Négresse de France

Transcription

Négresse de France
Lundi 32 août 2006
Marie-Emmanuelle GALFRE
Une « Négresse de France » épanouie
Dans ce one-woman-show qui sent le vécu à plein nez, sur la scène de la
Comédie Bastille, la truculente comédienne Souria Adèle décoiffe. Son
spectacle humoristique original balaie tous les clichés, délivrant des préjugés
raciaux. La force de son trait tient à l’extraordinaire bonhomie du personnage
dans lequel elle se glisse pour brosser le tableau du quotidien d’une
« négresse de France ». Jupe rouge au plissage rebondissant sur des hanches
épanouies, le chemisier fleuri abondamment garni, c’est une Marie-Thérèse
Barnabé chaloupée qui monte sur les planches. Et ce personnage haut en
couleur fait passer les messages dans un éclat de rire généralisé. Tout le
monde en prend pour son grade, mais c’est drôlement fort. Et fortement
drôle.
1
T
M. BOURCET
La difficulté d’être une femme noire dans l’Hexagone. Plein
d’Humanité.
A travers le personnage d’une Martiniquaise aux formes aussi généreuses que
le caractère, Souria Adèle démontre qu’il n’est pas toujours facile d’être une
femme noire en France. Qui plus est une comédienne cantonnée aux rôles
d’aide-soignante ou de femme de ménage. Elle illustre aussi la complexité
des relations interraciales en reprenant le célèbre sketch de Muriel Robin « Le
Noir », devenu « Le Blanc ». Loin de toute démagogie facile ou militantisme
agressif, l’humour plein d’humanité de Souria Adèle distille un message de
tolérance bien plus efficace que de longs discours.
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Marie-Thérèse Barnabé, négresse de France !
Au motif que Souria n’est toujours pas arrivée, sa tante Marie-Thérèse
Barnabé nous gratifie de sa présence sur scène. Plantureuse, démarche
chaloupée, cette mama d’Outre-mer entame une conversation bon enfant
avec le public sur le mode non pas du fameux stand-up mais du sit-down,
nettement moins fatiguant. C’est parti pour la palabre ! D’une voix tranquille,
la tata évoque sa vie, celle d’une femme noire en France (des années 60 à
nos jours), avec ses certitudes et ses interrogations ; pourquoi dit on « black »
pour un noir et pas « white » pour un blanc ? Que s’est-il passé pour que le
« neg plus ultra » des stars de ciné consiste désormais à se gonfler les lèvres ?
En dépit des réflexions piquantes (« La fidélité ? Un manque d’occasion ! »),
on voit arriver le folklore de pacotille… et on a tort ! Car les enjeux se situent
ailleurs : à l’heure du dialogue sur l’immigration choisie et l’égalité des
chances, la comédienne martiniquaise fait un sort aux clichés racistes (les
odeurs…) et dégoupille son premier spectacle identitaire. En cela le propos
est intéressant puisqu’il met en avant un thème dont on parle peu : le
parcours d’une « pov neg » dans l’univers du show-biz. En bref intermittente et
noire, c’est un peu la double peine !
Vivre sa négritude dans le paysage audiovisuel français, ce n’est pas
seulement être abonné aux rôles de femmes de ménage. C’est aussi
s’efforcer de gommer deux siècles d’avanies, car « sur cette terre, il y a les
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blancs et les non-blancs ! ». On espérait un constat plus percutant mais
qu’importe. Ici, pas de militantisme outrancier, mais, en arrière-plan, se
dissimule un vrai message sur l’exclusion de la société créole victime
d’occultation.
Souria Adèle dévoile son plaidoyer personnel, sans agressivité ni pathos mais
avec une autodérision souriante et une infinie tendresse. Piqué de bonne
humeur, son one-woman-show amuse tout en fustigeant les institutions ainsi
que la torpeur des siens plus concernés par leur look que par le pouvoir.
L’esprit de Franz Fanon volette. Autre attrait, son interprétation solaire et
généreuse. Avec elle, les dialogues ont la saveur gouleyante d’un vieux rhum
ambré. Porté de bout en bout par un sacré punch, son témoignage sonne
comme un appel à l’humanité de chacun de nous.
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Jeudi 7 septembre 2006
C. R.
Marie-Thérèse Barnabé, Négresse de France
De Souria Adèle mise en scène par Lionel Robert
« Ouh là là ». Une grosse femme noire descend péniblement les marches de
la salle. S’arrêtant face à un spectateur, elle lui dit avec l’accent
martiniquais : « Allez jeune homme, donnez-moi votwe bwas pou m’aider à
ma cher. »
Dodelinant du popotin (imposant), la vielle dame arrive alors sur scène et se
présente : « Mawie Théwèse Ba’nabé, nég’esse de France. » Elle scrute la
composition de la salle et lance : « Est-ce que chaque Noir est venu
accompagné de son Blanc ? » Le ton est donné : ici, sur scène, c’est le
monde des Noirs. Bien différent de celui des Blancs dans la réalité. Pour
preuve, Souria Adèle, la comédienne et l’auteur de la pièce, en a fait les
frais. En août 1999, elle revenait en colère du tournage d’un téléfilm où le seul
rôle qui lui était proposé consistait à jouer une femme de ménage à l’accent
martiniquais. Le soir même, elle a commencé à écrire cette histoire sur la vie
d’une femme noire en France, des années 60 à nos jours, pour dénoncer les
clichés, bousculer les différences et poser des questions embarrassantes :
« Pourquoi les blanches veulent elles absolument avoir les lèvres de négresses
en faisant de la chirurgie esthétique ! » Le verdict est tombé : deux prix, dont
celui du festival d’humour de Bagneux en 2001, et des salles combles.
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A.-S. J.
Marie-Thérèse Barnabé
Grosse lunettes rondes, cheveux crépus, chemisier à fleur et fesses rebondies :
Marie-Thérèse Barnabé (Souria Adèle dans la vraie vie) est une noire
« indélébile ». Pardon : marron. Enfin, « ambre doré exactement ». Et elle en
joue à merveille ! Avec pertinence et intelligence. Occupant l’espace, au
propre comme au figuré, yeux écarquillés et déhanchements appuyés, elle
se défonce, se fait médium, imagine des mariages noirs pour les sans papiers
ou vous explique comment mettre des collants de danse rose chair quand on
est noir. C’est très politiquement incorrect mais souvent bien vu. Alors, quand
la générosité de son sourire malicieux fait mouche, le public en redemande.
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Martini VALO et Emma BAUS
La Question Noire
Depuis le début de l’année, les évènements s’accélèrent. Sous la pression de
groupes militants, la France commence à admettre que ses citoyens noirs
méritent une attention particulière. Parce que leur présence ici est le fait de
la traite négrière, crime contre l’humanité selon la loi Taubira de 2001, et la
colonisation, dont l’Etat s’accorde plus facilement à reconnaître les mérites
que les maux. Mais, du côté du gouvernement les initiatives économiques,
sociales, culturelles tardent, et l’impatience grandit. « Le Monde 2 » relance le
débat et donne la parole à six témoins engagés à faire retrouver à la France
sa mémoire noire.
Grimée en femme mûre, roulant des yeux et des hanches sur scène, elle
grimace : « Comment, ma fille, tu vas épouser un… Blanc ?! » La salle du
Splendid à Paris est comble et jubile. Elle a compris qu’elle va assister à un «
remake » du célèbre sketch de Muriel Robin, mais à l’envers : cliché pour
cliché, village de la brousse africaine contre bourgade bretonne, Noir contre
Blanc.
Et c’est ainsi que durant tout le spectacle, sous le masque d’une mama
antillaise à la langue bien pendue et à l’autorité sans faille, « Marie-Thérèse
Barnabé, Négresse de France ! »-- une figure créée et interprétée par Souria
ADELE — règle ses comptes avec la métropole, ses préjugés, ses injustices. On
sent l’exaspération poindre parfois sous le sourire. […]
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2009
Julien BARRET
Marie-Thérèse Barnabé, Négresse de France
La critique de la rédaction
Marie-Thérèse Barnabé est une caricature de mama antillaise au popotin
surdimensionné. Mais derrière ce masque comique, il y a une jeune
martiniquaise de métropole qui n’en peut plus de ces petits rôles de femme
de ménage qui la télé lui propose. En 2001, Souria Adèle se lance dans
l’écriture de ce spectacle qui aborde à l’envers les problèmes du racisme :
comment intégrer les Blancs à l’univers antillais ? Souria Adèle donne ainsi à
chaque spectateur un glossaire des expressions créoles… Précision du jeu,
répartie qui fait mouche et saillies politiques pleines d’auto dérision, ce onewoman-show à la fois comique et sérieux est à ne pas rater !
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22 juillet 2006
R. V.
Marie-Thérèse Barnabé, Négresse de France
Spectacle de et interprété par Souria Adèle. Les lundis à 20h30, jusqu’au 28
août 2006. A la Comédie Bastille (Paris- XIème)
Mais où est dont passé Souria ? Celle que vous êtes venus voir est en retard.
Qu’à cela ne tienne, sa tante débarque sur scène pour vous faire passer le
temps.
Devant un public acquis à sa cause, Marie Thérèse fait son show. Rappelant
ainsi ce que la métropole a trop souvent tendance à oublier : les Antilles,
c’est aussi la France ! Et pas seulement les accras de morue, la plage du
Carbet ou la trempette dans les baignoires de Joséphine. Pendant une
heure, tata égratigne blancs et noirs mais surtout les blancs avec la douceur
de son insulaire accent. Pleine d’humour et d’auto dérision, Marie Thérèse
livre son vécu de la vie d’une femme noire en France, depuis les années 60
jusqu’à aujourd’hui. Inversant les situations elle met les blancs à la place des
noirs dans la vie quotidienne, et il était temps que quelqu’un s’en charge.
D’autant qu’elle a l’art pour le faire.
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Point de caricature excessive mais une grande authenticité. A l’heure des
questions sur l’intégration, la comédienne donne à voir les travers de la
France avec beaucoup de fantaisie, tout en demeurant sérieuse parce que
les problématiques le sont. Sans oublier d’en rire…
Pari réussi. « Et aujourd’hui, vous voyez toutes les stars du cinéma français et
international se faire refaire des lèvres de noirs…Mais c’est très mal fait ».
Et comme à chaque fois que tante Marie-Thérèse ouvre la bouche, le public
se fend la poire. Le personnage est extraordinaire : sincère, drôle, et haut en
couleur. Le texte est un vrai régal et les spectateurs ne s’y trompent pas.
Ciselé dans la canne à sucre, le verbe est fruité, juteux, et d’une grande force
comique. La mise en scène est minimaliste, discrète. Sans doute la meilleure
preuve de son efficience. Un pur moment de bonheur.
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Juillet 2006
Jean-Philippe VIAUD
Autre découverte et non des moindres à la Comédie Bastille avec MarieThérèse Barnabé, Négresse de France ! » Un excellent spectacle de Souria
Adèle, détonnant, très drôle et énergique. Le franc-parler martiniquais de
Marie-Thérèse vaut mieux que toutes les soirées football autour d’un bar.
Elle est très drôle Souria Adèle et son spectacle aux accents créoles sent bon
les Antilles. Dans la peau de Marie-Thérèse Barnabé, elle dénonce avec le rire
tout ce qui tient à cœur. Là ou d’autres iraient sur la pointe des pieds, elle
n’hésite pas et va droit au but.
Marie-Thérèse raconte ce qu’elle croit être juste et bien-sûr, quelle que soit
notre couleur, on ne peut que l’applaudir. Il faut dire que sur scène, Souria a
l’énergie d’une mama doublé d’une doudou qui pourrait s’appeler Mémé
Sarfati.
Voyez-vous ça. C’est tout un programme. Croyez-le.
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Marie-Thérèse Barnabé, Négresse de France. Un personnage qui
aime les gens et l’humanité.
Née à Babel Oued, en Algérie, de parents martiniquais et française de
souche, Souria Adèle fait des études de droit pendant 2 ans, études qu’elle
abandonne pour se consacrer à la danse et au chant, puis s’oriente vers la
comédie. Elle participe à plusieurs émissions de variétés, enregistre un 45 tours
« J’aime le réglisse » sponsorisé par M6. Elle est actrice de théâtre avec des
metteurs en scène tels que Jérôme Savary, Ray Cooney, J.L. Moreau et Jean
Paul Lucet, et participe à de nombreuses séries audiovisuelles. « Le Nègre de
Molière », «Central de Nuit » et « Embarquement immédiat »…
Ne trouvant vraiment pas de rôle qui corresponde à sa personnalité, Souria
Adèle décide de prendre sa plume et d’écrire pour elle le personnage de
Marie Thérèse Barnabé, négresse de France, avec la collaboration artistique
de Lionel Robert. A travers un personnage généreux et haut en couleur Souria
Adèle témoigne avec humour de la vie d’une femme noire en France depuis
les années 60 jusqu'à nos jours. Acide et Drôle. Elle fut honorée du premier prix
du Festival d’Humour de Bagneux en 2001 et en 2005 à Clichy-sous-Bois.
AMINA a rencontrée Marie Thérèse Barnabé qui nous fait part de son
humanité.
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Quel est le sujet de votre nouveau spectacle ?
C’est très simple. En 2002, le spectacle a été présenté au Café de la Gare. En
2003, il y a eu très peu de représentations. En 2004 j’ai joué ponctuellement
et, en 2005, au Splendid. En général, je fais de 5 à 6 représentations dans
l’année Mon inspiration me vient de ma vie. Tout au début, c’était vraiment
mon histoire : les castings ne marchent pas, mon agent ne m’appelle pas,
aide-toi le Ciel t’aidera. Mais une partie de Marie Thérèse est totalement
imaginaire. Le spectacle bouge et change en fonction de l’actualité : les
sans-papiers, une loi sur l’immigration et les minorités.
Quelle image Marie Thérèse Barnabé veut-elle donner à son personnage ?
Marie Thérèse est avant tout une tatie antillaise, en France depuis les années
60 elle aide sa nièce dans ses difficultés quotidiennes. Ce qu’elle veut
montrer c’est son regard sur la France, avec une parole un peu critique sur le
regard qu’on porte en France sur les gens qui ne sont pas blancs caucasiens.
Je ne suis pas dans la caricature, ça reste juste : j’incarne une personne qui
est censée avoir sa propre réalité.
Vous faites participer le public en direct ou sur scène. Est-ce important pour
vous ?
Oui, très important. Le principe est qu’il n’y a pas de spectacle. Mais c’est
une conversation qui arrive. Souria s’assied et parle avec les gens. Elle est
comédienne. C’est bon enfant. On discute et on est comme à la maison.
C’est important. Sans cette complicité, le spectacle serait moins drôle. Je vois
le retour, les gens apprécient. Ils aiment participer sur scène avec Marie
Thérèse. C’est un personnage qui parle aux gens.
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Marie-Thérèse Barnabé, Négresse de France, par Souria Adèle
Souria Adèle est une Martiniquaise de la métropole. Après des études de
droit, cette jeune quadragénaire dynamique, décide de tout arrêter pour la
danse et le chant. Il y a huit ans, elle s’oriente vers la comédie…
Depuis deux ans, elle se consacre à son personnage « Marie-Thérèse
Barnabé, Négresse de France ». Un personnage inspiré de sa mère et de sa
grand-mère. Deux femmes autoritaires et courageuses.
Son spectacle interactif, qui fait rire — mais aussi réfléchir, a remporté le
concours du Festival de rire de Bagneux. Ce premier prix lui donne le droit de
présenter son spectacle en entier au théâtre Victor Hugo de Bagneux, le
vendredi 1er février 2002, à 20h30.
Quel est votre parcours ?
Je n’aurais pas dû être comédienne, je voulais être avocate. J’ai passé mon
bac à 17ans et je suis allé à la fac de droit à Sceaux. J’ai pratiqué la danse
africaine avec Cissé au Centre Américain. Je suis partie en tournée en Italie
et je n’ai plus eu envie de retourner à mes études. J’ai pris des cours avec
Matt Mattox, un grand monsieur du jazz. Il était persuadé qu’au bout de
quatre ans, je deviendrais une grande professionnelle. C’est ainsi que j’ai tout
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laissé tomber pour la danse. Avec le non-soutien de mes parents. J’ai
beaucoup galéré. Ces sont des métiers où il faut être top pour percer. J’ai
arrêté la danse et puis je me suis orientée vers le chant. Je n’ai commencé le
théâtre qu’a 34ans, en rencontrant John Strasberg. Au bout du deuxième
stage de théâtre, j’ai attrapé le virus. J’ai réussi un casting dans une série pour
M6 (profession infirmière). J’y ai cru, j’ai trouvé un agent et au bout d’un an,
je me suis rendu compte qu’il n’y avait rien pour nous. Surtout, c’est vraiment
à cette période que j’ai rencontré une espèce de racisme insidieux.
Comment cela ?
Lorsque j’ai discuté du cachet de mon premier contrat, pour la série télé
justement, l’argument avancé à mon ex-mari au téléphone, pour ne pas me
donner ce que je voulais, était que pour une personne de couleur, je devais
être contente de ce que l’on me proposait. Mon ex-mari, qui est blanc, a
traité cette personne de raciste. Cela a fait le tour de la production et nous
avons frôlé la catastrophe. Ce n’est qu’une anecdote, mais elle est
révélatrice. Et puis, les rôles que l’on nous propose n’ont aucun intérêt. Ce ne
sont pas des rôles en tant que tel, mais des rôles tels qu’ils voient les Noirs. On
m’en a proposé très peu d’intéressants. Et lorsqu’ils le sont, il y a une trop
grande pression sur l’artiste, parce qu’il a attendu un an avant d’avoir un
casting.
Quand avez-vous commencé à écrire vos propres textes ?
Il y a deux ans, j’ai effectué un stage d’écriture. Je voulais écrire parce que je
sentais bien que si je ne le faisais pas moi-même, les autres ne le feraient pas
pour nous. Il n’y a pas qu’un problème de racisme, mais aussi d’identification
pour les rôles spécifiques. Suite à un autre petit rôle de femme de ménage, je
suis rentrée chez moi avec une crise monstrueuse d’urticaire. Et j’ai décidé
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que c’était la dernière fois. Je vaux beaucoup mieux que cela. A partir de ce
moment, j’ai écrit mon texte et j’ai bien fait !
Comment s’est passée votre première représentation ?
Le texte a été écrit en août 1999. Je l’ai d’abord présenté devant huit
personnes en septembre 1999, dont Luc Saint Eloi qui l’a trouvé très bien. Il
m’a présenté Jean-Pierre Strum, un producteur qui cherchait des femmes
comiques noires. L’idée était d’organiser un « Gala des comiques », avec des
femmes exclusivement. Nous nous sommes donc rencontrés en janvier 2000.
Après une audition improvisée, il m’a proposé quatre dates en avril au
Théâtre de Charenton, avec trois autres antillaises pour le « Tour des
Négresses ». C’est ainsi que j’ai présenté vingt minutes de Marie-Thérèse en
public pour la première fois, avec une mise en scène de Luc Saint Eloi. Je me
suis retrouvée le 14 avril, toute seule sur scène, devant cinq cents personnes,
pour la première fois. Ensuite, nous avons joué douze dates à la Martinique.
Au total, la tournée comprenait vingt-quatre dates.
Comment le public a-t-il réagi au personnage de Marie-Thérèse ?
Le public a bien réagi et il a beaucoup aimé. Les gens trouvaient que je disais
tout haut ce qu’ils pensaient tout bas. Certains n’ont pas aimé et ont trouvé
que c’était gonflé de parler ainsi. Ils m’ont demandé si je n’avais pas peur
que cela dérange les blancs. Tant pis, d’autant que le propos n’est pas
même de déranger les gens. Mais de permettre une réflexion. Je crois que ce
personnage a une force de générosité qui lui permet de dire ce qu’il veut. Si
je m’exprimais comme lui ce serait peut-être un peu différent.
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Comment avez-vous écrit ce texte ?
J’ai fait un travail analytique pendant huit ans, ce texte est certainement né
de cela. Lorsqu’on dit tout ce qu’on a sur le cœur, cela va beaucoup mieux.
Lorsque j’ai joué ce dernier rôle de femme de ménage, j’ai été très affectée
parce que cela faisait six ans que je faisais ce métier. Et que rien ne se
passait. Je me suis mise en colère. Je me suis donc autorisée à dire tout ce
que je pensais, sans crainte.
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H. N.
Rire avec Souria Adèle
Marie-Thérèse entre en scène, de sa démarche mi-langoureuse, mi-curieuse ;
elle semble chercher quelqu’un. En tout cas, c’est ce que son air débonnaire
fera comprendre plus tard. Elle s’appelle Marie-Thérèse Barnabé et c’est une
« Négresse de France ». Une vraie, des comme on en a tous dans notre
famille. Elle peut être une mère, une tante, une cousine… en tout cas, MarieThérèse, ses formes et son accent créole, sa lucidité et ses certitudes, on la
connaît.
De cette femme postée sur scène, on saura quelques minutes plus tard
qu’elle est là pour attendre sa nièce, une certaine Souria, comédienne de
son état. Et qui avait rendez-vous avec son public. Plus tard, et un
agacement palpable, Marie-Thérèse jette l’éponge : Non, Souria ne viendra
plus. Ce sera donc à elle de la remplacer. Et elle le fait bien, très bien même.
A tel point qu’on a l’impression qu’elle n’a fait que ça toute sa vie.
On apprendra alors que cette femme au franc-parler dit les choses cash.
Sans détours. Par exemple, elle refuse d’être appelée Black, parce que sinon,
les blancs seraient des Whites. Elle a son avis sur tout, sur la manière dont les
noirs sont perçus en France, sur le racisme, la discrimination, la société…
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Marie-Thérèse observe, analyse, porte le fer comme lorsqu’elle affirme que
demain, les blanches voudront avoir des attributs de négresses, lèvres et
fesses comprises. Elle est comme ça Marie-Thérèse, il ne faut pas la chercher.
Elle arrive en France par le Bumidom et elle qui a eu sept maris dont un
Africain, en connaît un rayon coté relation de couple. Elle nous fait
comprendre que le racisme n’est pas toujours là où on le croit. Ses mots
sonnent justes, vrais. Elle parle de la vie, de notre vie comme pour évacuer les
non-dits. Les propos de Marie-Thérèse sont salvateurs : on rit en étant
conscients de la véracité de ce qu’elle avance. Une fois qu’elle a fini de nous
dire nos quatre vérités, Marie-Thérèse, s’éclipse et c’est alors Souria Adèle,
comédienne martiniquaise qui revient.
C’est elle l’auteur de cette comédie qui n’en finit pas de faire du bien au
moral.
Ce soir-là, la salle, une fois de plus était conquise.
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Juin 2005
Félix SONDER
Marie-Thérèse Barnabé, Négresse de France
Avec beaucoup d’humour, la pièce retrace le parcours d’une femme noire
en France des années 60 à nos jours. Marie Thérèse Barnabé s’invite sur scène
à la place de Souria Adèle et raconte les évènements de la vie de tous les
jours avec humour (relations hommes/femmes, relations dans le travail,
discrimination, problèmes entre Blancs et Noirs)
Elle remet en mémoire des évènements passés, méconnus mais qui ont eu
leur importance dans l’histoire des ressortissants des DOM. Tel que, par
exemple ce bureau d’immigration d’Outre-Mer (Bumidom) qui recrutait, dans
les années 70, Antillais et Guyanais pour venir travailler en France
métropolitaine.
Marie-Thérèse Barnabé, Négresse de France apporte à la comédie un
nouveau souffle et son interprète Souria Adèle est une comédienne pleine de
talent.
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Cécilia DUBÉ
Marie-Thérèse Barnabé, Négresse de France
Souria ADELE, auteur et comédienne martiniquaise, interprète un spectacle à
la fois drôle et intelligent. Donc rare.
En une heure de spectacle, Souria Adèle fait rire en se moquant d’une
société française raciste sans toujours en être consciente. Ce sont des
attitudes, des discours qu’elle caricature ainsi, non pour moraliser, mais « pour
faire réfléchir »
Parce qu’elle était lasse de jouer les personnages d’arrière-plans ou d’être
évincée des castings pour le seul motif de ne pas avoir la bonne couleur de
peau, Souria Adèle a décidé de se donner elle-même son grand rôle. MarieThérèse Barnabé est née de cette ferme volonté. Cette « négresse de
France » d’une soixantaine d’années fait patienter le public en attendant
que sa nièce Souria, comédienne, arrive sur scène. Finalement, le public ne
verra qu’elle. Et dans son monologue, elle s’en donne à cœur joie. MarieThérèse livrant son avis sur tout, ou plutôt riant de tout. Elle commence par la
télévision française, miroir infidèle de la société : « Un de mes fils est
architecte, un autre avocat et le troisième médecin. Pourtant à la télévision ils
ne pensent à nous que pour jouer des femmes de ménage ou des
prostituées. Je vous demande bien pourquoi ! » Ne serait-ce pas ce qu’a
ressenti Souria Adèle, auteur du spectacle, à force d’avoir à se battre
davantage que les jeunes comédiennes blanches ? « Après avoir cru que je
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pourrais percer à la télévision, je me suis rendue compte qu’il n’y avait rien
pour nous. Je me suis mise à écrire, à ne plus attendre des autres en somme.
Tous les gens qui se sentent exclus devraient essayer de réussir par d’autres
moyens que ceux qu’on leur impose », explique-t-elle. Et pour Souria, alias
Marie-Thérèse, la presse écrite n’est pas en reste dans le mauvais traitement
médiatique des noirs. Lisant sur scène un extrait d’article paru dans un
magazine féminin, elle met en évidence un discours d’une condescendance,
voire d’un mépris flagrants : « Comme toutes les minorités, les blacksappellation que Souria exècre -- surtout aux Etats Unis, ont besoin de se
démarquer. Ils ont choisi les vêtements comme signes extérieurs de richesse
(…) Ils ont besoin d’opulence, d’affection à outrance (…) » Ce à quoi elle
répond : « Lorsque Catherine Deneuve s’habille chez Saint-Laurent, on dit
qu’elle est classe, mais lorsque c’est un nègre, on dit qu’il est snob ». Puis elle
mentionne le fameux « bruit et l’odeur » de Jacques Chirac, s‘attaque au
racisme physique vécu quotidiennement par les jeunes filles qui en
deviennent complexées. « L’apparence physique est standardisée. Ce que je
fais dire à Marie-Thérèse sur scène à ce sujet, je l’ai vécu. C’est terrible quand
on a huit ans de s’entendre dire que l’on n’est pas comme les autres
physiquement à l’école, aux cours de danse… C’est un problème qui ne
concerne pas que la couleur d’ailleurs. »
L’interaction entre le public et Marie-Thérèse est constante, notamment
lorsqu’elle
interpelle les
hommes
de la
salle.
Car
c’est
aussi une
collectionneuse de maris, blancs comme noirs, qui se plait à taquiner la gent
masculine.
« Marie-Thérèse Barnabé Négresse de France » a obtenu le premier prix du
festival de l’humour de Bagneux en mars 2001.
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M. S.
Le IVème festival des arts nègres s’est poursuivi tout au long du week-end
pour se clôturer par deux spectacles donnés au Café-Théâtre de la Porte
d’Italie. […]
« Marie Thérèse Barnabé, Négresse de France »
Dimanche après-midi, c’était au tour de Souria Adèle de se dévoiler dans
« Marie-Thérèse Barnabé, Négresse de France ». Son one-woman show
présente de savoureuse façon les péripéties quotidiennes d’une femme noire
en France. A travers les éclats de rire se cache parfois le délit de faciès.
Selon ses conceptrices, Chantal Bondel et Paulette Mendy, ce mini festival
démontre que la négritude, définie par Léopold Sedar Senghor, est porteuse
de culture et de fraternité. Ajoutons que le festival mondial des arts nègres se
tiendra à Dakar l’an prochain.
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Tremplin du rire… à Marie-Thérèse
Le festival du rire 2001 faisait la courte échelle aux jeunes talents humoristes
Quatre jeunes candidats, par ordre de passage Stéphane Melnik de
Bagneux, le duo les « Hé » de Paris, Souria Adèle de Bagneux et Alcamo de
Paris se mesuraient face à un public et jury amateurs de qualité. Tous ces
talents, par leurs spécificités, leurs regards portés sur les gens, la société ont
alimenté le rire des spectateurs. Au terme de leurs prestations c’est Souria
Adèle qui l’emporte. Elle présentera son spectacle « Marie-Thérèse Barnabé,
Négresse de France » au théâtre des Blancs Manteaux à Paris. « C’est ma
mère et ma grand-mère qui m’ont inspiré ce personnage de Marie-Thérèse.
Cette créole possède un cœur gros comme ça et une vraie générosité. Elle
me permet de faire passer mes messages ». Un spectacle interactif où le
public dialogue avec Souria, pardon Marie-Thérèse, mais le temps s’écoule
trop vite. On en redemande. Si parmi les projets de Souria figure celui de
vouloir « voler de mes propres ailes », souhaitons que ce vol s’arrête
prochainement sur la scène du théâtre Victor Hugo.
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WWW.ALTERITES.COM
24 août 2008
Maya LARGUET
Marie-Thérèse Barnabé, Négresse de France, de et par Souria
Adèle
Jusqu’au 25 septembre 2006 à la Comédie Bastille
Marie-Thérèse Barnabé est une femme d’une soixantaine d’années, très
gironde. Poitrine généreuse sous un corsage fleuri et fessier charnu et rebondi
sous une jupe qui ne peut plus se permettre d’être plissée. Elle monte sur
scène afin de faire patienter le public venu assister à un spectacle de sa
nièce, Souria Adèle, qui est en retard. Cette dernière n’arrivera jamais, pour
le plus grand bonheur de la salle qui va passer près une heure et demi avec
Marie-Thérèse « Négresse de France, « à la peau ambrée, couleur hêtre
parquet chez Leroy-Merlin », et cuisinière de son état. Un régal !
Souria Adèle a su construire un personnage haut en couleurs, libre, touchant
et
d’une
drôlerie
salutaire.
Une
sorte
de Madame
Sarfati,
version
martiniquaise. « Si Jamel a lancé la mode du Stand up, moi, je n’ai plus l’âge.
Je fais des sit-down » dit-elle avant d’écraser son large postérieur dans un
étroit fauteuil. La grande qualité de l’auteur-comédienne, qui interpelle sans
cesse la salle, est d’évoquer, par le biais d’un humour ravageur, de nombreux
sujets tantôt sérieux. On passe du défrisage à la polygamie, de l’intégration à
la fidélité qui n’est qu’« un manque d’occasions », de la beauté noire aux
sans papiers ou encore de la recette du jambon à la chablisienne à l’égalité,
« le vrai métissage, c’est le partage du pouvoir ». A travers Marie-Thérèse,
c’est aussi la vie d’une femme noire en France des années 60 à nos jours qui
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est racontée. Et les temps ont l’air de changer puisque « cette année, à la
télé, les noirs sont arrivés en France avec Harry rose et black ! »
Ju-bi-la-toire !
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