Cas Clinique Complexe 1

Transcription

Cas Clinique Complexe 1
Cas Clinique Complexe 1
Ce cas clinique complexe concerne Monsieur P.C. , suivi depuis peu par mon
maître de stage. Ce patient lui a été adressé par l’ECIMUD afin que celui-ci ait un
suivi régulier en médecine de ville.
Monsieur P.C. a 44 ans, est célibataire et n’a pas d’enfant. Il est d’origine SriLankaise. Il a été héroinomane pendant environ 4 ans, période pendant laquelle il
travaillait comme magasinier mais une sciatique hyperalgique l’a conduit à
l’hopital où il a été pris en charge par une équipe de l’ECIMUD..En sortant, le
patient a perdu le contact avec l’ECIMUD et s’est rendu initialement dans les bus
méthadone. Puis désirant un suivi plus cadré, il a été renvoyé vers l’ECIMUD qui
a poursuivi le traitement par méthadone. Le patient est substitué depuis 1999 et
prend actuellement 60 mg de méthadone par jour. Lors de son suivi à l’ECIMUD,
le bilan virologique a mis en évidence une infection par l’hépatite C qui n’a
jamais été réellement bilantée.
Le jour de la première consultation, le patient est adressé par un médecin du
travail pour mise en évidence d’une tension artérielle un peu élevée à 15/1 0.
Le patient a eu ce rendez-vous avec le médecin du travail après avoir postulé
pour un poste de surveillant de musée. (Etait au chômage depuis son épisode de
sciatique).
En arrivant, le patient est inquiet… il a peur que cette hypertension artérielle soit
un obstacle à l’obtention de son poste.
Le maître de stage lui prend tout d’abord la tension artérielle à son arrivée au
cabinet tout en le rassurant concernant son futur emploi.
La tension artérielle retrouvée au bras droit est à 16/10.
« Allez vous allonger sur le lit s’il vous plaît Monsieur P.C. ; votre tension
artérielle va peut-être baisser si vous êtes plus au calme… »
En vérifiant les valeurs d’hypertension artérielle antérieures (dernière valeur prise
2 mois auparavant), les résultats sont normaux.
Les nouvelles valeurs d’HTA retrouvées au cours de cette consultation restent
élevées.
« Avez-vous des maux de crâne ? »
« Non »
« Des troubles visuels ? »
« Non… non, je me sens bien »
« Bon, pour le moment, nous allons surveiller cette hypertension artérielle et il
serait bien que vous fassiez un peu attention à ce que vous mangez et ce que vous
buvez.Je parle en particulier de l’alcool…
Buvez vous toujours ? »
« Oui…. Mais quand je vais travailler, je vais arrêter… »
« Que buvez vous ? »
« De la bière »
« Combien »
« Trois à quatre par jour… parfois cinq »
« Quelle est la taille de ces bières et combien de degré font-elles ? »
« Ce sont des canettes de 33 cl et elles doivent être à 5° environ »
« Bon, il serait bien que vous diminuiez votre consommation et en attendant je
vais vous prescrire une prise de sang et nous allons vous faire un ECG ; vous allez
faire la prise de sang cette semaine et vous reviendrez me voir mercredi prochain
avec les résultats, d’accord ? »
« Oui, sans problème, Docteur »
L’ECG est strictement normal ; nous lui avons prescrit un bilan comportant un
ionogramme sanguin, une NFS, une créatininémie, des transaminases et lui fixons
rendez-vous pour la semaine d’après.
La semaine suivante, le patient arrive en présentant une haleine un peu alcoolisée
et avoue très simplement qu’il n’a pas vraiment réussi à diminuer sa
consommation d’alcool.
Nous lui prenons la tension artérielle à 3 reprises, la tension artérielle moyenne
retrouvée est toujours à 16/10.
Le bilan demandé est normal.
Nous décidons alors de revoir le patient une nouvelle fois, la semaine qui suit en
lui demandant toujours de faire attention à sa consommation énolique et lui disons
que si la prochaine fois, sa tension artérielle est toujours élevée, nous lui
introduirons un traitement anti-hypertenseur.
Nous lui renouvelons son ordonnance sécurisée de méthadone pour 14 jours.
Une fois le patient parti, mon maître de stage se rend compte que l’hépatite C n’a
jamais été réellement explorée et me dit qu’il allait falloir s’en occuper
prochainement aussi.
La semaine suivante, le patient ne se présente pas à la consultation.
Le patient ne donne aucune nouvelle pendant près de 2 mois.
C’est pourquoi nous décidons de le recontacter …
Le patient nous explique qu’il a dû partir à Londres suite à un décès familial. Il
travaille depuis le 2 janvier 2006 et accepte de revenir en consultation ; nous
fixons rendez-vous pour le semaine suivant .
Troisième consultation : le patient ne s’est, une fois de plus, pas présenté et n’a
pas prévenu.
Les matériels documentaires et ressources diverses
- « prises en charge des usagers de drogues » de Lionel Gibier, collection
conduites, doin
- « cent questions sur les drogues, la toxicomanie et les hépatites virales
associées » de Jean-Marie Guffens, éditions Frison-Roche
- FMC « le patient toxicomane et le généraliste », le quotidien du médecin, N°
6169 – cahier 2 – 20 novembre 1997
- « le médecin et le toxicomane, guide pratique » de V.Fontana et J.L. Senninger ,
éditions heures de France
- recommandations de l’HAS : « Modalités de l’accompagnement du sujet alcoolo
dépendant après un sevrage »
- recommandations de l’HAS : « Prise en charge de l’hépatite chronique C »
- « L’alcool : de l’usage à la dépendance », Professeur François Paille, directeur
du centre d’alcoologie du CHU de Nancy, Roche
Les points marquants de cette situation clinique
1) L’alcoolisation du patient et ses conséquences (HTA ?)
2) L’hépatite C : modalités de diagnostic, de suivi, de traitement
3) Traitements de substitution
4) Les difficultés psychologiques et sociales rencontrées par les patients
toxicomanes et substitués
Les principaux problèmes posés par cette situation clinique
1) L’alcoolisation du patient :
Il est très vraisemblable que l’HTA du patient soit directement liée à sa
consommation d’alcool ce qui soulève alors une autre problématique :
Prise en charge de l’alcoolisme
Cas particulier : l’alcoolisme chez le patient sous traitement de substitution
2) La prise en charge de l’hépatite C du patient
Ce patient n’a pas eu de réel suivi concernant son hépatite C.
Quel est le bilan initial à faire ?
Le patient aurait-il besoin d’un traitement ?
Quelles sont les contre-indications pour ce patient ?
3) La place du médecin traitant dans le suivi des patients toxicomanes
Les règles de prescription des traitements de substitution
4) Les difficultés sociales et psychologiques sont fréquentes chez les patients
toxicomanes.
Comment les aborder, comment leur venir en aide ?
Quelles compétences vous manquent actuellement pour
résoudre ces problèmes ?
1 ) Connaissances des modalités d’accompagnement du sujet
alcoolodépendant dans l’objectif d’un sevrage définitif.
La particularité de la prise en charge de l’alcoolisme chez les anciens
toxicomanes à l’héroine
2 ) Compétences thérapeutiques ( bilan initial , bilans de suivi , traitement et
contre-indications au traitement ) concernant l’hépatite C
3 ) Compétences techniques concernant la prise en charge de la toxicomanie
en médecine de ville .
Compétences techniques concernant la prescription des traitements de
substitution à l’héroine .
Objets d’étude envisagés
PREMIER SUJET D’ETUDE
Aborder les modalités d’accompagnement du sujet alcoolodépendant
1) Dépistage
L’une des nombreuses difficultés de la maladie alcoolique est de repérer les
personnes ayant une consommation à risque.
Les médecins généralistes sont bien placés pour dépister et traiter les
consommateurs d’alcool à problèmes.
Les moyens de dépistage :
- l’évaluation systématique de la consommation d’alcool chez tout nouveau
patient (au même titre que les antécédents médicaux, la consommation
tabagique, etc)
- les questionnaires = DETA, AUDIT, short Mast aidant au diagnostic de
dépendance
Exemple du DETA :
1) Avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre consommation de
boissons alcoolisées ?
2) Votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre
consommation ?
3) Avez-vous déjà eu l’impression de boire trop ?
4) Avez-vous déjà eu besoin d’alcool dès le matin pour vous sentir en forme ?
Deux réponses positives ou plus évoquent une consommation dangereuse.
- dépistage ciblé : penser à un problème d’alcoolisation sous-jacent lorsque
les patients se présentent avec des plaintes plutôt banales qui peuvent être :
physiques : troubles du sommeil , difficultés de concentration , troubles
intestinaux , crampes musculaires
psychologiques : angoisse , dépression,
sociaux : problèmes professionnels , accidents
- évaluer la consommation déclarée : nombre de verres par jour , quel type
d’alcool , quelle quantité ( taille des bières par exemple ) , quelle
consommation dans circonstances particulières ( soirées , fêtes .. )
- examen clinique
- biologie : gamma-GT et VGM
2) La prise en charge
- l’abord de ce problème doit être le plus précoce possible
- les interventions brèves du médecin généraliste :
Elles visent à modifier directement le comportement de consommation
d’alcool soit vers l’abstinence, soit vers la modération. L’accent est mis sur :
• sur la dissuasion par le raisonnement, mais aussi sur la responsabilisation
du patient vis-à-vis de ses choix de comportements
• sur le temps limité consacré par le médecin
• sur la rentabilité
- l’aide doit être adaptée à la motivation du patient
Exemple du schéma de Prochaska
Le changement de comportement n’est pas un évènement ponctuel, mais un
processus long respectant toujours certaines étapes.
Les 6 étapes de prochaska :
• la pré-intention : la personne n’envisage pas de changer de comportement
avec un délai d’au moins 6 mois. Les raisons en sont variées : manque
d’information, manque de confiance en soi, échecs antérieurs
• l’intention : modification des habitudes envisagée dans un avenir
relativement proche.
• la préparation : la décision est prise ; la personne se prépare au changement.
• L’action : période de 6 mois au cours de laquelle la personne modifie ses
habitudes ; cela demande beaucoup d’efforts au quotidien.
• Le maintien : il s’agit d’éviter les rechutes
• La résolution : il n’ y a plus de tentation à revenir à la situation antérieure.
- autres éléments du soutien :
* les équipes de liaison (ambulatoires encore insuffisantes)
* les dispositifs de réinsertion socioprofessionnels et le rôle du médecin du
travail
* les mouvements d’entraide (association)
* le soutien psychologique, les thérapies cognitives et comportementales et les
groupes de parole
3) Le traitement
- Le sevrage :
il s’agit là de négocier un programme thérapeutique s’intégrant dans un contrat
clair et prenant en compte l’ensemble des problèmes du patient.
Le sevrage peut être réalisé soit en institution : c’est le plus rare et réalisé si
contre-indication ( somatique , psychologique , socio-environnementale ,
alccolique ) au sevrage ambulatoire.
Le sevrage ambulatoire repose sur :
• l’information et la mise en confiance
• hydratation suffisante
• chimiothérapie anxiolytique
• +/_ vitaminothérapie
La durée du sevrage est d’environ 7 jours.
- Concernant les médicaments :
Les benzodiazépines ont un fort potentiel addictif :
Il faut donc que leur prescription dans le sevrage soit limité à 8 jours;
si leur prescription s’avère nécessaire, on privilégie le recours aux molécules de
demi-vie longue
Les anxiolytiques :
à distance du début du sevrage parmi les manifestations anxieuses , seules les
attaques de panique et/ou l’anxiété généralisée seront traitées par anxiolytiques
de manière ponctuelle et discontinue.
Les anti-dépresseurs :
en cas de symptômes dépressifs (normalement améliorés par le sevrage), ce n’est
qu’après 4 semaines de persistance des symptômes dépressifs que sera mis en
route un traitement anti-dépresseur (à moins de dépression sévère nécessitant une
hospitalisation) .
Savoir tout de même que le risque suicidaire est en revanche lui fortement
augmenté (90 fois si consommation éthylique supérieure à 100grammes d’alcool
par jour) : il sera donc systématiquement recherché.
5) Cas particulier : le toxicomane sous traitement substitutif :
Le sevrage ambulatoire est possible .
Cependant, il faut être conscient que l’essentiel des phénomènes de transfert de
dépendance concerne les héroinomanes.
La consommation éthylique par les patients recevant de la méthadone complique
suffisamment la prise en charge pour encourager de tels patients à une prise en
charge spécifique.
30 à 50 % de ces patients, après un sevrage aux opiacés évoluent vers une
consommation d’alcool abusive voire une alcoolodépendance .
Il faut donc garder à l’esprit qu’il faut aborder le problème de l’alcooldépendance
chez le toxicomane de manière particulière en tenant compte notamment :
- de la gravité du problème (l’alcoolisation des personnes traitées est une
redoutable complication du traitement et survient en général en dehors de tout état
de manque)
- de la prise en charge ; ce problème soulève des questions spécifiques :
> dosage du traitement de substitution adapté ?
> troubles psychiatriques ou dépression sévère sous-jacente ?
> co-morbidités plus fréquentes donc risque de complications plus élevé
( hépatite C et alcool )
Deuxième sujet d’étude
Prise en charge thérapeutique de l’hépatite C
A) BILAN INITIAL
1 ) le bilan initial de base:
• Transaminases (ASAT, ALAT), gamma-GT, phosphatases alcalines,
bilirubine, taux de prothrombine ( TP ), hémogramme y compris
plaquettes
• Anticorps anti-VHC
• Détection qualitative de l’ARN du VHC sérique
• Détermination du génotype viral
• Alphafoetoprotéine
• Echographie abdominale
• PBH avec établissement du score METAVIR (non systématique si
décision du traitement faite)
• Quantification de la virémie (ARN quantitatif) si décision de traitement
2) Recherche de comorbidités
• Sérologies VIH, VHB (Ag HBs, si négatif Ac Anti-HBc et anti-HBs) ,
VHA (Ac IgG anti-VHA)
• dosage de la TSH et recherche d’auto-anticorps antithyropéroxydase,
d’auto-anticorps antinucléaires, antimuscle lisse et anti-LKM1
• créatininémie, protéinurie, clairance de la créatinine
• glycémie
• cholestérol total, triglycérides, HDL-cholestérol si stéatose
• mesure du coefficient de saturation de la transferrine et ferritine pour le
dépistage de l’hémochromatose
3) Recherche de contre-indications au traitement
• diagnostic biologique de grossesse
• ECG chez les patients de plus de 40 ans ou en cas de cardiopathie connue
• Examen ophtalmologique à la recherche d’une xérophtalmie
• Avis psychiatrique, indispensable en cas d’antécédents de manifestations
psychiatriques
• Alcoolisation majeure persistante
B) PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
1) Objectifs :
• Réponse virale (ARN du VHC négatif) persistant 6 mois à 1 an
après la fin du traitement
• Normalisation des transaminases
• Stabilisation, voire régression des lésions histologiques
2) Education thérapeutique
• Informer sur les thérapeutiques disponibles, les effets indésirables, la
planification des examens de routine ou de dépistage des
complications éventuelles
• Un apprentissage de gestes techniques
• Les modifications du mode de vie comme :
- l’arrêt de la consommation d’alcool ; si elle ne peut être stoppée, elle doit
être fortement diminuée
- l’arrêt de la consommation tabagique
- en cas de surpoids, une réduction pondérale doit être recherchée avec
normalisation du bilan lipidique et de la glycémie
C) TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES
1) Traitements antiviraux
IFN PEG alpha-2a ou IFN PEG alpha-2b + ribavirine
La durée du traitement (de 6 mois à 1 an) est à moduler en fonction du génotype,
de la charge virale, de la tolérance, de l’importance de la fibrose et de la présence
de co-infection (VIH)
2) Vaccinations
Les vaccinations vis-à-vis du VHB et du VHA sont recommandées si Ac IgG
anti-VHA sont négatifs
3) La transplantation
Si cirrhose CHILD C ou carcinome hépatocellulaire
D) SUIVI
Parmi les professionnels impliqués, le médecin généraliste peut assurer le
renouvellement du traitement et le suivi du patient ; il doit être sensibilisé aux
effets indésirables fréquents du traitement antiviral afin de pouvoir les dépister.
1) Fréquence des consultations
- pendant toute la durée du traitement : toutes les 4 semaines
- après le traitement antiviral :
si réponse virale prolongée et absence de fibrose sévère : tous les 6 mois
pendant 2 ans
2) Examens complémentaires
 En cours de traitement
Suivi Biologique :
- transaminases, hémogramme y compris plaquettes à 15 jours du début du
traitement puis tous les mois
- TSH tous les 3 mois
- Uricémie tous les mois
- Test de grossesse tous les mois, si une grossesse est possible avec maintien
de la contraception à l’arrêt du traitement pendant 4 mois chez la femme et
7 mois chez l’homme
- Cryoglobulinémie si symptômes évocateurs
Suivi Virologique :
- ARN quantitatif, à 4 semaines sur avis spécialisé
- Pour tous les génotypes, ARN qualitatif en fin de traitement
- Pour les génotypes 1, 4, 5 ou 6, ARB quantitatif à 12 semaines, et à 24
semaines si persistance à 12 semaines
 Après traitement, quel que soit le stade de fibrose (Fo à F4)
Suivi Biologique :
- transaminases tous les 2 mois pendant les 6 mois qui suivent l’arrêt du
traitement
- TSH 6 mois après l’arrêt du traitement
Suivi Virologique
- ARN qualitatif, 6 mois après l’arrêt du traitement
- En cas de négativation, une nouvelle recherche peut être effectuée 12 à 24
mois après la fin du traitement
 chez les patients non répondeurs
Ils doivent bénéficier d’un suivi biochimique et échographique régulier
 Chez les patients non traités quelque soit le stade
Suivi biologique :
- transaminases semestrielles
- gamma-GT, taux de prothrombine tous les 6 mois
 Chez les patients cirrhotiques ou atteints d’hépatite chronique
sévère
- dépistage du carcinome hépatocellulaire par échographie et
alphafoetoprotéine tous les 6 mois
- fibroscopie OGD tous les 1 à 3 mois
TROISIEME SUJET D’ETUDE
Toxicomanie à l’héroine : rappels et règles de substitution
1 ) Caractéristiques physiopathologiques
L’héroine est un opiacé agissant directement sur les récepteurs µ et delta soit en
les activant, soit en les inhibant ce qui induit différents effets :
- effets analgésiants
- euphorisant
- dépression respiratoire
- induction de la pharmaco-dépendance
- effets de renforcement
- contrôle de l’humeur
L’héroine se fume, se sniffe ou s’injecte par voie intra-veineuse.
Ses effets sont à la fois aigus et chroniques
a) Effets aigus
 FLASH : qui correspond à une sensation de jouissance extrême
proche de celle de l’orgasme
 PLANETE : sensation de bien-être, d’euphorie
 DESCENTE : sensation désagréable avec retour à la réalité
Cliniquement on note alors un myosis punctiforme, ptose palpébrale, nausées,
pâleur, hyperthermie, hypertension artérielle
b) Effets chroniques : le principe de la TRAJECTOIRE
LA LUNE DE MIEL : c’est une phase de plaisir au cours de laquelle
s’installe déjà la dépendance psychologique
 correspondant physiquement à l’apparition de la tolérance : le produit
a de moins en moins d’effet ; il faut donc en prendre plus à chaque
prise et en augmenter la fréquence voire prendre d’autres substances
LA GESTION DU MANQUE : phase au cours de laquelle le
toxicomane prend de la drogue toujours par plaisir mais aussi par besoin
 correspondant physiquement à l’installation du manque physique
LA GALERE : le toxicomane prend de la drogue pour être normal
 c’est l’installation de la dépendance physique
c) Les autres problèmes : ils sont somatiques et psychologiques et doivent être
systématiquement recherchés
- troubles somatiques
infections
MST
Tuberculose
Asthme
Insuffisance rénale
- troubles psychologiques
syndrome anxieux
troubles de l’humeur
troubles de la personnalité
schizophrénie
autres troubles du
comportement
2 ) LA SUBSTITUTION
a) Quelques règles…
Le but de la substitution est que le patient acquière des mécanismes de
remplacement ;
Par le traitement de substitution, on remplace :
 la DROGUE par le MEDICAMENT
nécessité d’un cadre clair entre le toxicomane, le médecin et le pharmacien
 le CHER par le GRATUIT
le traitement de substitution peut en effet être remboursé par la sécurité sociale
mais le parcours social est complexe et parfois long
 le FRELATE par le PUR
 L’INJECTABLE par la VOIE ORALE OU SUBLINGUALE
 La DEFONCE par le FLASH LENT
Vrai pour la méthadone (petit flash 3 heures après la prise) mais inexistant pour
le subutex
 le PLURIQUOTIDIEN par la PRISE UNIQUE
d’où l’intérêt du fractionnement de la prescription
 le « RESEAU » par le RESEAU PROFESSIONNEL
b) Bases cliniques de la substitution
1) la dépendance biologique
Elle est liée aux désordres neurohormonaux ;
Le manque physique culmina au 4ème jour puis son intensité s’estompe sans
cependant s’annuler.
Aux signes physiques, s’ajoutent des signes psychiques qui sont l’anxiété, le
rêve de drogue et une pensée obsédante.
Selon la dose de d’opiacés consommés, on distingue trois zones d’effets
- au-dessus d’une certaine quantité d’opiacés consommés, le patient est dans
une zone de défonce,
- pour une fourchette donnée d’opiacés, le patient est dans une zone normale
(zone pour laquelle le patient est bien = normal)
- en dessous de la valeur inférieure de la fourchette, le patient est dans une
zone de manque
La substitution propose un produit dont l’effet neurohormonal monte
progressivement et qui permet au patient de rester dans la zone de normalité
2) les sursauts de manque
Ils sont liés à des conditionnements développés au cours de la prise de drogue.
Il s’agit de stimuli perceptifs externes qui provoquent des rechutes précoces, ses
sursauts de manque.
Exemple de stimuli : un billet de 200 euro, un ami défoncé, une musique, un
horaire correspondant à un horaire de prise.
Dans les sursauts de manque, les signes de manque sont présents mais s’atténuent
progressivement même sans prendre de drogue.
Les symptômes régressent dans l’heure ; le traitement de substitution diminue
l’effet de ces conditionnements et si le patient cède à ces conditionnements sous
substitution, il ne ressentira pas l’effet de l’héroine.
3) Distorsions cognitives = les erreurs d’attribution
Le toxicomane interprète tout évènement quelconque comme lé à la drogue ;
Exemple : s’il transpire, le patient pense être en manque alors qu’il fait plus de 35
degrés dehors.
Il attribue donc au manque des évènements qui ne sont absolument pas liés au
manque, il s’agit d’erreurs d’attribution.
Il faut toujours tenter de décentrer les interprétations.
Il faut donc que les conditions de délivrance et de surveillance des traitements de
substitution sont d’autant plus nécessaires que le patient présente des troubles liés
au manque biologique et à ses avatars comportementaux et cognitifs.
c) Traitements de substitution
1) le traitement idéal
-
a une demie-vie longue
n’a pas d’effet flash
est non injectable
a peu d’effet euphorisant à dose thérapeutique
n’induit pas de tolérance
pas de risque de surdosage, sécurité d’emploi
peu d’effets secondaires
non morphiniques dans les urines
2) La Méthadone
Se présente sous forme de sirop buvable.
Posologies : flacons de 5 – 10 – 20 – 40 – 60 mg
Administration unique
Demie-vie plasmatique : 15 heures mais effet d’imprégnation du sujet après
plusieurs prises donc effet de 30 à 36 heures
Agit en 30 min avec effet maximal obtenu au bout de 3 heures
Difficilement injectable
Effet flash non ressenti si prise d’héroine
Peu de tolérance
Relation dose-effet linéaire donc effet euphorique possible si consommation
excessive (même unique) donc surdosage possible
Effets secondaires (hypersudation, constipation, prise de poids, baisse de libido,
bradycardies, allergies)
Risque de surdosage et d’arrêt respiratoire
Non morphiniques dans les urines
3) La Buprénorphine
Comprimés de 0,4 – 2 – 8 mg
Demie-vie courte (3 à 5 heures) mais forte fixation tissulaire donc durée de vie
longue (près de 24 heures) en prise sublinguale
Pas d’effet flash en prise sublinguale , mais peut être injecté avec dans ce cas-là
une demie-vie raccourcie et effet flash (est en plus veinotoxique avec risque
d’abcès ++)
Peu de tolérance ; pas d’effet euphorisant relation dose-effet mais avec un
plafond (à 16 mg)
Effets secondaires : si la buprénorphine est prise trop tôt après une prise d’opiacés
ou en trop grande quantité , il y a un effet de manque
Non morphinique dans les urines
4) Exigences légales
La prescription de traitements de substitution doit de faire sur ordonnance
sécurisée
Datée, signée avec cachet du médecin
Avec nom, sexe, âge du malade et adresse
Posologies en toutes lettres
Rythme de la délivrance
Pour la méthadone, le traitement ne peut être instauré que par les Centres
Spécialisés en Soins aux Toxicomanes ou par des médecins exerçant dans un
établissement de santé dans les cas prévus par la circulaire
DGS/DMOS/n°2002/57 ; le renouvellement par le médecin traitant est possible
Le relai au médecin traitant se fait quand la posologie est stabilisée, que le suivi
institutionnel est indispensable, que les contrôles urinaires sont négatifs..
Le médecin traitant doit contacter le pharmacien, doit inscrire son nom sur la
prescription initiale, doit inscrire le nom du pharmacien ainsi que la fréquence de
délivrance
La prescription de méthadone ne doit pas dépasser les 100 mg par jour sauf si la
prescription initiale les dépassait.
Durée de prescription de 14 jours maximum pour la méthadone et 28 jours pour le
subutex ;
d) Trois phases thérapeutiques
1) L’induction :
Elle dure de 10 à 14 jours et vise à acquérir une posologie efficace et stabilisée
Elle doit techniquement tenir compte de différents facteurs :
- les premiers jours, le Subutex peut ne pas tenir 24 heures. Il faut un temps
nécessaire d’imprégnation du sujet. C’est pourquoi la monoprise ne peut
être obtenue immédiatement mais seulement au 4ème jour par exemple, en
acceptant d’ici là les prises multiples.
- Il faut un délai sans opiacé avant de débuter le subutex, du fait de son
affinité, sinon le patient risque d’augmenter son manque au lieu de le
diminuer. Une nuit sans héroine, 8 heures sont un délai nécessaire.
- Plus la première dose de subutex est forte , plus cette fenêtre sans opiacé
doit être longue ? Commencer à 2 mg ne demande pas la même fenêtre que
si l’on commence à 16 mg et n’expose pas au même risque de manque.
C’est pourquoi il faut monter les dosages de Subutex progressivement au fil
des jours
- Il faut ensuite maintenir quelques jours un dosage identique afin que le
médicament se stabilise pharmacologiquement
Exemple de schéma simple :
- j1 : première dose à 2 mg, seconde prise de 2 mg, 8 à 12 heures après la
première ;
- j2 : première pris : 4 mg ; seconde prise : 2 mg, 8 à 12 heures après la
première prise
- j3 : première prise : 6 mg ; seconde prise : 2 mg, 8 à 12 heures après la
première
- j4 : momprise à 8 mg
- j5, j6, j7 : idem à j4
- j8 : ajustement : 8, 10 mg ou plus ?
- j14 : la dose doit être stabilisée
2) La stabilisation ou phase d’entretien qui dure généralement plusieurs années
3) La phase de réduction voire d’arrêt : indéterminée
Commentaires et réflexions sur cette situation clinique ?
On peut de demander s’il n’ y a pas indication à lui majorer la dose
quotidienne de buprénorphine .
La difficulté réside aussi dans la décision d’introduire un traitement antihypertenseur : il n’ y a pas pour le moment de grosse urgence et si l’on pouvait
aider le patient à réduire fortement sa consommation alcoolique, cela aurait
peut-être déjà un effet bénéfique mais le patient n’est visiblement pas près…
Enfin, il faut lui prescrire un bilan hépatique assez rapidement et prévoir de
l’adresser à un hépatologue.

Documents pareils