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Lycée C.Nougaro /Dispo colloque des lycéens 17 avril 2014 SC-Po Toulouse thème commun : LA DEMOCRATIE approche choisie par le lycée C.Nougaro : « Démocratie et liberté de la presse dans la fédération de Russie » Introduction : C'est la Constitution des États-Unis d’Amérique qui fut la première à faire de la liberté de la presse un principe fondateur de l'état moderne (cf Encyclopédia Universalis). En effet, la démocratie entendue comme principe étatique qui donne au peuple la souveraineté, repose sur le respect de la liberté et de l’égalité des citoyens (cf Le Grand Robert). Cependant, qui dit « liberté », dit « liberté d'expression ». Mais celle-ci est-elle toujours bien respectée ? C'est en se posant cette question que nous avons été amenés à considérer de nombreux pays où, selon nous, cette liberté est ouvertement, ou insidieusement, bafouée. Nous avons finalement choisi la Russie qui fut au cœur de l'actualité avec les jeux olympiques de Sotchi. Son gouvernement, dirigé par Vladimir Poutine, respecte-t-il l'ensemble des droits de presse ? La démocratie russe permet-elle la liberté d'expression ? Censure et propagande sont-elles encore utilisées dans le pays de l'ancienne Union Soviétique ? En étudiant le fonctionnement de la presse et des médias de la Russie contemporaine, nous essaierons donc de déterminer si cette grande puissance est véritablement une démocratie. Dans un premier temps, nous analyserons le fonctionnement actuel de la presse pour aborder ensuite la remise en cause de la démocratie. I) Le fonctionnement de la presse russe Dans une première partie, nous allons considérer comment l'information est diffusée en Russie en nous attachant en premier lieu aux différents organes de presse et au rôle du gouvernement dans leur gestion. 1. Le rayonnement de la presse La presse écrite russe La Russie actuelle, comme nombre d’États, se base officiellement sur un principe de « liberté de la presse ». La presse écrite, cependant, est en partie contrôlée par le gouvernement de Vladimir Poutine. En effet, deux des quatre principales agences de presse russes sont publiques, ou sous le contrôle quasi exclusif de l’État. C'est notamment le cas de « Itar Tass » qui dépendait à l'origine du gouvernement soviétique de l'URSS, et qui est devenue une entreprise publique en 1992 à la suite de la chute du régime communiste. Aujourd'hui, son budget dépend principalement du gouvernement, et sa gestion des Ministères des finances et des affaires étrangères. Dans un contexte différent, l'entreprise « Ria Novasti » (aujourd'hui dissoute) avait un statut privé mais était encadrée par le ministère de la communication et des médias russes. Les agences « Interfax » et « Novaia gazeta » bénéficient, elles, en apparence d'une marge de manœuvre supérieure aux deux autres. En effet, celles-ci sont financièrement indépendantes et ne sont pas directement censurées, les interventions du pouvoir ne sont donc pas officielles mais officieuses. En fait, la liberté d'expression, en ce qui concerne la presse, n'a aujourd'hui aucune place en Russie. L’État veut tout contrôler et ne laisser divulguer aucune information compromettante par des agences privées qui ne serviraient pas la propagande. L'exemple de la « Ria Novasti » est éclairant : Maria Selivanova, journaliste de la « Ria Novasti » a publié un article en novembre 2009 sur la corruption. Ce fait, quoique extraordinaire en Russie, prouvait la fiabilité de cette agence « semi-libre », qui n'hésitait d'ailleurs pas à dénoncer les côtés négatifs de la Russie, et donc indirectement l'action du gouvernement. C'est sûrement une des principales raisons de la dissolution de l'agence « Ria Novasti » par le gouvernement, gêné par certains articles le compromettant. Vladimir Poutine a donc décidé de transformer cette agence en « Rossia Sevodnia » (« La Russie aujourd'hui »). Elle perd alors toute sa liberté d'expression et devient complètement publique en décembre 2013. « Ria Novasti » était l'une des plus fiables, des plus influentes maintenant sa remplaçante est dite « fiable seulement en Russie et non en dehors » ce qui signifie bien qu'elle dépend totalement du gouvernement et que les informations publiées ne seront sûrement pas toujours fiables. La télévision russe Que ce soit sur le câble, ou sur le réseau hertzien, la télévision russe possède de nombreuses chaînes visibles par tout le pays gratuitement. Beaucoup d'entre elles sont spécialisées sur un sujet. Nous pouvons trouver des chaînes musicales comme RU TV ou MTV Russia, d'autres préfèrent l'histoire du monde et de la Russie avec la nouvelle chaîne Historia, ou encore des chaînes consacrées aux plus petits telles que Karoussel. De nombreuses chaînes sont plus généralistes, comme Rossia1, le premier canal de Russie. Les chaînes se répartissent entre l'état, avec le groupe VGTRK (Compagnie d’État de Télévision et de Radiodiffusion de toute la Russie), et des administrations locales telles que Saint-Pétersbourg ou Moscou. Toutefois, depuis les années 2000 des chaînes indépendantes telles que NTV ont été achetées par des entreprises gazières et pétrolières comme Gazprom. Or, comme pour la presse écrite, on ne peut que constater que ces entreprises sont proches de l' état ; qui contrôle et dirige ces chaînes. Quand l'état juge le ton trop satirique et trop critique, le gouvernement intervient de manière radicale. Ainsi, à cause de la marionnette de Vladimir Poutine dans l'émission « Koukly » (un équivalant de nos « Guignols de l'info ») diffusée sur NTV, Vladimir Goussinski, propriétaire de la chaîne, est arrêté en 2000 par la police russe. Il est alors suspecté de malversations et d'abus de biens publics. Quelques semaines plus tard, il vend la chaîne à l'entreprise Gazprom, réputée pour son intimité avec l'Etat russe. Cependant, alors qu'il choisit de s'exiler en Espagne, Vladimir Goussinski affirmera avoir été contraint de céder NTV sous la pression du gouvernement. Suite à cette affaire, plus aucune émission n'a , semble-t-il, posé problème au gouvernement, celuici détenant au moins la moitié des chaînes diffusées en Russie. La radio russe L'une des premières radios indépendantes russes s 'appelle « Echo Moskva » qui se traduit par « Echo de Moscou ». Sa diffusion commence à partir du 22 août 1990, ses principales émissions sont sur l'actualité (politique, culture, histoire, sport), des analyses et des observations sur la vie de la société russe et des programmes d'auteur. En 2002, le rédacteur en chef Alexeï Venediktov avait affirmé qu'il abandonnerait prochainement son poste en raison de la pression du géant gazier Gazprom, contrôlé par l'Etat, devenu actionnaire majoritaire de la radio. Travaillant dans la seule radio de large audience en Russie à maintenir un ton critique vis-à-vis du Kremlin, le collectif des journalistes d'Echo de Moscou, propriétaire de plus de 30% des parts, avait proposé de racheter tout ou partie des parts de Gazprom et obtenu un accord sur la vente d'environ 10% des actions du gazier à une personnalité indépendante afin de préserver l'indépendance de la radio. Cet accord est resté sans effet : le Kremlin a été accusé par les journalistes indépendants d'être intervenu . Aujourd'hui Gazprom contrôle la radio, possédant 66 % des actions de la station tandis que le restant est distribué aux membres de la rédaction qui sont minoritaires comme ils le craignaient. La politique de la station, d'après son statut, est uniquement déterminée par le rédacteur en chef de la radio, un proche du Kremlin. « Radio Mayak » se définit comme l'une des principales radios nationales de la Fédération russe. Cette radio qui signifie « Le phare » en français, a été créée en 1964, aujourd'hui elle appartient à la société d'état VGTRK. On retrouve les mêmes sociétés que pour la télévision. Il y a donc une véritable centralisation des organes de presse qui sont sous la coupe du gouvernement russe. Nous vous avons présenté le fonctionnement général des médias russes ; nous allons maintenant revenir sur la « Ria Novasti » car le traitement de cet organe de presse est révélateur du rapport que le Kremlin entretient avec la presse russe. La dissolution de Ria Novasti : un coup de force du pouvoir Vladimir Poutine tente en permanence d'accentuer son emprise sur les médias russes en s’efforçant d’étouffer toute opposition. Cette entreprise est passée par la dissolution, par décret, de la radio internationale Golos Rossii et de la RIA Novasti le 9 décembre 2013. Principale agence de presse officielle ayant vu le jour en 1941 sous Staline, RIA Novasti est devenue l'une des sources les plus citées. Cet organe de presse, détenant une certaine liberté, participait très peu à la propagande russe et était ainsi considéré comme une source fiable à travers le monde mais comme dangereuse pour le Kremlin. La dissolution de la RIA Novasti illustre la volonté de l'Etat de renforcer le contrôle dans le secteur de l'information, même si officiellement l'Etat a déclaré avoir fait ce choix pour des raisons économiques. Les quelques médias indépendants du pays ne s'y trompent pas et craignent de subir le même sort. A leurs yeux, la manœuvre du Kremlin marque le triomphe de la « propagande » sur le « journalisme créatif ». Le jour même de la dissolution, le président russe a annoncé la création d'une nouvelle agence de presse construite sur les bases de la Ria Novasti, nommée Rossia Segodnia, « La Russie d'aujourd'hui ». La fonction première de la Rossia Segodnia est de servir de porte-parole à Poutine sur la scène internationale, mais aussi d'exposer sa nouvelle idéologie en vigueur mêlant patriotisme, orthodoxie et rejet des valeurs occidentales. De plus, cette nouvelle agence de presse représente pour le Kremlin la possibilité d'améliorer l'image de la Russie dans le monde. Pourtant, Poutine a nommé le très controversé Dmitri Kisselev -connu à l'étranger pour ses opinions conservatrices anti-opposition, anti-américains et anti-gays- comme présentateur du journal d'information « Vesti nedeli ». Il a ainsi déclaré nécessaire « d'interdire aux homosexuels d'être donneurs de sang » et de « brûler leur cœur en cas d'accident ». D'après Maria Lipman, politologue au Centre Carnegie à Moscou, le Kremlin a nommé Dmitri Kissselev pour « accentuer sa politique anti-occidentale ». En effet, en 2013, deux lois ont été adoptées contre la « propagande de l'homosexualité », présentées comme un rejet du modèle européen considéré comme « décadent » par le Kremlin. On perçoit donc que l'indépendance des médias qui est au cœur des démocraties n'est pas de mise sous le régime de Poutine. On peut du reste affirmer que bien des journaux sont au service du gouvernement ; de manière insidieuse en faisant en sorte que se diffusent des rumeurs propres à cacher les vraies responsabilités ou en présentant des sondages que ne fonde aucune enquête digne de foi. 2. La presse au service du gouvernement A. Utilisation des rumeurs et minimisation des drames Aucun pays n'est jamais à l'abri de catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme (attentats, etc...), dans les deux cas, la presse a pour rôle d'en rendre compte. La presse russe n'échappe pas à la règle ; cependant elle propose pour certains faits une vérité tronquée, voire erronée, car fondée uniquement sur des rumeurs. Celles-ci fleurissent en raison de l'absence de communications officielles des pouvoirs publics. Cette absence est en fait volontaire, il s'agit en réalité d'un moyen pour cacher les vraies responsabilités. Par exemple, lors du double attentat du 29 mars 2010, perpétré dans deux stations au centre de Moscou, près de l'ancien QG du KGB et au ministère des Finances, près du ministère des Affaires étrangères, on a raconté que des chauffeurs de taxi clandestins avaient demandé des prix exorbitants pour évacuer les gens qui étaient sur place lors de l'attentat. L'opinion publique se concentrait sur cette rumeur d'ailleurs véhiculée par le journal télévisé « Vremia » de la première chaîne russe et ne s'occupait pas de la responsabilité des services secrets incapables d'éviter ces attentats qui les ont frappés jusque dans leurs propres locaux. Cet exemple est représentatif de la tactique du Kremlin. Par ailleurs, le pouvoir russe minimise souvent les drames qui se passent dans son territoire, en effet, le gouvernement russe voulant éviter tout scandale transforme ces drames en de vulgaires accidents ou donne la responsabilité du drame à une personne. B. La manipulation des sondages Les sondages sont très souvent manipulés par le gouvernement, la presse se doit de publier ces informations qu'elle sait pourtant sujettes à caution. Ainsi, si on prend le cas bien connu du procès des Pussy Riot, condamnées à deux ans de détention de camps en août 2012 ; il avait donné lieu à un sondage effectué par le gouvernement russe (alors que le verdict n'était pas encore rendu), qui indiquait que 44 % des russes interrogés considéraient ce procès comme étant juste, impartial et objectif, que 17 % pensaient le contraire et 39 % ne se prononçait pas, alors que l'opinion publique manifestait son opposition à ce procès et dénonçait le parti pris du gouvernement. Ces sondages étaient un outil du gouvernement pour influencer l'opinion publique russe. En fait, le gouvernement russe a cherché à contrôler de très près le système de sondage. En 2003, le Kremlin mécontent des sondages du centre d'étude de l'opinion publique (VtsIOM), présidé par Iouri Levada, change la gérance de cet organisme en nommant des individus plus favorables au pouvoir. Ainsi, la grande majorité des sondages sont orientés pour servir les intérêts du Kremlin. Toutefois, Iouri Levada a essayé de résister en créant un autre institut de sondage indépendant (la VtsIOM-A), mais hélas peu de russes ont accès aux résultats de ces enquêtes, car ils ne sont pas relayés dans la presse. Nous avons montré comment le pouvoir russe utilise la presse pour servir ses intérêts, mais il ne craint pas également d'agir contre les journalistes qui ne se soumettent pas et qui veulent faire éclater la vérité. 3. Le gouvernement contre la presse Nombreux sont les journalistes russes qui subissent des pressions, mais certains continuent leur combat , au risque de leur vie. Nous allons vous présenter ici deux parcours exemplaires, celui d'Anna Politkovskaïa et de Mikhaïl Betekov. Anna Politkovskaïa était une journaliste russe. Elle a fait ses débuts en 1980 au journal Izvestia puis a écrit en 1999 des articles pour Novaïa Gazeta. Elle était aussi une militante des droits de l'Homme et connue pour sa couverture du conflit tchétchène ainsi que son opposition à la politique du président Vladimir Poutine, qu'elle expose d'ailleurs dans nombre de ses articles. En effet, dans la préface de son ouvrage La Russie selon Poutine, Anna s'interroge : « Pourquoi je n'aime pas Poutine ? Parce qu'il n'aime pas son peuple.» Elle rajoute par ailleurs que celui-ci emploie les méthodes du « KGB dont il est issu, avec un cynisme inébranlable ». Le courage et le franc-parler incomparable de cette journaliste lui ont coûté le prix fort, la vie. C'est le 7 octobre 2006 que la journaliste Anna Politkovskaïa est retrouvée morte dans la cage d'escalier de son immeuble. L'enquête sur le meurtre de la journaliste piétine puis est close en 2008 avec la mise en examen de quatre suspects, dont trois étaient originaires de Tchétchénie et un officier du FSB, les services secrets russes. Ainsi, aucun commanditaire n'est finalement inculpé et les suspects sont acquittés par le tribunal de Moscou en 2009. Le Kremlin n'est alors aucunement suspecté par la justice russe, pourtant dite « indépendante », et le pouvoir russe n'est finalement mis en cause que par les journaux étrangers tels que « Le Monde », « The New York Times », « JOL press » qui n’hésitent pas à parler d'un meurtre clairement commandité par le Kremlin tandis que celui-ci dément toute implication dans l'affaire en présentant des présumés coupables à la Justice. Anna Politkovskaïa est la 21ème journaliste assassinée depuis l'élection de Vladimir Poutine en 2000. Ainsi, le gouvernement russe utilise une nouvelle forme de censure, l'assassinat. Mikhaïl Betekov Dans le cadre de notre partie portant sur le gouvernement agissant contre la presse, nous allons évoquer la violation récurrente des droits d'informer. En effet, Reporters sans frontières (RSF) a établi une liste des « prédateurs de la liberté de presse » qui n'hésitent pas à menacer, à faire emprisonner, voire à faire disparaître les journalistes qui les gênent, et le président Vladimir Poutine y figure en bonne place. Dans cette perspective, nous allons étudier le cas du journaliste Mikhaïl Betekov . C'était le rédacteur en chef d'un journal local « La pravda de Khimki ». Il était notamment chargé des comptes rendus sur tous les événements qui touchaient à la vie de Khimki, une banlieue au nord de Moscou. Le 13 novembre 2008, il est laissé pour mort par ses agresseurs, et passe plusieurs mois dans le coma. A cette époque, il militait au travers de ses articles contre le chantier d'une autoroute de banlieue, qui détruirait la forêt de Khimki. La violence de l'attaque conduira à l'amputation d'une de ses jambes et de plusieurs de ses doigts, il en perdra même temporairement l'usage de la parole. Outre ces lourdes séquelles, le journaliste avait fait l'objet de poursuites judiciaires. Ce qui est , là aussi, une pratique courante en Russie pour déstabiliser un opposant. Le maire de sa ville l'avait accusé d'actes anarchistes et antifascistes, à l'égard d'un bâtiment de l'administration communale. Le tribunal lui avait imposé une amende de 5000 roubles, dont il sera finalement acquitté. Ses agresseurs, quant à eux, courent toujours. « Tout doit être mis en œuvre pour qu'ils soient identifiés et déférés en justice. Nous exigeons la vérité » déclare Reporters sans frontières. Sa capacité de résistance est telle qu'en juin 2011, il avait réappris à marcher à l'aide de prothèses et de béquilles. Il avait néanmoins gardé de lourdes séquelles neurologiques. Il décède le 8 avril 2013 , à l’hôpital, où il s'était rendu pour une série d'examens. Malgré sa combativité, il ne s'était jamais remis totalement de la terrible agression qu'il avait subie. Il était le symbole d'une Russie qui lutte, de cette armée de journalistes qui se bat pour leurs opinions. II. La remise en cause de la démocratie 1. La mise en scène des jeux olympiques de Sochi : la communication de Poutine Les JO de Sotchi sont une opportunité en or pour Poutine, en effet, il se sert de l’événement pour diffuser amplement sa propagande. Poutine utilise les JO comme un outil de communication lui permettant de redorer l'image de la Russie auprès de l'Occident qui a une image très négative de l'ex-empire soviétique. Poutine veut que les Jeux fassent oublier le fait que la Russie est en réalité un régime autoritaire qui n'a aucun respect pour les droits de l'Homme. Ainsi, afin que les JO renvoient exactement l'image attendue par Poutine, tout le déroulement de l'événement est étroitement surveillé et la presse internationale est très encadrée. En effet, le service fédéral de sécurité russe, le FSD, a mis sous écoute toutes les communications, qu'elles soient téléphoniques ou via l'Internet. Le FSD se sert pour cela du système d'interception des communications « Sorm », qui permet de filtrer des mots-clés ou expressions "sensibles" dans les mails, les messageries instantanées sur Internet ou les réseaux sociaux. Ainsi, le gouvernement russe a promulgué une loi obligeant l'installation d'un boîtier Storm pour tous les téléphones et les fournisseurs d'accès Internet. Le FSD a bénéficié d'un mandat pour enregistrer toutes ces communications. Le gouvernement russe utilise donc des moyens illégaux portant atteinte aux droits de l'Homme et ainsi, aux règles de la démocratie, pour mettre en scène les JO de Sochi. Lors de l'ouverture des JO, un incident a révélé cette volonté d'utiliser les jeux pour nourrir la propagande russe . En effet, Poutine voulait que le spectacle d'ouverture des JO de Sochi fasse preuve d'une prouesse technique inégalée afin de montrer toute la puissance du pays. Malheureusement pour Poutine, un problème technique est survenue en plein milieu de la représentation. Pourtant, aucune trace de l'incident n'est apparu à la télévision russe, les images de la télévision étant diffusées avec une quinzaine de secondes de décalage par rapport au direct, permettant de parer à tout imprévu. 2. Les journalistes malmenés lors des J.O On peut d'abord parler de "censure douce" pour les médias locaux - télévision (Maks TV), radio et presse écrite (Narodnaïa Gazeta Sochi...) - et nationaux , en effet , le service communication de la mairie n'hésite pas à décrocher son téléphone pour critiquer le travail de tel ou tel journaliste. L'argent permet aussi d'influencer les rédactions : le système de subventions accordées aux médias permet de récompenser les plus "coopérants" et comme "la plupart des médias sont dans une situation financière très compliquée", selon Johann Bihr de RSF, la critique a tendance à s'éteindre. Mais il existe aussi des actions plus musclées qui enfreignent les règles démocratiques de base, selon Christophe Deloire, directeur général de RSF, «les opérations de libérations spectaculaires des derniers mois (Pussy Riot) ne doivent pas faire oublier le cadenas mis en place sur la presse avec un arsenal juridique prêt à l’emploi». Deux journalistes de Rostov qui enquêtaient sur la corruption ont été emprisonnés pendant plusieurs mois. À Sotchi même, le journaliste Nikolaï Larst a été assigné strictement à résidence pour avoir enquêté sur la corruption de la justice et de la police dans une affaire de faits divers. Ce reporter expérimenté de la télévision publique a été arrêté par la police le 23 mai 2013, alors qu'il se rendait avec son cameraman au Comité d'enquête (équivalent russe du FBI ). Ce jour là, il devait obtenir des informations dans le cadre d'une investigation . Leur véhicule est stoppé en route par un policier, alors qu'ils n'avaient, selon les conducteurs, « commis aucune infraction au code de la route ». L'enquête menée contre lui est marquée par de nombreuses incohérences et violations de procédures. Son inculpation résulte d'une probable « possession illégale de drogue ». A sa grande surprise,une enveloppe contenant de la drogue est retrouvée sur le siège arrière de la voiture. Il fut alors mis en examens. Pourtant, l'analyse toxicologique de Nikolaï Larst s'est révélée négative. Après deux jours de garde à vue, il est relâché et placé sous contrôle judiciaire. Une semaine plus tard, la police retrouve des traces de drogues en quantité infime sur ses vêtements, portés lors de son interpellation. Le reporter est alors assigné à résidence, avec l’interdiction de communiquer avec qui que ce soit, en dehors de son avocat, du juge d’instruction, et son épouse. Il se trouve dans l'incapacité d'exercer son métier. En tout, Nikolaï Larst aura passé quatre mois en résidence surveillée, clamant son innocence, sans jamais avoir accès a son dossier judiciaire. Son histoire, à elle seule, permet de résumer les difficultés à exercer en Russie son métier de journaliste, en toute liberté. Poutine et son gouvernement sont donc prêts à enfreindre des règles démocratiques, en faisant accuser à tort tout individu qui aurait l'intention de divulguer des informations compromettantes pour le Kremlin. 3. La résistance des journalistes russes et l'influence de la presse internationale, gardefou de la démocratie Malgré la main mise du pouvoir, on constate que les journalistes tentent d'exercer leur métier. Zoïa Svetova parvient, par exemple, à faire entendre sa voix. Cette journaliste, essayiste, défenseuse des droits de l’homme a reçu plusieurs distinctions russes et internationales dont le prix Amnesty International en 2003 et le prix Andreï Sakharov « Pour le journalisme comme acte de courage » en 2004. Depuis 2009, elle écrit pour l’hebdomadaire d’opposition russe, The New Times. Elle a publié un livre Les Innocents seront coupables (2012) dans lequel elle remet en cause la justice russe. Zoia utilise des termes fort négatifs pour qualifier la justice russe comme « pourrie », « puante », « servile »... De plus, la journaliste dénonce la soumission des médias russes par rapport aux pouvoirs politiques après le retour de Vladimir Poutine au pouvoir en 2012. La jeune femme aborde l'injustice russe en citant : « Au grand dam de l’homme de la rue, les juges se montrent généralement tout aussi injustes envers les simples citoyens qui ne sont ni des opposants, ni des dissidents. C’est probablement la chose la plus terrible que nous a apportée Poutine. La justice en tant qu’institution n’existe plus. » Zoïa Svetova entretient de multiples contacts avec la presse internationale, et notamment française (elle a ,entre autres, participé à de nombreux débats sur France Culture), ce qui lui permet de s'exprimer , mais également, ce qui permet d'une certaine manière de la protéger. La presse internationale a donc un rôle important. En dépit de l'envie de Vladimir Poutine de nous donner l'illusion d'une démocratie russe (surtout durant les J.O. De Sotchi), la presse étrangère n'hésite pas à dénoncer les atteintes aux droits de l'Homme, fréquentes en Russie. Ainsi, nous pouvons trouver des articles sur la soudaine et très surprenante libération des Pussy Riot dans le journal Libération, qui laisse la parole aux trois femmes nouvellement libérées. D'autres articles peuvent dénoncer la répression en Russie, de plus en plus palpable depuis les manifestations antipoutine en 2012 face à la troisième investiture de celui-ci, tel que dans Le Figaro, qui interroge l’absence de preuves quant à la condamnation de manifestants. En effet, une vingtaine de manifestants ont été jugés pour avoir soi-disant blessé des policiers russes. Cependant aucun de ces dit policiers n'ont été retrouvés. Ce procédé, est utilisé pour la majorité des grèves, ainsi, ont peut trouver de nombreux articles traitant le même cas de « policier inexistant » . Par exemple nous pouvons apprendre dans l'hebdomadaire L'Humanité, la condamnation d'anciens manifestants dès le lendemain de la fermeture des J.O d'Hiver, certains étant même envoyés dans les camps de travail pour une durée parfois supérieure à un an. Conclusion La Russie est 148e sur 179 dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans Frontières, c'est dire combien ce principe fondateur des démocraties modernes est aujourd'hui encore bafoué. Pourtant la fédération de Russie est indéniablement une grande puissance qui siège au Conseil de sécurité de l'ONU.... Les derniers événements qui se déroulent en Ukraine, et le rôle des médias russes et internationaux dans la relation de ces événements confirment, s'il en était besoin, que la Russie n'est pas réellement une démocratie.