Là où il y a de l`espoir…

Transcription

Là où il y a de l`espoir…
Là où il y a de l’espoir…
Nous avons dix ans pour changer le destin de nos océans, affirme Sylvia Earle, océanographe
mondialement reconnue, dans une interview à Planète Conservation.
S
ylvia Earle, exploratrice en eaux
profondes, a dirigé plus de 50
expéditions et passé plus de 6 000
heures sous la mer. Experte des océans
entièrement dévouée à sa cause, elle a gagné
l’année dernière le prestigieux Prix TED qui
récompense un large éventail de sujets comme
la technologie, le divertissement et le design,
et a reçu la bourse destinée des « Vœux pour
changer le monde » – un vœu qui s’avère un
stimulant majeur dans les efforts pour sauver
la planète bleue.
Terre pour les générations à venir, conclut
le rapport.
« Mon vœu est le vœu de toute une vie –
protéger le cœur bleu de notre planète »,
déclare Sylvia. Sa mission est d’établir des
« Points d’espoir », ou aires marines protégées,
suffisamment vastes et nombreux pour
protéger et restaurer les océans. La mise
en place de certains « Points d’espoir » a
déjà commencé. Certains plans de gestion
avancés sont déjà mis en œuvre alors que
d’autres sont encore dans les premières phases
d’élaboration.
Au cours de sa longue et illustre carrière,
Sylvia Earle a été chef scientifique de
l’Administration américaine responsable de
l’étude des océans et de l’atmosphère (NOAA)
et exploratrice en résidence pour le National
Geographic. Elle a récemment lancé Mission
Blue, une coalition mondiale axée sur la
restauration de la santé des océans par la
réforme de la pêche et une protection accrue.
Mission Blue et ses partenaires ont tous été
témoins de signes visibles de dégradation des
océans, notamment de la disparition de la
moitié des récifs coralliens mondiaux.
« La bonne nouvelle, c’est l’existence de plus
de 5 800 aires marines protégées ; la mauvaise
nouvelle, c’est qu’il faut vraiment les chercher
pour les trouver : réunies, elles ne représentent
que 1,2% des océans – c’est scandaleusement
insuffisant » insiste Sylvia Earle.
En octobre dernier, le Chili a annoncé la
création d’une grande réserve marine autour
de l’île de Sala y Gómez, dans le Pacifique.
Mais les projets destinés à augmenter le
nombre d’aires marines protégées sont
nettement insuffisants par rapport aux
besoins, selon un nouveau rapport conjoint
de l’UICN, The Nature Conservancy et
du Programme des Nations Unies pour
l’environnement. Les pays sont loin de
l’objectif promis pour 2010 – 10% des
océans protégés. Par comparaison, les aires
terrestres protégées couvrent 12% de la
surface de la terre. Une plus grande volonté
politique et un changement dans la gestion
de notre capital marin sont donc aujourd’hui
nécessaires pour préserver les océans de la
18
PLANÈTE CONSERVATION • JANVIER 2011
« Au vu des pressions extrêmement fortes
subies par les mers, nous n’avons jamais été
aussi pressés d’agir si décisivement pour faire
connaître la question des océans au grand
public. Si tous les dirigeants mondiaux agissent
individuellement, ils peuvent accomplir
simultanément ces deux objectifs et laisser
une empreinte personnelle, qui nous profitera
à tous à l’avenir » continue Sylvia Earle.
« La situation a évolué à une vitesse incroyable.
Quatre-vingt-dix pour cent des espèces de
grands poissons ont disparu, d’autres espèces
ont connu un déclin en chute libre en l’espace
d’une vie. Dans l’océan Pacifique, il existe
de vastes espaces où les niveaux d’oxygène
sont trop bas, entraînant la mort massive
d’organismes. Cela devrait être en une de
l’actualité. »
« Si nous continuons à agir ainsi, les
récifs coralliens disparaîtront et la pêche
commerciale cessera d’exister faute de
poisson. Les évolutions dont j’ai été témoin
au cours de ma vie me poussent à faire tout
ce que je peux pour que le monde comprenne
ce qui se passe, et sache qu’il n’est pas trop
tard pour agir. »
« Les changements dans les océans se
passent tellement vite que vous êtes obligés
d’y voir l’impact de l’homme. Mais ce qui
est encourageant, c’est que les décideurs
commencent à comprendre le lien entre
vie et environnement – notre capacité à
survivre. » Sylvia est également une excellente
communicatrice, décidée à utiliser tous les
moyens à sa disposition pour faire passer le
message. « La communauté mondiale ne peut
pas agir comme si elle ne savait pas ».
Plus tôt cette année, Sylvia a fait partie d’un
groupe sélectionné composé de scientifiques
marins, explorateurs océaniques, musiciens,
NOUVELLES APPROCHES
artistes et activistes, qui ont séjourné aux
îles Galapagos à bord du bateau du National
Geographic, l’Endeavour, pour une conférence
de Mission Blue. Les orateurs ont ainsi, en
direct depuis le navire, attiré l’attention du
monde entier sur le vœu de Sylvia et analysé
les approches innovantes pour travailler
ensemble sur les problèmes rencontrés par les
océans. Cette conférence a été traduite en de
nombreuses langues. Huit initiatives distinctes
ont été initiées, aidées par les 15 millions de
dollars offerts par les personnes à bord. Un
million sera destiné à la protection des eaux
autour des îles Galapagos et 1,1 million pour
le lancement d’un plan de sauvetage de la mer
des Sargasses.
l’enjeu des problèmes et qu’ils agissent. Il
n’existe aucune organisation similaire au
niveau mondial réunissant simultanément un
tel réseau et de tels acteurs. »
Sylvia supporte avec enthousiasme l’UICN
et considère le rôle de l’organisation crucial
pour la conservation des océans. « J’admire
beaucoup le travail de l’UICN. C’est l’un des
meilleurs espoirs existants pour rassembler
les gouvernements et les ONG et les inciter
à travailler ensemble, afin qu’ils comprennent
Et c’est maintenant qu’il faut agir. « Nous
avons peut-être dix ans pour faire la différence
et agir pour renverser une tendance néfaste
pour notre santé, notre économie, notre
sécurité, la vie sur Terre. Les possibilités d’agir
se réduisent, mais je reste optimiste. » ■
Aux côtés de la fondation de Sylvia,
la Sylvia Earle Alliance (SEAlliance),
le Programme Global Milieu Marin et
Polaire de l’UICN et sa Commission
mondiale sur les aires protégées
travaillent avec Mission Blue et ses
principaux partenaires pour mettre en
œuvre son vœu.
L’UICN est partenaire de « Je suis
l’océan », une campagne intégrée au
partenariat stratégique pluriannuel
de Mission Blue rassemblant des
gouvernements et des institutions
privées, scientifiques et de
conservation comme le Prix TED,
Google, la National Geographic
Society, la Waitt Foundation et la
SEAlliance. C’est un appel mondial
pour agir afin de restaurer la santé et
la productivité des océans.
Depuis le nettoyage des côtes
jusqu’à l’achat de produits de la
mer durablement produits, « Je
suis l’océan » offre des conseils
pratiques pour joindre ses efforts
avec ceux des conservationnistes
afin d’accroître la superficie des aires
marines protégées et de protéger
les espèces menacées. Cet effort
croissant encouragera la mise en
œuvre de solutions ayant déjà fait leurs
preuves et l’élaboration de nouvelles
idées à la pointe de la technologie
émises par des décideurs du domaine
des ressources halieutiques et de
l’industrie des produits de la mer,
et des communautés de pêcheurs
locales et côtières.
PLANÈTE CONSERVATION • JANVIER 2011
19