Extrait - Architecture Hospitalière

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Extrait - Architecture Hospitalière
MAGAZINE ARCHI - N°7-2013_Mise en page 1 03/05/13 18:17 Page117
Extension du centre Hospitalier de Boulogne-sur-Mer :
plus de confort pour les patients, de meilleures
conditions de travail pour le personnel
Patrice Dutard, Architecte
HÔPITAL DE DEMAIN
Crédits photos : ©PatrickHMuller
La première phase du vaste projet de modernisation et d’extension du Centre Hospitalier
de Boulogne sur Mer s’est achevée l’an passée. L'extension de l'hôpital Duchenne répond
principalement à quatre objectifs : améliorer la sécurité des patients, notamment dans
les services de réanimation et de cardiologie ; développer les soins ambulatoires en
médecine et chirurgie afin de diminuer le temps d'hospitalisation des patients et donc
réduire les coûts ; améliorer le confort des patients en mettant à disposition de nouvelles
chambres individuelles ; assurer l'efficience et la qualité des services avec notamment
une évolution du plateau technique et la réorganisation de la logistique. Le nouveau
bâtiment a été conçu par l’Atelier d’architecture Dutard et construit par le groupe Rabot
Dutilleul. Douze niveaux au total dont trois semi-enterrés et neufs autres regroupant
différents services hospitaliers composent cette impressionnante structure à l’architecture
moderne.
Dans ce projet, Rabot Dutilleul Construction a apporté une attention toute particulière aux
attentes du personnel soignant du Centre Hospitalier. Afin que ce dernier puisse formuler
ses demandes spécifiques et se familiariser avec son futur environnement de travail, un
bloc opératoire, des postes de soins et deux chambres témoins ont été réalisés et entièrement équipés. Cette initiative a permis de caler au mieux la prestation effectuée, voire
même d’améliorer le projet initial Parallèlement, un prototype de façade a été construit,
soit un voile de 20 m de long sur 4 m de haut. Il a servi à tester tous les châssis et vêtures
avant leur déploiement sur le bâtiment lui-même. D’où une meilleure gestion des interfaces
entre les entreprises intervenant sur le site en phase de réalisation, et un point positif
supplémentaire dans la bonne gestion du planning et la tenue des délais.
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Comment définiriez-vous ce projet de modernisation et
d’extension du centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer ?
Cette extension est avant tout un projet important et nécessaire
à l’hôpital. Afin que l’établissement puisse répondre à la future
demande hospitalière dans la région, nous avons créé près de 150
chambres supplémentaires, un plateau technique modernisé
comptant 14 salles d’opérations, ainsi qu’un service de
stérilisation, des laboratoires et la pharmacie. Le programme
nous imposait de créer des services d’une plus grande technicité
et, pour l’hospitalisation, des chambres individuelles, avec
sanitaires et douches indépendantes. Au-delà de cette nécessité
d’efficience pour l’hôpital, nous avions pour objectif de
retravailler l’image de l’établissement. L’hôpital étant situé en
hauteur, dominant la ville et la mer, nous avons donné au bâtiment
une image radicalement différente, pour un « nouvel » hôpital.
Ce projet a été divisé en deux « tranches ». La première, que
nous avons inaugurée au mois de septembre, correspond à une
surface neuve de 30 400 m2 SDO. La seconde, actuellement en
phase d’études, représente environ 12 000 m² SDO, le chantier
devant débuter cette année.
Comment définiriez-vous cette nouvelle identité visuelle ?
Nous avons dû composer avec la déclivité du terrain qui représentait déjà une importante difficulté technique. La stratification
des différentes fonctions rend aujourd’hui le bâtiment très lisible.
Nous avons un socle de panneaux de béton désactivé pour les
parkings et locaux techniques, un grand bloc en béton blanc
correspondant aux services du plateau technique, et une
structure à la stratification horizontale marquée accueillant
quatre niveaux d’hospitalisation. La difficulté, pour l’architecte,
est de regrouper ces structures différenciées en un unique
bâtiment, de créer l’unité. D’un point de vue architectural,
chaque strate est traitée de manière différente, mais l’ensemble
reste cohérent. Nous sommes également restés rationnels,
notamment dans le traitement du plateau technique, en libérant les terrasses, afin que la vue depuis les chambres soit
nette, en minimisant l’effet dû aux émergences de CTA (Centrales
de Traitement d’Air), fréquent dans les hôpitaux. Ces centrales
sont donc placées en retrait, dans un espace situé entre le
plateau technique et la zone d’hospitalisation.
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Comment avez-vous réussi à intégrer cette extension
dans son environnement, notamment par rapport à l’ancien
bâtiment ?
Durant le concours, nous avons souhaité rester très fidèle et
respectueux de l’organisation préalable. Pour le bâtiment créé,
nous avons préservé une entrée générale au nord et une structure
en forme de « H » à laquelle vient s’ajouter une troisième aile
légèrement incurvée, orientée vers le sud-ouest et la mer. Cette
aile nous permet de raconter une histoire dans l’entre-deux des
bâtiments, et de faire pénétrer la lumière plus facilement dans
les 11 étages. Au sud, sous le bâtiment créé, nous retrouvons
toute la zone logistique, en maintenant un bouclage routier, pour
renforcer et réorganiser la zone technique préexistante. Notre
projet n’avait pas pour objectif de remettre en cause la lecture
des fonctions du bâtiment.
La gestion des flux…
Pour ce projet, cette question s’est posée de la même manière
que dans n’importe quel hôpital, avec quatre flux différenciés
pour les patients, le personnel et les visiteurs et le circuit de la
logistique. Une cohérence était nécessaire, pour chaque circuit,
en distinguant le propre et le sale et en évitant les croisements
intempestifs. Sur ce point, nous n’avons pas rencontré de réelles
difficultés puisque nous y sommes habitués. Nous avons
conservé une logique avec le bâtiment existant et cela se traduit
également dans les flux avec une entrée « nord » et la création
d’ascenseurs et d’escaliers afin de faciliter l’accès aux zones
d’hospitalisation. Pour les patients, en plus des jonctions faites
entre les deux ailes, nous avons créé un troisième passage
menant au bâtiment courbe. En résumé, ce système est
simplement la prolongation du fonctionnement existant, avec
une complexité nouvelle due à la taille supérieure du bâtiment.
Quels sont les éléments concourant à améliorer le
confort des patients ?
Le confort des patients passe avant tout par la qualité de la
chambre. Le malade doit se retrouver dans un espace éclairé à
la lumière naturelle avec une vue agréable, un espace équipé de
sanitaires isolés et individuels. Ma conception de l’hôpital est
grandement influencée par ma longue collaboration avec Pierre
Riboulet qui m’a initié à l’architecture hospitalière, notamment
sur le projet de l’hôpital Robert Debré. Il répétait souvent :
« l’hôpital, c’est comme autant de petites maisons juxtaposées
et devant faire un grand quartier ». Il faut faire en sorte que le
patient ne se sente pas isolé. Nous devons lui apporter un
confort psychologique, en conservant une certaine proximité
avec les autres résidents ou avec le personnel hospitalier. Il
nous faut donc apporter ce confort en composant avec une
notion d’échelle relative à la taille de la structure hospitalière
et à l’individualité du patient.
Quelle est l’importance de la lumière naturelle pour ce
bâtiment ?
C’est un élément auquel je suis très sensible. Un hôpital reste
une structure très complexe et, au niveau des chambres et des
couloirs, nous pouvons toujours imaginer des moyens simples à
mettre en place pour apporter la lumière naturelle. L’utilisation
de fenêtres et de couloirs doubles, notamment, nécessaire pour
le confort du visiteur et aussi pour son repérage dans l’espace
reste un excellent moyen. En revanche, dès qu’il s’agit de
locaux plus techniques, l’exercice devient tout de suite plus
délicat car l’hôpital, par sa fonctionnalité, génère de l’épaisseur.
Nous avons donc apporté la lumière naturelle dans les salles
d’opération. Malgré cette contrainte d’épaisseur, nous sommes
parvenu à fournir un éclairage naturel dans les locaux techniques
et blocs opératoires. Pour les chambres, nous avons également
installé des coursives d’accès obligatoires pour répondre aux
règles relatives à la sécurité, draconienne pour ce type
d’établissement. C’est une coursive purement technique réservée
de manière exclusive aux interventions des pompiers, donc
interdite au public, avec un système de sécurité permettant
d’ouvrir les fenêtres sans pour autant pouvoir sortir. Toutefois
nous nous sommes servis de cette contrainte pour démarquer
les différents étages et obtenir un rendu esthétique intéressant
en marquant la stratification.
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Architecture hospitalière - numéro 7 - mai 2013 Hôpital de demain
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Crédits photos : ©PatrickHMuller
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Dans quelle mesure avez-vous joué avec les couleurs ?
C’est toujours l’une de mes problématiques. J’estime qu’une
architecture correctement travaillée, avec une dialectique
cohérente entre sa forme et sa fonction, n’a pas nécessairement
besoin de couleurs additionnelles. Je préfère laisser la lumière
naturelle jouer son rôle en donnant son expression volumétrique
à la structure. Toutefois, pour ce projet, nous avons choisi de
colorer les différents panneaux d’aluminium cobon pour créer
une variation permettant d’animer subtilement cette façade
sans nous orienter vers des couleurs trop agressives. Nous
avons opté pour quelques touches de gris et de bleu, évoquant
les lumières naturelles, et des orangés, bruns, rappelant la
brique. Concernant l’intérieur du bâtiment, nous avons fait beaucoup de colorations modestes, sans extravagance, avec l’aide
de notre coloriste et supervisée par le maître d’ouvrage.
Est-ce que les espaces extérieurs ont bénéficié d’un
travail particulier, par rapport à l’existant ?
Tout d’abord, les espaces extérieurs sont assez restreints à
présent. Avec l’extension de l’établissement et les deux voiries
bouclant les différents niveaux du bâtiment, ces espaces se
résument finalement à des taillis situés en pente. Même si notre
paysagiste, Catherine Dutard, a travaillé sur la mise en place
des différents talus et autres détails, cela reste modeste mais
contribue à mieux « asseoir » le bâtiment sur son support.
Ce projet s’est-il inscrit dans le cadre d’une démarche
de Haute Qualité Environnementale ?
La HQE a été un objectif important pour nous. Nous avons
notamment eu une réflexion très poussée au niveau de l’isolation
thermique du bâtiment. Il est ainsi isolé par l’extérieur : les
panneaux d’aluminium avec leur propre système d’isolation
thermique, ou le bloc opératoire, avec un béton recouvert de
laine de roche et de panneaux blancs. Nous avons également opté
pour un système à rupture de ponts thermiques, relativement
onéreux, notamment pour les coursives extérieures. Bien souvent,
le béton d’un balcon se prolonge pour constituer le plancher
intérieur, favorisant les échanges thermiques. Sur le projet de
Boulogne-sur-Mer, nous avons privilégié un système permettant
de rompre ce prolongement, avec des balcons retenus par une
structure spéciale calfeutrée de matériaux anti-feu et anticorrosion, et interdisant les échanges thermiques.
consistant essentiellement à des restructurations intérieures de
l’existant. Nous allons refaire certains services très importants,
notamment la réanimation, un plateau d’accouchement, un
service de consultation en gynécologie. Nous allons également
réaménager le grand hall existant, avec le service d’accueil. Et,
à cela, s’ajouteront des restructurations ponctuelles dans les
différentes ailes du bâtiment.
L’hôpital de demain…
Pour moi, le service des urgences représente un vrai problème
dans les hôpitaux actuels, tout comme la nécessité de concentrer
des moyens techniques de plus en plus onéreux au même
endroit, entraînant la fermeture de certains hôpitaux moins bien
équipés. À cela, certaines solutions peuvent être trouvées en
ville, comme les dispensaires qui représentent une excellente
alternative. Repenser et réorganiser ce type de structures de
quartiers permettraient de désengorger les services d’urgences
aux trois-quarts. Aujourd’hui, les patients se rendent aux
urgences comme s’ils allaient chez le médecin et cette « bobologie » paralyse de manière importante ce type de services dans
les hôpitaux. Je pense également que la chirurgie ambulatoire
va prendre plus d’ampleur. Aussi, il ne faut pas que les hôpitaux
atteignent des échelles démesurées, avec un coût de fonctionnement élevé. Les établissements hospitaliers doivent renforcer
leur capacité à faire de la chirurgie ambulatoire et avoir une
organisation en conséquence, notamment aux niveaux des
chambres et de l’accueil des patients. Pour les cas plus lourds,
nous pourrions alors envisager une hospitalisation « standard »
avec des hébergements en plus petit nombre. Globalement, mis
à part pour les équipements techniques, les budgets sont insuffisants dans le secteur hospitalier. Et quand on compare le
prix du mètre carré d’un hôpital par rapport à celui d’un hôtel de
région, on peut rester songeur !
Comment s’est déroulé le chantier ?
Il s’est bien déroulé dans la mesure où j’avais des collaborateurs
efficaces, notamment Guillaume Berteloot, du bureau d’études
Artelia, qui a été remarquable durant ce chantier ainsi que ma
collaboratrice, Maria Moldoveanu, qui a supervisé le chantier
pour le compte de mon agence. Concernant l’entreprise de
construction, elle avait conscience de l’importance du projet et
a donc bien travaillé, malgré quelques détails de finition restant
à reprendre, mais cela est commun à tous les chantiers de cette
ampleur. Dans l’ensemble, je suis assez satisfait puisque nous
avons un bâtiment propre et des délais respectés.
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Quelles sont les prochaines étapes désormais ?
En ce qui nous concerne, nous entamons la deuxième phase.
C’est une réalisation plus petite, environ 12 000 m2 SDO,
Crédits photos : ©PatrickHMuller