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Préface à l’édition anglaise
Le mot « vision », disait Thomas d’Aquin, peut avoir deux
sens : dans le premier, il signifie la perception par l’organe
de la vue ; dans le second, il est appliqué à la perception
interne due à l’imagination ou à l’intellect1.
Au sens mystique, l’épreuve visionnaire n’est pas nécessairement une expérience optique, tout en étant une
expérience de l’image. Cette image peut revêtir des degrés
de clarté variables. La plupart des mystiques sont pourtant
d’accord sur le fait que la rencontre avec le transcendant
est, dans son essence, ineffable, inénarrable, irreprésentable,
ce qui n’empêche pas que la culture occidentale dispose d’innombrables textes littéraires et d’autant d’œuvres d’art qui en
parlent. Il s’agit donc de textes et d’images problématiques
et paradoxaux puisqu’ils représentent ce qui, a priori, ne peut
être ni vu (« tu ne peux pas voir ma face, car l’homme ne peut
me voir et vivre2 ») ni représenté (« l’imitation de l’invisible
n’est pas du domaine de la peinture3 »).
C’est justement le grand problème de la « représentation
de l’irreprésentable » que ce livre aborde, dans la perspective de l’histoire de l’art. La peinture espagnole du XVIe et du
XVIIe siècles fournira la plupart des exemples, mais l’enjeu
de cette recherche est plus vaste. Il s’agit, en fait, d’aborder
un cas extrême de la représentation picturale, dans un espace
géographique limité mais sur une toile de fond très ample.
––––––––––
1. Thomas d’Aquin, Summa theologica, I, q. LXVII, a, 1.
2. Exode, 33, 20 (toutes les citations de la Bible se réfèrent à l’édition de la Bible de Jérusalem, Paris, 1985).
3. V. Carducho, Diálogos de la Pintura. Su defensa, origen, esencia,
definición, modos y diferencias (Madrid, 1633), éd. par Fr. Calvo
Serraller (Madrid, 1979), p. 152.
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Cette toile de fond est constituée, d’un côté, par l’art occidental de la même époque et, de l’autre, par la spiritualité de
la Contre-Réforme, qui redécouvre le rôle de l’imaginaire dans
l’exercice de la foi.
Considéré dans ce contexte, l’exemple de l’Espagne est à
plusieurs titres instructif. Les caractéristiques fondamentales de
l’imaginaire occidental s’y trouvent, indéniablement, poussées à
leurs limites. Marquée d’abord par l’art des « Primitifs flamands »
et, dans un second temps, par le maniérisme et le baroque italiens,
la peinture espagnole cristallise un langage propre, ouvertement
médité, à partir d’une assimilation assez tardive de solutions
inventées ailleurs. On pourrait dire, en simplifiant, que la peinture espagnole atteint l’originalité non par ses inventions, mais
par ses élaborations. Étant un art d’« élaboration », l’art espagnol sera également un art où toute nouveauté sera soumise à
une grille interprétative presque obligatoire. Passionnée et cérébrale en même temps, la peinture espagnole offre ainsi un terrain
extrêmement riche pour des recherches concernant les données
théoriques de la représentation.
La littérature visionnaire espagnole, de son côté, possède
le même caractère exemplaire. Élaborée à partir d’influences
diverses (idéologie de la Contre-Réforme, fond spirituel arabe,
héritage juif, influences de la mystique néerlandaise) la littérature ascétique du XVIe siècle se présente, dans la péninsule
ibérique, comme une véritable exacerbation de la spiritualité
occidentale. Son caractère extrême constitue l’une des raisons
pour laquelle l’autorité ecclésiastique la considéra, tout au long
du XVIe siècle, comme hautement suspecte. L’ampleur de la
surveillance de l’Inquisition en Espagne (beaucoup plus active
et plus sévère qu’ailleurs) correspondait au désir de contrôler
un imaginaire qui se dérobait très souvent à toute contrainte
institutionnalisée. Il est également significatif, au sein de la
grande littérature mystique espagnole du XVIe siècle, que le
débat autour du rôle joué par les images dans l’exercice spirituel connaisse les solutions les plus opposées, qui vont de
l’affirmation totale (de la part d’un Ignace de Loyola et d’une
Thérèse d’Avila) jusqu’à leur négation radicale (dans l’œuvre
d’un Jean de la Croix et, plus tard, chez Miguel de Molinos).
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Pourtant, un écart temporel évident sépare l’époque de
plénitude de la littérature visionnaire (le XVIe siècle) de celle
de l’épanouissement de la peinture visionnaire espagnole (le
XVIIe siècle). L’image peinte, en tant qu’instrument de la diffusion d’expériences exceptionnelles (pour la plupart strictement
personnelles et même secrètes), atteint sa véritable vocation
seulement au moment où l’autorité ecclésiastique réussit à
récupérer, incorporer et, pour ainsi dire, « dompter » la fureur
mystique dont fut agité le XVIe siècle.
L’assimilation par l’autorité religieuse de l’expérience
mystique est accompagnée d’un processus de cristallisation
des solutions figuratives aptes à représenter (et à diffuser)
visuellement l’expérience visionnaire. Le nouveau type d’images
peintes s’élabore en Italie à partir de l’héritage des grands
maîtres de la Haute Renaissance, tels Raphaël et Titien, et
trouve en Espagne un terrain extrêmement propice à sa propagation. L’une des priorités de ce livre consiste en la définition
du statut théorique de l’imagerie visionnaire dans l’art occidental en général et dans celui de la Contre-Réforme espagnole
en particulier.
Pour faire face à la tâche que je me suis proposée, j’ai
emprunté le chemin qui m’a paru être le plus direct : interroger la langue originaire des images, essayer de déchiffrer
le mécanisme de leur fonctionnement en tant qu’images relatant une expérience d’image (une « vision »). En abordant ce
sujet, mon intérêt a été avant tout herméneutique. La démarche
interprétative, simple quant à son point de départ, s’est avérée
pourtant n’être exempte ni de risques ni de difficultés.
Du point de vue théorique, ce livre fait suite à un de mes
ouvrages récents où j’avais essayé de comprendre la formation d’une nouvelle conception de l’image peinte au XVIe et
au XVIIe siècles, à partir des mécanismes de dédoublement
métapictural1. Le tableau à fonction religieuse jouait pourtant
un rôle très restreint dans cette enquête. Celle-ci terminée,
je me suis alors rendu compte que l’imaginaire religieux abor––––––––––
1. V. I. Stoichita, L’Instauration du tableau. Métapeinture à l’aube
des Temps Modernes (Paris, 1993 ; nouvelle édition Genève, 1999).
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dait exactement la même problématique métapicturale, bien
qu’à partir de prémisses et avec des instruments différents.
N’ayant pas trouvé, dans la littérature spécialisée, de réponses
satisfaisantes à toutes les questions découlant de cette première
observation, je me suis progressivement engagé dans une
recherche dont je soumets aujourd’hui les résultats au jugement du lecteur.
Heureusement, j’ai été aidé dans mon entreprise par des
études relativement avancées sur le statut de l’image de culte
dans la culture européenne1, par la connaissance partielle de
la phénoménologie visionnaire2 et par des travaux de pionniers consacrés à l’image religieuse au XVIe et au XVIIe siècle3.
D’autre part, je me suis heurté à de grandes difficultés dues
à l’absence de synthèse sur le rapport entre peinture et vision
et d’étude approfondie consacrée à la cristallisation (en Italie,
au XVIe siècle) de l’image à deux registres ainsi qu’à la presque
inexistence de recherches fondamentales sur la phénoménologie du corps en extase et sur l’érotique sacrée4. Si de
telles études avaient existé, celle-ci aurait sans doute pu en
bénéficier.
De nombreux amis et collègues ont suppléé partiellement
à ces manques en acceptant de discuter avec moi les différents points de cet ouvrage et m’ont fait part de leur science :
Daniel Arasse (†), Estelle Amy de la Bretèque, Hans Belting,
––––––––––
1. D. Freedberg, The Power of Images. Studies in the History and
Theory of Response (Chicago/Londres, 1989) ; H. Belting, Bild und
Kult. Eine Geschichte des Bildes vor dem Zeitalter der Kunst (Munich,
1990). Une importante mise au point théorique de statut de l’image
et de la fiction, en étroite relation avec les problèmes discutés dans
le présent livre, est celle de W. Iser, Das Fiktive und das Imaginäre.
Perspektiven literarischen Anthropologie (Francfort s. l. Main, 1991).
2. E. Benz, Die Vision. Erfahrungsformen und Bilderwelt (Stuttgart,
1969).
3. E. Mâle, L’Art religieux de la fin du XVI e siècle, du XVII e siècle et
du XVIII e siècle. Étude sur l’iconographie après le Concile de Trente,
Italie-France-Espagne-Flandres (Paris, 1972) ; W. Weisbach, Der
Barock als Kunst der Gegenreformation (Berlin, 1921).
4. Voir pourtant les études de C. Walker Bynum, dont récemment
Fragmentation and Redemption. Essays on Gender and the Human
Body in Medieval Religion (New York, 1992).
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Georges Didi-Huberman, David Freedberg, María del Mar
Lozano Bartolozzi, Miguel Morán, John Shearman, Michael
Scholz-Hänsel, Victor Alexandre Stoichita, Susann Waldmann.
Les hypothèses comme les solutions, parfois hardies, contenues dans ce livre m’incombent pourtant exclusivement. Le
manuscrit a également bénéficié de la lecture attentive et
extrêmement constructive de Didier Martens et de Thierry
Lenain. Grâce à eux, le texte a gagné en cohérence et clarté.
Catherine Schaller a relu le manuscrit en lui apportant des
améliorations de style.
Le travail de documentation a bénéficié de l’aide de
Mademoiselle Anita Petrovski. Il a été mené à bon terme grâce
à la grande amabilité du personnel du Center of Advanced
Study in the Visual Art de la National Gallery de Washington,
D. C., lorsque je séjournais dans cette institution comme bénéficiaire d’une bourse Ailsa Mellon Bruce. Ma femme a toujours
été auprès de moi, non seulement dans les voyages d’études
qui ont précédé la rédaction de l’ouvrage, mais aussi dans
toutes les étapes de son élaboration et de sa rédaction. Enfin,
ce livre n’aurait pas existé sans l’enthousiasme et les encouragements de Norman Bryson.
À tous, mes remerciements et ma reconnaissance.
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CHAPITRE PREMIER
ENCADRER L’AU-DELÀ :
EN QUÊTE D’UNE DÉFINITION
1. La vision racontée
Jusqu’au dernier quart du XVIe siècle, les visions et les expériences visionnaires ne semblent pas avoir préoccupé la
peinture espagnole d’une façon particulière. Ce genre de
représentation n’en est pourtant pas complètement absent.
Un exemple, choisi au hasard, peut illustrer la façon dont
les peintres de cette époque l’ont abordé.
Le tableau de Juan de Juanes représentant Saint Étienne
disputant dans le temple (vers 1560-1565), jadis dans l’église
San Esteban de Valence (illus. 1), s’appuie sur un passage bien
connu des Actes des Apôtres, où l’on raconte comment Étienne,
le premier martyr chrétien, exposa devant le grand prêtre sa
pensée sur la maison de Dieu. Ses opinions (« le Très-Haut n’habite pas dans des demeures faites de main d’homme »)
provoquent l’irritation des gens de la Synagogue :
« À ces mots, leurs cœurs frémissaient de rage, et ils grinçaient des dents contre Étienne.
Tout rempli de l’Esprit Saint, il fixa son regard vers le ciel ;
il vit alors la gloire de Dieu et Jésus debout à sa droite.
“Ah ! dit-il, je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme
debout à la droite de Dieu.”
Jetant alors de grands cris ils se bouchèrent les oreilles et,
comme un seul homme, se précipitèrent sur lui1… »
Juan de Juanes a dû résoudre dans son tableau deux
problèmes figuratifs assez épineux : celui du discours rapporté
––––––––––
1. Actes des Apôtres, 7, 48 et 54-57.
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1. Juan de Juanes, Saint Étienne disputant dans le temple,
vers 1560-1565, huile sur bois, 160 × 125 cm, Madrid, Museo del Prado.
(faire comprendre au spectateur ce qu’Étienne dit) et celui de
l’image rapportée (faire comprendre au spectateur ce qu’Étienne
voit)1. Il le fait en recourant à une méthode apparemment
––––––––––
1. Voir Sixten Ringbom, « Action and Report : The Problem of Indirect
Narration in the Academic Theory of Painting », Journal of the Warburg
and Courtauld Institutes, 52 (1989), p. 34-51.
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très simple : le discours rapporté est inscrit sur un livre qu’Étienne
tient ouvert dans sa main gauche tandis qu’il pointe de la droite
vers une fenêtre où apparaît le Christ dans les nuages.
La diagonale formée par les bras d’Étienne traverse l’espace de la représentation et « polarise » pour ainsi dire la parole
et l’image tout en les rendant accessibles au spectateur.
Les gens de la Synagogue ne voient pourtant pas ce
qu’Étienne voit et ce que le spectateur a le privilège de voir
lui aussi. Ils entendent seulement les mots-blasphèmes de
l’adepte du Christ et les rejettent avec véhémence.
Il y a dans la mise en scène du conflit qui oppose Étienne
aux Juifs un raffinement qu’il convient de souligner. La droite
du martyr croise à un certain moment le bras levé au poing
serré de l’un de ses opposants. Ce croisement significatif, qui
est comme un résumé du conflit en acte, advient sur le fond
d’une colonne. On est dans le Temple de Jérusalem et cette
colonne est, symboliquement, l’axe même du Temple. À
son extrémité, près du chapiteau, se trouve la figure grotesque
d’une divinité païenne. D’autres figurations idolâtres peuplent
ce lieu : un nu vu de dos se trouve à droite, un autre décore
le trône du grand prêtre, une statue ayant plutôt l’air d’une
caricature que d’une image de culte se tient sur la corniche
de gauche, près de la fenêtre.
C’est entre ces simulacres que le ciel s’ouvre en laissant
voir l’image du « vrai dieu », mais d’un dieu que les gens de
la Synagogue ne veulent ni voir, ni connaître. Cette fenêtrevision s’oppose à l’oculus qui se trouve derrière Étienne. Il
s’agit là de la présentation symbolique du ciel vide, contrepartie à l’apparition du vrai Dieu. La vraie vision s’oppose
donc au simple « trou » comme la foi d’Étienne s’oppose à l’incroyance des gens du temple.
Pourtant le conflit qui oppose Étienne aux Juifs ne concerne
pas la question des images, mais la notion même de « temple ».
Juan de Juanes se montre ici extrêmement bien conseillé,
puisqu’il renferme dans son image tout un éventail d’allusions
cultivées concernant cette notion. Une des acceptions primitive du mot templum est celle de « ciel ». Le mot désigna
dans un second temps un rectangle tracé sur le ciel, espace
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consacré et fait pour être « contemplé ». C’est seulement plus
tardivement qu’il désignera le lieu de culte1.
Des textes espagnols importants de l’époque démontrent
que l’acception primitive du « temple » comme « demeure
céleste » de la divinité était encore en vogue2.
Dans le tableau de Juan de Juanes, Étienne invite à parcourir
le chemin menant du faux temple au vrai. Il nous invite aussi
par son geste et son regard à « contempler » Dieu dans son
« vrai Temple ». Des considérations d’ordre doctrinal l’empêchent pourtant de représenter, comme le texte l’aurait
demandé, Dieu le Père3 ; le peintre se limite à encadrer dans
le rectangle d’une (fausse) fenêtre le Fils de l’homme et lui
seul, entouré de la gloire de Dieu.
Juan de Juanes essaie pourtant de rendre de manière aussi
peu choquante que possible la censure à laquelle il a soumis
le texte (et l’image). Le livre qu’Étienne exhibe au spectateur (évident anachronisme puisqu’il s’agit des Actes des Apôtres
eux-mêmes) ne nous est accessible que partiellement. Seule
une partie de la première page est déchiffrable, tandis que
le reste est occulté stratégiquement par la main et le bras
d’Étienne. Le texte qu’on peut y lire (« …je vois les cieux
ouverts et le Fils de l’homme… ») coïncide parfaitement avec
l’image qu’on peut voir à l’autre extrémité du tableau (Jésus
dans les nuages). La suite de ce texte («… debout à la droite
de Dieu. ») et le reste de l’image (la figure du Dieu-Père luimême) sont inaccessibles par voie directe. Le spectateur peut
toutefois tenter une opération de reconstitution, en restituant
mentalement la suite du texte et en complétant le fragment
de ciel montré par la fenêtre.
––––––––––
1. Voir Ae. Forcellini, Totius Latinitatis Lexicon (Leipzig/Londres, 1835),
p. 287.
2. Voir, par exemple, Fray Juan de los Ángeles, Obras místicas, Primera
parte, (= Nueva Biblioteca de Autores Españoles, 20), (Madrid, 1912),
p. 263 : « Escucha, oh Señor, la voz de mi humilde súplica cuando estoy
orando a Ti ; cuando extiendo en alto mis manos hacia tu santo templo. »
3. D’autres peintres le font, en suivant des modèles qui venaient de
l’Italie du Nord, comme par exemple : Pedro de Villegas Marmolejo
dans son Annonciation de San Lorenzo de Séville.
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On peut considérer la démarche de Juan de Juanes comme
caractéristique de la manière dont on abordait les problèmes
du récit visionnaire dans la peinture espagnole du XVIe siècle
antérieure à l’arrivée du Greco: la représentation de la vision
est un moment narratif culminant, elle fait partie intégrante
du récit, mais se présente sous la forme d’une « image dans
l’image ».
2. La vision bricolée
Les plus anciennes sources parlant du tableau représentant la « Vision de saint Bruno», originairement dans la
Chartreuse de Val de Cristo (illus. 2), l’attribuent au peintre
valencien Juan Ribalta en le datant de 1621-16221. Récemment,
tant le nom de l’auteur que la date d’exécution furent mis
en question. Pour des raisons stylistiques assez discutables,
on a suggéré le nom du père de Juan Ribalta, Francisco, et
la date approximative de 16092. Or, il est peu probable que
ce tableau soit aussi ancien, puisque Bruno y apparaît comme
saint, pourvu d’une auréole. Puisque la canonisation de Bruno,
fondateur de l’ordre des Chartreux, eut lieu en 1623, il est très
probable que l’ancienne date (1621-1622), documentée par
les sources, soit la bonne, et que ce tableau fut conçu dans
le cadre de la campagne précédant tout procès de sanctification.
Comme tant d’autres tableaux de la Contre-Réforme, celuici a valeur de témoignage3 : il rend visible aux yeux du
spectateur-fidèle un épisode-clé de la vie de Bruno, celui
où les cieux s’ouvrirent, lui permettant la vision directe de
la divinité sous sa forme trinitaire. Le sujet est donc l’acte de
––––––––––
1. D. Fitz Darby, Francisco Ribalta and His School (Cambridge Mass.,
1938), p. 163-165.
2. D. M. Kowal, Ribalta y los ribaltescos : La evolución del estilo barroco
en Valencia (Valence, 1985), p. 64-65 et 242-243.
3. Voir É. Mâle, Après Trente, p. 1-17 et V. Casale, « I quadri di
canonizzazione : Lazzaro Baldi, Giacomo Zoboli. Produzione, riproduzione e qualità », Paragone, 389 (1982), p. 33-61.
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