Judith Magre, une « Rose » pleine d`éclat

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Judith Magre, une « Rose » pleine d`éclat
Judith Magre, une « Rose » pleine d’éclat
Par Arielle Granat - Vendredi 27 janvier 2012
Eblouissante sur la scène du Théâtre de la
Pépinière, Judith Magre fascine les spectateurs
avec Rose, un monologue brillant écrit par Martin
Sherman . La « Rose » qu’elle incarne, une juive
d’origine ukrainienne qui traverse l’histoire du
XXème siècle, restera longtemps dans les
mémoires.
Martin Sherman, dramaturge américain, s’est fait
connaître avec Bent, une pièce qui traitait de la déportation
des homosexuels. Rose, créé à Londres en 2000 avec
Olympia Dukakis dans le rôle-titre, a été adapté et
sobrement mis en scène par Thierry Harcourt, qui a trouvé
en Judith Magre une interprète exceptionnelle. Rose, c’est
l’histoire d’une vie, celle d’une jeune fille d’un shtetl d’Ukraine qui rejoint son frère à
Varsovie peu avant l’invasion allemande, vit une passion amoureuse avec le peintre
Yossel, se retrouve piégée dans le ghetto, échappe miraculeusement à la Shoah,
partage l’aventure de l’Exodus pour finalement émigrer aux Etats-Unis. Son parcours
aboutit à Miami, tandis ses enfants sont devenus israéliens. Un résumé d’histoire
ashkénaze.
Durant près d’une heure trente, Judith Magre, assise sur un banc de bois où elle fait
Shiv’ha, la période de 7 jours qui suit un deuil chez les Juifs – on apprendra par une
étonnante pirouette, à la fin de la pièce, de qui Rose fait son deuil – nous fait vivre
son épopée tragi-comique. Oscillant avec une grâce inouïe entre émotion et traits
cinglants d’humour juif – « Ma mère était une sainte, c’était
sans doute la seule chrétienne du shtetl ! » ou encore « Les
Juifs ne sont pas des visuels, regardez comment ils s’habillent !
» -, l’intensité du jeu de Judith Magre envoûte littéralement,
ponctué par les notes délicates du violoniste Eric Slabiak, des
Yeux Noirs, compositeur de la très belle musique de la pièce .
Une performance d’actrice de cette dimension est rare. Judith
Magre, d’une époustouflante beauté, est sans aucun doute, à 85
ans, l’un des derniers « monstre sacré » de la scène française, et
nous offre une Rose éclatante de vie et de liberté. De tels
moments de théâtre sont immanquables.