Une artiste nommée Diane - Entre-gens

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Une artiste nommée Diane - Entre-gens
Une artiste nommée Diane
(13-04-2008) -
C'est quoi pour vous un intermittent du spectacle ? Si vous imaginez quelqu'un qui se lève (au mieux) à midi pour fumer
deux ou trois joints avant de sortir siroter un café ou une bière sur une terrasse, vous n'y êtes pas tout à fait. Diane
Guiéké, artiste (danseuse et chorégraphe), court après le temps. Diane est Reine de la Nuit : elle tourne depuis deux
ans avec la Compagnie Pernette en interprétant ce rôle de la Flûte Enchantée, version hip hop contemporain. Diane est
aussi une bosseuse de jour. Du matin huit heures au soir minuit, quand elle n'est pas sur scène, elle multiplie les
contrats dans tous les recoins et recoins de l'Ile-de-France, et même de la France entière : danse thérapeutique avec
des enfants atteints de handicap, ateliers pédagogiques avec des collégiens,... Partout où elle va, elle fait la promotion
de la danse urbaine, "parce que les gens en ont souvent une image péjorative", elle s'intéresse, avec un sens critique
aiguisé, aux phénomènes de mode ou de marketing, comme la Tecktonik, elle est surtout en recherche permanente sur
l'art-thérapie. Elle préfère d'ailleurs cela à la vie d'artiste. C'est son sens de l'humain.
"La danse est l'essence même de l'homme". Tous les jours, Diane Guiéké peut vérifier cet adage qui est le sien
auprès des enfants et des jeunes à qui elle transmet la passion qui l'habite.
(Diane Guié
depuis la nuit des temps". Diane Guiéké est danseuse professionnelle. Elle me parle du dernier phénomène à la mode,
la Tecktonik, née au Métropolis au début de la décennie, et qui se répand dans les banlieues franciliennes où Diane
exerce son activité. Le Métropolis à Rungis est le plus grand complexe de discothèque de la région parisienne. Cette
boite a lancé la Tecktonik (marque TCK déposée en 2002) : une mode (T-shirts moulants et toute la panoplie
vestimentaire), un look (plutôt transsexuel), des boissons (énergisantes), un son techno venu de Hollande et de Belgique
(hardstyle), une danse (faite essentiellement de mouvements de bras) et... une idéologie.
En témoigne ce
promotionnelle représentant un visage caché derrière un masque à gaz, dégageant de la fumée, et sur la tête une
casquette de la Luftwaffe, l'armée de l'air allemande datant de la deuxième guerre mondiale, avec l'aigle comme logo.
Les promoteurs de TCK se défendent de toute proximité avec une quelconque idéologie nazie, mais témoignent pour
le moins d'une inquiétante absence de références, pour une mode sortie maintenant des discothèques et envahissant
la rue. Des battles (batailles) de tecktonik killers (danseurs) se multiplient sur les places publiques (au Forum des Halles,
entre autres). La banlieue parisienne est devenue tecktonique, chaque garçon cherchant à danser comme Jey Jey et
chaque fille voulant imiter Lili Azian (Julie, d'Ivry-sur-Seine, originaire de Shangaï, où elle est née). La tecktomania venue
de France s'est même propagée dans toutes les villes du Maroc, où les jeunes ados, garçons et filles, se réunissent
pour des "aprem's de folie". Diane Guiéké voit en cette mode un effet de société pour une génération en recherche de
facilité et de plaisir immédiat. Lorsqu'elle enseigne la danse aux ados, c'est un tout autre message qu'elle fait
passer... Le XIIIème arrondissement Diane Guiéké est la dernière des trois enfants d'une famille d'origine ivoirienne. Ses
soeurs sont dans la police pour l'une (lieutenant), à l'Education nationale pour l'autre (prof de SVT). Leur père était un
Akan du Sud de la Côte d'Ivoire. Leur mère est originaire d'Abidjan. Le couple est arrivé en 1959. Diane est née à Issy-lesMoulineaux en 1978. Sa petite enfance s'est passée dans le XIIIème arrondissement de Paris. Diane n'a que des
mauvais souvenirs de ce quartier sans vie sociale et où elle a profondément ressenti le racisme ambiant. Le
déménagement vers La Courneuve a tout changé dans son existence. De l'oxygène ! Le grand parc, les gens, la vie...
La CourneuveDans le XIIIème, elle se sentait marginalisée, exclue. A La Courneuve, elle s'est décidée à réussir sa vie.
Elle s'est d'abord engagée dans les mouvements de jeunesse chrétienne, l'Action Catholique des Enfants, puis la
Jeunesse Ouvrière Chrétienne. Elle a participé aux Journées Mondiales de la Jeunesse, à Paris, en 1997. Depuis lors,
elle a compris que son centre d'intérêt, c'était l'humain, "connaître les gens". Et puis à La Courneuve, il y a les maisons
de quartier. Diane, enfant, les a toutes fréquentées, au gré des activités choisies : la boxe française, l'équitation.
L'activité d'équitation était organisée pour "soulager les plus tordus", la sélection se faisait par la police montée de La
Courneuve, chacun avait son cheval, le but était de discipliner les plus dissipés, les séjours au vert se déroulaient dans
des centres UCPA. Diane a du "jouer à la racaille" pour être sélectionnée. Sa comédie a fonctionné. Elle a pu passer le
Galop 3. Elle a un très bon souvenir de l'équitation. Elle côtoyait pourtant les plus durs du quartier, mais elle avoue un côté
"garcon manqué" et tout s'est toujours très bien passé. Diane et NadiaAvec sa copine Nadia, elle vient de fêter ses
vingt ans d'amitié. Nadia et Diane ont fait beaucoup de chemin ensemble et ont découvert la danse à 12-13 ans, plutôt la
danse moderne, "parce que la danse classique, c'est trop féminin". A 15 ans, Diane a vraiment choisi de s'orienter vers
les métiers de l'art vivant : le théâtre, la danse.
les noces de NadiaA 16 ans, elle s
d'Animation des Abbesses. En 1999, elle tient un second rôle dans Ecoute Bernadette avec la Compagnie Incarnat. En
2000, elle a intégré la Compagnie Etincelle pour des matches d'improvisation. Elle se dit "autodidacte du hip hop". Elle
s'est lancée en 2001 dans le programme Danser en banlieue, mené en Seine Saint-Denis et a été 2ème lauréat du
Prix des jeunes chorégraphes. Danse à l'écoleAprès le bac, Diane s'est un peu perdue dans un BTS Commerce
International, puis s'est orientée vers une formation d'éducateurs spécialisés à l'IRTS de Neuilly-sur- Marne. Elle y a
tenu... un mois. Sa destinée, c'était la danse, et c'est avec la danse qu'elle allait avoir une action éducative beaucoup
plus efficace. Depuis 2004, elle anime des ateliers danse dans les écoles avec le programme "danse à l'école" (classes
de 3ème). Le travail corporel qu'elle enseigne à ses jeunes élèves l'amène aujourd'hui à s'intéresser à toutes les danses
modernes et contemporaines, issues du hip hop. A La Courneuve, elle est Prof de danse à Guy-Môquet trois fois par
semaine avec des ados (des filles et deux garçons): "je travaille avec leurs propres créations musicales". Elle intervient
dans les classes à horaires aménagés (CHAM) de plusieurs collèges de Seine Saint-Denis. Elle intervient en vacation
avec l'association Project'Art. Diane danse tous les soirs à Sainte-Geneviève-des-Bois (pour une séance de quatre
heures) en entraînement collectif. Avec la Compagnie Nathalie Pernette, elle a dansé dans Délicieuses (une centaine de
dates), puis dans la Flûte Enchantée, où elle interprète la Reine de la Nuit (en tournée française depuis deux ans).
(répétition de La Flûte Enchantée, la Reine de la nuit rejetant Pamina) L'art-thérapieDiane Guiéké organise des stages
et collabore à la préparation des grandes manifestations de hip hop en région parisienne, comme le 8 mars 2008 à La
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Créé : 20 February, 2017, 20:51
Courneuve (festival hip hop au féminin, à l'occasion de la Journée de la Femme).Mais c'est à l'Art Thérapie, la
thérapie par la danse, qu'elle cherche aujourd'hui prioritairement à se former. Elle anime des ateliers de danse avec les
publics inadaptés, autistes, déficients mentaux... d'un Institut médico-pédagogique dans l'Essonne : "ils adorent l'impro
(visation)". L'Art-Thérapie est reconnu à l'étranger, particulièrement au Canada, mais ne l'est pas, ou pas suffisamment,
en France. Elle a le sentiment qu'elle bouclerait la boucle en mettant son art au service de l'humain. Elle ne pratique pas
la danse pour se montrer, pour se produire en spectacle, même si elle le fait volontiers, mais pour soigner. Pour ellemême, elle sait que la danse fait partie de son équilibre. Elle ne boit pas, elle ne fume pas, mais elle danse. "Ne plus
danser, ce serait me tuer, ce serait mourir". Elle connait ses fragilités, une fragilité du tendon qu'elle a depuis toujours,
mais elle a appris à dompter son corps au service de la danse. Et elle apprend la danse aux autres pour les aider à soigner
leurs maux. Sa famille n'a pas toujours accepté ce qu'elle fait, car "ce n'est pas un vrai métier". Elle doit sans cesse
chercher des contrats, mais c'est aussi ce qu'elle aime. MétissagesLorsque j'ai rencontré Diane Guiéké à deux pas du
Palais de Chaillot en ce jour de printemps (pluvieux) 2008, elle rentrait tout juste d'un stage à La Géroulde, dans l'Eure,
aux Ateliers de la Source.
En pleine campagne normande, dans la maison de La Poultrière, le plasticien
Garrouste a fondé ces Ateliers où il accueille en résidence des artistes, avec une forte dimension interculturelle et
toujours en recherche d'échanges avec le Sud. Ce type de stage résidentiel permet d'associer chorégraphes et
plasticiens. Diane aime que les arts vivants (danse, théâtre, pantomime) se conjuguent pour proposer au public
un spectacle complet. Elle a en projet une création ("ma création") qui sera un spectacle autour de la langue des signes
et elle a constitué une équipe autour d'elle, la danseuse, avec un psychomotricien, une comédienne, une éducatrice
spécialiste des métiers du spectacle. L'équipe répète à Levallois-Perret. Diane Guiéké aime aussi métisser les danses,
en mélangeant danse africaine et danse moderne ou danse moderne et danse indienne, à l'instar de Georges Momboye,
le fondateur du Centre de danse pluri-africaine, de qui elle a beaucoup appris. Juste deboutDiane me quitte pour un
rendez-vous avec un producteur. Elle doit danser sur un clip avec Mod'X, le compositeur de musique électronique, qui
combine remarquablement Afro, House, Electro, Jazz, Tribal. Et puis, elle devait préparer un battle prévu le jour de
Pâques à la Belliloise. Son dernier battle était le 2 mars à Bercy, organisé par Juste Debout. Juste Debout, c'est le
magazine (bimestriel et gratuit) des autres danses, qui en est à son 17ème numéro, et ce sont surtout des créateurs
d'événements dans tous les styles "debout" (par opposition au breakdance, qui est une danse "au sol"): poping, locking,
hip hop newstyle, housedance.
(répétition de La Flûte Enchantée, à Marseille, avec orchestre, la Reine de la nu
ordonnant à Tamino le Prince d'aller sauver sa fille) Juste debout est né de la rencontre entre des ténors du hip hop newyorkais et quelques passionnés parisiens. Juste debout, c'est aussi des stages d'une semaine réunissant, comme au
début de ce mois, quelques 250 jeunes et une journée de battle au cours de laquelle 80 danseurs s'affrontent (se
rencontrent) dans un esprit cool devant un jury de professionnels reconnus du monde entier. Le Juste debout n'est pas
un concours: c'est l'essence même de la danse hip hop. Toutes les (autres) danses y trouvent un écho, sans
discrimination. L'esprit Juste debout, c'est tout à fait autre chose que les opérations de marketing autour de la Tecktonik,
mais notre danseuse humaniste ose croire que les jeunes tecktomaniaques font là un premier pas vers la découverte de
ce qu'est vraiment la danse. Diane Guiéké entend bien, par son activité trépidante et par le moyen des danses
urbaines, accompagner toutes celles et ceux qu'elle peut croiser (à la Courneuve, à Levallois, à Paris,...) vers un
épanouissement personnel. Diane Guiéké, une Courneuvienne passionnée, une Française de talent.
2008) A lire également : Diane Guiéké, la danse comme une éthique (par Cyril Pocréaux, Regards, journal de la Ville
de la Courneuve, janvier 2008)
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Créé : 20 February, 2017, 20:51

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