Dossier Déstabilisation intérieure de la France 2016

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Dossier Déstabilisation intérieure de la France 2016
Dossier sur les risques de déstabilisation intérieure de la France
Depuis les attentats de l’année 2015, la France est en proie à un certain nombre
d’interrogations qui dépassent largement le cadre de la lutte antiterroriste. Il existe notamment
une menace de nature politico-religieuse qui mine les fondements de la société française.
Knowckers décidé de verser deux documents au dossier :
 Un article de Christian Harbulot publié dans le numéro 17 de la revue Perspectives
Libres. Son principal animateur Pierre-Yves Rougeyron a conçu un dossier 1 intitulé «
Stasis 2 : penser le chaos ».
 Une récente interview donnée par Christian Harbulot dans le magazine Marianne
n° du 6 au 12 mai 2016.
De la guerre civile
par Christian Harbulot
Article paru dans le dernier numéro (n°17) de la revue Perspectives Libres,
La France est aujourd’hui confrontée à deux problèmes majeurs : le terrorisme islamique et
l’évolution de la composition de son peuple. Depuis les attentats de janvier et de novembre
2015, la menace de nouvelles opérations menées sur le territoire français est constante. Si une
infime partie de la population est pour l’instant exposée à l’éventualité d’une telle attaque, une
proportion non négligeable de l’opinion publique exprime une crainte par rapport au
développement des revendications communautaristes dans certaines zones urbaines du pays.
La conjugaison de ces deux phénomènes aboutit à une interrogation sous-jacente qui relève
pour l’instant du non-dit mais qui commence à se faire entendre dans les milieux les plus
« crispés » : la France est-elle en train de se scinder en deux camps opposés sur l’identité
historique, culturelle et religieuse du pays ? Et les plus alarmistes de conclure qu’il s’agit là
d’un éventuel risque de guerre civile à moyen/long terme. Qu’en est-il réellement ?
Les antécédents historiques de guerre civile en France
Une guerre civile se différencie d’une révolte ou d’une insurrection par l’amplitude et la durée
de la confrontation politico-militaire entre des forces régulières et irrégulières d’un même
pays. Ces conflits armés n’ont pas été fréquents et ont affecté des portions limitées du
territoire national. On peut les situer à trois moments-clés dans l’Histoire de France :
 Les guerres de religion du XVIè siècle
 Les mouvements armés contrerévolutionnaires durant la Révolution française.
 La Commune de Paris au cours de la guerre de 1870.
Les guerres de religion se sont déroulées durant la seconde moitié du XVIe siècle. Cette lutte
entre catholiques et protestants a engendré entre 1562 et 1598 une série de huit conflits de
1
Dans ce dossier figurent aussi les auteurs suivants :
V.D : « Comment tout peut commencer en France ? » ; Julien Funnaro : « Le multiculturalisme, ennemi de la
diversité » ; David Cumin : « De l’ennemi jihadiste et de la guerre au terrorisme » ; Jérémy-Marie Pichon : «
Ayn Rand ou le Triomphe de la volonté ».
2
A l’époque de la Grèce antique, les Grecs désignaient par ce terme une crise politique, morale et sociale
résultant d'un conflit interne à une cité-état.
1
basse intensité dans plusieurs régions de France. Cette série d’affrontements et de massacres
de populations a abouti à l’exil d’une partie de la population protestante. La révolte des
Chouans et des Vendéens s’est limitée aux territoires du Nord et du Sud de la Loire. Elle est
restée le symbole d’une une guérilla rurale en lutte contre le pouvoir central. La rébellion des
Communards contre le gouvernement de Thiers replié à Versailles n’a duré que deux mois
mais s’est traduite par une série de liquidations physiques ainsi qu’une vague massive de
déportations. Ces trois formes de guerre civile ont laissé des traces durables dans la société
française sur le risque lié au fanatisme religieux, sur le risque de dissidence d’une fraction de
la population, sur le risque d’un schisme politique sur une question stratégique.
La notion de guerre civile a été au cœur de certaines phases critiques de la vie politique
nationale. Ce fut le cas lorsque les émeutiers pieds-noirs des barricades d’Alger contribuèrent
à la chute de la IVè République. La presse évoqua durant cette période le risque d’une guerre
civile auquel mis fin le retour au pouvoir du général de Gaulle. Les évènements de mai 68
amenèrent par la suite certains leaders gauchistes à se pencher sur la question en rédigeant des
ouvrages abordant le sujet 3. Il ne s’agissait pas à priori de stratégie pour prendre le pouvoir
mais le fantasme était sous-jacent dans les propos tenus. Lors de la montée en puissance des
manifestations étudiantes, il y eut momentanément un flottement du pouvoir symbolisé par la
solitude du général de Gaulle à l’Elysée et son départ impromptu en Allemagne pour
rencontrer le général Massu. Cette rencontre qui sortait du cadre classique de la politique
gouvernementale fut interprété à l’époque comme un acte de faiblesse par les groupes
gauchistes. A la fin des années 60, la tentation de la lutte armée aboutissant à un processus de
guerre civile n’est pas assumée mais évoquée dans la critique qui est faîte à propos de
l’attitude du Parti Communiste français qui accepta de désarmer ses milices patriotiques aux
lendemains de la seconde guerre mondiale. Dans la pratique, les tentatives de développement
d’un processus de lute armée généralisée relèvent surtout de la démonstration théorique à
l’image de cet extrait de ce texte 4 de la Gauche Prolétarienne :
« Les régions de partisans ce sont les régions qui sont en quelque sorte organisées autour de
l'usine : les villes-usines comme Sochaux autour de Peugeot ou région-usine comme le
périmètre Mantes – Ecquevilly – Les Mureaux autour de Renault-Flins. Dans ces régions, les
partisans à partir de l'arrière que constitue l'usine, mènent la lutte violente de partisans pour
unifier le peuple, pour constituer autour d'eux des groupes populaires de partisans ; ces
groupes s'édifient en se battant sur des fronts variés : logement, loisirs, transports, luttes
contre la vie chère... »
La problématique politico-militaire
Les expériences de lutte armée tentées durant les années 70 par des groupes d’extrême gauche
n’ont jamais eu la prétention d’aboutir à ce niveau d’affrontement. La question de la lutte
armée a été étudiée avec la perspective de « militariser » des pratiques subversives afin de
créer durablement des noyaux d’activistes. L’envoi de militants dans les camps palestiniens
s’inscrivait dans la perspective de transferts de connaissance dans l’usage des armes et des
explosifs ainsi que dans l’initiation aux techniques élémentaires de renseignement. Mais ces
acquisitions de connaissances ne compensaient pas les carences organisationnelles dans la
fidélisation des militants et leur implication dans une démarche politique constructive. Les
actions armées pouvaient séduire momentanément des jeunes en situation de rupture avec la
société mais en aucun cas suffire à pérenniser leur engagement durable dans un combat de ce
type.
3
Alain Geismar, Serge July, Erlyne Morane, Vers la guerre civile, Paris, Éditions et publications Premières,
Lattès chez Denoël, 1969.
4
De la lutte violente de partisans, mars 1970.
2
L’Italie connu à la même époque un mouvement de lutte armée beaucoup plus important en
termes de participants. Plusieurs milliers de militants étaient emprisonnés au début des années
80. Mais cette différence d’ordre de grandeur et de problématique organisationnelle ne
modifia pas les données du problème. L’ancrage dans la population reste la clé de la montée
en puissance d’une stratégie fondée sur le recours à la violence. L’appareil d’Etat italien avait
bien identifié ce risque d’engrenage. La direction ouvrière des Brigades de Rouges fut détruite
physiquement à Gênes lors d’un affrontement avec les unités spéciales des carabiniers qui
l’avaient localisé lors d’une réunion clandestine.
La question de la finalité de la lutte armée était au cœur des divergences qui opposaient les
BR à Toni Negri, leader de la mouvance regroupée sous le qualificatif d’Autonomie Ouvrière.
Cette force exerçait une certaine influence sur les fractions de population impliquées dans les
combats de l’extrême gauche. Contrairement aux BR 5, Toni Négri ne croyait pas à la
pertinence d’un affrontement avec l’Etat. Il essayait de trouver une alternative à ce qu’il
considérait comme une impasse stratégique en acceptant le recours ciblé à la violence pour
garantir et consolider des contrepouvoirs dans des espaces urbains. Certains autonomes
italiens s’attaquèrent même à des trafiquants de drogue à Rome. Cette tentative de
légitimation de la violence ne renforça pas leur légitimité. La population italienne ne les suivit
pas dans cette aventure collective.
Au-delà des réalités de la politique, il est nécessaire de rappeler qu’un processus de lutte
armée implique un certain nombre de conditions incontournables pour avoir un début de
réussite. La première est l’adhésion d’un nombre croissant de personnes aux idées propagées
par la mouvance qui porte un projet de prise du pouvoir. La complicité partisane est une autre
condition nécessaire à une pratique cohérente du combat clandestin. La dissimulation de
l’activisme demande un vaste réseau de soutien pour échapper à la surveillance des systèmes
de surveillance et de contrôle en tout genre. Les services de sécurité, de renseignement, la
police et la gendarmerie en sont qu’une partie du dispositif auquel devra s’affronter une force
subversive. L’enclavement n’est pas la solution idéale. Les quartiers populaires ont joué un
rôle important au cours des révolutions ou tentatives d’insurrection armée qu’a connues la
France entre 1789 et 1871. S’ils étaient craints par le pouvoir en termes de potentiel de
mobilisation, ils ne pouvaient pas produire plus de résultats que de l’agitation de masse. Les
cités ghettos du XXIè siècle présentent des limites quelque peu similaires. Les groupes de
jeunes qui affrontent les forces de l’ordre ont l’avantage du terrain car ils connaissent les
chemins de repli. Mais l’enclavement est aussi un piège dont il est difficile de sortir. C’est
encore plus vrai quand le niveau de violence augmente. D’autres obstacles plus importants
limitent considérablement les possibilités d’une montée en puissance d’une lutte armée. Il
circule illégalement en France une certaine quantité d’armes de guerre. Leur nombre reste
cependant insignifiant pour équiper un mouvement significatif d’insurgés potentiels. La
question de la logistique, en particulier l’approvisionnement en munitions, est aujourd’hui
insoluble pour les mouvements radicaux islamistes. Les petits trafics d’Europe centrale qui
alimentent périodiquement certains réseaux jihadistes ne permettent pas d’envisager de passer
à un stade supérieur à des attentats ponctuels. Il faudrait qu’un pays voisin de la France ferme
les yeux sur un passage d’armement et de munitions à la hauteur d’un affrontement durable
même réduit à quelques points précis du territoire. Durant la guerre d’Algérie, l’Allemagne et
la Suisse ont été soupçonnées de tolérer des relais logistique du FLN sur leur territoire (trafics
d’armes et transports de fonds issus de la collecte opérée dans l’hexagone par les partisans de
l’indépendance algérienne). Ces « facilités » accordées à une force subversive n’auraient pas
pu déboucher sur un affrontement majeur sur le territoire national malgré le soutien d’une
5
Alberto Franceschini, Brigades rouges : L'histoire secrète des BR racontée par leur fondateur, entretien avec
Giovanni Fasanella, Paris, Éditions Panama, 2005.
3
partie de la population immigrée en faveur du FLN. Dans un tel cas de figure, l’appareil
politico-militaire de la 7è wilaya 6 aurait été laminé.
La guerre civile impossible ?
Les mouvements islamistes qui agissent en France ont plusieurs niveaux d’implication. Le
niveau le plus menaçant à court terme correspond aux personnes qui commettent des attentats.
Contrairement à ce qui est dit par certains médias, ils sont peu nombreux, plus ou moins bien
formés et n’ont attaqué pour l’instant que des cibles faciles. Tirer sur des civils désarmés avec
des armes de guerre est une démarche qui peut être conduite de manière très basique. Les
crimes de masse commis aux Etats-Unis par des citoyens contre d’autres citoyens ont
démontré leur efficacité. Ces individus ne disposaient pas d’une structure de soutien et
agissaient la plupart du temps en solitaire. Le décryptage de l’organisation des attentats de
2015 met en évidence les limites de leur logistique, en particulier lors des attentats du 13
novembre. Les auteurs de cette série d’attentats n’avaient qu’une base de repli crédible en
Belgique. Lorsque le responsable d’Europol déclare que plusieurs milliers de jihadistes sont
passés en Europe dans le flux des réfugiés, il agite un chiffon rouge qui ne correspond pas à la
réalité du combat clandestin. L’implantation d’une masse aussi importante de militants exige
des moyens logistiques qui sont hors de portée des groupes jihadistes les mieux organisés. Il
serait temps de parler de manière lucide sur l’appréhension des menaces.
Le deuxième niveau concerne justement ce que les experts qualifient de cellules dormantes.
Ces dernières n’ont pas la capacité opérationnelle de déclencher une guerre civile en France.
Les forces combattantes sur le terrain hexagonal peuvent au mieux faire un mouvement
d’éclat en attaquant plusieurs cibles en même temps ou en essayant de monter en gamme dans
le type de cible choisie. En revanche ces cellules (et le mot n’est pas forcément le plus adapté
à leur mode de fonctionnement) ne disposent pas d’un soutien de masse majoritaire dans la
population d’origine immigrée. Le risque majeur pour l’instant porte plutôt sur les
conséquences d’une action d’éclat menée conjointement sur plusieurs cibles ou sur les
conséquences durables d’un attentat (destruction importante d’édifices, contaminations
localisées de population locale).
La faille psychologique et le risque de rupture de digue
Devant ce nouveau type de danger terroriste, la grande inconnue est la réaction de cette partie
de la population française qui se crispe depuis de nombreuses années. Aujourd’hui, 20 à 30 %
des Français d’âge adulte est très sensible à deux problèmes de nature sociologique qui sont
sous-jacents à la menace terroriste proprement dite : l’évolution de la démographie et la
nature conquérante de la religion islamiste. Cette partie de la population redoute l’évolution
de la courbe de natalité des immigrés dont la croissance est ressentie comme plus forte que
celle des natifs des générations antérieures. A cette crainte de moins en moins silencieuse
s’ajoute la perception négative d’une religion islamiste qui se veut conquérante et qui cherche
à occuper le terrain perdu par les religions chrétiennes européennes.
Cette masse de citoyens « crispés » a déjà atteint un niveau critique qui ne doit pas être sousestimé. L’expression électorale dépasse aujourd’hui le périmètre du Front National. La
rupture de digue peut intervenir à partir du moment où une frappe terroriste ouvre une faille
psychologique irréversible dans cette partie du peuple français. Il n’est pas impossible que
cette forme de crispation se traduise par une crise de rejet, exprimée à la fois de manière
politique mais aussi potentiellement de manière sociétale. L’exil d’un dixième de la
population 7 algérienne, à la suite de la guerre qui a opposé le FLN à l’armée française et à
6
7
Haroun Ali, La 7e wilaya. La guerre du FLN en France (1954-1962), Paris, Le Seuil, 1986,
En 1959, les pieds-noirs étaient 1 025 000. Ils représentaient 10,4 % de la population vivant en Algérie.
4
l’OAS 8, constitue un précédent historique qui est encore très ancré dans la mémoire
collective. Cette logique d’affrontement n’a pas les éléments constitutifs pour aboutir à une
guerre civile. En revanche, elle peut générer des déstabilisations dont la nature peut devenir
violente mais d’amplitude très inégale et de durée difficilement mesurable.
8
L’Organisation de l’Armée Secrète regroupait les partisans de l’Algérie française qui ont déclenché un
processus de lutte armée et de guerre civile contre les partisans du FLN mais aussi contre les autorités françaises
à la suite de l’échec du putsch d’Alger.
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Interview de Christian Harbulot dans Marianne
Comment contrer la propagande salafiste en France
Question du journaliste Daniel Bernard : En France, les salafistes ont-ils gagné la bataille
idéologique
?
Réponse CH : En matière d'information et de propagande, la victoire est forcément relative et
temporaire. Aujourd'hui, en France, les salafistes peuvent considérer qu'ils exercent une force
d'attraction supérieure à celle des musulmans modérés et, par le choc produit par leur
violence, saturent le débat public. Dans le passé, des forces extrémistes ont pris
momentanément le dessus de cette manière en Irlande du Nord, au pays basque ou dans
l'Italie des années de plomb. Les forces les plus radicales de l'islam optimisent ce processus en
systématisant une idéologie du sacrifice dans leur pratique de la violence. Face à ce type
d'offensive qui n'est perceptible en France que dans son expression terroriste, les citoyens
d'une démocratie sont très vulnérables.
Question DB : Comment pourrait réagir la France ?
Réponse CH: Il faut commencer par comprendre l'objectif et la stratégie de l'adversaire. Cette
forme de radicalité politico-religieuse se vit comme une religion conquérante qui, en France,
entend devenir dominante au sein de la population d'origine maghrébine ayant comme
confession l'islam. Dans ce but, les militants de ces mouvances radicales tentent de conquérir
des espaces à l'intérieur desquels l'autorité de l'Etat est désarmée, pour y imposer un contrôle
parallèle. En cherchant à consolider l'autorité d'un imam dans un quartier, autour d'une école
coranique, les salafistes appliquent des méthodes subversives qui me font penser à celles
théorisées dans une toute autre finalité par Toni Negri dans les années 70 : il s'agissait à
l'époque d'ancrer des noyaux activistes dans des zones urbaines défavorisés afin de
crédibiliser la démarche de l'autonomie ouvrière. Dès lors, en abandonnant un "territoire
perdu", l'Etat prend le risque de la voir se renforcer et s'étendre. Quand un maire achète la
paix sociale en pactisant avec une association inspirée par les frères musulmans, il prête la
main aux forces qui veulent le détruire. De même, si la police tolère une zone de non-droit où
s'épanouit le trafic de drogue, les radicaux en profitent pour y imposer leur loi. Dans ces
ghettos, les religieux bénéficient de l'espace de non droit créé de facto par les acteurs de
l'économie souterraine, tout en prétendant lutter contre les déviants et moraliser la vie
quotidienne. Et quand les pouvoirs publics se décident enfin à réagir contre les trafics, les
militants islamistes dénoncent le durcissement de l’Etat et l'assimilent à une forme d'agression
contre l'islam. Ils agrègent ainsi de nouveaux soutiens. La première règle, face à un tel
ennemi, c'est de ne jamais céder du terrain, aussi restreint soit-il.
Question DB : La communication officielle, qui consiste à montrer la barbarie de Daesh audelà du projet religieux, est-elle efficace ? Au-delà, le concept de déradicalisation a-t-il un
sens
?
Réponse CH: Il a fallu attendre deux décennies pour que l’Etat s’exprime sur ce sujet. Par
principe, je dirai que c’est un progrès. Sur le fond, la campagne stop-djihadisme peut limiter
la casse, mais à la marge. L'effet de cet appel à l’humanité ne peut qu’être limité, car les petits
délinquants, ceux qui sont susceptibles de basculer, sont déjà familiarisés avec la barbarie.
N'oublions pas que Daesh nourrit ses sympathisants du spectacle de ses crimes abjects. Les
nazis n'étaient pas allés aussi loin dans la revendication de leurs crimes. Ils ont tout fait pour
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dissimuler l'existence des camps d’extermination jusqu'à l'effondrement du Troisième Reich.
Pour reprendre la main face à ce type de menace insidieuse, il est nécessaire de bâtir une
contre-propagande qui doit s’adresser plus directement aux musulmans de France. Non pas en
tentant d’opposer aux prêcheurs de haine des imams estampillés démocrates (les expériences
initiées par les autorités ont abouti pour l'instant à un échec). Mais plutôt en mettant
systématiquement en valeurs ces gens de l’immigration dont l’action est reconnue comme
utile au développement du pays. Face au projet de rupture des salafistes, il faut créer un
processus d’unité sur des bases qui ne soient justement pas politico- religieuses. Or, pour que
ces immigrés se reconnaissent comme Français, il ne suffit pas de créer de faire un peu de
discrimination positive à la Sciences Po ou de leurs attribuer des strapontins sur des listes aux
élections municipales. Il n'est pas interdit aux Français non maghrébins de céder des postes
de pouvoir et de laisser se développer à leurs côtés une véritable classe moyenne d’origine
immigrée.
Question DB: Vous, l’ancien gauchiste, préconisez de lutter contre l’idéal vicié des
musulmans radicaux par l’intégration économique ?
Réponse CH: L’extrême gauche des années 70 et 80 n’a pas été vaincu par un projet politique
alternatif, mais par la société de consommation. J’ai vu des militants qui avaient résisté à la
prison, voire à la torture dans certains pays, renoncer à la violence en trouvant une stabilité
économique et familiale. Contrairement aux États - Unis qui nous font un peu trop souvent la
morale sur le sujet, la France ne peut pas vivre en paix en laissant se développer des ghettos
urbains dans lesquels prospèrent des modèles de contre société antirépublicaine d'où peut
surgir la pire des expressions de la déchéance humaine.
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