flottille pour soulager
le blocus de Gaza ou de condamner les prêches haineux du Rabin Ovadia Yossef, dirigeant
religieux du parti Shass au pouvoir ou la publication récente et en toute liberté de La Torah du
Roi incitant à la haine raciale et à la violence (1).
J’attendais donc avec une certaine curiosité leurs réactions aux révoltes tunisiennes et
égyptiennes. Elles sont venues pour la plupart bien tardivement, lorsque le peuple tunisien a
congédié le dictateur.
La révolution tunisienne : une joie différée, une dictature regrettée.
Le silence ancien, frileux et gêné s’est vite transformé dans le bloc-notes de Bernard
La révolution tunisienne : une joie différée, une dictature regrettée.
Le silence ancien, frileux et gêné s’est vite transformé dans le bloc-notes de BernardHenri Levy dans Le Point, en exclamation de joie et de louanges à la révolution tunisienne.
L’adhésion est respectable mais insuffisante car fondée sur des erreurs et des omissions
orientées. En expert géopolitique, le philosophe prédit dans cet élan enthousiaste, un effet
domino pour « demain, la Libye de Kadhafi, la Syrie de la famille Assad, peut-être l’Iran
d’Ahmadinejad ». Peut-être aussi le Maroc que le philosophe biffe volontairement ou
inconsciemment de la liste, alors que tous les démocrates marocains dénoncent un royaume
« rongé par la corruption et oxydé de misère ».
Autre argument hâtif : le moteur de la révolution tunisienne fut boosté non par le
prolétariat, ni par les pauvres ou les classes moyennes surdiplômées mais par les usagers de
Facebook et de Twitter. Quel raccourci techniciste qui donnerait à ces nouvelles
technologies un pouvoir révolutionnaire ? Comment ne pas prendre en compte dans cette
analyse hâtive, ces milliers de Tunisiens ordinaires, brandissant des baguettes de pain, pour
clamer leurs revendications sociales ? Comment omettre le rôle décisif des organisations
syndicales dans l’anticipation et la mobilisation de l’insurrection populaire ? Comment ne
pas relever que la majorité des centaines de morts victimes de la répression du système Ben
Ali, étaient des jeunes chômeurs, paysans, artisans ou ouvriers ? Tous ces faits contredisent
le pouvoir exclusif des réseaux sociaux dans le déclenchement de l’insurrection tunisienne.
Certes, il ne s’agit pas de nier leur rôle facilitateur et mobilisateur dans la coordination des
marches populaires, mais signalons que les milliers de manifestants, ont été beaucoup plus
sensibles au seul média crédible à leurs yeux : El Jazeera. L’unique chaîne dans le paysage
arabe à critiquer les dictatures bien avant les insurrections tunisiennes et égyptiennes.
Dans le même registre condescendant, l’essayiste Alexandre Adler, promoteur de la
politique désastreuse des chocs des civilisations et des croisades anti-arabes dira dans NiceMatin que la Tunisie « demeure une expérience encourageante au Maghreb. Si cette société
n’était pas une démocratie, elle n’était pas non plus son contraire. » Et pour justifier
l’argument, il invoque « l’émancipation des femmes, et l’instauration d’un Code civil »
oubliant au passage de rappeler que la paternité de ces acquis revient à l’ancien président
Habib Bourguiba et que les prémices de cette modernité, comme l’a rappelé si justement la
journaliste Olfa Balhassine, ont été diffusées dès le XIXème siècle dans les institutions
tunisienne par les beys réformateurs de l’époque. Il poussera la servilité jusqu’à minorer « la
captation des richesses par Ben Ali et son clan » bien inférieure à celle des pays voisins.
Dans un autre passage, il soutien sans complexe que « même dans la pire période de Ben
Ali, les Tunisiens ont toujours été plus libres que leurs voisins. » Encore des conclusions
truffées d’erreurs et méprisantes pour les millions de Tunisiens qui n’ont jamais connu cette
liberté.
La révolution égyptienne : une vision culturaliste, un discours haineux
Quel paradoxe ! Quelle hypocrisie ! Alors que jamais dans l’histoire du monde arabe, on
avait assisté à des révolutions populaires aussi fécondes, Alain Finkielkraut, Bernard-Henri
Levy et Alexandre Adler se mobilisent pour agiter le chiffon rouge du péril vert et entonner
leur refrain favori et catastrophique sur une issue inévitable à l’iranienne de la révolution
égyptienne. Thèse, non sans quelques fondements et beaucoup de démocrates notamment
arabes ne résistent pas à l’analyse, si celle-ci n’était pas instrumentalisée à des fins
culturalistes et géopolitiques.
Ces auteurs surfent en vérité sur une vision culturaliste qui divise l’humanité en
entités fictives, nous – les Occidentaux avec notre modèle démocratique occidental et sa
force civilisatrice – et eux – les musulmans et les Arabes, sans tradition démocratique et par
conséquent inassimilables avec les valeurs de la démocratie, voire indésirables dans ses territoires.
Ils construisent en fait un processus mystificateur à l’intérieur duquel l’identité arabe est figée par
un ordre absolu et transcendant qui lui interdirait tout dépassement moderne. Cette grille de
lecture est politiquement et idéologiquement orientée, car elle ne vise pas la complexité du
monde arabe et ses aspects contradictoires fondateurs, mais des caricatures et des clichés du
« peuple enfant » immature à la démocratie.
En outre, la stratégie communautaire empruntée par ces philosophes, se transforme dans
leurs analyses en posture géopolitique. Dans le droit fil des thèses du gouvernement israélien, ils
qualifient le mouvement des frères musulmans égyptiens comme un danger existentiel pour l’État
d’Israël. Alain Finkielkraut alerte dans Libération : « s’ils devaient prendre le pouvoir, le traité de
paix avec Israël pourrait être dénoncé » puis s’empresse d’ajouter « en Égypte, les manifestants
s’interrompent pour faire la prière » !
L’essayiste Alexandre Adler enfonce le clou et annonce dans le Figaro une dictature
intégriste au Caire et diabolise l’opposant démocrate Mohamed El Baradei qui s’efforce de forcer
la démocratie dans son pays, en le qualifiant de « pervers polymorphe » parce qu’il aurait « tout
fait à la tête de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour couvrir ses amis
iraniens dans leurs menées prolifératrices. » À qui fera-t-on croire que ce haut fonctionnaire
international, laïc, démocrate et prix Nobel de la paix, ait été complaisant avec les Iraniens ? Oui
l’Islam politique multiforme existe en Égypte, en Tunisie et ailleurs, tout comme les partis
extrémistes et racistes Israel Beiteinu et religieux Shass au pouvoir en Israël et tolérés allègrement
par nos philosophes.
Toujours alerte pour justifier l’injustifiable ou faire endosser au reste du monde la
culpabilité d’Israël, ces auteurs, agissent en réalité d’une manière excessivement
communautaristes. Dès lors, ils ne mettent plus de gants pour regretter des despotes dociles et
complaisants à l’égard d’Israël et agir par rapport à son seul intérêt géopolitique, sacrifiant au
passage l’espoir de millions de démocrates mobilisés pour exiger le seul idéal commun à toute
l’humanité : la démocratie.
C’est donc sans grande surprise, qu’on retrouve chez cette élite combative, la même
hypocrisie signalée par Slavoj Žižek. Plutôt que de dénoncer la complicité calculée des dictateurs
arabes avec le fondamentalisme musulman, d’encourager la transition démocratique qu’ils ont
tellement célébrée dans les pays de l’Est et de réfléchir ensemble, à partir des conditions
désormais nouvelles, d’une réconciliation inéluctable arabo-israélienne, les philosophes
médiatiques n’hésitent pas à exacerber des analyses xénophobes et légitimer des thèses
discriminatoires.
Triste déclin d’une philosophie embrigadée qui repose plus sur des discours identitaires et
fanatiques que sur des raisonnements construits.
(1) Extrait du prêche du grand Rabbin : « Que tous ces méchants qui haïssent, comme Abou Mazen (le président
palestinien) et tous les Palestiniens, disparaissent de notre monde, que la peste les frappe. » Extraits de La torah du
Roi : « Il peut-être licite de tuer les bébés et les enfants des ennemis d’Israël, car il est clair qu’ils nous porteront
préjudice lorsqu’ils auront grandi. » Courier international, n° 1036, 9 septembre 2010.
Richard Besson
Ce mois-ci, le groupe logement a rencontré Richard Besson, élu étudiant au Centre régional
des œuvres universitaires et scolaires (C.R.O.U.S.) de Bordeaux.
Groupe logement du pôle Bataille des idées : Tu es élu au C.R.O.U.S. de Bordeaux, peux-tu nous expliquer
ce que cela signifie ?
Richard Besson : Cela signifie que les étudiants de l'académie de Bordeaux m'ont élu pour les représenter
au C.A. du C.R.O.U.S., porter leur voix et défendre leurs intérêts. En effet, j'ai accès aux documents
internes du C.R.O.U.S. et aux problématiques qui l'agitent. Ce sont des informations précieuses, à l'heure
où la droite semble vouloir attaquer tous les services publics par surprise, de manière à prendre la
contestation de vitesse !
Si j'ai quelques leviers à disposition, ce n'est tout de même pas la panacée : la représentativité
étudiante s'amenuise depuis des années tant, aujourd'hui, le pouvoir craint de laisser la parole aux
citoyens. Mon vote ne pèse pas bien lourd... Je ne me contente donc pas de ce rôle institutionnel : je
travaille avec d'autres élus à poser un rapport de forces, en informant et en mobilisant, de manière à ce
que le C.A. se souvienne parfois que les étudiants ne sont pas une simple « variable d'ajustement »... À ce
titre, je travaille beaucoup en lien avec la C.G.T. C.R.O.U.S., mais également avec les élus communistes de
la région : les attaques que subit le C.R.O.U.S., et plus largement l'université, exigent que l'on coordonne
nos ripostes !
G.L.P.B.I. : Tu parles d’attaques. Quelle est la sit uation dans le logement ét udiant ?
R.B. : Tout d'abord, il faut encore distinguer entre le logement en Cités U organisé par le C.R.O.U.S., et
le logement dans les parcs locatifs privés. En ce qui concerne le C.R.O.U.S., on est confronté à deux
réalités.
D'une part, il y a les logements dont le loyer est accessible, mais ils sont insalubres et étroits, ils
souffrent d'un désengagement massif de la part de l'État. La situation, elle est simple : on prend sa douche
avec des cafards... Et c'est inacceptable.
D'autre part, il y a les logements rénovés récemment. Ils sont propres, souvent spacieux,
agréables... Le hic, c'est qu'ils sont généralement construits en Partenariats Public-Privé (P.P.P.). C'est à
dire que le C.R.O.U.S. ne prend plus en charge l'ensemble des coûts de construction, ils sont assumés par
des opérateurs privés, comme Domofrance. Ensuite, le C.R.O.U.S. est obligé de louer les résidences au
partenaire privé pour les mettre à la disposition des étudiants : dans le loyer final, on a donc la part du
C.R.O.U.S., et la part de l'opérateur privé. Le résultat, c'est une hausse continue des loyers, qui sont
fixés selon les normes du marché : prix au m² selon la zone de construction, répartition des loyers de
juillet et août sur les autres mois de l'année... S'ils sont agréables, ces logements ne sont plus du tout
accessibles, et peuvent même être plus chers qu'un studio en ville. Ça monte jusqu'à 750€ à Bordeaux. On
fait mieux comme logement social !
On assiste donc à un double mouvement : d'un côté les chambres gérées par le C.R.O.U.S. sont
laissées à l'abandon et se dégradent ; de l'autre, le parc locatif public est privatisé en sous-main.
Après, le logement étudiant n'est pas seulement le fait du C.R.O.U.S. Aujourd'hui, seuls 11% des
étudiants sont pris en charge dans des Cités U, les autres se logent chez des bailleurs privés. D'ailleurs,
les C.R.O.U.S. sont parfois partie prenante de ces choix individuels, puisqu'ils disposent d'espaces pour
informer les étudiants des « occasions à saisir ». C'est un autre élément qui montre à quel point
l'asphyxie budgétaire que le gouvernement impose au C.N.O.U.S. permet à certains de se remplir les
poches.
G.L.P.B.I. : Tu parles de se remplir les poches. À qui profite cett e situation ?
R.B. : La signification de tout ça, c'est qu'on ouvre le « marché » du logement social étudiant aux bailleurs
privés, c'est un nouveau champ qui devient accessible à la spéculation immobilière. On imagine bien quels
profits vont naître de cette libéralisation. À qui profite la situation ? Au patronat, aux fonds
d'investissement.
Après, tout ça est également instrumentalisé dans un contexte politique général. Par exemple,
aujourd'hui, la droite cherche à couler les petites facs de manière à privilégier des pôles d'excellence
(notamment via les I.D.E.X.). Et qu'est-ce qu'on constate ? Autour des pôles d'excellence, les rénovations de
Cités U se multiplient, alors que les résidences des petites facs (à Agen par exemple) sont laissées à
l'abandon, et parfois sont détruites sans nouvelles constructions.
En tous cas, on ne peut pas dire que ces dynamiques profitent aux étudiants : on est obligé de choisir
entre des prix délirants et des chambres lamentables. Par ailleurs, au fur et à mesure qu'on avance dans
le Plan Anciaux (le plan de rénovation), on va vers des prix prohibitifs qui en décourageront beaucoup de
faire des études longues. On sent bien la logique de classe derrière tout ça...
G.L.P.B.I. : Tu sais que l’U.E.C. propose la nationalisation du logement étudiant. Qu’en penses-tu ?
R.B. : Je pense que c'est la solution. On entend parfois dire que t out serait réglé si on augmentait les
A.P.L., ou si on mettait en place une « allocation d'autonomie ». Sauf qu'on oublie que, lorsque les A.P.L.
augmentent, les loyers augmentent aussi. Les capitalistes ne sont pas bêtes, ils ne vont pas cracher sur
une centaine d'euros supplémentaires ! Ce genre de tentatives a simplement pour conséquence d'organiser un
petit circuit financier qui part des caisses de l'État pour arriver dans la poche du patronat, en passant
par les étudiants.
Au contraire, la nationalisation du logement étudiant est une proposition forte, y compris pour
garantir l'accès aux études. D'abord, c'est une mesure qui libérerait les étudiants de la spéculation
immobilière sauvage qui fait rage en début d'année. Il faut pouvoir fixer les loyers nationalement, et non
pas au cas par cas comme aujourd'hui, en fonction des groupes de pression privés. De plus, on devrait tous
avoir droit à un logement : il est scandaleux que des gens profitent de nos besoins élémentaires pour se
remplir les poches. Et puis, je parlais de « logiques de classe » tout à l'heure, je pense qu'un service public
du logement, c'est un des meilleurs moyens pour assurer l'égalité face aux études. Quand ton toit est
assuré, tu peux étudier correctement, quelle que soit ta situation par ailleurs. Après, il faut évidemment
s'attaquer au problème de la restauration, qui connaît sensiblement les mêmes problématiques.
G.L.P.B.I. : Et en ce qui concerne l’ensemble de la jeunesse ?
R.B. : Je sais que les étudiants ne sont pas les seuls à souffrir de la spéculation immobilière : en
particulier, les jeunes précaires sont dans le collimateur des marchands de sommeil. Il faut penser à
élargir cette idée de nationalisation. Un service public et national du logement, pourquoi pas ? On a
beaucoup de choses à reprendre aux capitalistes, mais le toit sous lequel on vit, c'est déjà un bon début.
C'est un premier pas vers une société plus juste, vers une société communiste.
Entretien mené par Hugo Pompougnac.
Sante
Pour une euthanasie très encadrée
«Sain de corps et d’esprit, je me tue avant que l’impitoyable vieillesse, qui m’enlève un à
un les plaisirs et les joies de l’existence et qui me dépouille de mes forces et physiques et
intellectuelles, ne paralyse mon énergie, ne brise ma volonté et ne fasse de moi une charge à
moi-même et aux autres.»
Ces derniers mots de Paul Lafargue, furent l'objet de polémique en 1911, dans la « bonne
société » française.
Mais au sein du mouvement socialiste, son suicide serein face au refus d’un vieillissement
vécu péniblement fut accueilli avec émotion et respect. Les progressistes ont longtemps lutté
pour le droit au suicide, mais il aura fallu attendre les avancées de la Révolution française pour
qu'il devienne un acquis.
Au moment où nous écrivons ces quelques lignes, le Mouvement Jeunes Communistes de
France n'a pas pris position sur l'euthanasie, mais son groupe santé avance quelques pistes de
réflexion pour faire avancer le débat.
Dans notre société contemporaine, on peut penser que les pires dérives peuvent advenir.
La marchandisation de notre système de santé et les objectifs de rentabilité de l’hôpital public,
liée à la mise en application de la loi Bachelot, ne nous permettent pas d'aborder la mise en
application de l'euthanasie de façon sereine. Les exemples de dérives dans certains pays de
l'Union européenne donnent froid dans le dos et il est hors de question qu'il en soit de même en
France.
Pour nous, l'accès à ce « service » devrait être proposé, comme le don d'organes, au
moment où une personne a encore sa conscience et ceci, au cas où elle serait atteinte de telle ou
telle infirmité, jugée par elle trop dégradante.
Il existe alors communément deux garde-fous : la parole et l’écrit du patient. Mais ils nous
semblent tous deux de bien frêles barrières.
De nombreuses questions se posent alors. À quel moment doit avoir lieu cet acte de mort ?
Comment être sûr que le patient n'a pas changé d'avis? Qu'il n'est pas manipulé ? Qui peut
assurer que le goût de la vie ne l’emporte pas finalement face à la réalité d'une maladie ?
Il existe déjà une partie de réponse à ces questions, la mise en place et le renforcement des
soins palliatifs, qui permettent de lutter contre la douleur et les peines morales des patients.
Mais il ne faut pas mettre en opposition soins palliatifs et euthanasie, au contraire il faut
les voir comme deux réponses à deux moments distincts de la maladie.
Il nous semble donc que l’euthanasie ne saurait être envisagée, dans notre société
actuelle, que dans le cas d’un patient impotent (mais conscient) dont la volonté résolue est de
mourir. Cette volonté devra être attestée par un conseil éthique indépendant (financièrement et
moralement), présent dans toutes les structures médicales pratiquant l'euthanasie, qui
permettrait de juger de chaque situation sans pressions...
Jeannie Barbier et Marlène Chevallier du groupe santé ainsi lutter contre les trois menaces
majeures qui pèsent sur l’économie française : « l’étatisme », le « mondialisme ultralibéral » et « le

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