Voyage au sommet de l`oligarchie : La France de tout en haut

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Voyage au sommet de l`oligarchie : La France de tout en haut
Voyage au sommet de l'oligarchie : La France de tout en haut (2)
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Voyage au sommet de
l'oligarchie : La France de tout
en haut (2)
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Date de mise en ligne : mardi 30 octobre 2012
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Voyage au sommet de l'oligarchie : La France de tout en haut (2)
Le supplément d'art
Dans l'oligarchie comme ailleurs, Dieu est mort. Tant bien que mal, l'art le remplace alors : voilà la nouvelle
passerelle vers un ordre supérieur, spirituel. Qui nettoie des péchés de l'argent.
« Là, vous avez une planche à repasser, un objet qu'on met d'habitude dans un placard... mais aujourd'hui, je
l'expose. Donc c'est une transgression sociale. »
Ce soir, c'est le vernissage de l'exposition « Blanc comme neige » à la Ipso Facto Gallery, avec champagne, petits
fours et artistes « transgressifs » à volonté. Moins que le mois dernier, néanmoins : « Le 17 décembre, c'était
l'inauguration de la galerie. Y avait tout Canal + ce soir-là, on a fait une super-fête. »
La vitrine affiche des tableaux à 18 000 Euros (« abordable », donc...). Mais Chrystele ne s'est pas installée ici pour
le fric, mais pour l'Éducation du Peuple : « On a l'intention de faire un peu bouger la station en terme d'art, d'éduquer
les gens dans le regard, m'éclaire-t-elle. On avait notamment une pièce, des toilettes coupées en deux avec de la
presse au milieu et les gens d'ici, ça les a énormément choqués. » Mais ça ne la décourage pas, au contraire, ce «
choc » : c'est qu'elle est sur le bon chemin. « On a un rôle pédagogique par rapport aux locaux. Les touristes,
italiens, arabes, russes, hollandais, qui viennent en vacances, ils ont l'habitude de voir des galeries d'art partout dans
le monde, donc ils ne sont pas surpris. Mais les locaux... »
Les Mégevans sont restés des paysans, vite enrichis - qui font passer leur estomac avant leur âme : « On a eu un
ennui : on a pris la place d'une boucherie, qui est partie, et c'était la seule boucherie dans le centre du village. Donc,
on a eu un accueil un petit peu froid... » Les commerces de proximité sont remplacés par des antiquaires, des
magasins de déco, des bijouteries. Et les « locaux » préfèrent un bon bifteck à un « bleu » d'Yves Klein...
« La plupart de ces oeuvres, je les aime tant, quand elles ne sont pas vendues, je les conserve.
-Mais ça doit vous coûter cher, non ? » je m'exclame bêtement.
Le propos est malvenu, et Chrystele - qui a épousé le proprio des « Fermes de Marie », le mécène du lieu - montre
de la gêne : « On n'a pas 50 passions dans sa vie. Moi c'est la mienne, je pense que ça vaut la peine. »
Au milieu des coupes qui s'entrechoquent, des rires qui éclatent, Olivier livre sa « part de vérité » : « L'inspiration,
c'est vouloir exprimer une grande joie, une explosion d'insouciance, une libération, une rupture avec les entraves,
c'est "nique le quotidien". Et en fait Alzheimer, le nom que j'ai donné à cette oeuvre, à un moment, on peut dire
"merde" aux gens qu'on connaît très bien. Au fond notre vie c'est Alzheimer, on est complètement incohérents. La
liberté est une pesanteur. »
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Je peine à retrouver mes idées dans ces fulgurances.
« Mais enfin, ton Alzheimer, il coûte quand même 40 000 Euros... A ce tarif-là, moi aussi, je peux avoir une grande
joie et niquer le quotidien...
-L'argent, je ne sais jamais quoi en faire. C'est une vraie difficulté. »
Lui si loquace se tait. Son visage grimace, il hésite.
« Et être exposé à Megève ?
-Cette histoire de classes sociales, qu'est-ce que ça change ? »
Ça change ça, peut-être : quelle « part de vérité » aperçoit-on, vu d'ici ? Il faudrait un peintre d'une autre trempe, je
songe alors, il faudrait une fresque géante pour illustrer ça : ces euros arrachés avec des lanières de cuir aux mains
des tisserands du Bengladesh, et qui ruissellent vers l'Europe, vers ces sommets, et qui se transforment en chalets,
en sculptures, en champagne, en pitreries, en un faste même pas joyeux, en une opulence ennuyée.
« Le blanc est une couleur, indique un panneau, dans un coin. Utilisée dans la symbolique occidentale depuis la nuit
des temps pour, à la fois, la pureté, l'innocence, l'éternité, la paix, il en est devenu un code universel. »
Comment traduire, ou trahir, plus clairement le rôle de l'art, ici, aujourd'hui ? Auparavant, c'est l'Église qui aidait les
riches à se laver de leurs péchés, qui leur apportait une conscience tranquille - contre la menue monnaie des «
indulgences ». Mais dans l'oligarchie comme ailleurs, Dieu est mort. Tant bien que mal, l'art le remplace alors : voilà
la nouvelle passerelle vers un ordre supérieur, spirituel. Le passe VIP pour un au-delà, sinon éthique, du moins
esthétique. Le supplément d'âme garanti. L'élévation, au-dessus de l'argent, de la matière, des basses oeuvres comme un anoblissement. Et quel lapsus, non, que cette galerie d'avant-garde, à Megève, dans cette place forte de
la bourgeoisie, choisisse « Blanc comme neige » pour thème de sa première exposition ? Ce symbole de « pureté »,
d' « innocence » - que les possédants se paieront contre un gros chèque...
Cette fonction de l'art m'a frappé, un matin.
Je me souviens.
En 2006.
J'étais actionnaire de LVMH, le premier groupe de luxe mondial, dirigé par Bernard Arnault (qui, lui, préfère
Courchevel). Toute sa fortune, il faut le rappeler, il faut sans cesse le rappeler, s'est bâtie sur un mensonge. En
décembre 1984, il s'engageait à sauver l'empire Boussac-Saint Frères, au bord de la faillite : « Le souci du plan
Férinel est de maintenir l'emploi », garantissait-il dans un document adressé à l'Etat. Et devant un syndicaliste, il
posait la main sur le coeur : « Vous pouvez avoir confiance en moi, Monsieur Deroo. Je vais garder le textile. » Mais
ces belles promesses ne passeront pas l'hiver. Tout fut dégagé. Sauf Dior. Une « pépite endormie ».
De cette époque, Lounis - fils d' « un Saint-Frères » - a conservé un souvenir cuisant : « L'usine a fermé, et on a
couru à la mairie pour des bons d'alimentation. Il fallait quémander quasiment, s'agenouiller devant les secrétaires,
fournir des justificatifs et des justifications, elles en redemandaient, refaire la queue... Toutes ces vexations pour 50,
100, 200 F. Les Restaurants du Coeur, tout le monde a vécu ça, sa file honteuse, ses plateaux-repas. Ça me
révoltait : tant de sacrifices, déjà, et mon père qui doit sacrifier sa dignité aussi. »
Le facteur est passé.
Une enveloppe a rebondi sur le carrelage.
A l'intérieur, sur papier glacé, Apartés, le magazine du « club des actionnaires LVMH ». Avec quoi à sa Une ? Pas
l'affaire Boussac-Saint Frères, évidemment. Pas même notre dividende en hausse. Non : « Yves Klein. Corps,
couleur, immatériel. » Et Bernard Arnault éditorialisait, en page 2 : « Avec le Centre Pompidou, LVMH rend
hommage, cet automne, à la vision d'un artiste total, moderne, contemporain, Yves Klein, dont l'oeuvre d'une densité
quasi spirituelle suscitera certainement l'émotion et la communion d'un très large public. »
En mai 2007, l'usine ECCE de Poix-du-Nord allait fermer ses portes. On y produisait les costumes Kenzo - qui
revenaient à 80 Euros en sortie d'usine, tout compris, matière première et main d'oeuvre. Et qui étaient revendues
990 Euros dans les magasins parisiens : voilà qui laissait une marge appréciable... mais encore insuffisante. Car les
dirigeants de LVMH avaient calculé ça : en déplaçant la confection en Pologne, on passerait de 80 Euros à 40 Euros.
Restait donc à « mettre en oeuvre la solution industrielle ». Avec Marie-Hélène Bourlard, la déléguée CGT, nous
sommes alors intervenus en Assemblée Générale : « Y a les 147 salariés qui sont là, lançait-elle au PDG, j'aimerais
que vous les voyiez, que vous osiez les voir, là, dehors, en face, et leur dire : "Je ne veux plus travailler avec vous."
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» Bernard Arnault ne renonça pas : « Je suis désolé des problèmes que ça peut poser aux personnes, mais le
problème de fond, c'est la différence de coût de revient, pour un certain nombre de métiers, dont la confection, entre
la France et nos voisins de l'Europe. »
Quelques semaines plus tard, le facteur est passé.
Une enveloppe a rebondi sur le carrelage.
A l'intérieur, sur papier glacé, Apartés, le magazine du « club des actionnaires LVMH ». Avec quoi à sa Une ? Pas la
fermeture de Poix-du-Nord, on s'en doute. Plutôt : « L'atelier d'Alberto Giacometti ». Et Bernard Arnault éditorialisait
en page 2 : « Cet automne, au Centre Pompidou, LVMH est heureux de contribuer à la révélation du monde secret
de Giacometti, artiste majeur d'une force quasi spirituelle, ce qui ne manquera pas de susciter émotion et dialogue
avec le plus large public. »
Les ramasse-miettes
Derrière les nantis, y a de la concurrence pour arracher des euros. Des serviteurs pas malheureux, non : ils
ont trouvé une « place », au bon endroit, assez près des riches pour ramasser les miettes du gâteau, les éclats de
leur gloire.
« Mais qu'est-ce qui fait, lui, avec son sac à dos ? Oh ça va pas lui ! Ça va pas, non, il prend des photos ! J'ai
l'exclusivité ici ! On va voir le directeur... »
On s'est tapé l'incruste à une soirée privée, au Palo Alto, la boîte branchée de Megève. Novice dans la haute, un peu
isolé, on suit Philippe - le « photographe officiel » du lieu. Lui sourit, remet sa carte aux invités, courtoise
onctueusement. Jusqu'à repérer un concurrent dans le noir là-bas, un autre « filmeur », mais officieux, pas attitré,
avec une tronche de « Chinetoque », et Philippe appelle le videur, et il appelle le directeur, pour que l'intrus dégage :
« Putain, ils font pas leur boulot, les videurs ! Ils vont se faire virer ! Ce mec-là se fait passer pour un photographe de
presse...
- Une dame m'a dit : "toi peux venir", rétorque l'autre artiste.
-Te fous pas de ma gueule : toi Chinois, mais toi comprendre français. Et tu connais la règle : c'est ma place ici. Si tu
veux venir, c'est sans l'appareil. Dépêche-toi de ranger, moi j'ai un timing là. (Se tournant vers moi, il ironise :) On est
un peu comme des chiens, on pisse autour de son territoire. » Oui, comme des toutous qui se disputent leur bout de
riches.
Y en a plein les rues, ici, plein le tournoi de polo, au bas des pistes, de ces « filmeurs » : « On mitraille comme des
paparazzi », reconnaît Samsaï - le "Chinois". Toutes les gonzesses y passent, elles sourient devant l'objectif, les
petites filles surtout - dans l'espoir qu'elles achèteront le cliché, une fois développé. Philippe, lui, ne fait pas le trottoir
: il a ses entrées. Dans les night-clubs, dans les restaus aussi. Et il m'emmène avec lui dans sa tournée.
Le plein de gloire
Devant « Chez Nano », un jeune gars se les gèle dans son anorak. Il vient du Nord, ça nous rapproche. Il exerce
comme « voiturier » - il m'explique. Il a de l'ambition : « Hors saison, je voudrais m'associer avec la Maison du
Caviar, à Paris, mais les places s'achètent. » Je l'accompagne sur le parking : il passe d'une BMW à une Safrane
pour faire tourner les moteurs, pour dégivrer les vitres, pour réchauffer les intérieurs...
« Comme ça, je l'interroge, quand ils remontent dans leur caisse, ils n'attrapent pas de rhume.
-Voilà. »
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Il est fier de son boulot, du moins il paraît : « J'ai conduit la voiture d'Alain Prost...
-Chapeau.
-De Simeone aussi...
-Ah ouais... (Après réflexion :) C'est qui, en fait ?
-Celle qui présentait la météo sur Canal +.
-Waouh, la vache.
_ -J'ai vu Dany Boon, au refuge Le Délire... »
Le casting de rêve ne s'arrêterait pas là, sans doute, mais son talkie-walkie grésille : « 59... 59...
-OK, c'est parti », répond le groom. Il replace le bonnet sur son crâne, et saute dans un 4*4 Mitsubishi.
Valet version Borloo
Philippe reprend la route pour le prochain trois étoiles, à l'écart du bourg.
Sous les feux des phares, dans la montagne, des ombres s'activent dans des tenues de cosmonaute. À la lueur des
camions, ces hommes déchargent de la neige artificielle, dament les pistes à coups de pelles - pour que les riches
skient heureux, demain, « malgré les températures très élevées ».
Dans cet univers, je songe, y a pas de classe moyenne (je préfère : « intermédiaire »). Juste les maîtres et des
serviteurs. Entre ces deux extrêmes, rien. Rien au milieu. Et le plus gênant, évidemment, pour nous, le plus navrant,
le plus mystérieux, c'est cette acceptation chez ces domestiques domestiqués - lorsqu'on souhaiterait de la révolte.
Pire : cette joie de servir.
Eux ne sont pas malheureux, non : ils ont trouvé une « place », au bon endroit, assez près des riches pour ramasser
les miettes du gâteau, les éclats de leur gloire. Et ils annoncent ce monde où il faudra servir ou croupir, le larbinat
comme promotion : tous laquais, tous morpions, tous dans les « services à la personne » - version euphémisée,
encouragée, défiscalisée, borlooisée du valet.
Le majordome du château
Enfin, « la joie de servir », pas partout.
Pas au « Chalet des neiges d'antan » (nom modifié).
Je m'y suis rendu, le lendemain, pour une visite. Ses tarifs m'avaient intéressé : pourquoi pas offrir ce petit plaisir à la
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famille pour les prochaines vacances, ou le départ en retraite de mon père ? 30 000 Euros la semaine, ça restait
abordable...
« Tout n'est pas compris, prévient d'emblée Jérôme. En sus, vous comptez l'alimentation, les boissons, la cave des
vins, avec la bouteille de Mouton Rotschild à 1400 Euros en cas de soif... Je vais vous demander d'enlever vos
chaussures. » Il ouvre la « salle de massage » avec « intervenant extérieur sur demande : ça c'est dans les extras. »
« Moi, je suis là, à votre service, quasiment 24 heures sur 24. Une ampoule de grillée, vous m'appelez. Je vérifie le
pH de la piscine, l'eau à 29 °, le jacuzzi à 36, je mets vos bottes à chauffer. Vous voulez du homard ? Je ferai 20, 30
kilomètres, mais j'irai le chercher. La dernière fois, un Américain, en pleine nuit, il réclamait des pistaches, je me suis
débrouillé... »
Sous l'escalier, il indique « l'ascenseur tout boisé : les clients s'en servent facilement, même pour un étage. » La
chambre des adultes, maintenant, avec « un écran plat un peu plus grand que dans les autres pièces » - toutes ont
la télé.
« Ils ont des manies, aussi, je m'adapte : une grand-mère espagnole, son thé de cinq heures, c'est pire que la messe
: faut faire chauffer de l'eau, refaire bouillir l'eau, un truc de fou, ça dure jusqu'à six heures. Un gamin, à quinze ans,
il fumait des cigares comme des barreaux de chaise, et il buvait le champagne à la paille dans le hammam.
-Mais ils sont sympas, quand même ?
-Jamais. T'existes pas, pour eux. T'es transparent, ils me claquent du doigt, bientôt ils me siffleront. Des journées
entières tu te décarcasses, pour la cuisine, pour un tour en montgolfière, pour louer un hélicoptère, tout, et ils partent
sans un merci, sans un "au revoir", sans connaître ton prénom.
-Mais t'es bien payé, au moins ?
-Même pas. 1300 Euros par mois, le SMIC hôtelier. Le seul avantage, c'est que je suis hébergé gratuit.
-Tu peux presque te payer une bouteille...
-Ouais. Mais mon patron, il m'engueule quand j'allume le feu avec trois brindilles : soi-disant que je gaspille...
-Il doit y avoir des jolies nanas, alors...
-Je suis homo. Mais non, y a pas de quoi se rincer l'oeil...
-Je pensais que les riches étaient beaux...
-Ah non, pas sur mon échantillon. L'été, je travaille dans un village naturiste au Cap d'Agde. Là-bas, c'est une autre
ambiance. Tout le monde est un peu chaud bouillant, et comme je pratique l'échangisme... Ici, c'est coincé. Faut pas
faire un bruit, rester invisible. »
La visite s'achève par le garage, où des quads promettent une balade pétaradante.
« Bref, conclut Jérôme, je suis le majordome du château. »
De lui-même, avec ironie, il se réfère au XIXème siècle, à l'Ancien Régime.À un passé qui, si nous ne luttons pas,
pourrait bien se conjuguer au futur.
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Je retourne ma veste
« On a des prix modestes, pour toutes les bourses : 800 Euros, 1000 Euros, pour une veste. » La Maison Allard
pratique un « luxe abordable » : « Jusqu'à ce pull, évidemment, c'est la Rolls : il vaut 1300 Euros. Mais vous avez la
garantie d'être original : on ne veut pas que tout Megève soit avec le même pull, donc on fait des séries de vingt
maximum. Si jamais vous retourniez en Australie, et que vous découvrez le même pull, vous ne seriez pas
contents... »
Le patron avance dans sa boutique, et m'étale cette trouvaille, « le col de vison amovible » : « Si jamais vous êtes à
Megève, vous mettez le col vison. Lorsque vous revenez à Paris, vous l'enlevez... Touchez un peu ici, c'est de
l'orilag, un croisement de lapin et de chinchilla... Vous avez vu comme c'est doux, il y a 11 000 poils au cm2, et là
encore le col est amovible. »
Et dans ses rayons, ça n'est pas sa seule tenue « amphibie » : « À Megève, évidemment, vous voyez beaucoup de
manteaux de fourrure. Ici, vous le montrez, vous le mettez à l'extérieur. Mais quand vous rentrez, que vous présidez
un conseil d'administration, vous laissez le luxe à l'intérieur. Comme ça, vous savez que vous avez du luxe sur vous,
un vison rasé blanc, blanc cassé, qui est magnifique, mais il ne faut pas montrer trop le luxe, si vous voulez, il ne faut
pas provoquer. C'est ça, la philosophie Megève : on a des gens riches mais qui ne l'affiche pas.
-Mais les poches, quand vous retournez votre veste, vous n'avez pas les poches qui pendent à l'extérieur ?
-Non non non, tout est réversible. »
À grands gestes, et à l'anglais approximatif, un client russe réclame un manteau en peau de loup. Mon hôte
s'éloigne, puis revient avec « une écharpe en cadeau ». Quand je reviendrai à Megève, je mettrai l'étiquette Allard
bien en évidence. Mais je la planquerai soigneusement sur les Zones industrielles en Picardie...
Suite, et fin, du dossier très prochainement.
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