Ordination diaconales de Manuel Baguet, Dominique Lelièvre et

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Ordination diaconales de Manuel Baguet, Dominique Lelièvre et
Ordination diaconales de Manuel Baguet, Dominique Lelièvre et Hubert Oger
Cathédrale de Laval - 5 juin 2016
Frères et sœurs,
C’est à nouveau la riche diversité de notre Église qui s’exprime à travers la célébration
qui nous rassemble en cette cathédrale. Manuel, Dominique et Hubert, que nous avons la
grande joie d’entourer ce soir, sont en effet trois hommes bien différents par leur parcours de
vie personnel et familial, leur engagement social et professionnel, la variété de leurs talents et
de leurs dons. Mais ils ont tous trois en commun d’avoir été approchés un jour par leurs curés
respectifs qui, discernant dans l’Esprit leurs aptitudes particulières à servir, ont osé les
interpeler de la part de Dieu pour qu’ils se lancent dans l’aventure du diaconat, c’est-à-dire
pour qu’ils soient, au cœur de notre Église, des signes du Christ serviteur des hommes. Cet
appel, ils ont pris le temps de l’accueillir, de le faire mûrir dans la prière, d’en discerner la
beauté, d’en appréhender les exigences. Et voilà qu’aujourd’hui, au terme d’un long chemin
de préparation, entourés de leurs épouses, de leurs enfants, de leurs amis, soutenus par leur
équipe d’accompagnement, ils viennent grossir les rangs de la fraternité diaconale de notre
diocèse déjà forte de 21 diacres, dont la plupart sont ici ce soir.
Pour éclairer le sens de leur démarche, nous recevons ce soir de très beaux récits que
la liturgie de ce 10ème dimanche nous fait méditer : des récits qui nous parlent d’un Dieu ami
des hommes, un Dieu qui pénètre au cœur de la souffrance humaine pour la transformer de
l’intérieur, un Dieu qui, dans le Christ, vient rétablir les liens que le péché et la mort avait
rompus. À la lumière de ces textes, il m’a semblé possible de dégager les trois traits les plus
saillants du ministère du diacre comme homme de la Parole, homme de la charité, homme de
la liturgie.
Le diacre, homme de la Parole. C’est un fait que le ministère qui vous échoit
aujourd’hui vous associe à la mission des évêques et des prêtres qui est de rompre pour le
peuple de Dieu le pain de la Parole, c’est-à-dire concrètement de prêcher lors de
l'administration des sacrements de baptême et de mariage tout comme de donner l'homélie
durant l’eucharistie dominicale : cela est l’une de vos principales fonctions. Vous aurez pour
cela à vous inspirer de l’expérience de l’apôtre Paul. Lui qui connaissait parfaitement les
anciennes Écritures, la Loi et les prophètes, est devenu serviteur de l’Évangile : « Cet évangile
que je proclame, dit-il, n’est pas une invention humaine, ce n’est pas un homme qui me l’a
transmis ou enseigné : mon Évangile vient d’une révélation de Jésus-Christ ». « Mon
Évangile », dit Paul. Le possessif « mon » dit par quel processus d’assimilation Paul s’est
approprié l’Évangile, l’a fait sien jusqu’à ne plus faire qu’un avec lui. Il doit en être ainsi pour
vous. Il faut que cet Évangile vous habite, vous éclaire, vous inspire. Il faut que vous le
méditiez régulièrement, qu’il devienne votre ami, votre compagnon de chaque jour. Que l’on
puisse dire de chacun de vous ce que la mère de l’enfant disait du prophète Élie dans la
première lecture : « Maintenant, je sais que tu es un homme de Dieu et que, dans ta bouche, la
Parole du Seigneur est véridique ».
Le diacre, homme de la charité. C’est bien évidemment ce que l’on sollicite de lui en
premier. On réclame du diacre qu’il se mette au service des plus petits avec le même amour
que le Christ, qu’il puisse s’approcher de l’humanité souffrante avec le même empressement
et dans le même élan de compassion que le sien, Lui qui, tout au long de sa vie a accueilli les
pécheurs, consolé les affligés, guéris les malades : « Le Seigneur fut saisi de pitié pour elle »,
nous dit Marc à propos de cette veuve qui avait perdu son enfant. L’évangéliste utilise ici un
verbe particulièrement suggestif qui veut dire : « Il fut bouleversé au plus profond de luimême ». C’est le verbe de la miséricorde. Jésus est touché au plus profond de son être devant
la faiblesse et la vulnérabilité des hommes, ceux que la société tend à exclure, la foule des
affamés, des malades, des pauvres. Servir comme diacre, avec gratuité et amour, c’est au fond
imiter Jésus dans sa relation avec tous les blessés de la vie ; c’est consoler leurs cœurs
meurtris pas les épreuves et les difficultés de l’existence ; c’est les remettre debout par la
force de sa résurrection, c’est les rendre à leur dignité d’hommes et de femmes en leur
révélant ce qui fait leurs richesses, leurs capacités et leurs dons. Servir comme diacre avec
gratuité et amour, c’est rejoindre nos contemporains jusque dans leurs lieux de désespérance
pour que resplendisse, au cœur de leur nuit, la lumière de la vie plus forte que la mort.
Le diacre, homme de la liturgie, et spécialement de l’eucharistie qu’il est appelé à
servir à l’autel. Serviteur de l’Eucharistie, le diacre « fête le Seigneur au milieu de ses
fidèles » et « rend grâce en rappelant son nom très saint ». Ce sont les belles strophes du
psaume 29 entendues tout à l’heure. S’il est appelé à faire de l’eucharistie le centre brûlant de
son ministère, le diacre, plus que d’autres, peut-être, a une vive conscience que le sacrement
de l’eucharistie et le sacrement du frère sont indissociables. Car Jésus se rend aussi réellement
présent, quoique de manière différente, sous les espèces eucharistiques que sous l’apparence
du pauvre. On se souvient à ce propos du témoignage poignant du philosophe Blaise Pascal
tout à la fin de sa vie. Tandis qu’il est à l’agonie, il demande à son entourage la communion
eucharistique. Mais ses difficultés de déglutition les empêchent d’accéder à sa demande. Il dit
alors : « Faites entrer dans ma chambre un pauvre de la rue. Ainsi, puisque je ne peux pas
communier avec la Tête, je pourrai communier avec un membre de son Corps. » Ce
témoignage magnifique nous redit que l’Eucharistie et le service du frère s’appellent, se
complètent et se nourrissent l’un l’autre : en accueillant le corps de Jésus, qui donne sa vie
pour nous, nous recevons la grâce de donner à notre tour notre vie pour les autres.
Mes amis, au moment où vous allez vous prosterner à terre de tout votre long en signe
d’un abandon total entre les mains de Dieu, je voudrais vous dire ceci : ce que vous donnez
aujourd’hui à Dieu et à l’Église en vous mettant au service de vos frères n’est pas retranché
aux vôtres, à votre famille. Bien au contraire, cela va leur être redonné d’une manière plus
grande et plus profonde à travers l’offrande que vous faites de tout vous-même en cet instant
solennel et public de votre ordination. Je le dis d’une manière particulière à vos épouses
respectives Patricia, Isabelle et Marie-Paule, puisque c’est à elles, d’abord, que vous vous êtes
donnés par un don total et irrévocable dans le beau et grand sacrement de mariage. Dès lors,
précisément, que l’ordination diaconale est conférée à des hommes mariés, toute opposition
entre votre nouveau ministère et le sacrement de mariage que vous avez déjà reçu s’en trouve
exclue. Il n’y a pas de concurrence possible. L’un et l’autre sont appelés à s’approfondir et à
se féconder mutuellement. On peut dire d’ailleurs, que le premier champ relationnel que le
diacre est appelé à évangéliser, c’est son couple et sa famille. Je vous cite, pour conclure,
cette parole d’une épouse de diacre dont le mari a été ordonné il y a de nombreuses années
déjà. Je l’ai entendue exprimer cette conviction qui devrait à la fois vous rassurer et vous
encourager : « L’Église me prend mon mari, dit-elle, mais elle me le rend avec un plus. Et
cela change profondément ma relation d’épouse ». Que descende maintenant l’Esprit qui va
vous configurer à Jésus-Serviteur. Que cet Esprit vous donne sa force et sa joie, qu’il vous
éclaire et vous guide de sa lumière, qu’il vous entraîne très loin sur les chemins du don.
Amen.
 Thierry SCHERRER
Evêque de Laval