Le quartier Vauban de Fribourg-en-Brisgau : vivre là où d`autres
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Le quartier Vauban de Fribourg-en-Brisgau : vivre là où d`autres
Caroline Cerfontaine, Knowledge and Membership Department, UITP © eRich Lutz, Freiburg Le quartier Vauban de Fribourg-en-Brisgau : vivre là où d’autres passent leurs vacances Le plan du quartier Vauban de Fribourg et son concept de mobilité novateur, où le transport public tient une place de choix L’ancienne caserne Vauban, au sud de Fribourg, s’est transformée en un quartier durable doté d’un plan de circulation modèle. Développement Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, ce superbe site de 38 hectares est devenu zone militaire française. Pendant près de 60 ans, cette affectation l’a soustrait à l’évolution urbanistique de Fribourg. Après son évacuation par les Forces Françaises en Allemagne (FFA) en 1992, le conseil municipal de Fribourg a décidé, en 1993, d’y créer un nouveau quartier résidentiel destiné à accueillir 5.000 habitants et d’organiser dès 1994 un concours d’urbanisme. 30 PTI septembre / octobre 2007 Divers objectifs écologiques et sociaux ont été définis dès le début de la phase d’élaboration du projet. Ainsi, le quartier devait offrir un environnement durable, une qualité de vie élevée, ainsi qu’un équilibre entre l’habitat et l’emploi. Il a donc été décidé de créer non seulement quelque 2.000 logements destinés à 5.000 personnes, mais aussi, 600 emplois. Parmi les autres objectifs importants, citons la conservation des espaces boisés, la facilité d’accès aux espaces naturels, la production locale de chaleur, le caractère écologique des constructions, l’utilisation de l’énergie solaire, la construction de logements à faible consommation d’énergie. Naturellement, ce projet ne pouvait faire l’économie d’un concept de mobilité novateur. Ainsi, dans le domaine des déplacements, les modèles retenus favorisaient la limitation de la présence automobile, la proximité des destinations locales et la promotion TP & planification urbaine ciblée des transports publics. Très rapidement, l’idée s’est imposée de promouvoir les ménages sans voiture. Les lauréats du concours ont été les architectes Kohlhoff & Kohlhoff, les architectes paysagistes Luz und Partner ainsi que le planificateur de transport Hans Billinger, trois bureaux de Stuttgart dont les concepts verts et urbanistiques ont emporté l’adhésion du jury. Codécision citoyenne Un concept de mobilité flexible Les transports publics Le nouveau quartier est distant d’environ trois kilomètres du centre-ville et de la gare centrale, un trajet qui prend de 10 à 15 minutes en transport public. Le quartier Vauban est également desservi par le tramway. Les espaces nécessaires à son tracé ont été réservés dans le schéma d’urbanisme. La construction du tracé dans l’allée Vauban a débuté en avril 2004, tandis que dans la Merzhauser Straße, il a fallu d’abord procéder à d’importants déplacements de conduites. Conformément au calendrier prévu, le raccordement du quartier Vauban au réseau de tramway s’est effectué en avril 2006. Source : www.passivhaus-vauban.de L’un des aspects essentiels du modèle social et écologique du quartier Vauban est son concept de mobilité. Après l’achèvement du projet, qui avait reçu le soutien financier de la Fondation fédérale allemande pour l’environnement, le Forum Vauban s’est adressé en 1997 aux responsables du programme européen LIFE afin d’obtenir des subventions pour la mise en œuvre des concepts modèles qu’il avait choisis. L’aide accordée par l’UE pendant deux ans et demi a ainsi permis de consolider les diverses mesures innovantes mises en chantier, dont, notamment, la construction de logements sans emplacement de parking et sans voiture. Dans le quartier Vauban, la voiture est en effet supplantée, dans une large mesure, par les modes de transport alternatifs (transports publics, bicyclette, marche à pied, etc.) qui occupent dès lors le devant de la scène. La mobilité locale des habitants doit se limiter à des trajets courts. La concentration, à l’intérieur d’un périmètre restreint, des logements, écoles, jardins d’enfants, aires de jeu, marchés, garderies, commerces et des quelque 600 emplois permet aux habitants d’effectuer la plupart de leurs déplacements quotidiens à pied ou en vélo. Le concept des logements sans parking et sans voiture entraîne la dissociation des dépenses de logement et des frais de parking. Le résident qui possède une voiture alors qu’il vit dans le quartier dépourvu d’espaces de stationnement, doit laisser sa voiture dans un garage situé à la limite du quartier. L’emplacement de parking doit être acheté ou loué en même temps que le logement. A la différence des zones de lotissement traditionnelles, les frais de parking sont supportés exclusivement par les utilisateurs de voitures. Quant aux ménages sans voiture, ils signent un engagement de renonciation à l’automobile qui les dispense de l’obligation d’acheter à grands frais un emplacement de parking. Source : www.passivhaus-vauban.de Dès 1995, on a conçu, examiné, élaboré les concepts et expérimenté les nouveaux schémas d’organisation qu’il convenait de mettre en œuvre. « Planification empirique » et « participation citoyenne élargie » sont autant de concepts qui ont rendu Vauban célèbre. Concrètement, cela s’est passé comme suit : Les citoyens ont été autorisés à prendre part aux travaux dès l’établissement du projet d’urbanisme. Les modalités de participation n’ont cependant pas été définies par les autorités, cette mission ayant été confiée au comité de quartier Forum Vauban. Une aide financière institutionnelle a permis de donner du poids aux conclusions présentées par les groupes de travail citoyens. Les structures du projet ont été conçues de manière à permettre le bon déroulement des opérations. Le « groupe de projet Vauban » concentre les compétences au niveau administratif tandis que le groupe de travail Vauban du conseil communal (en abrégé GRAG), — c’està-dire une commission extraordinaire de ce dernier — intègre les responsables compétents au processus décisionnel politique. Lorsque la participation citoyenne élargie a démarré, le Forum Vauban s’est vu attribuer un siège au sein du GRAG. Pendant quatre ans, la municipalité a soutenu financièrement les débats. Diverses associations étudiantes ainsi que la « selbst organisierte unabhängige Siedlungsinitiative » (SUSI, comité autonome et auto-organisé de lotissement) ont, les premiers, entamé les travaux de construction, reconvertissant d’anciennes casernes en habitations sociales et écologiques. D’autres communautés d’habitation ont été créées par la suite, car plutôt que de faire appel à quelques promoteurs, beaucoup d’habitants de Vauban ont préféré concevoir eux-mêmes leurs maisons. Le schéma d’urbanisme se contentait en effet de définir les règles écologiques et urbanistiques, tout le reste étant l’affaire des entrepreneurs et des architectes. Au début de l’année 2001, 2.000 personnes avaient déjà emménagé dans le quartier. Au total, le projet Vauban a connu trois grandes phases de développement et s’est achevé fin 2006. L’aménagement du quartier Vauban à Fribourg repose sur les principes du développement durable : qualité de vie, énergie solaire (à droite), matériaux de construction respectueux de l’environnement... septembre / octobre 2007 PTI 31 © Andreas Wulf-Antonowitsch (mediafant) TP & planification urbaine Les espaces réservés au tramway ont été intégrés dès la conception du schéma urbanistique Jusqu’à la mise en service du tramway, le quartier était desservi par des lignes d’autobus dont bon nombre décrivaient également une boucle à l’intérieur du quartier. Ce dernier est en outre desservi par des autobus régionaux de la SBG qui venant de la Hexental (vallée des sorcières), s’arrêtent dans l’allée Vauban avant de gagner la gare centrale de Fribourg via la Merzhauser Straße. A la limite ouest du quartier, un espace a été prévu pour l’aménagement d’une station du S-Bahn de Brisgau. Toutefois, avant d’entamer les travaux de construction de cette station, il faut encore régler la question essentielle des 3e et 4e voies qui, seules, permettront d’assurer les capacités nécessaires pour la desserte du S-Bahn. Pack de mobilité Afin d’inciter les habitants du quartier à renoncer à leur voiture, la Ville de Fribourg a, en collaboration avec le Forum Vauban et la Freiburger Auto-Gemeinschaft e.V. (FAG), concocté une offre qui leur est spécialement destinée et qui rend l’affiliation au réseau de carsharing particulièrement attractif : le pack de mobilité. En échange d’une participation financière, les habitants du nouveau quartier bénéficient d’un service supplémentaire : en plus de l’accès aux véhicules de carsharing, ils reçoivent un abonnement de transport public transférable qui leur permet, sans frais supplémentaires, d’utiliser une année durant tous les modes de transport public de Fribourg et de sa région. Le périmètre d’utilisation de cet abonnement régional, dénommé Regiokarte, couvre un rayon de 60 kilomètres 32 PTI septembre / octobre 2007 autour de Fribourg. Les week-ends, jusqu’à deux adultes, quatre enfants et un nombre illimité d’enfants de moins de 14 ans peuvent utiliser l’abonnement. En outre, pour autant que les financements soient disponibles, un membre de chaque famille reçoit gratuitement un abonnement ferroviaire. Ce pack de mobilité a pour but d’orienter d’emblée les comportements de mobilité des nouveaux résidents vers les transports collectifs locaux et longue distance et l’utilisation partagée des automobiles. Impression générale et perspectives Projet de développement urbain, la construction du quartier Vauban s’est achevée fin 2006. Le quartier affiche une architecture cohérente. Quant à l’objectif qui consistait à créer un quartier accueillant destiné aux familles jeunes et où les enfants peuvent se déplacer sans crainte, il a été complètement atteint. Le projet Vauban a permis de démontrer qu’en matière de construction de quartiers, il était possible de réaliser beaucoup de choses sur le plan écologique. Si les mesures techniques ont permis de réduire considérablement les émissions de CO2, c’est le comportement des consommateurs eux-mêmes qui constitue l’élément déterminant. De nombreux secteurs du quartier ont été conçus sans espaces de stationnement. De plus, 300 ménages (environ 50 % des résidents) se sont engagés par contrat à renoncer à leur voiture. Seul la pratique quotidienne des déplacements sans voiture permettra de déterminer les lacunes et les possibilités d’amélioration du mo- dèle. Comme l’on pouvait s’y attendre, les nombreux aspects positifs découlant de la présence réduite de l’automobile n’ont pas empêché l’apparition de difficultés lors de la mise en œuvre du modèle. Hormis les conflits entre les habitants sans voiture et les résidents motorisés, on constate, en se promenant dans le quartier, que la voiture occupe encore une certaine place. Dans l’ensemble toutefois, le concept de mobilité écologique est un succès car il a permis de réduire le trafic individuel motorisé et ce, grâce aux « logements sans parking et sans voiture », à une bonne desserte de transport public et à un système pratique de carsharing. On a souvent reproché au quartier Vauban de faire la part trop belle à une clientèle issue de la bourgeoisie cultivée écologiste et de trop négliger la mixité sociale. Les projets de lotissement modèles sur le plan écologique ne devraient pas profiter aux seules classes aisées. Du fait de la réduction des crédits à l’échelle fédérale, seuls 209 logements sociaux ont été construits dans le quartier Vauban. D’un autre côté, la forte présence et l’engagement de personnes issues de la bourgeoisie cultivée soucieuse de l’environnement sont essentiels lorsqu’il s’agit de garantir la réussite d’un projet comme celui de Fribourg-Vauban, car ces personnes sont précisément celles qui donnent vie aux concepts écologiques. L’organisation d’une participation citoyenne précoce et élargie est le terreau essentiel qui permet de garantir le succès d’un projet de cette envergure. Si beaucoup de choses peuvent être améliorées, d’autres, en revanche, ont valeur d’exemples. Une chose est certaine cependant : Les habitants du quartier Vauban s’y sentent bien ! Sources : Nobis, Claudia. Flanieren statt exerzieren : Von der Kaserne zum Stadtteil von morgen http:// www.wohnen-plus-mobilitaet.nrw.de/download/fachbeitraege/fb_23.PDF. Sperling, Carsten. Visionen werden Wirklichkeit. http://www.carstensperling.de/weitere_projekte.html. Veith, Roland. Nachhaltige Quartiersentwicklung in Freiburg-Vauban. http://www.oekosiedlungen. de/downloads/dokumente/tagung-siedlungsentwicklung-2005/dokumente/Veith.pdf. http://www.vauban.freiburg.de/allgemeines/ index.htm, consulté le 11/07/07. http://perso.orange.fr/archicaro/ vauban%20trasnport.htm, consulté le 10/07/07. www.vauban.de, consulté le 11/07/07. www.quartier-vauban.de, consulté le 11/07/07. www.forum-vauban.de, consulté le 11/07/07. Contact : [email protected] avec copie à [email protected] Traduit de l’allemand Pour poursuivre votre lecture sur le thème de l’intégration du transport public et de l’aménagement urbain R. Dunphy et al., 2004, Developing around transit – strategies and solutions that work, Urban Land Institute, Washington DC. Un bon perçu des bonnes pratiques aux USA. V. Kaufmann et al., 2003, Coordonner transports et urbanisme, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne. Une analyse comparative des pratiques de coordination en Suisse. ECMT Round Table 124, 2004, Transport and spatial policies: the role of regulatory and fiscal incentives, ECMT, Paris. Rapport sur l’Allemagne, l’Italie, le RoyaumeUni et les Etats-unis. The Royal Institution of Chartered Surveyors (RICS), 2002, Transport development areas guide to good practice, London. Recueil d’études de cas au Royaume-Uni. Consultez aussi Mobi + : Contact : [email protected] Integrated public transport in Singapore Singh Mohinder UITP Workshop - Melbourne 2006 Integrated urban transportation Low Tien Sio UITP Asia Pacific 5th Congress - Seoul 2006, Session 2 Public transport and the sustainable city Dittmar Hank UITP Conference - Bilbao 2006, Opening Session Urbanistic integration of public transport installations: a benefit for mobility Felz Herbert Public Transport International - PTI, 2004, 2, 38-41 Dossier du 57e Congrès de l’UITP, Helsinki, mai 2007 Vous pouvez aussi commander le CD-rom des présentations sur www.uitp.org/publications CHIFFREZ DéCHIFFREZ 1% La densité de la population urbaine diminue de 1 % environ par an dans les villes européennes. C’est ce qui ressort des données recueillies, pour les années 1995 et 2001, dans l’échantillon de villes de taille moyenne et de grande taille prises comme référence dans le projet Mobility in Cities Database. La taille géographique des villes augmente plus vite que la croissance de la population, principalement parce que de nouveaux lotissements à faible densité sont construits dans la grande banlieue. Par ailleurs, certaines villes voient leur population totale diminuer étant donné que des habitants se réinstallent plus loin de leur lieu de travail et effectuent de longs trajets quotidiens. Le rapport entre la densité urbaine et la répartition modale est bien établi. Les données montrent en effet que la part du transport public, de la marche et du vélo passe de 60 % dans des villes telles que Munich ou Vienne, où la densité de population et des emplois par hectare est supérieure à 80, à un peu plus de 10 % dans des villes comme Chicago, où la densité est inférieure à 25. L’étalement urbain constitue clairement un défi majeur pour le transport public. Toutefois, les villes peuvent parvenir à maintenir une répartition modale élevée pour le transport public par une intégration appropriée de l’aménagement urbain et des transports publics. Le niveau de couverture de l’espace urbain par les réseaux de transport public, mesuré en fonction du volume de l’offre par hectare, fournit des informations sur la proximité des arrêts et des gares ainsi que sur l’accessibilité à pied des transports publics. Le pourcentage de déplacements en transport public par rapport au volume total de déplacements mécanisés passe, en moyenne, de 45 % dans les villes (comme Hong-Kong, Moscou ou Zurich) où le nombre de véhicules x km par hectare est supérieur à 5.000, à moins de 10 % dans les villes où le nombre de véhicules x km par hectare est inférieur à 1.500. La densité urbaine a un impact sur les performances d’un réseau de transport urbain. Lorsque la densité est divisée par 2 (de 80 à 40 habitants et emplois par hectare), le coût du transport pour la collectivité (exprimé en % du PIB urbain) augmente d’un tiers et la consommation d’énergie pour le transport urbain de voyageurs augmente de 50 %. Les informations ci-dessus proviennent de la base de données Mobility in Cities Database, qui comprend 120 indicateurs sur le transport public et la mobilité urbaine dans 50 villes de taille moyenne et de grande taille, pour l’année 2001. La base de données Mobility in Cities Database est disponible sur CD-ROM, sur lequel figurent également un rapport d’analyse et des feuilles d’information sur les politiques de mobilité urbaine de 30 villes différentes. Contact : Jérôme Pourbaix ; [email protected] septembre / octobre 2007 PTI 33