l`acces des personnes sourdes a la culture

Transcription

l`acces des personnes sourdes a la culture
présente
L’ACCES DES PERSONNES SOURDES
A LA CULTURE
SYNTHESE DE L’ETUDE 2013
avec la collaboration de
Réalisée par Charlotte LORIN en janvier 2014
Etudiante en M1 interprétariat de LSF à l’université de Lille
(dans le cadre d’un stage au sein de CRé – Compagnie Rayon d’écrits)
D’après les résultats de l’étude menée par CRé et 6 étudiants de L’ESSEC de janvier à juin 2013
(dans le cadre du PCE - Projet Conseil en Entreprise)
Encadrés par CRé
Sandrine CHERON et Colombe BARSACQ
(avec le soutien d’Isabelle VOIZEUX, artiste associée de CRé et vice-présidente de
Dialogue et Liberté des Sourds en Val d’Oise)
Remerciements : Françoise REY - Caroline STRADELLA – Wolfgang DICK - Olivier SCHETRIT –
Olivier COUDER – Alain MILLOT
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Publication Avril 2014
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Synthèse de l’étude sur l’accès des personnes sourdes à la culture
CRé www.rayondecrits.fr
Introduction
Avouer son ignorance, sa maladresse potentielle, sa peur de mal faire et avant tout, sans
doute, celle de ne pas savoir comment faire peut, en bien des occasions, détendre une
situation et conduire à une relation franche décontractée, force de progrès . Car être en
situation de handicap ne veut pas dire l’être pour tout et partout. Face au handicap, nous
autres Français, considérons la seule incapacité comme ce qui semble ne plus être possible
de faire, quand les anglo-saxons apprécient ce qui est encore possible. Une démarche que
nous devrions suivre.1
Cette étude propose un état des lieux dans le département
du Val d’Oise (95) à moins d’un an de l’échéance de la mise en application de la Loi
n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées ainsi que la reconnaissance de la Langue des Signes
Française (LSF) en tant que langue à part entière.
Supervisée par CRé – Compagnie Rayon d’écrits, cette étude a été réalisée en deux phases
sur le Val d’Oise ; la 1ère par 6 étudiants de l’ESSEC de janvier à juin 2013, puis la 2ème par 2
étudiantes, l’un en études d’anthropologie et l’autre en interprétariat de LSF, entre
novembre 2013 et janvier 2014.
L’objectif étant d’analyser l’offre proposée par les Etablissements Recevant du Public (ERP)
culturels et de les mesurer aux attentes du public Sourd valdoisien; deux questionnaires ont
été diffusés l’un auprès des structures culturelles et l’autre avec un vidéo en LSF à
destination des personnes Sourdes.
La surdité est un handicap invisible de la communication qui affecte communément les
entendants et les sourds qui sont trop souvent isolés, oubliés et invisibles dans notre société.
Pour en rendre compte, nous nous sommes intéressés ici au domaine de la culture.
La Langue des Signes a été interdite pendant cent ans des suites du Congrès de Milan en
1880 où la « réparation de l’oreille cassée » et « l’oralisation » ont été les outils imposés
pour l’éducation des enfants sourds afin de les « normaliser » mais cette intégration forcée a
pour effet un repli et une exclusion notoires d’une partie de la population qui, avant
l’interdiction de 1880 avait droit de cité.
134 ans plus tard, malgré la levée d’interdiction en 1991 et la reconnaissance officielle de la
LSF en 2005, le retard de la France en matière d’accès à la culture et aux droits auxquels tout
citoyen aspire reste criant !
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Citation extraite de Handicap Culture ERP , employeurs, salariés - Les clés d’une culture de l’égalité - Editions La Scène
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Synthèse de l’étude sur l’accès des personnes sourdes à la culture
CRé www.rayondecrits.fr
Les Etablissement Recevant du Public devront d’ici 2015 être rendus accessibles
conformément à l’application de la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des chances. Avec près
de 5,5 millions de sourds en France dont 800 0002 sourds profonds, l’accessibilité est
primordiale si nous voulons participer à l’inclusion et l’épanouissement du public sourd.
Nous nous sommes intéressés à la Communauté Sourde3 qui revendique la Culture Sourde.
Nous articulons notre étude autour d’une appréhension de la surdité comme une différence
et non comme un handicap. C'est-à-dire que nous ne l’étudierons pas à travers une
dimension médicale mais plutôt anthropologique.
« Je ne suis pas handicapée, je suis Sourde. » Cette citation issue de l’autobiographie
d’E. Laborit, comédienne et directrice de l’IVT, souligne le fait qu’une partie de la population
sourde perçoit la surdité comme une différence et non comme un handicap. Ils se
revendiquent comme appartenant à la communauté sourde et partageant une culture
commune, différence de la culture entendante majoritaire : la culture sourde.
Ainsi, 14 des 50 ERP contactés sur le département ont répondu. 71% d’entre eux se disent
accessibles au public handicapé en général. Ils proposent majoritairement de la musique et
de la danse : pourtant, ils ne savent comment proposer des actions à un public avec lequel ils
ne savent pas communiquer. Public qui en retour, n’ose pas franchir leur seuil par manque
de contenus accessibles.
Sur 100 personnes sourdes, 88 ont répondu à cette enquête sur leur besoin en matière
d’accès à la culture démontrant la nécessité d’une mise à niveau des compétences des ERP.
Les personnes sourdes ayant répondu sont âgées de 31 à 60 ans. Cette partie de la
population est sourde profonde et composée à 65% de femmes. La LSF est employée
massivement puisque 90% des sondé(e)s déclarent en être locuteurs.
Pour la population sourde, la culture est un lieu de découvertes et de loisirs, mais aussi un
lieu de rencontres et de socialisation. Le sentiment d’isolement est alors mis de côté grâce
aux sorties culturelles, ce qu’il faut donc encourager sans hésitation. C’est pourquoi, la
fréquentation des lieux est importante puisque 44% des personnes interrogées déclarent se
rendre dans des lieux culturels au moins tous les mois.
Le cinéma et le théâtre sont les activités concentrant le plus d’intérêts de la part des sourds
du département (cinéma : 66% ; théâtre : 61% ; expositions : 55%). Or, malgré l’intérêt
certain pour le cinéma, le nombre de séances sous-titrées en version française est encore
rare. Certaines villes comme Lille, pratiquent cela mais ces initiatives ne sont qu’exceptions
sur le territoire national .
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Sources : UNAPEDA
Sourd se distingue de sourd, alors que sourd renvoie à l’aspect physiologique et pathologique de la personne, Sourd
dénote l’appartenance culturelle et linguistique à une minorité définie de façon anthropologique.
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La moitié des structures disent proposer des activités à destination du public sourd. Mais
celles-ci ne sont en général pas accessibles en matière de contenu ; en revanche ces
propositions sont adaptées dans la mesure où elles sont visuelles. Ceci n’est pas suffisant.
L’inclusion du public sourd locuteur de la LSF est encore faible et c’est un long chemin pour
une prise de conscience de la nécessité de certains efforts en matière d’adaptation des
contenus. Il ne s’agit pas seulement de mettre en œuvre des boucles magnétiques à
destination des personnes malentendantes4, mais bien de la question des personnes sourdes
qui n’ont pas recours à des appareils auditifs et qui possèdent leur propre langue, la LSF.
Nous sommes encore loin des 100% d’accessibilité pour 2015… des freins existent donc à
l’accessibilité culturelle : pour 65% des personnes sourdes questionnées, l’obstacle
prédominant est l’absence de LSF dans les centres culturels et notamment l’absence de
signes communicatifs de base chez le personnel d’accueil.
Afin de répondre à cela, il est essentiel de proposer des outils concrets aux centres culturels :
-
RENDRE ACCESSIBLES LES CONTENUS ARTISTIQUES
(traduction en LSF en
présence d’interprètes diplômés et aussi sur-titrages, qui ne sont pas toujours
suffisants en raison de la difficulté d’accès au français écrit pour une majeure partie
de la population sourde, au théâtre, sous-titrages, sur-titrages et images de LSF
incrustées, visio-guide LSF, flascodes, visio-interprétation ; le tout en fonction de la
pédagogie « Sourde ».
-
UTILISER UN RESEAU EXTERNE DE COMMUNICATION ET LES RESEAUX
SOURDS EXISTANTS (Sourds.net, Deaf-France, Websourd sur le net, la presse
spécialisée Art Pi !, flyers, infofax, ditesleenlanguedessignes.fr, émissions L’œil et la
main…)
-
AMENAGEMENTS DES BATIMENTS ET L’EQUIPEMENT DES LIEUX
(alarmes de
sécurité lumineuses, isolation phonique, indications visuelles tel que fléchage et
pictogrammes colorés, boucle magnétique et adaptation de l’éclairage pour la bonne
vision de la LSF).
-
SENSIBILISER LES LIEUX A L’ACCUEIL DES PUBLICS SOURDS (formation simple à
la LSF, recours aux interprètes diplômés et services à distance, médiateurs sourds,
guides LSF).
Les chiffres et statistiques concernant la surdité sont difficiles à obtenir et à étudier. En effet,
les études divergent selon la définition accordée à la surdité et selon les sources,
associations ou corps médical, qui ne traitent pas les informations de la même façon. En
2008, l’étude de la DREES estimait que 8,7% de la population était touchée par une
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Les malentendants sont des personnes qui, soit sont nées entendantes et ont perdu un pourcentage de leur
audition, soit qui entendent mal, mais n’étant pas appareillées et n’ayant aucune idée de ce qu’est l’identité
Sourde.
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déficience auditive. Selon le plan 2010-2012 en direction des personnes sourdes et
malentendantes, la proportion était de 6,8%.
Cela signifie-t-il qu’il y a moins de sourds qu’avant ? Il est évident que non. Mais cela permet
de souligner la divergence des sources et de la prise en compte de la perte de l’audition.
En conclusion, la majorité des centres culturels se disent sensibilisés à l’accessibilité du
public sourd et souhaitent employer des outils concrets. Cependant, ils énoncent que le
budget reste un des freins principaux et donc, ne pourront se rendre accessibles d’ici 2015.
L’éducation des enfants sourds n’est toujours pas adaptée à l’enseignement en LSF alors que
celle-ci est reconnue légalement et que le gouvernement présente le soit disant droit de
choisir sa communication : oral ou LSF.
L’absence criante d’informations sur la réalité du monde sourd est telle, qu’il est nécessaire
d’ouvrir les yeux sur la réalité d’un monde qu’ils ignorent. Par exemple, saviez-vous que la
Langue des Signes (LS) n’est pas internationale ? Chaque pays dispose de sa propre langue.
De même, saviez-vous que l’on peut tout exprimer en LS et qu’il existe des accents
régionaux ?
La France fut l’un des fleurons en matière d’éducation et transmission de la LS, et celui-ci fut
exporté aux USA où des universités entières ont rendu totalement accessibles les cours en
American Sign Language (ASL). Tous les pays scandinaves pour ne citer que quelques
exemples, ont depuis longtemps accepté l’idée de considérer les personnes sourdes comme
des êtres humains à part entière avec leur propre langue, et ce depuis l’enfance.
L’accès à la LSF, langue naturelle des sourds est le premier défi à relever dans notre pays où
la différence est jugée comme étant un handicap en soi. Des personnes œuvrent isolément
sur le territoire, mais l’accès à la culture reste un des champs à investir pour une société
incluante.
Enfin, l’accessibilité à la culture entendante est primordiale mais il ne faut pas oublier que la
culture « Pi-Sourde » existe bel et bien (IVT, Cie ON-OFF…). Pour autant, la population
dominante entendante reste sourde aux appels de cette minorité.
LA RECONNAISSANCE DU HANDICAP
Les premières lignes de la Loi du 11 février 2005 dite « Loi pour l’égalité des droits et des
chances, la participation à la citoyenneté des personnes handicapées » donne une définition
précise du handicap.
« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction
de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison
d’une altération substantielle durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques,
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sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé
invalidant. » 5
Pour la première fois, la définition du handicap pointe du doigt l’interaction entre
l’environnement urbain qui peut s’avérer invalidant et la déficience : il apparaît plus juste de
parler de personne en situation de handicap plutôt que de personne uniquement handicapée.
C’est de fait, la non-prise en compte de ses besoins et l’absence d’outils mis en œuvre pour
satisfaire ces besoins, qui mettent la personne en situation de handicap.
Ensemble vivons la Loi sans nous y soumettre, jouons le jeu d’une société qui reconnaît
chacun des siens non pas parce qu’il le faut, par peur que cela nous arrive un jour, mais
simplement parce que c’est une avancée dont chacun peut tirer avantage richesse et
évolution personnelle et collective.6
CONCLUSION
« - On ne dira jamais assez qu’il n’y a pas de recette passe partout pas de standard universel.
En revanche pour réussir cette adaptation, il convient de reconnaître et de savoir prendre en
compte l’unicité de chaque personne dans une situation donnée. Nous n’insisterons jamais
assez sur le respect des personne qui si ce socle éthique est présent, permet de mener tout le
reste en sérénité. » (Henri-Jacques STIKER) 7
Citation extraite de la préface Le handicap en entreprise : contrainte ou opportunité vers un
management équitable de la singularité, de Guy TISSERANT.
L’intégralité de l’étude est disponible sur demande :
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Source : textes officiels/circulaires/circulaire 181191304
Extrait de Handicap Culture ER , employeurs, salariés, Les clés d’une culture de l’égalité publié avec AUDIENS, CMB, CRTH Edition La Scène.
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Historien et anthropologue, H.J. Stiker s'est spécialisé dans le handicap et sa sociologie. Il a été directeur de recherche à la
Ligue pour l'adaptation du diminué physique au travail (en 1988). Actuellement, il directeur de recherche au laboratoire
"identités, culture, territoire" de l'université Paris VII et président de l'ALTER, société pour l'histoire du handicap.
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