valse hésitation autour de l`accord-cadre

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valse hésitation autour de l`accord-cadre
industrie accord cadre
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Actualités
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VALSE HÉSITATION
AUTOUR DE
L’ACCORD-CADRE
La problématique est la même pour le Leem et le
CEPS. Ménager la chèvre et le chou. Avancer d’un
même pas avec des objectifs différents n’est pas
chose aisée. Pourtant, le choix de l’entente
conventionnelle est le seul envisageable.
Les discussions devraient aboutir avant la fin de
l’année…
——————
n pas en avant, un pas en
arrière. La valse économico-politique n’a décidément rien à voir avec la
danse de salon, même si les chasséscroisés sont de mise ici aussi. Inutile
donc de chausser les pointes, Etat et
industriels ont décidé de mettre les
deux pieds dans le plat pendant les
négociations de l’avenant à l’accordcadre. Celui-ci a été renouvelé d’un
commun accord en octobre dernier,
mais les deux parties en présence ont
souhaité y apporter des améliorations. Les discussions vont bon train,
le but étant de parvenir à la signature
de l’avenant courant décembre. Au
Leem, on se félicite de ce renouvellement. « Conformément à notre demande, le Comité économique des
produits de santé (CEPS) a ouvert
une série de négociations sur l’élargissement de l’accord-cadre, afin que
la lisibilité de la gouvernance publique dans le médicament, que les
problématiques vécues aujourd’hui
en matière de délais, de réglages des
prix, ayant trait aux médicaments indispensables, aux conditionnements, aux importations parallèles,
soient mieux appréhendées », déclarait Christian Lajoux, président du
Leem, lors de la conférence dédiée
aux « premiers enseignements de la
Semaine du médicament », à la mi-
© CORBIS
U
octobre. Ce sont donc avant tout sur
« la lisibilité de la gouvernance du
médicament » en France et « l’accès
aux médicaments innovants et leur
régime de prix dans un contexte général de promotion générique » que
se situent les requêtes des industriels.
Selon ces derniers, les diverses politiques d’économie de l’Etat dans le
secteur de la santé leur demandent
trop d’efforts. L’industrie du médicament compte bien faire jouer son
poids économique pour changer la
donne : « 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, presqu’autant en export, nous ne sommes pas
loin en terme de poids de l’industrie
automobile », rappelait Christian Lajoux lors du débat à l’Association des
cadres de l’industrie pharmaceutique 4
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(ACIP) le 6 novembre dernier. Pour
autant, les mesures gouvernementales entraînent aujourd’hui un affaiblissement du secteur, sans précédent. Le chiffre d’affaires croît de 1 %
contre 6 à 7 % habituellement. « Nous
subissons de plein fouet un ralentissement de la croissance des ventes de
médicaments, ce qui s’explique d’une
part par la maîtrise médicalisée de la
Sécurité sociale et d’autre part par les
mesures sur les prix avec des baisses
de prix, la montée en puissance des
génériques, les déremboursements ».
S’y ajoute la réduction des prescriptions par les médecins de ville.
Risque imminent. Le Leem ne
conteste pas le générique mais reste
« en alerte quant au respect de la propriété intellectuelle ». C’est d’ailleurs
une initiative du CEPS d’avoir mis le
sujet à l’ordre du jour des discussions
avec le Leem. Une satisfaction pour
Christian Lajoux qui rappelle : « aujourd’hui, le générique c’est 16 % des
prescriptions et il gagne 1 % par trimestre, c’est donc un facteur d’inquiétude majeur pour nous ». De son
côté, Noël Renaudin, président du
CEPS, explique sa volonté de trouver des solutions au problème de respect de la propriété intellectuelle des
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innovants que pour les médicaments
anciens. Le gouvernement parle désormais de cohérence des prix au sein
d’une même classe thérapeutique
quand un générique apparaît. C’est
ce qu’a demandé Xavier Bertrand
dans sa lettre d’orientation adressée
à Noël Renaudin », précise Christian
Lajoux. Le président du CEPS a
confirmé cette recherche de cohérence de prix, tout en soulignant qu’il
ne s’agissait pas d’un nivellement des
prix, « des écarts subsisteront et nous
n’avons aucunement l’intention d’introduire la pratique allemande des
"jumbo group". De plus, les brevets
n’ont jamais donné droit à la stabilité
des prix. J’ai déjà expliqué tout cela,
ce que je peux ajouter c’est que cette
question sera traitée dans les avenants de l’accord-cadre de façon à
donner quelques jalons pour prévoir
les modalités selon lesquelles s’appliquera cette orientation ».
Pour Christian Lajoux, il faut avant
tout que le gouvernement cesse
Cohérence des prix. Reste à savoir si
d’utiliser l’industrie pharmaceutique
l’accord-cadre doit aussi avoir pour
comme « une variable d’ajustement »
objet de protéger les entreprises
et de faire « comme si c’était le mécontre le non respect de la propriété
dicament qui coûte cher et non pas la
intellectuelle par des génériqueurs
maladie ». Et de rappeler les effets
indélicats. « Le CEPS avait proposé un
d’épargne de ce dernier tout en insisdispositif d’organisation de la transtant sur le fait que « le débat autour
parence entre les entreprises de prinde la santé ne doit pas se limiter aux
ceps et les entreprises de génériques,
seuls paramètres comptables ». Le
mais le projet n’a pas fait l’unanimité.
Leem s’inquiète, en effet, de la mise
Nous l’avons retravaillé et nous allons
« en péril des enjeux d’indépendance
probablement tomber rapidement
stratégique pour l’industrie pharmad’accord sur un dispoceutique » et notamsitif plus simple. Sans
ment du « potentiel de
Des mesures
anticiper sur le résultat
recherche ». Tout simde nos discussions ni
plement parce que « les
fiscales moins
trahir la confidentialité
cycles politiques sont
abruptes
de leur déroulement, je
plus courts que les cypense pouvoir dire
cles économiques, mais
qu’au minimum, ce dispositif devrait
ils doivent les prendre en compte ».
faciliter l’application de la future loi
Une manière pour Christian Lajoux
de transposition en aidant à faire la
d’introduire un autre souci majeur de
preuve de "l’atteinte imminente" au
son secteur : les investissements en
droit de propriété intellectuelle. ». La
R&D vont en ralentissant. « Il faut en
transposition de la directive eurofinir avec l’idée reçue que l’industrie
péenne dans la loi française et les
pharmaceutique est riche et que le
mesures complémentaires qui deprogrès thérapeutique est continu
vraient apparaître dans l’accord-caet inéluctable ; c’est faux ! Le médicadre sont rassurantes pour les indusment c’est la vie, la survie de l’humatriels. Cela ne règle pas pour autant
nité et on ne peut pas jouer avec le
tous les problèmes sur lesquels ils
feu en fragilisant cette industrie ».
souhaitent un changement de politique de la part du gouvernement. Il en
Chemin de croix. C’est pourquoi il
est ainsi de la politique des prix, liée
demande, outre une meilleure projustement à la montée en puissance
tection de la propriété intellectuelle,
des génériques. « L’instabilité des prix
des mesures fiscales moins abruptes.
vaut autant pour les médicaments
Les taxes auxquelles les firmes phar- 4
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médicaments princeps. « Nous
constatons une unanimité sur le sujet, que ce soit du côté des administrations ou du côté des industriels, y
compris les fabricants de génériques.
Les génériqueurs savent qu’il est de
leur intérêt de respecter la propriété
intellectuelle, à nous maintenant
d’édicter des règles faciles à appliquer ». Comme le Leem, Noël Renaudin souligne que la France est un
pays plutôt bien protégé sur ce sujet. « Cela n’est pas une raison pour
ne pas se prémunir contre d’éventuels problèmes. Pour une part essentielle, cela relève de la loi. La
transposition de la directive sur la
propriété intellectuelle, qui sera effectuée dans les délais les plus courts
possibles, devrait entraîner un progrès significatif dans la sécurité juridique, en permettant aux entreprises
d’aller voir le juge avant même qu’il y
ait eu contrefaçon, mais dès qu’un
risque imminent apparaît ».
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sont assujetties en
même que le plus souvent le CEPS a
France ont doublé entre 2002 et audemandé le prix le plus bas possible et
jourd’hui. En outre, il pose la question
que nous l’avons accepté de guerre
du système de gouverlasse ». Le long plainance. « L’Afssaps évalue
doyer de Christian Lale bénéfice-risque et enjoux sur la situation de
2007 encore
registre, la HAS évalue le
l’industrie pharmaceuune année dure tique s’est finalement
SMR (Service médical
rendu), le CEPS fixe les
conclu par la conviction
prix… C’est un véritable
de ne pas être suffisamchemin de croix pour obtenir la comment entendu. « Nous ne désespérons
mercialisation d’un médicament. Le
pas de trouver des accords. Il faut
pire, c’est que nous n’obtenons ni stamaintenant avoir l’audace de dire,
bilité, ni pérennité sur le prix, alors
dans un pays comme la France, que
les dépenses de santé sont condamnées à croître. Il y a un barbarisme social, déontologique, voir éthique à
vouloir réduire des dépenses de santé
d’un pays moderne ». Noël Renaudin
indique volontiers que « 2007 sera encore une année dure pour l’industrie
pharmaceutique », mais qu’il n’y aurait normalement pas besoin d’autres
mesures d’économie supplémentaires, car l’effet de celles décidées devrait
se poursuivre l’année prochaine. ■
MÉLANIE MAZIÈRE
ENTRETIEN AVEC NOËL RENAUDIN, PRÉSIDENT DU CEPS
« NOUS RESTONS ATTACHÉS AU SYSTÈME
CONVENTIONNEL »
DR
A la veille de la signature d’un avenant à l’accord-cadre liant le Leem et le CEPS, Noël Renaudin
aborde les sujets en cours de discussion. Pour lui, il s’agit d’un bon accord-cadre qui satisfait autant
l’Etat que l’industrie. Reste à y apporter quelques améliorations.
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Pensez-vous accorder aux
industriels la lisibilité et l’accès
aux médicaments innovants qu’ils
demandent ?
Nous discutons de tous les sujets qui
leur tiennent à cœur. Concernant la
gouvernance du médicament, le Leem
a envie d’être mieux entendu sur un
certain nombre de décisions qui impactent la vie des entreprises. Nous allons voir par quels moyens nous pouvons progresser dans ce sens, sachant
que l’Etat a, de façon constante, tous
gouvernements confondus, marqué
son attachement au système conventionnel et au partenariat. Quant à l’accès aux médicaments innovants, le
CEPS pense qu’il est bien organisé en
France, et qu’il s’agit plutôt de le préserver que de l’améliorer.
La politique générique s’est
récemment renforcée avec des
mesures de fortes incitations à
Paris et à Nice. Etes-vous satisfait
des résultats obtenus jusqu’alors ?
Oui, bien sûr, dans la mesure où il est
aujourd’hui probable que l’objectif
de 70 % de substitution fixé d’un
commun accord par l’Uncam et les
pharmaciens sera atteint. Ce taux
peut certes ne pas paraître très élevé
quand on le compare à ceux atteints,
de longue date, par certains pharmaciens. Cette affaire montre cependant, une fois de plus, que pour obtenir un résultat global satisfaisant, il
faut que tout le monde s’y mette.
L’opportunité des mesures prises à
l’initiative des caisses à Paris et à Nice
tient donc au caractère anormal de la
situation qui prévalait dans ces départements.
Les TFR sont aussi une source
d’économie non négligeable. Quels
sont vos objectifs en la matière ?
Non, les TFR ne sont pas, dans la
perspective qui a été tracée sur ce
point par les orientations ministérielles, une source d’économie importante. En effet, les économies à réaliser dans le répertoire générique
doivent l’être essentiellement par la
substitution et le niveau des prix.
Cela dit, le TFR reste un recours lors-
que la substitution ne fonctionne
pas. Nous allons donc sans délai reprendre la pratique dite des TFR « au
fil de l’eau » et réunir le comité de
suivi des génériques.
L’accord-cadre évoque également
l’automédication responsable. Y
voyez-vous une source
d’économie ?
L’automédication peut éventuellement être une source directe d’économies lorsque, à l’occasion de certains déremboursements, elle prend
le relais de prescriptions remboursées, mais ce n’est certainement pas
l’essentiel. Il me semble que le développement et l’amélioration des
comportements d’automédication
sont avant tout un moyen de changer, pour les patients consommateurs, leur approche des soins et des
médicaments dans des circonstances
plus graves. Car elle déclenche un
comportement vertueux : prévention, bon usage, observance et non
gaspillage. Encore faut-il que ces patients consommateurs ne soient pas
dégoûtés de l’automédication par la
valse des étiquettes à l’occasion des
déremboursements. D’où le souhait
exprimé par le ministre de la santé
que soient obtenus des engagements
de modération des entreprises dans
ces circonstances.
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