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Formation Persépolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, 2007.
De Jean-Christophe Perrier (professionnel du cinéma et du graphisme à Caen)
Le mercredi 26 mars 2009, l’association Collège au Cinéma 37 a invité Jean-Christophe Perrier, directeur
d’Anima Studio, graphiste et formateur cinéma d’animation, à parler du film d’animation Persépolis de
Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud programmé au troisième trimestre 2008/2009 pour les élèves de
4ème/3ème.
I - L’avis des collègues
Français : ce film est féerique et dense, émouvant et très politique, exploitable en 3ème (récit
autobiographique) mais besoin de pistes pour les classes de 4ème parce qu’il est pédagogiquement plus délicat.
Arts plastiques : créer une vignette de BD pour s’approprier le graphisme, très difficile parce que graphisme en
apparence très simple.
Pour beaucoup, les films d’animation sont souvent destinés au jeune public, la production infléchit donc
parfois les créateurs, Persépolis se situe un peu à la marge.
Didactisme un peu appuyé : re-parcourir l’histoire avec un peu toujours le même point de vue (retrait à
l’égard des religieux) ; certains passages sont très précis (marxisme léninisme…), ou bien préparer ou éviter. Ce
film ne laisse ni le documentaire ni l’aventure individuelle dominer.
Il est intéressant de voir la représentation des épisodes historiques avec la séquence des pantins. JeanChristophe Perrier pense que les enseignants peuvent s’attacher à la façon dont les moments historiques sont
montrés.
II - Petite histoire du cinéma d’animation français
Mettre en image le scénario : story board (peut ressembler à une BD mais n’en est pas une, images
commentées)
On le filme (avec la durée) pour avoir une idée du montage. Ce brouillon de film : l’animatique, est
commenté par Marjane Satrapi dans les bonus du DVD, explique les raisons qui ont motivé leurs choix. Ils ont
souvent fait des compromis pour des questions de production.
Connaître un peu l’histoire de l’animation dans le cinéma français (Persépolis aurait été impossible il y a
seulement cinq ans, pas de producteur, pas d’équipe technique… !). Il est intéressant en classe de comparer la
bande dessinée et le film.
Cinéma d’animation naît avant l’invention de la caméra : 1892 : pantomimes d’Emile Renaud (caméra 1895).
Emile Cohl : précurseur du cinéma d’animation, ces 18 mois aux E.U. sont déterminants pour lui, là que
s’invente le dessin animé.
1ère BD adaptée au cinéma : Little Nemo par Windsor Mc Cay (anime ses propres personnages avec la
caméra)
Ladislas Stanewich est un russe exilé qui fait déjà des films avec des trucages : premier documentaire animé !
Le cinéma d’animation est tout de suite accaparé en France par les artistes comme Fernand Léger (Le ballet
mécanique avec Man Ray… mélange des prises de vue réelles avec des prises de vues image par image, du
cinéma d’animation).
En France aujourd’hui, le cinéma d’animation est souvent rattaché à un sous-genre or, les artistes français en
font de véritables chefs d’œuvre dans les années 30 (Bertold Bartosch avec sa caméra multiplane, Alexandre
Alexeieff avec son écran d’épingles). Il continue le parcours diachronique avec la Seconde Guerre Mondiale,
notamment Paul Grimaud et Jacques Prévert (La bergère et le ramoneur est diffusé partout, jusqu’au Japon,
sera la première influence. Le roi et l’oiseau est ultérieur, une version refaite de La bergère et le ramoneur)
Le mystère Picasso de Henre-Georges Clouzot (1956) : caméra derrière l’artiste, on voit l’image s’élaborer à
l’écran image par image
Face au cinéma Disney qui impose les codes (producteurs français veulent ce qui marche), quelques cinéastes
imposent leurs idées : Yellow submarine en Angleterre, Les Shadoks en 1968, les films de, Jacques Colombat…
On commence à sortir du court-métrage d’auteur pour développer des productions plus longues avec JeanFrançois Laguionie, papiers découpés… Chronopolis en 1982, novateur, culotté, peu diffusable… Michel Ocelot
avec Les trois inventeurs beau court métrage. Emergence d’un petit studio Folimage dans les années 1980 –
début 1990 qui travaille pour la qualité
1998 : événement majeur : Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot (+ 1 million d’entrées en 18 mois) a rencontré
des difficultés avec ses producteurs français au sujet de la nudité de ses personnages. Persépolis vient après ses
freins, ces censures.
La Prophétie des grenouilles en 2003, long métrage de Jacques Rémy Girard. Beaucoup de très bons auteurs
de courts métrages (partie immergée de l’iceberg), la gravure animée (grâce aux technologies numériques)
avec Marie Paccou par exemple (Un jour, 1997), films en marionnettes.
Le studio parisien « Je suis bien content » qui essaie de sortir depuis une vingtaine d’année des formats
imposés par la télévision française (gens de milieux underground, rocker, contestataires…). Là que commence
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J.C. Fink, le scénariste de Persépolis, le producteur exécutif, le directeur artistique, le décorateur du film… Ce
studio est un véritable laboratoire : émulation entre artistes, mises en réseau de spécialistes compétents.
Visionné le second court-métrage de Vincent Paronnaud Raging blues, Marjane Satrapi y a trouvé un dessin
qui correspondait à sa BD. Entre autres : noir et blanc expressionniste, découpage « fermeture à l’iris » lorsque
la femme est désespérée
III - Réalisation d’un dessin animé
• Film animation (dessin, marionnettes, 3D) : un scénario traduit sous formes d’images : le brouillon de film
• On enregistre le son à cette étape-là (importance du rythme et de l’ambiance qui conditionnent le travail
des dessinateurs, metteurs en scène…)
• En parallèle : création (conceptualisation) du personnage : le modéliser, lui donner des caractéristiques, des
formes géométriques, simplifiées, on définit ses proportions (un enfant ne grandit pas), on pose des règles qui
s’imposent aux décors, mouvements…
• Lay-out : on dessine chaque plan de manière précise, avec les personnages de manière définitive (évite les
erreurs de mise en scène !)
• Traçage et mise en couleurs (à la main il y a dix ans !) Aujourd’hui : à l’ordinateur. Persépolis : réalisateurs
ont voulu traçage à la main (épaisseur de traits différents…), la pâte de l’artiste. Il ne restait plus qu’un
traceur en France. On n’a jamais eu autant besoin de peintres et de dessinateurs que depuis qu’on travaille
avec des images de synthèse. Façon de contrer le côté trop froid de l’ordinateur (modelage, peinture des
couleurs)
• Recomposer avec images de différentes sources : dans le film de M. Satrapi et V. Paronnaud la neige est
filmée, le dessin est ajoutée (recompositing)
• Animation
IV - Différents procédés d’animation
- Le dessin Dessiner chaque phase pour créer les mouvements des personnages. Une seconde d’animation : 24
images, cf. la pin up de Tex Avery, reste saccadé, d’où la nécessité de doubler ou tripler le nombre d’images !
(la gloire est pour le chef animateur, l’intervalliste a la tâche plus ingrate mais plus méritante) L’animation
doit se faire oublier, grand mérite de Persépolis
- « le stop motion » Utiliser des éléments en volume : objets, viande, pâte à modeler, marionnettes
- Images de synthèse en changeant les textures, lumières virtuelles (lumière de la nuit…), caméra virtuelles
entrant dans les objets
- Pixilation : faire bouger les acteurs, cf. le film Voisin
- Peinture animée (on trace avec les doigts sous la caméra, on change l’image d’une image à l’autre,
éphémère, vrai contact avec l’image). Pétrov pour Le vieil homme et la mer, couleur à la Rembrandt, à la
Turner…
- L’écran d’épingles
- La gravure sur pellicule (s’affranchir de la caméra !!)
- Le papier découpé
- Le rotoscope : filmer des acteurs, techniques pour redessiner ce qu’on a vu avec des mouvements du coup
très réalistes
V - Pistes pour travailler le film
Adaptation de BD en film d’animation.
Il est plus facile de trouver des producteurs car le projet était déjà dessiné et il y avait donc des arguments très
tenaces.
Problèmes techniques : personnage en deux dimensions, fait pour être lu selon l’ordre des cases et s’agit de le
mettre en mouvement (phases, oblige à recréer me personnage, le transformer comme les avant-bras de
Popeye)
Difficulté : que garder, que retirer ? Les auteurs sont parfois incompétents à cet égard ce qui entraîne des
échecs (« Astérix le Gaulois » par Goscinny Uderzo)
Séries télé : très décevantes (Marsupilami, Titeuf, Cité d’or…) adaptées de la BD avec l’aval de l’auteur. Les
dessins animés sont considérés comme des produits dérivés et les producteurs sacrifient l’aspect artistique,
formaté à 24mn, les personnages sont de plus en plus aseptisés, son criard, multiplication des rediffusions
(Titeuf, chaque épisode est diffusé 13 fois par an sur France 3) La queue de Marsupilami est un motif
graphique pour la narration : motif de son mouvement pour passer d’une case à l’autre -> sacrifié dans le
dessin animé. Les grosses productions comme Corto Maltese (2002) ont subi des pertes considérables de ce
qu’était l’œuvre d’Hugo Pratt. Les adaptations les plus réussies sont les films avec acteurs (on accepte alors
vraiment les changements).
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Plus de réussite pour le Japon et les Etats-Unis (pour films ou pour dessins animés). Pourquoi ? pas de cible
définie (BD pour les enfants). Au Japon, les personnages de dessins animés sont brandis dans les manifestations
et aux Etats-Unis, on arbore des cartoons sur ses T-Shirt. (France : BD pour adultes : violentes ou
pornographiques). Là, on accepte les transformations, on les exploite vraiment (Astro le petit robot). Le grand
adaptateur est le réalisateur japonais, Takahata Isao.
La première série animée (avant la TV) est Superman par les frères Fleischer en 1941, décors à la main qui
tournent sur plateforme, dessins superposés… Fritz the cat en 1973 par Ralph Bakshi
VI - Persépolis (16h30)
Extrait du making off (bonus). Marjane va tout mimer (objets, animaux et personnages) et les animateurs
traduisent cela sous forme de mouvements (le clignement d’œil du chien, la démarche de Marjane). Le plan
validé peut alors être colorisé. Chaque dessin est retracé par une personne, graisse des traits de contour, des
traits d’expression… (toute la journée pendant un an et demi)
Piste intéressante : notion d’adaptation de la BD à l’écran. Attention : en en donnant qu’une copie d’une
planche aux élèves, on manque le « tout » : les 4 volumes sont réutilisés intégralement dans le film
On catalogue Marjane Satrapi dans la BD pour filles.
Son influence lui vient du cinéma expressionniste, cinéma néo-réaliste (façon de montrer le quotidien) et les
BD de David B. (notamment la BD autobiographique en noir et blanc « L’Ascension du Haut Mal »). Penser
aussi à « Maus » de Art Spiegelman (véritable « roman graphique », autobiographique, raconter l’histoire de
son père qui a survécu au camp de concentration, les chats en nazis, les personnages sont des souris). Les
scènes de violence sont rares et brutales et d’autant plus brutales que rares, ce qu’on retrouve aussi dans
Persépolis.
Le point de vue de Marjane sur l’Iran : un filtre (famille libertaire).
Autre piste : l’art expressionniste (cf. Murnot, Fritzland), Persépolis est bourré de référence :
- graphique cf. le cri de Munch quand Marjane trouve une main sous les décombres
- la mise en scène fait écho à des films précis (ouverture et fermeture à l’iris, plan balayé par un autre, des
fondus au noir (un fondu au blanc dans le film)
- mise en forme : les grandes ombres des femmes voilées fondant sur Marjane habillée en punk. Pour cette
raison aussi que Marjane Satrapi a préféré le dessin au film. (prochaine adaptation : Poulet aux prunes avec
des acteurs cette fois)
- s’attarder sur le quotidien, montrer les sentiments banals, en dire beaucoup sur les changements de la
société (la femme du cardiaque face à son ancien laveur de carreaux). Il est plus difficile de montrer des
personnages autour d’une table (mouvements de caméra…) que de montrer une scène de combat.
VII – Analyse de séquence : scène où elle veut torturer un de ses copains
Ouverture à l’iris et ensuite champ contre champ avec différents points de vue (les enfants, Marjane et la
mère de Satrapi). La deuxième scène se termine en iris sur son visage comme dans la Bande Dessinée. Les
extraits racontant les Histoires sont stylisés et les personnages sont des marionnettes car ces opinions peuvent
être données dans cette histoire.
Marjane Satrapi ne voulait pas avoir raison mais faire un beau film.
Dominique Roy, présidente de l’association Collège au Cinéma 37, remercie Jean-Christophe Perrier pour sa
venue à Tours.
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