Homélie du dimanche 3 mars 2013

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Homélie du dimanche 3 mars 2013
Homélie du dimanche 3 mars 2013 - 3ème dimanche de Carême
Devant la souffrance, les maladies, les catastrophes, nous pouvons avoir des réactions
violentes. Il y a une question qui revient souvent : "Qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu pour
mériter cela ?" Nous réagissons comme si les accidents, les drames et la mort étaient un
châtiment de Dieu. S'il arrive quelque chose ce serait parce que Dieu nous punit. C’est le bon
Dieu qui t’a puni. Qui, de nous, n’a pas jamais entendu
cette phrase?
Nous sommes rapidement tentés, devant le malheur des autres de penser qu’après tout, ils
sont bien pour quelque chose dans ce qui leur est arrivé.
Nous trouvons « moraux » les films où au final, les méchants sont punis et les bons
triomphants. Il faut bien reconnaitre d’ailleurs qu’ici-bas, existe une certaine justice
immanente : de sorte que par exemple celui qui s’expose au danger fini par y périr. Mais il faut
reconnaître aussi que souvent on n’est pas puni proportionnellement à ses fautes, ni toujours
récompensé pour ses bonnes actions. Tel grand trafiquant mènera grande vie et la terminera
par une mort douce, pendant que tel apôtre de la charité s’usera à la tâche et connaîtra les
affres d’une mort douloureuse.
De là à crier bien haut : il n’y a pas de justice… Qu’est-ce que fait le bon Dieu pour permettre
un tel non-sens ? Est-il vraiment ce Dieu de Tendresse dont on nous rabat les oreilles, alors
que dans la réalité du quotidien, on ne voit que maladies, chômage et accidents ?
Ce sont exactement les sentiments qui animaient les juifs de l’Évangile de ce jour. Voilà qu’ils
venaient d’apprendre que Pilate avait fait massacrer des juifs, probablement des zélotes, au
moment même où, dans un office liturgique, ils demandaient l’aide de Dieu. Ces juifs qui
interrogeaient Jésus, connaissaient bien la Bible. En effet, il est dit à multiples reprises dans le
livre du Deutéronome: voici ma loi, à toi de choisir ; si tu l’acceptes, tu auras le bonheur sur
cette terre si tu le refuses, tu auras le malheur
. Ces juifs massacrés,
qu’avaient-ils faits de mal ? Ils avaient pourtant suivi la loi. Et s’ils n’ont pas été pécheurs,
pourquoi Dieu a-t-il laissé faire ? Pour une fois, est posée à Jésus moins une question-piège
qu’une vraie bonne question : pourquoi le mal ? Ils attendaient donc avec impatience les
éclairages de Jésus, qui, élevant le débat, leur répondit finalement :
« Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres
Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien non, je vous le dis. »
Aujourd'hui, Jésus réagit très fermement contre cette manière de penser que les drames et la
mort étaient un châtiment de Dieu.
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Les malheurs qui s'abattent sur les hommes et sur le monde ne viennent pas de Dieu. C’est
vrai le mal existe, il est insupportable parfois. La tentation est grande de demander de
comptes à Dieu mais nous oublions que le mal est un mystère. Nous jugeons Dieu sans avoir
tous les éléments en main.
« Moi, si j’étais Dieu…, disons-nous - mais justement, tu n’es pas Dieu »
Acceptons de ne pas tout comprendre.
En niant Dieu, certes on peut expliquer le mal, mais on n’explique pas le bien, le beau. Or, il
faut expliquer et le bien et le mal et c’est là que se niche le mystère. En jugeant Dieu à partir
du mal, on oublie la fin heureuse prévue pour le monde. Et c’est vrai que s’il n’y a qu’une vie,
la vie terrestre alors le monde est un incroyable non-sens, une injustice sans borne. Le mal
n’est pas forcément une punition du péché, mais une conséquence de la solidarité humaine.
Jésus a bien perçu le problème qui taraude ses interlocuteurs c’est pourquoi, Jésus sans
esquiver la question embarrassante, leur répond en substance: « Si vous ne vous
convertissez pas, vous périrez tous de la même manière »
. Et c’est ainsi que Jésus nous donne un éclairage sur le problème du mal.
Le danger le plus grave c'est celui de la mort éternelle, celle qui sépare définitivement l'homme
de Dieu. Tous, nous sommes en cordée, et si l’un flanche, il peut entraîner les autres dans
ses erreurs. Le malade qui a été transfusé et a reçu un sang contaminé n’était pas forcément
un pécheur. Le Père Damien, mort lépreux, pour avoir soigné les lépreux, qui oserait le dire ?
Au point qu’on peut se demander à quoi ça peut bien servir de mener une vie juste, bonne,
ouverte vers l’autre, si nous ne sommes pas assurés d’en recevoir les fruits du bonheur.
C’est que l’humanité est un immense corps social : quand un membre est malade, c’est tout
le corps qui en souffre. Mais alors pourquoi Dieu a-t-il créé un monde où joue une telle
solidarité dans le malheur ? Ne serait-ce pas lui le vrai coupable, qu’il faut mettre au banc des
accusés ? N’oublions pas que cette solidarité, elle joue aussi et d’abord pour le bien. C’est
grâce à elle que nous pouvons aussi nous réaliser.
L’humanité a terriblement souffert de la folie d’un Hitler, des tueries du Brabant ou de Kim de
Gelder, mais n’ignore pas tout ce qu’elle doit à Pasteur, à Fleming, à Gandhi comme à tous
les prix Nobel de la paix. Mais surtout, c’est grâce à cette solidarité que nous pouvons
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maintenant devenir, tous, des fils de Dieu puisque le Christ, le vrai Fils de Dieu, s’est fait notre
frère en humanité.
De plus, comme nous savons que nous sommes tous les membres d’un seul corps dont la
tête est le Christ. Nous bénéficions en retour, grâce cette solidarité surnaturelle, que nous
appelons la ‘communion des saints’, des richesses spirituelles des membres admirables de
l’Église. Dans le film la liste de Schindler, le comptable juif de cet industriel allemand, qui a
sauvé mille cent de ses compatriotes de la mort, lui dit en finale pour le remercier cette phrase
du Talmud :
« qui sauve une âme, sauve le monde ».
Heureux sommes nous, quand nous allons à contre-courant des idées farfelues à la mode,
quand nous militons dans une association pour aider les personnes désespérées, quand nous
aidons financièrement une ONG.
Et voilà pourquoi, en raison de cette solidarité profonde dans le bien et le mal, Jésus nous
demande, en prenant conscience de notre responsabilité collective, de nous convertir au plus
tôt. Nous convertir pour nous ouvrir à l’amour de Dieu et de nos semblables. Dieu a besoin de
nous pour lutter contre le mal. Il dit à Moise :
« j’ai vu la misère de mon peuple ; je suis descendu pour le délivrer. Je t’envoie chez
pharaon : tu feras sortir d’Egypte mon peuple »
autrement dit :
« J’ai besoin de toi, Moise , pour faire mon œuvre de salut »
A nous aussi , Dieu dit
« je souffre de la grande souffrance des hommes, alors j’ai besoin de vous»
Dieu a besoin de chacun et chacune de nous pour faire reculer le mal dans notre monde.
Abbé Arnaud NGOUÉDI - Vicaire à Saint-Martin
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