Conférence ReForMa - Les tribunaux du Québec

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Conférence ReForMa - Les tribunaux du Québec
Conférence ReForMa
La résolution des micro-conflits: à la croisée des chemins.
Le carrefour giratoire de la gestion des litiges à la Division des petites et
des moyennes créances
Pierre E. Audet, jcq
Faculté de droit
Université de Montréal
15 octobre 2012
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Mes sincères remerciements, dans un premier temps, pour l'aimable invitation à participer à cette
conférence sur les micro-conflits.
J'ai le plaisir de représenter la Cour du Québec. Sachez cependant que je ne suis pas seul. La
juge en chef de la cour est également présente, l'Honorable Élizabeth Corte.
[…]
Le temps court vite, sans plus de préambule, j'entrerai donc dans le vif du sujet.
En tant que juge et représentant de la Cour du Québec, le tribunal de première instance, de
première ligne en matière civile, et de surcroît, le tribunal qui statue sur les litiges portant sur des
petites et des moyennes créances, vous comprendrez que je vous entretiendrai au premier chef
des litiges au cœur de la compétence de notre cour.
J'ai transmis au professeur Vermeys, notre modérateur, un graphique que j'ai intitulé le
« Carrefour giratoire de la gestion des litiges à la Division des petites et moyennes créances ».
Ce sont des hypothèses avancées qui vous sont présentées pour fins de réflexion et de
discussion dans le cadre de la présente conférence. Elles ne reflètent pas une position arrêtée à
la Cour du Québec.
Évidemment, il est toujours question au moment où l'on se parle de la «Division des petites
créances»!
Mais avec des litiges portant sur des créances de 7 000 $, de 10 000 $, voire même de 15 000 $,
nous sommes bien loin des 300 $, le seuil monétaire des créances admissibles lors de la mise
sur pied de la Division des petites créances au sein de la « Cour provinciale », en 1972. En
réalité, ce sont des sommes supérieures qui sont soumises à la Divion des petites créances
puisque nombre de parties en demande réduisent leurs réclamations pour pouvoir présenter
leurs demandes à cette dernière. Et si on ajoute à la demande principale la demande
reconventionnelle de la partie en défense, nous voilà donc avec un litige qui pourra être même de
30 000 $ avec la proposition de la réforme.
En somme, quelque 40 ans plus tard, le moment n'est-il pas venu de revoir, non seulement mais
l'appellation mais surtout, la « gestion » des créances qui n'ont parfois, somme toute, que de
«petites» leur appellation!
D'emblée, avant toute autre chose, il convient de rappeler une règle fondamentale : « Toute
personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un
tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé… », un droit fondamental consacré à l'article 23
de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
C'est un droit et non une obligation! Les parties, avec leur consentement éclairé, ne peuvent-elles
pas privilégier d'autres moyens appropriés pour régler leur litige?
Selon l'expression usuelle, poser la question n'est-il pas y répondre?
De même, convient-il de rappeler le postulat énoncé au rapport du comité présidé par le
professeur Denis Ferland, rapport intitulé : « Pour une nouvelle culture judiciaire », qui invitait à
la responsabilisation des parties à un litige donné. Le litige appartient toujours aux parties, il leur
est toujours loisible de le régler selon le mode le plus approprié, sous réserve des règles d'ordre
publique ou encore lorsqu'il y a un déséquilibre entre parties, comme en matière de protection du
consommateur, notamment.
C'est dans cette optique que le « carrefour giratoire » vous est soumis à la réflexion et à la
discussion.
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Il y est question notamment de :

la médiation volontaire ou « un peu moins volontaire », le président de l'Office de la
protection du consommateur, Me Louis Borgeat, vous en glissera un mot;

la conciliation par un juge qui, avec le consentement des parties, pourrait décider de leur
litige; cette hypothèse ne veut pas une voie qui écarte la médiation par des juristes du
secteur privé comme le service actuel de médiation le prévoit. Il se veut toutefois «un
choix alternatif» pouvant être offert aux parties; une réponse en quelque sorte aux vœux
exprimés par des répondants à l'offre de médiation offerte aux parties dans le cadre du
projet-pilote sur les petites créances de Laval, lesquelles écartaient la médiation par des
juristes : « On veut parler à un juge » écrivaient-ils;

du procès sommaire, tous les litiges portant sur des petites créances nécessitent-ils le
recours à la panoplie des règles de preuve applicables dans les litiges portant sur des
sommes beaucoup plus importantes? Le professeur Lafond en traite dans son excellent
ouvrage sur l'accès à la justice au chapitre portant sur la « Cour des petites créances ».
L'idée ne mérite-t-elle pas une attention certaine surtout lorsque la preuve testimoniale
est admise pour les créances de qui n'excède pas 1500 $ et pour ceux soumis à la Loi
sur la protection du consommateur?
La voie la plus innovatrice, si l'expression m'est permise, est celle de proposer une période
« tampon » entre le début de l'instance et la mise en demeure exigée le plus souvent à la partie
en demande à la Division des petites créances. C'est une variante de l'expérience anglaise du
« pre protocol » ou encore de la proposition de l'Observatoire sur le droit à la justice dans le
cadre de son mémoire soumis à la commission parlementaire sur la réforme de la procédure
civile qui propose un délai préalable de 60 jours mais pour toutes les instances civiles.
Ce délai de 45 jours exigé avant que ne débute une instance à la Division des petites créances,
se veut une invitation pressante lancée aux parties:

à requérir aux services d'assistance juridiques disponibles, que ce soit en consultant un
membre du Barreau, des conseils juridiques obtenus sans frais parce que couverts par
l'assurance frais juridiques, ou obtenus au palais de justice dans les cadre des
consultations gratuites offertes comme à Montréal et à Québec, ou grâce au service de
référence du Barreau, moyennant certains frais;

de participer aux séances d'information offertes aussi par les Barreaux dans certaines
régions du Québec (Laval-Laurentides-Lanaudière,Longueuil, notamment);

à consulter les informations disponibles sur le site renouvelé d'Éducaloi, un
incontournable en matière d'accès à la justice, ou encore

à obtenir des renseignements auprès des centres de services de justice de proximité,
etc.).
Les voies sont multiples!
Dans le contexte proposé, la mise en demeure transmise par la partie en demeure n'énonce pas
seulement son objet, soit de réclamer une somme d'argent, mais comporte également une
invitation à consulter, à négocier et à discuter en vue de tenter de régler à l'amiable leur litige, le
cas échéant.
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Peut-être que certains d'entre vous penseront que c'est une hypothèse quelque peu «holistique»!
Qu'il suffise de rappeler une réalité qu'enseigne la pratique des tribunaux. Plus ou moins 90 %
des litiges font l'objet de règlement hors cour grâce à l'intervention des avocats, notamment!
Certes, il serait souhaitable que les règlements interviennent plus tôt dans le processus judiciaire,
mais là c'est un autre débat!
Par ailleurs, même à défaut de régler à l'amiable leur litige, les parties entrent dans le processus
judiciaire mieux informées et préparées, les enjeux sont davantage articulés pour l'audition
devant un juge. Au surplus, rien n'empêche les parties de recourir, aux autres voies procédurales
énoncées au «carrefour giratoire», selon leur disponibilité, le cas échéant, soit la médiation, la
conciliation par un juge, le procès sommaire, etc.
Voilà donc des idées qui vous sont soumises à la réflexion et à la discussion!
Merci.
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