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J Maroc Urol 2009 ; 13 : 30-33
FAIT
CLINIQUE
LE SYNDROME D’INSENSIBILITE AUX ANDROGENES
(A PROPOS D’UN CAS)
F. MIKOU, H. BOUFETTAL, R. BOUFETTAL, I. ALEHYANE, M. ELKERROUMI, M. GHAZLI, N. MATAR
Service de Gynécologie-Obstétrique “B”, Maternité Lalla Mériem, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
RESUME
ABSTRACT
Introduction : le syndrome du testicule féminisant (STF) est
un diagnostic fort rare qui réalise un pseudo-hermaphrodisme
masculin.
Observation : cette observation rapporte un cas de STF au
Service de Gynécologie-Obstétrique “B” au CHU Ibn Rochd
de Casablanca, chez une fille de 16 ans, à la suite d’un retard
pubertaire, avec à l’examen deux formations labiales
bilatérales et un caryotype masculin XY.
Discussion : la conduite thérapeutique était une orchidectomie
bilatérale pour éviter une dégénérescence gonadique, en
gardant toujours le sexe féminin assigné à la naissance.
ANDROGEN INSENSITIVITY SYNDROME : ONE CASE
REPORT
Introduction : the syndrome of the testicle feminizing (STF)
is a very rare diagnosis that achieves a pseudomasculine
hermaphroditism.
Observation : the authors report a case of STF collected in
Gynecology-Obstetric B unit in the Ibn Rochd Hospital of
Casablanca. It is about a girl of 16 years old, presenting a
pubertal delay, with to the exam two bilateral labial formations
and a masculine caryotype XY.
Discussion : the therapeutic management was a bilateral
orchidectomy to avoid a gonadal neoplasia, while always
keeping the feminine sex assigned to the birth.
Mots clés : testicule féminisant ; pseudo-hermaphrodisme
masculin ; caryotype ; orchidectomie
Correspondance : Dr. H. BOUFETTAL. 53, rue Allal Ben
Abdellah, 20000, Centre ville, Casablanca, Maroc.
E-mail : [email protected]
Key words : testicule feminizing ; pseudomasculine
hermaphroditism ; caryotype ; orchidectomy
INTRODUCTION
suite d’une constatation d’une aménorrhée primaire,
l’absence de développement mammaire et l’absence
de pilosité pubienne.
Le syndrome d’insensibilité aux androgènes (SIA) ou
syndrome du testicule féminisant (STF) est une
dysgénésie gonadique, réalisant un pseudohermaphrodisme masculin. C’est un état intersexuel
comportant des caractères phénotypiques féminins plus
ou moins accentués chez un sujet porteur de testicules
[1].
L’examen retrouve une patiente en bon état général,
une taille à 150 cm, le poids à 40 kg.
L’examen gynécologique ne retrouve pas de
développement mammaire, il n’y a pas de pilosité
axillaire ni pubienne (fig. 1 et 2). L’examen de la sphère
génitale retrouve un clitoris hypertrophié, deux
formations au niveau des grandes lèvres correspondant
aux testicules et un vagin peu profond (fig. 3). Le toucher
rectal ne retrouve pas d’utérus palpable.
Ce syndrome, fort rare, est caractérisé par l’absence
de tout signe de virilisation, à quelques niveaux que
ce soit, et par une féminisation parfaite du morphotype
en période post-pubertaire [2].
L’échographie pelvienne n’a pas objectivé d’utérus.
Un âge osseux réalisé a montré un âge correspondant
à 11 ans et demi.
OBSERVATION
Le bilan hormonal a montré une FSH à 3,42 mUI/ml,
une LH à 5,47 mUI/ml et la 17 bêta-estradiol à 22
pg/ml.
Il s’agit d’une patiente âgée de 15 ans, deuxième d’une
fratrie de deux, sans antécédents pathologiques,
hospitalisée pour un retard pubertaire découvert à la
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F. MIKOU et coll.
Le syndrome d’insensibilité aux androgènes (à propos d’un cas)
Fig. 3. Hypertrophie clitoridienne
L’étude cytogénétique a montré un caryotype de type
masculin XY.
La patiente est opérée pour orchidectomie bilatérale
(fig. 4). L’examen anatomo-pathologique confirme la
structure testiculaire des pièces de gonadectomie.
Nous avons instauré un traitement hormonal à base
d’oestroprogestatif, ayant entraîné une augmentation
progressive du volume mammaire (fig. 5).
Fig. 1. Absence de pilosité pubienne
et de développement mammaire
Fig. 4. Orchidectomie bilatérale
Fig. 2. Absence de pilosité axillaire
Fig. 5. Développement mammaire
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J Maroc Urol 2009 ; 13 : 30-33
DISCUSSION
la présence de testicules, si ce n’est qu’une intervention
chirurgicale pour “hernie inguinale” permettant de
découvrir un testicule en ectopie [7].
Le syndrome d’insensibilité aux androgènes, également
appelé syndrome de Morris ou syndrome du testicule
féminisant, est une entité rare ; son incidence est en
fait très variable, allant selon les auteurs de 1 à 62,4
pour 2000 individus [3].
Dans notre cas, aucun signe clinique n’a permis à la
patiente ou son entourage de consulter.
• Après la puberté
Il est caractérisé par une insensibilité des tissus
périphériques aux androgènes, liée à une absence ou
un défaut qualitatif pour le récepteur cellulaire
correspondant, ou éventuellement à un défaut touchant
soit la transcription du gène, soit la liaison nucléaire
du complexe stéroïde-récepteur [1].
C’est l’aménorrhée primaire qui amène le plus souvent,
cette jeune aux signes de féminisation, à consulter ;
c’est le cas dans notre observation. Ce signe contraste
avec l’absence de pilosité [8].
Le morphotype est parfaitement féminin. Les seins sont
normalement développés. La disposition du tissu
adipeux est tout à fait gynoïde. La voix est féminine.
Il est même classique de dire que les sujets atteints de
ce syndrome se présentent comme de jolies femmes
[9].
Le diagnostic prénatal du TF peut être fait par le biais
de l’échographie, le caryotype et le dosage de la
testostéronémie. Chez le nouveau-né, le diagnostic est
fortement suspecté devant un caryotype 46 XY d’un
bébé de morphotype féminin [4].
Un signe doit attirer l’attention et faire évoquer le
diagnostic, c’est l’absence de toute pilosité. Les aisselles
sont parfaitement glabres ; le pubis ne présente aucun
poil noir et dur. Cependant, un fin duvet clairsemé est
toutefois possible et ne doit pas faire éliminer le
diagnostic [10].
Physiopathologie
Le SIA comprend un caryotype masculin de type XY
avec la présence de testicules sécrétant des androgènes
et l’absence d’utérus, des trompes et de la partie
supérieure du vagin, ce qui suggère que le testicule
fœtal remplit sa fonction d’involution mullérienne.
Force d’admettre une absence de récepteurs aux
androgènes au niveau des organes cibles :
normalement cette protéine cytoplasmique véhicule la
dihydrotestostérone (DHT) jusqu’au noyau où l’hormone
se lie à la chromatine. Un apport supplémentaire
d’androgènes ne provoque pas de signe de virilisation
[5].
Les organes génitaux externes sont normalement
féminins : le clitoris est petit, les grandes et petites
lèvres sont normales. Dans notre cas, il y avait une
hypertrophie clitoridienne.
Le vagin est toujours anormal, soit absent, soit
insuffisamment profond comme dans notre cas.
Les organes génitaux internes sont absents, l’utérus est
absent, il n’y a pas de prostate.
Cette insensibilité aux androgènes n’exclue pas d’autres
mécanismes associés :
La gonade est un testicule en position inguinale ou
labiale et alors palpable, ou encore abdominale. Il
comporte un épididyme et un canal déférent [11].
- L’élévation de la Te.B.G (testostérone binding
globuline) susceptible de gêner l’utilisation cellulaire
de la testostérone.
Signes biologiques
- Un déficit en 5 alpha réductase a été accusé : cette
enzyme transforme la testostérone en DHT qui est la
forme active de l’androgène au niveau cellulaire.
Le profil hormonal est celui d’un homme normal. Le
testicule sécrète des androgènes en quantité suffisante
et même supérieure à celle d’un homme normal [1,
3]. La testostérone plasmatique est supérieure à 5 ng/ml
qui est la norme masculine (la norme féminine étant
0,4 ng/ml). Le taux d’androstène dione est élevé. Le
taux de DHT est normal. La Te.B.G est supérieure par
rapport à un homme normal. Les gonadotrophines
plasmatiques sont nettement élevées. Le caryotype est
masculin XY avec absence de chromatine nucléaire
[4].
- Quant aux signes de féminisation, ils s’expliquent
par la sécrétion normale des estrogènes testiculaires,
qui, en l’absence d’effet androgénique, sont tout à
fait suffisants pour les induire et les maintenir.
- Le mode de transmission de l’affection semble être
récessif, lié au sexe [6].
Signes cliniques
Dans le cas de notre patiente, l’aménorrhée primaire,
l’absence de pilosité pubienne, la palpation de
formations labiales bilatérales suspectant des testicules
a amené à demander un caryotype qui a confirmé le
diagnostic.
• Avant la puberté
Il s’agit d’un enfant dont les organes génitaux externes
sont de type féminin. L’anomalie du vagin n’est que
très rarement reconnue avant l’âge de la puberté.
Aucune ambiguïté sexuelle ne permet de reconnaître
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F. MIKOU et coll.
Le syndrome d’insensibilité aux androgènes (à propos d’un cas)
CONCLUSION
Formes incomplètes du testicule féminisant
Certains syndromes du testicule féminisant se présentent
avec une ambiguïté sexuelle plus ou moins marquée :
- Les organes génitaux externes sont plutôt féminins,
mais on note une hypertrophie du clitoris, une soudure
partielle de la fente uro-génitale et une hypertrophie
pseudo-scrotale des grandes lèvres. Dans le cas de
notre observation, on a noté une hypertrophie
clitoridienne.
- Le vagin est souvent normal et un utérus peut exister,
volontiers rudimentaire.
- A la puberté, les seins se développent et le morphotype
prend une allure féminine. Mais à l’opposé du testicule
féminisant complet, se développe une pilosité axillaire
et pubienne importante.
- Les testicules sont dysgénétiques et sont
particulièrement exposés au gonadoblastome.
Ces formes ont en commun avec le testicule féminisant
une mauvaise réceptivité aux androgènes qui n’ont
pas été capables de réaliser une masculinisation
complète [1, 5].
Le STF réalise un pseudo-hermaphrodisme masculin.
Le diagnostic est posé le plus souvent à la suite d’une
aménorrhée primaire chez une fille ayant un phénotype
féminin, des testicules inguinaux, labiaux ou
abdominaux, une absence d’utérus et un caryotype
masculin XY.
L’insensibilité des organes cibles aux androgènes est
à l’origine du syndrome.
La castration testiculaire pour éviter la dégénérescence
gonadique, constitue l’essentiel du traitement, en
gardant toujours le sexe féminin assigné à la naissance.
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Traitement
Il est capital de maintenir le sexe féminin déclaré à la
naissance et de s’entourer de plus grandes précautions
pour que le malade, la famille et l’entourage ne puissent
connaître ou suspecter le diagnostic [1].
Si le diagnostic est posé avant la puberté, il est préférable
de ne rien faire, une féminisation spontanée surviendra.
Après la puberté, il faut pratiquer une castration le plus
tôt possible du fait du risque de dégénérescence, qui
est de l’ordre de 10% [2].
La patiente doit être averti de sa stérilité en raison de
l’absence de l’utérus.
Ultérieurement, un traitement oestrogénique substitutif
est indiqué sous forme d’estrogènes retard ou d’implants,
auquel est associé un progestatif intermittent pour
diminuer le risque de carcinogenèse mammaire [3].
Dans notre cas, la patiente a été mise sous traitement
oestro-progestatif après réalisation d’une orchidectomie.
L’attitude thérapeutique vis-à-vis du vagin dépend de
la profondeur et de la souplesse du conduit, et aussi
des expériences sexuelles éventuelles de la patiente.
Assez souvent, aucune intervention n’est nécessaire,
le vagin est suffisant ou susceptible de s’agrandir sous
l’influence de simples dilatations par prothèse ou même
de rapports répétés.
Parfois la création chirurgicale d’un néo-vagin est
nécessaire, voire d’une plastie vaginale par le sigmoïde
[11].
Dans le cas de notre patiente, une orchidectomie a été
réalisée, avec un examen anatomo-pathologique qui
a confirmé la structure testiculaire des pièces de
gonadectomie [4].
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