Une lettre d`Eugène Hugo avait été présentée par Yves Gohin dans l

Transcription

Une lettre d`Eugène Hugo avait été présentée par Yves Gohin dans l
Une lettre d’Eugène Hugo avait été présentée par Yves Gohin dans l’édition des Œuvres
complètes du Club français du livre, d’après le texte publié sans référence par Edmond Biré
(dans L’Année 1817, Paris, 1895). Comme elle était adressée à M. Pinaud, secrétaire perpétuel
de l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse, Yves Gohin avait demandé que l’on recherchât le
manuscrit de la lettre dans les archives de l’Académie des Jeux floraux. Le manuscrit ne s’y
trouvait pas. Nous avons découvert une publication antérieure à celle de Biré, dans Le Progrès
libéral de Toulouse du 23 juillet 1878, reprise par Le Rappel du 26 juillet 1878. On sait que ce
journal, dirigé par Paul Meurice et Auguste Vacquerie, était très proche de Victor Hugo. La
publication de la lettre dans les deux journaux permet de comprendre pourquoi le manuscrit
n’est pas resté à l’Académie des Jeux floraux. Nous la reproduisons ici telle qu’elle a été
présentée dans Le Progrès libéral :
« On nous communique une lettre intéressante, écrite en 1818 au secrétaire de l’Académie des Jeux
Floraux, par un frère aîné de Victor Hugo 1 :
Paris, le 4 avril 1818
Je viens2 de recevoir le paquet que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser. Je voudrais vainement
vous exprimer combien je suis reconnaissant de votre complaisance et des bontés de l’Académie ;
croyez du moins que je ne négligerai rien pour m’en rendre digne, moins soutenu dans mes efforts par
l’espoir d’une couronne que par le désir de ne pas tromper votre indulgence.
Il est cependant des circonstances en faveur d’un de mes rivaux que je me reprocherais de ne pas
vous avoir fait connaître ; ce rival est mon frère, l’auteur des odes sur l’Amour de la gloire et la Mort
de Louis XVII. Je l’ai vu pressé par l’époque du concours faire 3 la première en une nuit et la seconde
en trois jours. Il est à peine âgé de seize ans. C’est le même jeune homme qui, à quinze ans, a obtenu
en 1817 une mention honorable à l’Académie française. Je ne sais, Monsieur, si ces considérations
jointes 4 à la différence d’âge qui existe entre nous et aux encouragements que mérite sa jeunesse,
auront aux yeux de l’Académie la même force qu’aux yeux d’un rival ; je n’ose exprimer mon
sentiment sur ce que je lui soumets. Daignez néanmoins être persuadé que quels que soient5 mes
efforts pour répondre à votre attente, la plus forte marque de satisfaction que l’Académie puisse me
donner ne serait pas de couronner ma pièce.
C’est dans ces sentimens6 que j’ai l’honneur d’être, avec le plus profond respect, Monsieur, votre
très humble et très obéissant serviteur.
E. Hugo
J’ose espérer, Monsieur, le secret sur ce que je vous dis de mon frère ; s’il venait à savoir mon
indiscrétion, il serait homme à ne me la pardonner7 de deux mois. La décision de l’Académie
m’apprendra assez si vous avez mis le comble à ma reconnaissance.
À Monsieur le secrétaire-perpétuel de l’Académie des Jeux-Floraux à Toulouse. »
C’est finalement Eugène qui sera couronné par l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse pour
son Ode sur la mort du duc d’Enghien.
*
1
Eugène, né en 1800, était de deux ans plus âgé que Victor. C’est Abel, né en 1798, qui était l’aîné.
Le Club français du livre : « Monsieur, je viens ».
3
Le Club français du livre : « Je l’ai vu, pressé par l’époque du concours, faire ».
4
Le Club français du livre : « française. / Je ne sais, Monsieur, si ces considérations, jointes ».
5
Le Club français du livre : « Daignez, néanmoins, être persuadé que, quels que soient »
6
Le Club français du livre : « sentiments ».
7
Le Club français du livre : « le pardonner ».
2