Le Port de la Lune

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Le Port de la Lune
Le Port de la Lune
par Anne de Bortoli
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La ville de Bordeaux bâtit sa richesse sur ses vignobles et son commerce maritime. Son
port, baptisé«Port de la Lune » car sa forme évoque un croissant, se développe peu àpeu.
D’abord constitué de façon fragmentaire par une série de ports juxtaposés- les chantiers
navals de Paludate, le port aux pierres, celui au bois, le port aux poissons et salaisons, le port
aux produits coloniaux, celui au vin – il finit par former un tissu continu de cinq kilomètres de
long, s’étendant de Paludate à Bacalan.
En 1930, les quais sont élargis et repoussent la Garonne. Le port se referme de plus en
plus sur lui-même, jusqu’à devenir quasi inaccessible. En 1995, les quais forment un magma
de hangars fermés par des grilles, surmontés ou parsemés de parkings. Entre le majestueux
pont de pierre et la gare, les entreprises ferment l’accès au fleuve. Les Bordelais ne s’y
intéressent plus.
Alain Juppé, maire de la ville, souhaite alors éveiller la Belle Endormie et annonce en
1996 son désir de reconquête du fleuve, grâce à un réaménagement des quais. En 1998, le
Mondial de football est prétexte au test du potentiel des quais. Un écran géant installésur le
hangar 13 et attirant des dizaines de milliers de personnes prouve que ce désir est partagépar
l’opinion. Les grilles sont enlevées, les hangars 11 et 13 détruits, afin de laisser place à des
équipements publics provisoires et des manifestations. Le succès de l’opération amène la
CUB en 1999 à lancer le concours d’aménagement des quais, remporté par le projet de Michel
Corajoud. Ce paysagiste français, lauréat du Grand Prix d’Urbanisme en 2003, propose selon
sa formule de «jardiner les quais ».
Cette idée de végétaliser les quais lui est soufflée lors de sa visite du site : il se heurte àun
tag revendiquant «des arbres ! »sur un des hangars du quai. Autre point fort de son projet : le
miroir d’eau. La simple visite du site lui suggère cette idée, puisqu’apercevant le reflet d’un
clocheton du toit de la Bourse dans une flaque d’eau, sur le toit d’un hangar semi-enterré, il
décide d’amplifier la majestuosité du bâtiment en lui offrant un véritable miroir dans lequel se
contempler.
Bousculant la tradition du tout-minéral sur les quais, il sait tout de même préserver et
valoriser le patrimoine portuaire du site, tout en recréant le lien entre le Bordelais et son
fleuve. Le nouveau Port de la Lune est classéen 2007 patrimoine mondial de l’humanité par
l’Unesco. Il allie minéral, végétal et aquatique, ancien, rénové et moderne, en un tout d’une
incroyable beauté et d’une cohérence remarquable, qui en fait un lieu de vies, de rencontres et
de partages exemplaire.
Après le succès de cet aménagement qui a fait du Port de la Lune un espace de choix pour
le Bordelais, un second grand projet, à l’horizon 230, prévoit d’orienter la ville vers un Grand
Bordeaux. Avec une nouvelle gare TGV pour le futur passage de la LGV SEA prévu pour
2017, le programme Ginko, un nouveau quartier au bassin àflot, et de nombreuses opérations
de développement et rénovation urbaine s’étendant sur potentiellement 900 hectares,
Bordeaux présente tous les atouts d’une future métropole durable, bien loin maintenant d’une
Belle Endormie.