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LeTemps.ch | Visions du réel adresse un long adieu au XXe siècle
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Festival Vendredi20 avril 2012
Visions du réel adresse un long adieu au XXe€siècle
Par Antoine Duplan
Nombre d’
d’œuvres présentées au festival du film documentaire de Nyon
évoquent un monde en transition
Visions du réel a été lancé en 1995 par Jean Perret. Et puis il a passé la main, car tout a une fin, les
empires, nos amours et les directeurs de festival. Luciano Barisone a repris les rênes de la
manifestation l’an dernier. La transition s’est faite en douceur, perpétuant une tradition de curiosité et
d’humanisme.
Luciano Barisone et son équipe ont visionné quelque 4000 œuvres, appliquant une grille
d’appréciation selon laquelle un film doit être «beau, éthiquement correct», mais encore «nécessaire»,
soit qu’il fasse sentir «des éléments de vérité qui ne soient pas de l’ordre du rationnel mais de
l’émotionnel». Cette année, 52 longs métrages, 20 moyens et 38 courts ont répondu à ces critères
La sélection terminée, le directeur considère les 110 titres de son festival et se demande: «Que nous
disent-ils?» Le fil rouge de la 18e édition est la transition, estime-t-il. «Ces films formulent un long
adieu au XXe€siècle, s’interrogent sur le destin de l’être humain, revisitent des utopies. Ils expriment
beaucoup d’illusions perdues.»
La transition s’inscrit dans l’évolution technologique galopante qui a caractérisé la première décennie
du troisième millénaire. Elle touche à l’histoire, à la politique, à la société. A l’intime aussi puisqu’une
vingtaine de films visionnés abordaient le thème de la transsexualité. Deux sont présentés, dont Entre
il et ailes, de Laurence Périgaud, consacré à un professeur de management qui, la soixantaine venue,
décide d’assumer physiquement sa féminité.
Le temps reste et nous passons. Nombre de films s’inscrivent à la tangente de l’éternité et du jour.
Dans Die Lage, Thomas Heise relate la visite de Benoît XVI en Allemagne. Du pape, nous ne verrons
qu’une silhouette minuscule glissant au loin dans sa papamobile. C’est le point d’orgue d’un
gigantesque branle-bas de combat protocolaire et sécuritaire, des ballets de policiers, snipers,
bedeaux, notables, voyers et catéchumènes que le cinéaste décortique en plans étonnants et cadrages
malicieux… Sic transit gloria mundi.
Les fantômes sont invoqués. Les auteurs de Christmas in Icaria arpentent le Texas sur les traces
d’Icarie, société utopique créée en 1848 et dont il ne reste aucun vestige. Dans Comme des lions de
pierre à l’entrée de la nuit, le Suisse Olivier Zuchuat revient sur l’île de Makronissos où 80 000
citoyens grecs ont été internés entre 1948 et 1951, à la fin de la guerre civile. Parmi eux, il y avait tant
de poètes que «quand les grands vents balayaient l’île on retrouvait des bribes de poèmes crochées
aux barbelés». Méditative, la caméra glisse sur les rochers pelés, les murs écroulés, la mer au loin,
tandis que la bande-son résonne des mots de résistance et d’espérance. Le temps a invalidé les cris
propagandistes que déversaient les haut-parleurs, mais raffermi la parole poétique.
Il y en a quatre qui vivent intensément le moment présent, ce sont les musiciens du Pertti Kurikan
Nimipäivät que suivent JP Passi et Juka Kärkäinen dans Kovasikajuttu (Le Syndrome punk). Souffrant de
déficience mentale, les quatre punks braillent leurs frustrations existentielles sur scène: «Les
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trompeurs font la loi. Les hommes de loi nous trompent…». La musique est approximative, mais le no
future plus vif que jamais.
Visions du réel développe son marché, et devient un rendez-vous important pour le documentaire. Le
Focus Bosnie-Herzégovine s’inscrit dans cette volonté de collaborations internationales. Petite et
constituée de différentes cultures, la Bosnie ressemble à la Suisse, mais «une Suisse qui n’a pas eu de
chance». Au festival de Sarajevo, Luciano Barisone a moissonné une dizaine de films qui évoquent la
transition de la guerre à la reconstruction. Avec un humour que le directeur de Visions du Réel qualifie
d’«étrange». Voir le dilemme des trois célibataires de Selo Bez Zena, qui ne peuvent tromper leur
solitude qu’en épousant l’ennemi: des femmes albanaises…
Visions du réel. Nyon, jusqu’au 27€avril. www.visionsdureel.ch
© 2012 Le Temps SA
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