Irrigation du maïs : s`arrêter au bon moment
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Irrigation du maïs : s`arrêter au bon moment
Irrigation du maïs : s’arrêter au bon moment La décision d’arrêt des irrigations en maïs revêt toujours une certaine importance, pour des raisons économiques ou de préservation des ressources : - Au stade laiteux-pâteux, en phase de décroissance des besoins, il n’y a plus que quelques quintaux en jeu : le risque d’impact sur le rendement est mineur même si on s’arrête un peu tôt, à part peut-être en production de semences (valeur ajoutée supérieure) ; - L’eau est un intrant qui coûte cher, quasiment le poste de dépenses le plus important avec la fertilisation : si on peut éviter 1 ou 2 passages inutiles en fin de cycle, l’économie potentielle est de 30 ou 40 €/Ha. C’est loin d’être négligeable sur la marge surtout pour un maïs qui se vendrait aujourd’hui au plus à 160 €/t. - La fin de l’été et l’automne sont souvent des périodes à risque pour les ressources : c’est là qu’on y rencontre les étiages les plus marqués ces dernières années, avec des arrières saisons encore chaudes et chroniquement sèches. Dans ces conditions, si le rendement est déjà joué, mieux vaut ne pas poursuivre les prélèvements. Même en système réalimenté par des réserves, des prélèvements tardifs contribuent dans une certaine mesure à augmenter les déstockages de soutien d’étiage, de quoi dégrader les perspectives de remplissage pour l’année suivante. A l’issue d’une campagne 2015 chaude et sèche jusqu’en août avec des consommations sans doute fortes et des cultures en avance, il convient de rappeler les outils permettant d’établir un diagnostic d’arrêt fiable : le stade « 50% d’humidité des grains » continue de faire référence, comme l’ont confirmé des études récentes d’Arvalis. Arrêt des irrigations au stade 50% d’humidité du grain : toujours d’actualité. Avec les sécheresses chroniques en fin d’été depuis quelques années, beaucoup s’interrogeaient sur la fiabilité de l’arrêt des irrigations à 50% d’humidité des grains (HG), notamment dans des sols superficiels lorsque les températures sont encore chaudes. Des travaux récents d’Arvalis Sud-Ouest ont réaffirmé la règle édictée lors de la mise en place de la méthode Irrinov’ : « à 50% d’HG, arrêt définitif ou dernier passage en sol à faible réserve si les prévisions annoncent un temps encore chaud et sec ». En 2012, en collaboration avec la Chambre d’agriculture de Haute-Garonne, des essais de plein champ ont été conduits en vallée de la Garonne sur des sol d’alluvions perméables caillouteux proches de nos « grausses » (RFU maximale estimée à 70 mm en zone peu caillouteuse et 40 mm en zone très caillouteuse). 3 dates de dernière irrigation ont été comparées : 26/8, 6/9 et 15/9 (tableau). Les résultats sont sans équivoque : des irrigations lorsque le stade 50% d’HG est passé n’ont rien apporté, même sur ces sols superficiels avec des conditions ensoleillées et sèches comme c’était le cas en 2012. Maïs tardif variété PR33Y74 Dose totale Humidité grain d’irrigation à la dernière mm irrigation (%) D1 : 26/8 300 51 Zone peu D2 : 6/9 330 44 caillouteuse D3 :15/9 360 40 D1 : 27/8 300 48 Zone très D2 : 6/9 330 43 caillouteuse D3 : 16/9 360 38.5 D1 : 26-27/8 300 49.7 Moyenne D2 : 6/9 330 43.7 D3 : 15-16/9 360 39.2 NB : rendement agriculteur (HG 15%) = 127.8 q/ha, récolte à 29.9% d’humidité Date de dernière irrigation Récolte manuelle le 8/10/2012 : 27 m² / parcelle x 3 parcelles par modalité RDT Humidité du grain PMG récolte q/ha (HG 15%) % 140.6 388 26.9 141.7 398 29.4 144.1 395 30.6 141.4 399 25,0 142.2 411 28,0 140.7 413 28.6 141,0 393 25.9 142,0 405 28.7 142.4 404 29.6 Les différences ne sont pas significatives sur le rendement : 1 quintal de plus en moyenne pour 30 ou 60 mm d’eau supplémentaire apportée, strictement le même rendement sur les 3 modalités en secteur très caillouteux : quel est l’intérêt de prolonger outre mesure ? Le dernier passage à 50% d’HG le 26 août a lui permis une économie de 60 mm d’eau (environ 50 €/Ha) et de frais de séchage à la récolte. Si des irrigations en deçà de 45-50% d’HG ne sont pas justifiées pour le rendement, d’autres préoccupations peuvent s’entendre. Dans le milieu de la production de semences, il se dit certaines années qu’il faudrait « maintenir le maïs vert le plus longtemps possible avant la récolte » : des pertes sont en effet possibles à la récolte sur un maïs trop sec. Cependant, la vitesse de maturation reste un phénomène physiologique très lié à la température reçue. Pour que l’irrigation ait une réelle influence sur cette température, il faudrait assurément apporter plus, plus souvent et plus longtemps en arrière-saison : dans l’essai précédent d’Arvalis, l’écart à la récolte n’a été que de 3.7 points d’humidité supplémentaires pour le maïs qui a reçu 600 m3/Ha après le stade 50% d’HG (17% de la dose totale sur la saison) en 2 passages étalés sur 15j (dernier passage à 39% d’HG). Vouloir freiner significativement la maturation ne semble donc guère crédible. Et s’il s’agit de lutter contre la fusariose – certaines variétés de maïs y sont sensibles – c’est un vrai coup de poker : la plupart des maladies (champignons) ont besoin de chaleur et d’humidité pour se développer : en irrigant, on a des chances de favoriser la dissémination à toute la parcelle à partir d’un foyer infesté… Comment bien déterminer le stade 50% d’humidité des grains ? Plusieurs méthodes sont possibles et accessibles pour un juste diagnostic : L’observation morphologique des grains au champ (d’après Arvalis Sud-Ouest, méthode Irrinov’) : récolter quelques épis dans la parcelle en zone représentative. Casser chacun en deux parties égales : l'observation visuelle doit être réalisée sur la couronne centrale côté pointe de l'épi. Choisir un grain représentatif de la couronne, le détacher et apprécier sur la ligne médiane du grain côté opposé au germe la proportion de la zone jaune orange brillante (sans lait). Comparer au schéma ci-dessous : INTERPRETATION Stade du maïs Majorité des épis avec note 1 Majorité des épis avec note 2 Majorité des épis avec note 3 Majorité des épis avec note 4 Plus de 50% d’humidité des grains Proche de 50% d’humidité des grains Moins de 50% d’humidité des grains Moins de 45% d’humidité des grains Les mesures physiques : pour estimer l’humidité du grain, le maïs peut être mis à l’étuve 48H après égrenage : c’est la méthode mise en œuvre à Arvalis dans les stations expérimentales, classique et fiable à condition de bien respecter le protocole (échantillonnage, manipulations…) : on ne peut dans ce cas compter sur une mesure le jour même. Il existe par ailleurs des appareils permettant de tester l’humidité des grains (« humidimètre », testeurs d’humidité…), parfois directement au champ, avec des résultats rapides. Ils manquent en général de fiabilité pour des mesures sur des grains encore bien humides comme dans le cas présent (autour de 50% d’eau). Il convient de se rapprocher de votre organisme stockeur pour voir ce dont ils disposent. La somme des températures pendant le cycle du végétal : Stress et perturbateurs mis à part (stress hydro-azotés, ravageurs et maladies, dysfonctionnement du sol…), le développement d’une plante dépend de la quantité de chaleur reçue : pour déterminer si elle a atteint un stade donné - germination, floraison, 50% d’humidité des grains, maturité…, on peut estimer la somme des températures pendant le cycle de développement. Pour le maïs, on additionne des « degrés-jours » en « base 6/30 » selon la formule suivante : (T°c maximale du jour + T°c minimale du jour)/2 – 6, considérant qu’il croit lorsque la température est supérieure à 6°c. La température maximale est plafonnée à 30°c. Reste alors à comparer aux valeurs standards suivantes : à compter du semis, pour atteindre le stade 50% d’HG sur un maïs demi-tardif il faut 1570 à 1670 degrés-jour, sur un maïs tardif à très tardif, il faut 1670 à 1770°degrés-jour. Cette estimation peut aussi se faire à compter de la floraison observée sur vos parcelles (50% des pieds avec soies visibles), ce qui est un peu plus fiable que depuis le semis. A partir de la floraison, il faut 600 à 660 degrésjour pour atteindre le stade 50% d’HG en maïs demi-tardif, 650 à 700 degrés-jour en maïs tardifs. Les températures quotidiennes minimales et maximales enregistrées à Montaut, Léran, Saint-Girons sont disponibles chaque semaine à la Chambre d’agriculture : elles peuvent être transmises à la demande. Le bulletin conseil irrigation fait régulièrement le point en fin de cycle sur ces sommes de température. Cette année, les semis de maïs de la première décade d’avril ont atteint le cumul requis mi-août. Et les tensiomètres ? Si les sondes tensiométriques sont précieuses pour déterminer le début de l’irrigation, elles le sont moins pour la fin : au mieux autour du stade 50% d’HG on observera un plateau de tensions où une faible progression après le dernier apport (pluie ou irrigation), synonyme d’une décroissance nette des besoins. Mais bien après le stade 4550% d’HG, il n’est pas rare d’observer des montées de tension si le sol s’assèche, alors même que le maïs ne consomme plus beaucoup. Les sondes tensiométriques seules ne suffisent donc pas à établir un juste diagnostic d’arrêt, il faudra compléter par une observation visuelle des grains ou une mesure physique. Reste à mettre en œuvre ces quelques consignes cette année : avec des cultures en avance par rapport à un été normal, il faudra savoir s’arrêter dans les tous prochains jours même sous un beau soleil ! Pour le service environnement, Jérôme Pédoussat, Chargé d’études