L`exemple de la Banque de détail

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L`exemple de la Banque de détail
short track
MARS 2011
Comment créer de la proximité
dans un dispositif multicanal de relation client ?
L’exemple de la Banque de détail
Toute entreprise doit-elle créer de la proximité avec ses
clients ? La proximité n’est pas une fin en soi. Cependant,
elle peut être un outil efficace pour développer la fidélité,
accroître le panier moyen et l’attachement à une marque.
Lorsqu’une entreprise ne se différencie ni par ses produits
et services, ni par ses prix, il lui est indispensable de trouver
d’autres sources d’avantage concurrentiel, et la proximité
peut en faire partie. Nous avons choisi de nous intéresser à la
banque de détail ; mais le propos que nous développons ici
peut s’appliquer à de nombreux secteurs.
Restaurer la confiance est devenu une priorité essentielle pour les banques au lendemain de la crise financière de 2008. Qu’il s’agisse des obscurs mécanismes
de titrisation des crédits immobiliers ayant conduit à
la crise, ou de la relance massive à coups de milliards
publics, vite remboursés sans passage par le purgatoire,
les reproches sont lourds même lorsqu’ils ne sont pas
justifiés. Nous ne reviendrons pas sur ce sujet largement
couvert, mais nous nous concentrerons sur la proximité, en tant que moyen de restaurer et consolider la
confiance.
Dans Confiance et Proximité, les chercheurs Claude
Dupuy et André Torre notent : « La confiance constitue
bien (…) le lubrifiant des relations sociales et économiques, alors que de la répétition des relations de face
à face, permise par la faible distance, naissent les liens
de partenariat. »
Une forme de proximité est un pré requis nécessaire,
sinon suffisant, à la confiance. Peut-elle être autre chose
que la proximité géographique et les relations de face à
face ? Existe-t-il une recette unique de proximité dans la
relation client du XXIe siècle ?
A. LES INGRÉDIENTS DE LA PROXIMITÉ
Si le Larousse s‘en tient, pour définir la proximité, aux
notions de distance physique ou de distance temporelle, André Torre y ajoute la dimension organisationnelle
(proximité organisée) qui caractérise la faculté d’un système à faire interagir ses membres. En termes de relation
client, nous identifions 8 principaux critères de proximité :
4. L
a lisibilité du parcours : le client sait-il naturellement qui joindre en fonction de sa demande ? Comprend-il les options à sa disposition ? Se représentet-il son interlocuteur, comprend-il son rôle ?
1. L
e temps d’accès : le client doit-il effectuer un long
trajet pour visiter son agence ? Doit-il patienter longtemps au téléphone, ou doit-il rappeler ? Suffit-il de
lancer l’application de sa banque sur son smartphone
pour accéder instantanément à l’ensemble des services souhaités ?
6. L
a possibilité de contacter l’interlocuteur souhaité
sans être retenu par des barrières telles que l’accueil,
le filtrage des appels ou l’interception des emails par
un middle-office anonyme.
2. Le coût d’accès pour le client : il est lié à la distance
physique, mais aussi au prix des services et aux surtaxes éventuelles. Il est également lié au temps d’accès pour les clients qui estiment que leur temps est
précieux.
3. La simplicité d’accès : elle dépend du nombre d’options offertes au client, de leur côté pratique, de
leur ergonomie. Peut-on se garer près de l’agence ?
Faut-il avoir trois interlocuteurs avant de joindre son
conseiller ? 2 clicks sur un smartphone suffisent-ils à
obtenir le montant de son encours ?
5. L
’étendue des plages horaires de l’agence, du CRC,
du conseiller…
7. L
e fait d’être reconnu : il est lié en premier lieu à la
répétition des contacts avec les mêmes interlocuteurs,
mais aidé également par la connaissance des dossiers,
le caractère nominatif des échanges… il consiste également à ne pas être tenu de s’identifier 3 fois avant de
pouvoir exposer son problème.
8. L
a convivialité, le sourire : ce sont des moyens
simples d’établir les bases d’une relation sans nécessairement avoir recours à la communication verbale.
En face à face, c’est simple. Au téléphone, le sourire
s’apprend. A l’écrit, la recette est à inventer !
Ces 8 critères ont, chacun, une acception différente suivant le canal employé par la banque et ses clients.
B. PROXIMITÉS AU PLURIEL
L’observation des interactions entre les clients et leur
banque amène deux constats structurants :
1 • Chaque opération (demande d’information, virement, duplicata de relevé, augmentation du découvert, perte de chéquier, accord d’un crédit, etc.) ne
peut être traitée que sur un nombre restreint de canaux d’interactions.
2 • Un client n’emploie qu’un nombre limité de canaux
et possède ses propres préférences, très variables selon son âge, sa catégorie socio-professionnelle, son
domicile et son profil.
Les conséquences en termes de proximité sont multiples :
• La proximité ne consiste donc pas simplement à multiplier les points de contact. En revanche, la multiplication des canaux permet de répondre aux attentes des
différentes typologies de clients.
• À l’inverse, une banque ne peut en aucun cas ouvrir
un canal performant au titre des critères de proximité
listés plus haut et miser sur ce seul canal pour générer
de la proximité en général.
• Limiter l’accès à certains canaux (par exemple, proscrire l’échange d’emails avec le conseiller) risque de
détruire la proximité pour ceux des clients pour lesquels la proximité est optimale sur ce canal.
• L’essentiel est de rendre les points de contact cohérents entre eux, interconnectés, d’aider le client à se
sentir reconnu et créer ainsi de la proximité. Il s’agit par
exemple que le conseiller qui rencontre son client en
agence soit informé que ce dernier a réalisé une simulation de prêt immobilier sur le Web, ou qu’il a appelé
de manière répétée pour obtenir des duplicatas de ses
relevés de comptes.
En somme, la proximité doit être pensée pour chaque
type d’interaction et pour chaque segment de client – il
importe de déterminer une segmentation pertinente au
titre de l’emploi des canaux. Lors d’une visite en agence
pour rencontrer son conseiller, une attente de quelques
minutes est parfaitement acceptable et ne crée pas nécessairement une distance désagréable. En revanche la
cliente déclarant le vol de son chéquier ou de sa carte
de crédit attendra une prise en charge immédiate et une
marque de compassion.
Enfin, la notion de proximité est très liée à la perception
du client : elle est subjective, personnelle. Il faudrait parler
de proximité produite et de proximité perçue ! Pour une
même opération effectuée sur le même canal, 2 clients
peuvent avoir des perceptions de proximité distinctes.
Méfions-nous, donc, du schéma classique du multicanal
représentant le client au centre d’un dispositif complet
de relation client (agence, banque en ligne, email, service
client, smartphone, automate, etc.), car ce schéma peut
laisser penser, à tort, à une recette unique et figée de la
proximité, servie à l’ensemble des clients.
C. LES LEVIERS DE LA PROXIMITÉ
L’agence bancaire : un rôle prépondérant
L’agence répond aux critères de simplicité, de lisibilité,
permet en principe de rentrer en contact avec l’interlocuteur souhaité et d’être reconnu. Le grand paradoxe de
l’agence est qu’elle est à la fois coûteuse, de moins en
moins fréquentée, et que pourtant elle conserve un rôle
essentiel. De canal prépondérant, elle devient ambas-
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sadrice de l’enseigne. D’ailleurs comme l’indique le diagramme ci-contre, les Français vont de moins en moins
souvent en agence mais très peu ont totalement cessé
de s’y rendre. Pour beaucoup, sa présence est essentielle,
rassurante. De plus, en France les agences demeurent le
premier lieu de souscription. En conséquence, la majorité
des réseaux de banque de détail français mettent actuel-
lement en avant le rôle de l’agence dans leur communication publique. La BNP vient d’ouvrir une agence de
nouvelle génération, centrée sur l’accueil, dans le quartier
de l’Opéra à Paris. La Société Générale insiste sur la possibilité de contacter son agence par email. Chez Tarnaud,
on spécifie que le client a le numéro de téléphone direct
et l’email de son conseiller.
Suivant les réseaux, l’agence conserve un rôle plus ou
moins prépondérant dans la relation client :
• Elle peut être le centre névralgique de la relation,
centrée autour du conseiller, qui pilote la relation et
gère la majorité des contacts, qui sont concentrés
vers l’agence. La problématique rencontrée par de
nombreux réseaux est qu’il est bien plus difficile de
quantifier la valeur de l’agence, de piloter son niveau
de service, son taux de résolution, etc. Les outils (CRM,
voix sur IP, téléphonie et pilotage intégré des e-mails)
se développent et devraient faciliter ce pilotage, sous
réserve d’une organisation appropriée.
• L’agence peut, à l’opposé, viser un modèle low-cost,
profitant de la baisse du trafic. Moins de personnel à
l’accueil, multiplication des guichets automatiques,
mise en avant des numéros d’accès par téléphone et
d’internet. Pour le moment un vrai modèle low-cost
n’a été réellement mis en place que dans des réseaux
en expansion, en Asie et en Inde, mais des variantes
ont été testées, comme les Caisses d’Épargne avec le
« libre-service conseil ».
• En France, les grands réseaux commencent à développer le modèle de l’agence en ligne. Les services sont
les mêmes, les clients sont affectés à un conseiller. Mais
l’agence est physiquement inaccessible aux clients,
hébergée par exemple auprès d’un centre de contacts.
La proximité y perd ce qu’y gagne le pilotage des niveaux de service et du ratio entre la taille de l’agence
et le nombre de clients.
Ces trois modèles actionnent des leviers de proximité
différents (horaires élargis, proximité physique, reconnaissance, etc). En revanche, une stratégie dissuasive
visant à encourager le basculement des clients vers les
canaux à distance, en restreignant l’accès à l’agence
(horaires restreints, appels renvoyés sur un centre de
contact, impossibilité d’envoyer un email à son conseiller),
ne peut favoriser la proximité. Les banques devraient
probablement continuer de privilégier une stratégie incitative et développer des canaux ultra-performants sans
limiter l’accès à l’agence.
Le conseiller : s’inspirer de la gestion privée ?
Le conseiller satisfait les mêmes critères que l’agence,
avec une emphase sur la personnalisation qui est compensée par une disponibilité limitée et par un turn-over
potentiellement élevé. Le terme employé dans la banque
privée, Relationship Manager, est intéressant car il met la
relation au cœur du rôle du conseiller, qui ne gère plus un
portefeuille de clients mais un ensemble de relations. La
proximité, c’est lui. Il est responsable de l’ensemble de la
relation qu’entretient le client avec sa banque, même s’il
n’expédie pas les relevés, ne traite pas forcément toutes
les demandes et se fait accompagner d’un spécialiste
pour les sujets qui dépassent sa compétence. La relation est telle que le client préfère parfois suivre son relationship manager, quitte à changer d’enseigne.
En banque de détail, le nombre de clients par conseiller
est dix fois plus élevé qu’en banque privée. Il est physiquement et matériellement impossible d’emmener déjeuner
chacun de ses clients chaque année. Il est naturellement
prioritaire de s’occuper des clients les plus stratégiques,
que ce soit du fait de leur fragilité, du potentiel qu’ils représentent ou de leur contribution actuelle au PNB. Et
les autres ? Les enquêtes révèlent qu’ils ne seront pas
plus frustrés de mal connaître leur « relationship manager » que de ne pas en avoir. Et ce, à la condition absolue
d’avoir accès au conseiller lorsqu’ils le souhaitent.
Prendre garde à l’uniformité
Les process formalisés et contraints par les outils informatiques ont forcé les réseaux à uniformiser leurs
pratiques. La prépondérance de la stratégie de marque
a, elle, uniformisé l’esthétique, les enseignes, les codes
couleur. Trop souvent, la force de l’identité globale a annihilé l’expression individuelle. En termes de proximité,
les critères de personnalisation, de lisibilité, de courtoisie,
deviennent standardisés et participent peu à la relation.
Comment se sentir proche de quelque chose de standardisé, d’uniforme quel que soit le lieu ? McDonald’s,
précurseur dans la stratégie de marque et les process l’a
compris et a embauché dès 2000 un designer professionnel pour traiter de la personnalisation des restaurants.
Dans une banque cela peut se faire de différentes
façons ; en voici quelques exemples :
• Faire donner par le conseiller une carte de visite sur
laquelle il inscrira ses coordonnées à la main, signe de
complicité avec le client.
• Lorsque c’est possible, mettre en avant le rôle du
conseiller, par exemple pour obtenir une réduction
« exceptionnelle » du taux consenti à un client pour un
crédit.
• Conserver à l’agence un numéro de téléphone géographique (Ex : 02 34 56 78 90), et ce, même s’il est routé
directement à un CRC qui se présente comme le service client de l’agence.
Des parcours cohérents basés sur la connaissance des
clients
Parce que les bases de clients des banques de réseau
en France sont souvent très hétérogènes, la proximité développée pour un client peut être ressentie comme une
distance par un autre. Pour l’avocat d’affaires, être proche
de sa banque peut résider dans la possibilité de changer
des devises via son i-phone à 5 heures du matin en descendant d’un avion. Un japonais s’installant en France
appréciera peut-être plus que quelqu’un prenne une
heure entière pour lui expliquer calmement le fonctionnement de sa carte de crédit et des virements automatiques.
Le fond est qu’il n’est pas utile de proposer, à tout client
et à chaque instant, l’accès à chaque service sur chaque
canal. Ce qui est important, c’est de proposer des parcours naturels, intuitifs pour les clients, facile à à expliquer
et à utiliser. Pour cela, il est primordial de comprendre les
attentes et les besoins des grands segments de clients,
et de mettre en place des parcours cohérents. Un client
ayant contacté le centre d’appels pour obtenir des précisions sur son relevé s’attendra probablement à ce que
son interlocuteur puisse réaliser des opérations simples
comme un virement. Pour autant, il n’exigera vraisemblablement pas de pouvoir, par exemple, rembourser un crédit immobilier par anticipation, au téléphone.
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Plusieurs banques en France ont créé des agences en
ligne pour s’occuper de certaines catégories de clients.
C’est un bon exemple de la définition d’un parcours
cohérent adapté à des segments précis de clientèle.
Dans ce parcours, le centre de contacts (téléphone,
emails, chat, etc.) peut avoir un rôle prépondérant sans
nécessairement affecter la proximité. Pour cela il doit réunir plusieurs conditions, et en particulier :
• La transparence : le client doit être informé que son
appel est traité hors de l’agence.
• Un rôle clair vis-à-vis de l’agence / le client doit comprendre qui fait quoi et, si possible, ressentir une continuité.
• Un spectre d’intervention cohérent.
Une gestion professionnelle de l’accueil téléphonique
et email
Dans les secteurs organisés en réseaux physiques, la
gestion des appels et des e-mails des clients est souvent
hétérogène, le traitement n’étant que l’une des activités,
peu industrialisée, des personnels d’accueil. Le pilotage
(quantitatif et qualitatif ) des flux téléphoniques et e-mail
traités par le réseau, bien moins élaboré qu’en centre de
contacts, est plus complexe.
Dans les banques, la mise en place très tôt des services
de banque vocale (filvert, filbanque, étoile direct…) a
traité une partie du problème.
De nombreuses banques ont mis en place des plateformes de service client centralisées au niveau régional
ou national, sans qu’elles soient nécessairement amenées
à traiter tous les appels et e-mails reçus des clients. Les
modèles d’organisation du traitement des appels et emails sont divers sans que l’une ou l’autre organisation
soit plus pertinente a priori.
Enfin, des standards sont en train de s’établir en matière
d’accueil téléphonique :
• Les numéros surtaxés disparaissent progressivement
au profit des numéros type Cristal (cf. loi LME).
• Les serveurs vocaux, lorsqu’il y en a, commencent à
être remplacés par des dispositifs de langage naturel
qui permettent un spectre plus large, une meilleure
organisation mais également une expérience plus
agréable, le client ayant moins l’impression de dialoguer avec une machine.
• L e pilotage des différents canaux s’améliore y compris
en agence grâce aux outils de voix sur IP et de gestion
d’emails avancés.
E. Conclusion
Les banques disposent aujourd’hui d’un large éventail d’outils pour générer de la proximité dans leur relation-client. Les enjeux reposent sur la mise en œuvre de
schémas appropriés, nourris de la connaissance fine des
clients, cohérents entre eux, lisibles et compatibles avec
les objectifs opérationnels des réseaux. Contrairement
à d’autres secteurs, les canaux récents (internet, Smartphones, plateformes d’appels etc.) ne cannibalisent qu’en
partie la fonction de l’agence, les meilleurs réseaux étant
ceux qui adopteront un juste positionnement du curseur
en cohérence avec leur base client.
Sources :
Les Echos, 6 Décembre 2010 : Les réseaux bancaires revisitent leur relation client au travers de leurs agences
Fédération Bancaire Française
Claude DUPUY et André TORRE : Confiance et proximité, in
Pecqueur B. et Zimmermann J.B. (eds), 2004, Economie de
Proximités, Hermès, Paris
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