valse hésitation autour de l`accord-cadre
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valse hésitation autour de l`accord-cadre
industrie accord cadre 28/11/06 17:15 Page 1 Actualités 7 VALSE HÉSITATION AUTOUR DE L’ACCORD-CADRE La problématique est la même pour le Leem et le CEPS. Ménager la chèvre et le chou. Avancer d’un même pas avec des objectifs différents n’est pas chose aisée. Pourtant, le choix de l’entente conventionnelle est le seul envisageable. Les discussions devraient aboutir avant la fin de l’année… —————— n pas en avant, un pas en arrière. La valse économico-politique n’a décidément rien à voir avec la danse de salon, même si les chasséscroisés sont de mise ici aussi. Inutile donc de chausser les pointes, Etat et industriels ont décidé de mettre les deux pieds dans le plat pendant les négociations de l’avenant à l’accordcadre. Celui-ci a été renouvelé d’un commun accord en octobre dernier, mais les deux parties en présence ont souhaité y apporter des améliorations. Les discussions vont bon train, le but étant de parvenir à la signature de l’avenant courant décembre. Au Leem, on se félicite de ce renouvellement. « Conformément à notre demande, le Comité économique des produits de santé (CEPS) a ouvert une série de négociations sur l’élargissement de l’accord-cadre, afin que la lisibilité de la gouvernance publique dans le médicament, que les problématiques vécues aujourd’hui en matière de délais, de réglages des prix, ayant trait aux médicaments indispensables, aux conditionnements, aux importations parallèles, soient mieux appréhendées », déclarait Christian Lajoux, président du Leem, lors de la conférence dédiée aux « premiers enseignements de la Semaine du médicament », à la mi- © CORBIS U octobre. Ce sont donc avant tout sur « la lisibilité de la gouvernance du médicament » en France et « l’accès aux médicaments innovants et leur régime de prix dans un contexte général de promotion générique » que se situent les requêtes des industriels. Selon ces derniers, les diverses politiques d’économie de l’Etat dans le secteur de la santé leur demandent trop d’efforts. L’industrie du médicament compte bien faire jouer son poids économique pour changer la donne : « 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, presqu’autant en export, nous ne sommes pas loin en terme de poids de l’industrie automobile », rappelait Christian Lajoux lors du débat à l’Association des cadres de l’industrie pharmaceutique 4 44 DÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES industrie accord cadre 28/11/06 17:15 Page 2 © GETTYIMAGES ACCORD-CADRE a c t u a l i t é s 444 (ACIP) le 6 novembre dernier. Pour autant, les mesures gouvernementales entraînent aujourd’hui un affaiblissement du secteur, sans précédent. Le chiffre d’affaires croît de 1 % contre 6 à 7 % habituellement. « Nous subissons de plein fouet un ralentissement de la croissance des ventes de médicaments, ce qui s’explique d’une part par la maîtrise médicalisée de la Sécurité sociale et d’autre part par les mesures sur les prix avec des baisses de prix, la montée en puissance des génériques, les déremboursements ». S’y ajoute la réduction des prescriptions par les médecins de ville. Risque imminent. Le Leem ne conteste pas le générique mais reste « en alerte quant au respect de la propriété intellectuelle ». C’est d’ailleurs une initiative du CEPS d’avoir mis le sujet à l’ordre du jour des discussions avec le Leem. Une satisfaction pour Christian Lajoux qui rappelle : « aujourd’hui, le générique c’est 16 % des prescriptions et il gagne 1 % par trimestre, c’est donc un facteur d’inquiétude majeur pour nous ». De son côté, Noël Renaudin, président du CEPS, explique sa volonté de trouver des solutions au problème de respect de la propriété intellectuelle des 9 innovants que pour les médicaments anciens. Le gouvernement parle désormais de cohérence des prix au sein d’une même classe thérapeutique quand un générique apparaît. C’est ce qu’a demandé Xavier Bertrand dans sa lettre d’orientation adressée à Noël Renaudin », précise Christian Lajoux. Le président du CEPS a confirmé cette recherche de cohérence de prix, tout en soulignant qu’il ne s’agissait pas d’un nivellement des prix, « des écarts subsisteront et nous n’avons aucunement l’intention d’introduire la pratique allemande des "jumbo group". De plus, les brevets n’ont jamais donné droit à la stabilité des prix. J’ai déjà expliqué tout cela, ce que je peux ajouter c’est que cette question sera traitée dans les avenants de l’accord-cadre de façon à donner quelques jalons pour prévoir les modalités selon lesquelles s’appliquera cette orientation ». Pour Christian Lajoux, il faut avant tout que le gouvernement cesse Cohérence des prix. Reste à savoir si d’utiliser l’industrie pharmaceutique l’accord-cadre doit aussi avoir pour comme « une variable d’ajustement » objet de protéger les entreprises et de faire « comme si c’était le mécontre le non respect de la propriété dicament qui coûte cher et non pas la intellectuelle par des génériqueurs maladie ». Et de rappeler les effets indélicats. « Le CEPS avait proposé un d’épargne de ce dernier tout en insisdispositif d’organisation de la transtant sur le fait que « le débat autour parence entre les entreprises de prinde la santé ne doit pas se limiter aux ceps et les entreprises de génériques, seuls paramètres comptables ». Le mais le projet n’a pas fait l’unanimité. Leem s’inquiète, en effet, de la mise Nous l’avons retravaillé et nous allons « en péril des enjeux d’indépendance probablement tomber rapidement stratégique pour l’industrie pharmad’accord sur un dispoceutique » et notamsitif plus simple. Sans ment du « potentiel de Des mesures anticiper sur le résultat recherche ». Tout simde nos discussions ni plement parce que « les fiscales moins trahir la confidentialité cycles politiques sont abruptes de leur déroulement, je plus courts que les cypense pouvoir dire cles économiques, mais qu’au minimum, ce dispositif devrait ils doivent les prendre en compte ». faciliter l’application de la future loi Une manière pour Christian Lajoux de transposition en aidant à faire la d’introduire un autre souci majeur de preuve de "l’atteinte imminente" au son secteur : les investissements en droit de propriété intellectuelle. ». La R&D vont en ralentissant. « Il faut en transposition de la directive eurofinir avec l’idée reçue que l’industrie péenne dans la loi française et les pharmaceutique est riche et que le mesures complémentaires qui deprogrès thérapeutique est continu vraient apparaître dans l’accord-caet inéluctable ; c’est faux ! Le médicadre sont rassurantes pour les indusment c’est la vie, la survie de l’humatriels. Cela ne règle pas pour autant nité et on ne peut pas jouer avec le tous les problèmes sur lesquels ils feu en fragilisant cette industrie ». souhaitent un changement de politique de la part du gouvernement. Il en Chemin de croix. C’est pourquoi il est ainsi de la politique des prix, liée demande, outre une meilleure projustement à la montée en puissance tection de la propriété intellectuelle, des génériques. « L’instabilité des prix des mesures fiscales moins abruptes. vaut autant pour les médicaments Les taxes auxquelles les firmes phar- 4 44 médicaments princeps. « Nous constatons une unanimité sur le sujet, que ce soit du côté des administrations ou du côté des industriels, y compris les fabricants de génériques. Les génériqueurs savent qu’il est de leur intérêt de respecter la propriété intellectuelle, à nous maintenant d’édicter des règles faciles à appliquer ». Comme le Leem, Noël Renaudin souligne que la France est un pays plutôt bien protégé sur ce sujet. « Cela n’est pas une raison pour ne pas se prémunir contre d’éventuels problèmes. Pour une part essentielle, cela relève de la loi. La transposition de la directive sur la propriété intellectuelle, qui sera effectuée dans les délais les plus courts possibles, devrait entraîner un progrès significatif dans la sécurité juridique, en permettant aux entreprises d’aller voir le juge avant même qu’il y ait eu contrefaçon, mais dès qu’un risque imminent apparaît ». DÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES industrie accord cadre 28/11/06 17:15 Page 3 ACCORD-CADRE a c t u a l i t é s 11 444 maceutiques sont assujetties en même que le plus souvent le CEPS a France ont doublé entre 2002 et audemandé le prix le plus bas possible et jourd’hui. En outre, il pose la question que nous l’avons accepté de guerre du système de gouverlasse ». Le long plainance. « L’Afssaps évalue doyer de Christian Lale bénéfice-risque et enjoux sur la situation de 2007 encore registre, la HAS évalue le l’industrie pharmaceuune année dure tique s’est finalement SMR (Service médical rendu), le CEPS fixe les conclu par la conviction prix… C’est un véritable de ne pas être suffisamchemin de croix pour obtenir la comment entendu. « Nous ne désespérons mercialisation d’un médicament. Le pas de trouver des accords. Il faut pire, c’est que nous n’obtenons ni stamaintenant avoir l’audace de dire, bilité, ni pérennité sur le prix, alors dans un pays comme la France, que les dépenses de santé sont condamnées à croître. Il y a un barbarisme social, déontologique, voir éthique à vouloir réduire des dépenses de santé d’un pays moderne ». Noël Renaudin indique volontiers que « 2007 sera encore une année dure pour l’industrie pharmaceutique », mais qu’il n’y aurait normalement pas besoin d’autres mesures d’économie supplémentaires, car l’effet de celles décidées devrait se poursuivre l’année prochaine. ■ MÉLANIE MAZIÈRE ENTRETIEN AVEC NOËL RENAUDIN, PRÉSIDENT DU CEPS « NOUS RESTONS ATTACHÉS AU SYSTÈME CONVENTIONNEL » DR A la veille de la signature d’un avenant à l’accord-cadre liant le Leem et le CEPS, Noël Renaudin aborde les sujets en cours de discussion. Pour lui, il s’agit d’un bon accord-cadre qui satisfait autant l’Etat que l’industrie. Reste à y apporter quelques améliorations. ---- Pensez-vous accorder aux industriels la lisibilité et l’accès aux médicaments innovants qu’ils demandent ? Nous discutons de tous les sujets qui leur tiennent à cœur. Concernant la gouvernance du médicament, le Leem a envie d’être mieux entendu sur un certain nombre de décisions qui impactent la vie des entreprises. Nous allons voir par quels moyens nous pouvons progresser dans ce sens, sachant que l’Etat a, de façon constante, tous gouvernements confondus, marqué son attachement au système conventionnel et au partenariat. Quant à l’accès aux médicaments innovants, le CEPS pense qu’il est bien organisé en France, et qu’il s’agit plutôt de le préserver que de l’améliorer. La politique générique s’est récemment renforcée avec des mesures de fortes incitations à Paris et à Nice. Etes-vous satisfait des résultats obtenus jusqu’alors ? Oui, bien sûr, dans la mesure où il est aujourd’hui probable que l’objectif de 70 % de substitution fixé d’un commun accord par l’Uncam et les pharmaciens sera atteint. Ce taux peut certes ne pas paraître très élevé quand on le compare à ceux atteints, de longue date, par certains pharmaciens. Cette affaire montre cependant, une fois de plus, que pour obtenir un résultat global satisfaisant, il faut que tout le monde s’y mette. L’opportunité des mesures prises à l’initiative des caisses à Paris et à Nice tient donc au caractère anormal de la situation qui prévalait dans ces départements. Les TFR sont aussi une source d’économie non négligeable. Quels sont vos objectifs en la matière ? Non, les TFR ne sont pas, dans la perspective qui a été tracée sur ce point par les orientations ministérielles, une source d’économie importante. En effet, les économies à réaliser dans le répertoire générique doivent l’être essentiellement par la substitution et le niveau des prix. Cela dit, le TFR reste un recours lors- que la substitution ne fonctionne pas. Nous allons donc sans délai reprendre la pratique dite des TFR « au fil de l’eau » et réunir le comité de suivi des génériques. L’accord-cadre évoque également l’automédication responsable. Y voyez-vous une source d’économie ? L’automédication peut éventuellement être une source directe d’économies lorsque, à l’occasion de certains déremboursements, elle prend le relais de prescriptions remboursées, mais ce n’est certainement pas l’essentiel. Il me semble que le développement et l’amélioration des comportements d’automédication sont avant tout un moyen de changer, pour les patients consommateurs, leur approche des soins et des médicaments dans des circonstances plus graves. Car elle déclenche un comportement vertueux : prévention, bon usage, observance et non gaspillage. Encore faut-il que ces patients consommateurs ne soient pas dégoûtés de l’automédication par la valse des étiquettes à l’occasion des déremboursements. D’où le souhait exprimé par le ministre de la santé que soient obtenus des engagements de modération des entreprises dans ces circonstances. DÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES