Apprendre en jouant avec les jeux-cadres
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Apprendre en jouant avec les jeux-cadres
Méthodes pédagogiques Nouvelles pédagogies Apprendre en jouant avec les jeux-cadres Bruno Hourst est consultant-formateur et a publié plusieurs livres sur des pédagogies nouvelles. Il a développé en France les jeux-cadres, concept formalisé par un spécialiste indien vivant aux Etats-Unis, Thiagi. Tous deux ont co-signé, en 2004, un ouvrage intitulé « Modèles de jeux de formation » pour faire découvrir au public francophone cet outil. Bruno Hourst en explique les spécificités et l’intérêt. Fnasavpa Grâce au jeu-cadre, les participants sont dans un état d’esprit détendu et positif, et apprennent d’une manière plus efficace. Travaux-et-Innovations : Qu’est-ce qu’un jeucadre ? Un jeu-cadre est une structure de jeu vide de contenu, que le formateur ou l’enseignant remplit en quelques instants du contenu qui l’intéresse. Avec des jeux- cadres, on peut par exemple : n réfléchir à un sujet complexe, n chercher des solutions, n apprendre, mémoriser, évaluer des connaissances, n faire connaissance dans un groupe, etc. Le jeu-cadre a tous les avantages d’un jeu tout en permettant d’atteindre un résultat effectif. n les participants sont dans un état d’esprit détendu et positif, et apprennent d’une manière plus efficace, n le jeu réduit l’anxiété souvent associée à l’apprentissage, les erreurs étant considérées comme des phases du jeu et non comme des « fautes » sanctionnées, n le jeu nécessite une participation active, on met en pratique plus facilement les notions étudiées et, dans le cours du jeu, les joueurs vérifient leur bonne compréhension de ce qu’ils ont appris,. jeu développe naturellement des interactions entre ceux qui apprennent, favorise ainsi une meilleure cohésion du groupe qui apprend. n le T.I. : Comment cela fonctionne ? Un jeu-cadre, comme le jeu de formation, n’a pas le même fonctionnement qu’un jeu « traditionnel ». Il doit être facile à créer, rapide à mettre en œuvre, et avec des règles facilement assimilables par les participants. Dans de nombreux jeux-cadres, les règles sont fournies au fur et à mesure par l’animateur, pour éviter l’accablement des participants à comprendre et as- C’est là, à mon sens, similer l’ensemble des règles le génie de Thiagi : avant même de commencer. Pour d’autres, les règles sont avoir imaginé des effectivement simples, ce qui structures de jeu ne signifie pas que le jeu soit sans valeur ! La simplicité des à la fois simples règles me semble une néceset diaboliquement sité pour que l’assimilation laborieuse de règles trop com- efficaces… Novembre 2006 - TRAVAUX & INNOVATIONS NUMÉRO 132 19 Apprendre en jouant avec les jeux-cadres Les jeuxcadres de Thiagi plexes ne casse pas la dynamique de l’ensemble de la formation ou de l’apprentissage. Et c’est là, à mon sens, le génie de Thiagi (1) : avoir imaginé des structures de jeu à la fois simples et diaboliquement efficaces… D’une manière générale, les jeux-cadres sont par nature adaptables et modifiables selon de nombreux paramètres : nombre de participants, temps disponible, niveau de connaissance, âge, etc. La plupart des jeux-cadres peuvent être utilisés aussi bien dans une classe de primaire que dans une réunion marketing d’une grosse société : mêmes règles, mais contenu différent. Le parent peut aussi adapter des jeux pour aider l’enfant à la maison pendant « l’heure des devoirs et des leçons », moment journalier de tant de cris et de tensions ! Cet ouvrage est devenu un best-seller des techniques d’animation. Grâce au jeu- cadre, structure de jeu vide de contenu, le formateur remplit en fonction de ses besoins et conçoit ainsi ses propres jeux adapté aux besoins de la formation, pour un coût quasiment nul. T.I. : Quels sont les grands principes du jeucadre ? Un jeu-cadre doit être facile à mettre en œuvre, facile à animer. Il doit donner l’occasion à tous les participants de participer à la fois d’une manière active et créative. De plus, la dynamique du jeu est faite d’un mélange subtil de plaisir et de tensions, et l’on retrouve cette dynamique dans tous les jeux-cadres. Thiagi considère qu’un jeu de formation repose sur 6 tensions, qu’il faut soi- Le jeu-cadre s’adapte aux contraintes de l’utilisateur : thème étudié, temps disponible, nombre de participants, niveau de connaissance, etc. L’ouvrage propose une histoire imagi- gneusement prendre en compte et équilibrer selon le contexte et les joueurs. Ces tensions sont : n la structure de l’activité (d’extrêmement structurée à extrêmement peu structurée), n le rythme auquel l’activité est menée (d’extrêmement rapide à extrêmement lente), n les interactions dans le groupe (d’une très grande coopération à une très grande compétition), n le but recherché (d’une activité essentiellement plaisante, à une activité visant essentiellement des résultats efficaces), n l’attention aux besoins (d’une grande attention aux besoins individuels, jusqu’à une grande attention aux besoins du groupe), n le contrôle du jeu (d’un contrôle essentiellement en interne par le groupe lui-même, jusqu’à un contrôle permanent de l’animateur). C’est cet équilibre entre plaisir et tensions, difficile à programmer a priori, qui fera la réussite du jeu ou son échec… Mais en général, en prenant un niveau moyen de toutes ces tensions, un jeu de formation a peu de chances d’être un échec. Et même s’il apparaît comme un échec, la pha(1) Sivasailam Thiagarajan communément appelé Thiagi est un maître incontesté des jeux. Formateur et consultant apprécié dans plus de 20 pays, en entreprise et dans l’éducation, il a publié 40 livres, 120 jeux et près de 200 articles. naire pour présenter chaque jeu-cadre, un descriptif complet du jeu, des adaptations et variantes possibles, des illustrations, des exemples d’emploi, des conseils d’animation. n « Modèles de jeux de formation », de Bruno Hourst et Sivasailam Thiagarajan - avril 2004 - Editions d’organisation - 398 p. FNAsavpa - 28 € 20 Les stagiaires participent de manière active et créative TRAVAUX & INNOVATIONS NUMÉRO 132 - Novembre 2006 se de debriefing, en cherchant les causes de cet « échec », peut être très positive et instructive. T.I. : Faut-il faire une séance de débriefing après le jeu-cadre ? La phase de debriefing est la plupart du temps indispensable, juste après un jeu, ou en fin de session, ou après une activité riche vécue ensemble. Après un jeu, cette phase de debriefing peut parfois être plus longue que le jeu lui-même ! Thiagi distingue sept phases possibles pour un debriefing : n Comment vous sentez-vous après cette activité ? n Qu’est-ce qui s’est passé, quel a été le déroulement de l’activité ? n Quelles conclusions générales peut-on tirer de cette activité ? n Peut-on relier des aspects de cette activité à la vie réelle ? n Si vous reviviez maintenant cette activité, agiriez-vous différemment ? n Et si des aspects ou des règles de cette activité avaient été différents, que ce serait-il passé ? n Comment pourrait-on améliorer cette activité ? T.I. : Comment convaincre des adultes qui refusent d’entrer dans un jeu ? Je crois qu’il faut, tout particulièrement en formation pour adultes, être très respectueux et très à l’écoute des réactions des participants, pour éviter des blocages instinctifs qu’il est ensuite bien difficile de dénouer.La relation de tout adulte au « fait d’apprendre » est rarement exempte de tensions profondes, reliées à des difficultés, des souffrances, des échecs vécus pendant ses années d’école. En ce qui concerne les jeux de formation, certains ne ressemblent pas du tout à des jeux traditionnels, donc il suffit parfois de ne pas prononcer le mot « jeu » pour éviter tout blocage au début. Ensuite, une fois que les participants entrent progressivement dans cet état d’esprit, on peut leur proposer des activités qui ressemblent vraiment à des jeux. Si l’on craint des réticences, on peut proposer à ceux qui le souhaitent de devenir observateurs du jeu, ou juges des résultats finaux : ils participent ainsi au jeu sans avoir le sentiment de « jouer »… Le mot « jeu » est vraiment trop limité pour s’adapter aux innombrables formes d’activités que l’on met derrière ce mot. Thiagi parle de « stratégies interactives expérimentales pour développer les capacités de personnes », et il en a défini pour l’instant 60 formes différentes, du jeu de plateau traditionnel au jeu par e-mail… Quelques caractéristiques de ces stratégies seraient qu’elles soient ludiques, plaisantes, efficaces, respectueuses des personnes, humainement riches…, et inversement, ni ennuyeuses, ni stériles, ni mettant en péril la personnalité des participants. ● Propos extraits par Muriel Astier Trame de l’interview de Bruno Hourst par Giovanni Galanti Source : Nathalie Boyé, formatrice aux jeux-cadres à HEUROIA-Formation au 08 75 65 52 96 ou www.heuroia-formation.com Méthodes pédagogiques Nouvelles pédagogies Pour en savoir plus ● Sur Bruno Hourst : www.mieuxapprendre.net ● Sur Thiagi : www.thiagi.com Rapprocher le jeu de l’apprentissage de l’adulte « En tant que psychomotricienne de formation, puis formatrice d’adultes, je m’intéresse particulièrement aux synergies entre nos pensées, nos émotions et nos comportements, et leurs rôles et impacts dans la qualité de nos apprentissages. Le fait de pouvoir faciliter l’apprentissage en y alliant le plaisir du jeu m’a attiré dans les jeux-cadres. J’ai souvent mesuré la pertinence du jeu- cadre, notamment dans ses effets « antistress » lors de moments délicats de formation, comme le démarrage. Travaillant depuis cinq ans avec Bruno Hourst, je suis devenue formatrice aux jeux-cadres. Mon rôle consiste à faire expérimenter les jeux-cadres, faire percevoir l’utilité du jeu en formation pour adultes et surtout rompre avec cette « équivalence » qui a éloigné le jeu de l’apprentissage des adultes. Apprendre en jouant est tout aussi « sérieux » chez l’adulte que chez l’enfant ». Pour en savoir plus ● Nathalie Boyé - HEUROIA-formation au 08 75 65 52 96 ou www.heuroia-formation.com ● Prochaine formation aux jeux-cadres les 29 et 30 novembre 2006. Novembre 2006 - TRAVAUX & INNOVATIONS NUMÉRO 132 21 Apprendre en jouant avec les jeux-cadres Jeux-cadres n Bingo Ce jeu-cadre est inspiré du bingo anglais. n Jeu de l’enveloppe Adapté à la résolution de problèmes peu complexes ou à la recherche de solutions possibles à des problèmes donnés. n Matrice Activité par petit groupe qui sert essentiellement à explorer les interrelations entre Témoignage Un exemple de jeu-cadre : « Cherchons ensemble » « Je connais plusieurs formateurs qui se sont jetés à l’eau avec le jeu-cadre « Cherchons ensemble » et toujours avec succès, affirme Bruno Hourst. Il permet à un groupe de réfléchir d’une manière à la fois ouverte et structurée sur un sujet complexe ». Nous vous présentons ci-dessous le mode d’utilisation de cet outil, à travers le témoignage d’Agnès Lazuttes, ingénieur Trame qui l’a expérimenté à plusieurs reprises dans le réseau des Asavpa. différents concepts ou entre différentes phases d’une procédure, ou entre différentes personnes d’un groupe, d’une organisation… n De 5 en 5 Génère une liste d’idées rangées par ordre d’importance, en permettant à chacun d’exprimer ses idées. n Apprendre ensemble Permet d’apprendre à un grand groupe une grande quantité d’informations dans un temps minimum. n Cadène Pour apprendre des procédures complexes en coopération (la cadène était la chaîne qui reliait les forçats entre eux, les obligeant à marcher ensemble). 22 A gnès Lazuttes, ingénieur Trame, est chargée d’animer la Fédération nationale des Asavpa . Elle a utilisé à quatre reprises le jeu-cadre « Cherchons ensemble » : n Les 12 et 13 mai 2006, lors du séminaire d’accueil national pour les 22 nouveaux administrateurs de la FNAsavpa à Paris (à Trame). Le thème de la séquence « Cherchons ensemble » était « Quelles sont les missions de la fédération nationale des Asavpa ? » « Nos administrateurs voulaient travailler à partir de méthodes originales, où ils soient actifs et apprennent en s’amusant, souligne Agnès Lazuttes, c’était leur commande ». n Dans les Asavpa de l’Aveyron (23 et 24 septembre 2005) et d’Eure-et-Loir (16 et 17 décembre 2005) auprès d’une dizaine d’administrateurs, sur les questions d’amélioration de fonctionnement de conseil d’administration. n Enfin, lors d’un séminaire d’animateurs Asavpa à Lyon les 11, 12 et 13 octobre 2005, dont le thème était : « Les échanges de pratiques et d’outils d’animation ». L’objectif alors était que la quinzaine de participants teste et réutilise un certain nombre d’outils d’animation dont « Cherchons ensemble ». Description du jeu En théorie, ce jeu-cadre comporte trois phases : n recherche personnelle, n recherche en petits groupes : recherche de personnes ayant un champ d’opinions équivalent, recherche des idées les plus intéressantes, mise en image des résultats, n travail en groupe complet : présentation du travail de chaque groupe, ouverture éventuelle sur une discussion approfondie. Matériel et temps Matériel : petites cartes cartonnées ; de quoi écrire. Les supports cartes sont très appréciés par les stagiaires. Temps : 20 à 40 mn, adaptable. Agnès Lazuttes avertit par rapport au temps : « Il faut compter à peu près deux heures pour faire le jeu de A à Z car les stagiaires ont besoin de temps pour réaliser les posters ». Préparation Il est nécessaire que le formateur ou l’animateur définisse clairement son sujet et formule la question qui sert de point de départ au jeu. Cette question doit être courte, claire, impersonnelle et sous la forme d’une question ouverte. « En Aveyron et en Eure-et-Loir, notre objectif était d’améliorer le fonctionnement du conseil d’administration. Nous avons posé aux stagiaires la question suivante : Pourquoi certaines personnes pensent que les réunions de CA sont improductives alors que d’autres les trouvent constructives ? » Il est important d’écrire soimême quelques cartes illustrant différentes opinions ou points de vue sur le sujet choisi, de mettre des opinions négatives et provocatrices pour susciter le débat. Elles sont intégrées discrètement dans les cartes des participants. Préparer deux à trois cartes en moyenne par stagiaire. Déroulement du jeu Le sujet de la séquence doit être clairement présenté par l’animateur. « Je donne à chaque participant quatre cartes vierges et leur demande d’écrire sur chaque carte une opinion ou une suggestion sur le sujet, décrit Agnès Lazuttes. Je précise bien, et c’est très important, que ce qui est écrit sur les cartes est anonyme. Après 5 à 10 mn, je rassemble les cartes, les mélange en ajoutant discrètement les cartes préparées. Puis je redistribue à chaque participant trois cartes. Chacun étudie ses cartes et les classe selon son ordre de préfé- TRAVAUX & INNOVATIONS NUMÉRO 132 - Novembre 2006 rence. Pendant ce temps, j’étale les autres cartes sur une table, côté écrit sur le dessus. Puis chaque stagiaire vient autour de la table et échange la ou les cartes qui ne lui conviennent pas, en les remplaçant par d’autres qu’il prend sur la table. Donner dix minutes pour cela. Puis, je rassemble les participants en sous-groupes. Normalement, il faut demander aux participants de former des équipes ayant une opinion similaire. Je préfère constituer les groupes avant. En fait, on constitue les groupes préalablement, pour gagner du temps et favoriser les échanges. On travaille avec des conseils d’administration ou des animateurs qui se connaissent bien. Je préfère constituer les groupes pour favoriser les échanges, sinon ils se rassemblent par affinités. Puis, ils discutent en sous-groupes et se mettent d’accord sur le choix de trois cartes. Ensuite, je leur demande de représenter leurs trois cartes sur des posters, sans chiffre ni lettre. Chaque équipe, après une discussion de 4 à 5 mn, ne garde que trois cartes sur lesquelles tous s’accordent. Les autres cartes sont mises de côté. Ensuite, chaque équipe prépare un poster qui reflète les idées des trois cartes, sans utiliser de texte ou de nombre. Ce temps là est assez long, je compte entre 20 à 30 mn. Chaque équipe lit les trois cartes et présente son poster. Moi, je fais deviner au reste du groupe les trois idées exprimées par le poster. J’ai eu de très bonnes surprises, des dessins très pertinent et très recherchés. L’avantage de cette méthode est que l’on part de la réflexion personnelle de chacun Méthodes pédagogiques Nouvelles pédagogies Un des posters réalisé par des participants du jeu-cadre « Cherchons ensemble »… Les missions de la FNAsavpa. pour arriver à un consensus. Et cela se fait tout seul, en s’amusant ». On peut faire des commentaires sur chaque présentation, désigner la meilleure équipe par vote secret ou par un groupe de juges. Il est de toute façon intéressant de proposer une discussion sur le déroulement du jeu, afin d’avoir un feed-back précis sur son déroulement. A la fin du jeu, l’animateur peut demander aux participants de lui laisser toutes les cartes utilisées durant le jeu, lui permettant de se donner une large base de données sur le sujet. « Ce jeu permet d’obtenir tout un panel de propositions sur un thème donné, sou- ligne Agnès. C’est plus productif qu’un tour de table, plus convivial et beaucoup plus amusant. » ● Muriel Astier Trame avec la collaboration d’Agnès Lazuttes Trame NB : Bruno Hourst est consultant-formateur et auteur de « Modèles de jeux de formation - Les jeux-cadres de Thiagi » Source : Nathalie Boyé, HEUROIAformation, formatrice aux Jeux-cadres. L’ouvrage « Modèles de jeux de formation » les jeux-cadres de Thiagi - Editions d’organisation, 2e édition (2) Asavpa : association des salariés de l’agriculture pour la vulgarisation du progrès agricole. Novembre 2006 - TRAVAUX & INNOVATIONS NUMÉRO 132 23