L`île sans trésor - Episode III

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ISBN 9782280300391
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1.
Mer des Caraïbes, 14 janvier 1754
Isabelle se pencha par-dessus le bastingage, secouée de haut-lecœur, et vomit le petit déjeuner qu’elle venait de se forcer à avaler.
Quinzième jour.
Quinze jours à se sentir nauséeuse du matin au soir alors qu’elle
n’avait jamais été sujette au mal de mer, que de toute façon la
mer était d’huile, et qu’à ce stade on pouvait écarter l’hypothèse
de la viande avariée. Ne restait donc qu’une seule explication.
Qui était bien loin de l’enchanter…
Premier problème : survivre à la grossesse. Là, elle avait juste
l’impression qu’elle allait mourir. Si seulement elle avait mieux
écouté les leçons de sa mère quand elle était petite ! Doris traînait derrière elle une réputation de sorcière due à sa pratique du
culte vaudou, mais elle était avant tout une excellente herboriste.
Elle fournissait le bordel local en plantes contraceptives et divers
remèdes. Seulement voilà : petite, Isabelle ne tenait pas en place.
Doris lui parlait potions, elle rêvait du grand large. Tant et si bien
qu’à son dixième anniversaire, désespérant de la voir prendre un
jour sa suite, sa mère avait fini par la confier à Ma Enkoutan,
« en souvenir d’une vieille dette ». Isabelle n’avait jamais osé
demander quel genre de dette la redoutable reine des pirates avait
bien pu contracter envers Doris.
À partir de ses 10 ans, toute sa vie avait tourné autour d’un
unique objectif : faire ses preuves, dans un monde guère tendre
envers le sexe féminin. Bien que femme elle-même, Ma n’en
favorisait pas pour autant ses semblables. L’esprit d’Isabelle
vola vers les souvenirs de son adolescence. Elle s’était entraînée
plus dur que n’importe qui d’autre. Ni le combat à mains nues,
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L’île sans trésor - Épisode III
ni l’escrime, ni le tir au pistolet n’avaient de secret pour elle.
Efforts récompensés quand, à 20 ans, elle s’était vu remettre le
commandement d’un bateau, la consécration suprême dans le
monde de Ma Enkoutan.
Allons, si elle avait pu traverser victorieusement ces années,
elle devrait pouvoir passer les prochains mois… peut-être.
Deuxième problème : continuer à tenir son poste de capitaine
en dépit de son état. Ses hommes ne devraient pas poser problème. Elle avait passé assez de temps à les sélectionner, puis
à cultiver leur dévotion, pour espérer raisonnablement qu’ils ne
lui planteraient pas un couteau entre les omoplates à la première
occasion. Ma Enkoutan en revanche…
Une nouvelle nausée lui souleva l’estomac. La reine des
pirates n’admettait aucune faiblesse de la part de ses capitaines.
Considérait-elle la grossesse comme telle, elle qui avait mis au
monde onze enfants vivants à ce jour ? Jusqu’à présent, le cas
ne s’était jamais présenté. Et Isabelle ne tenait pas à jouer les
pionnières…
Dernier problème : le père de l’enfant. La bonne nouvelle,
c’était qu’elle n’avait aucun doute sur l’identité de celui-ci. Elle
n’avait couché avec personne d’autre depuis leur dernière rencontre, ni dans le mois précédent. Les aventures éphémères la
laissaient toujours frustrée, or construire une relation à long terme
avec la vie qu’elle menait relevait de l’impossible. Elle s’était
depuis longtemps résignée à une vie sexuelle en dents de scie.
Donc, si l’identification ne posait pas de difficultés, l’identité,
elle… Isabelle se précipita de nouveau vers le bastingage et, tout
en essayant de soulager un estomac déjà vide, maudit Magny et
ses descendants jusqu’à la treizième génération.