Homélie du Père Jean Marie Launay jeudi saint 2007 église St

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Homélie du Père Jean Marie Launay jeudi saint 2007 église St
Homélie jeudi saint 2007
Homélie du Père Jean Marie Launay
jeudi saint 2007
église St Pierre St Paul Maubeuge
Frères et sœurs, amis, ce soir, c’est peut-être le moment de l’année où nous
sommes le plus entre nous, chrétiens engagés au service de la famille de sainte
Aldegonde. Il me semble que c’est au soir de la fête du sacerdoce comme nul
autre soir où un curé peut livrer son cœur d’homme et de prêtre à ceux qui lui
ont été donnés comme ses plus proches collaborateurs
Cette année, plus que tout autre depuis que j’ai été envoyé parmi vous, je ressens
le paradoxe de ce dernier repas de Jésus, à la fois rassemblement de fête et
annonce de trahison, partage fraternel et sentiment d’abandon, mémoire de la
délivrance d’un peuple esclave qui monte en terre promise et descente d’un Dieu
jusqu’au bout de son humanité et jusqu’au bout de nos pieds…
Avez vous remarqué ? L’évangéliste nous rapporte cette descente de Dieu au
plus bas de ses disciples avec d’infinis détails comme pour les rendre encore
plus insupportables pour celui qui ne peut accepter que Dieu fasse intrusion dans
ses enfers. Saint Jean, avec une mise en scène qui tient le lecteur en haleine,
insiste geste par geste : il se lève, il dépose son vêtement (comme il déposera sa
vie sur la croix, il prend un linge, il le noue à la ceinture, il verse de l’eau, il lave
les pieds, il les essuie avec le linge qu’il a à la ceinture…Tant de détails comme
pour souligner le refus de Simon qui ne peut tolérer que celui qui était devenu si
haut dans son cœur descende si bas. « Non, pas toi, Seigneur… » Pierre n’avait
pas compris qu’il fallait cette descente au plus bas de lui pour que le Sauveur
puisse le relever et lui donner part à sa gloire ! Il ne pouvait se douter que la
descente de Jésus ne s’arrêterait pas à ses pieds d’homme, mais allait encore
aller plus bas jusqu’au gibet de la croix…et là il n’y avait plus de Pierre, de
Jacques ou d’André. Seuls resteront la mère et l’enfant, debout, fidèles…
Avant-hier, à Douai, autour de tables festives, 150 prêtres, diacres et
séminaristes se retrouvaient avec leur évêque. Juste après le repas, Mgr Garnier,
comme Jésus, a déposé son cœur de pasteur, nous est apparu grave, voire troublé
en partageant les difficiles nouvelles du clergé diocésain : liste impressionnante
de prêtres malades, annonce douloureuse du départ du ministère d’un jeune
prêtre, avenir très incertain lorsque l’on découvre que 135 prêtres diocésains
sont décédés depuis 10 ans pendant que seuls 10 séminaristes ont été ordonnés
prêtres… .Et j’imaginais que l’évêque avait médité ces versets du prophète Isaïe
proclamés en ce même mardi saint : « je me suis fatigué pour rien, c’est en pure
perte que j’ai usé mes forces ». Oui, c’était un moment au goût d’agonie…Plus
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tard, à la collégiale, au moment du renouvellement des promesses de
l’ordination, nous étions invités à prier avec l’évêque – et je cite la prière de la
messe chrismale – pour qu’il sache mieux tenir au milieu de nous la place du
Christ qui est prêtre, Bon Pasteur, Maître et serviteur de tous. Et de cette prière,
de notre prière, Mgr Garnier et tous les responsables de l’Eglise, en ont vraiment
besoin.
On comprend l’angoisse qui peut saisir les disciples du Christ devant la situation
du clergé dans l’Eglise de France et en Europe Occidentale. Un ami de François,
séminariste comme lui, ne disait-il pas mardi soir : « Franchement, est ce
tenable de devenir prêtre aujourd’hui ? » On pourrait élargir cette question :
« Est ce tenable de devenir disciple de Jésus aujourd’hui ? » Il est sûr que si la
seule perspective c’est le vendredi saint et l’arbre mort de la croix, nous fuirons
tous comme Pierre et ses amis. Mais si, comme les disciples sur la route
d’Emmaüs, nous nous laissons rejoindre par Jésus au cœur de nos inquiétudes, si
nous le laissons descendre dans dans nos déserts et sur nos croix pour y déposer
la force de sa confiance, si nous nous laissons habiter par sa Parole, si nous nous
nourrissons sans cesse de ses sacrements, si nous laissons le souffle de l’Esprit
renverser la pierre de nos tombeaux, alors nous serons sauvés !. C’est peut-être
au moment où nous descendons bien bas que le Christ nous rejoint le plus.
Laissons Jésus descendre lorsque nous sommes bien bas…
Nous en avons fait l’étonnante expérience, il y a deux mois. Au moment du
départ de Roland…J’osais penser que, peu à peu, le secteur Maubeuge Nord,
puis la paroisse nouvelle Sainte Aldegonde devenait une vraie famille mais
régulièrement je me demandais si ce sentiment n’était pas une construction de
l’esprit, selon la méthode Coué. Non, dans l’épreuve brutale, nous avons vérifié
bien au delà des cercles de chrétiens engagés que notre paroisse était habité par
le Saint Esprit de l’Evangile.
Et nous avons pris merveilleusement conscience que c’est bien le peuple tout
entier qui est sacerdotal, invité à imiter Jésus dans son abaissement. Le concile
Vatican II dans son admirable constitution Lumen Gentium a remis en première
place ce sacerdoce commun des fidèles. Tous les jours, nous rendons grâce pour
cette coresponsabilité grandissante, et ce ne sont pas quelques jalousies, disputes
ou incompréhensions qui pourront arrêter cette dynamique évangélique qui fait
que, même avec un seul prêtre au service de la paroisse, nos relais, mouvements
et services accompagnés par les différentes équipes d’animation rendront
l’Evangile plus proche, plus visible, plus crédible.
Nous prenons aussi de plus en plus conscience que l’Eglise n’est pas circonscrite
à la France ni à l’Europe, mais elle est heureusement catholique et œcuménique.
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Un coup de fil en Inde tout à l’heure à mon frère missionnaire Anthony m’a
communiqué la foi et le souffle de ces peuples pauvres de tout et riches de Dieu.
2000 ans après ce repas, nous nous retrouvons tels les douze autour de cette
table, bien sûr pour faire mémoire de la délivrance du peuple hébreu, encore
plus de cette première messe où Dieu s’est offert corps et sang, mais aussi et
surtout pour entendre l’invitation à nous lever, à nous dépouiller, à nous laver et
nous essuyer les pieds les uns les autres et à descendre vers ceux qui sont au plus
bas pour partager leurs croix
Amen, amen, dit Jésus…Le serviteur n’est pas plus grand que son maître, le
messager n’est pas plus grand que celui qui l’envoie. Si vous savez cela heureux
êtes vous pourvu que vous le mettiez en pratique
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