Le genou : entre tensions et torsions

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Le genou : entre tensions et torsions
Le genou : entre tensions et torsions
Le genou est une articulation intermédiaire qui devrait subir peu de tensions nociceptives
(hors pratique sportive spéciale), et ne devrait donc normalement pas souffrir.
Dans le projet initial, je devais venir à ce congrès avec le Docteur JC Panisset, chirurgien
orthopédique à Grenoble. Les dates et les obligations de chacun ont fait qu'il n'a pas pu
venir, et c'est avec regret.
Le docteur Panisset est un élève du professeur Henri Dejour, et il a conservé des ses études
auprès de cet éminent chirurgien Lyonnais un regard très globaliste et un vif intérêt pour la
méthode Mézières.
Notre collaboration a débuté au fil de nombreuses discussions sur les problèmes de genoux
douloureux, en particulier chez des jeunes filles dont il ne parvenait pas à en comprendre
l'étiologie.
Dans un premier temps, je vais vous lire la communication que le Dr Panisset a écrite pour
vous. Ensuite je vous présenterai moi-même différents cas où l'on peut être attentif aux
torsions spiroïdales du MI.
"Le syndrome rotulien : le point de vue du chirurgien"
Dr JC Panisset Clinique des Cèdres Echirolles.
La souffrance rotulienne est une pathologie très fréquente en particulier chez les
adolescentes. Le problème est de bien définir au départ le cadre pathologique. En effet il
faut distinguer la douleur du syndrome rotulien et la douleur due à une instabilité
rotulienne. Malheureusement quelques fois il y a une intrication des deux pathologies, ce
qui rend difficile le diagnostic d’une part et d’autre part la thérapeutique.
C’est grâce aux travaux du professeur H Dejour en 1990 que nous avons pu établir les
bases diagnostiques de la pathologie rotulienne et des thérapeutiques. C’est grâce à ces
travaux encore qu’il a mis en évidence un problème de rétraction et de déséquilibre
musculaire dans les syndromes douloureux rotuliens.
Il faut donc distinguer la pathologie de l’instabilité rotulienne du syndrome rotulien
douloureux.
1-L’instabilité rotulienne :
Elle est assez caractéristique car elle débute chez la jeune adolescente, ou le jeune
adolescent par une luxation inaugurale de la rotule le plus souvent lors d’une activité
sportive. La rotule pouvant se réduire spontanément lors de la mise en extension du
genou ou par un tiers. Ce traumatisme peut être étiqueté faussement entorse du genou.
Une fois l’accident aigu guéri, le retour à la normale peut se faire en 6 semaines et alors il
va y avoir des récidives, soit en sport soit lors d’actes de la vie quotidienne.
Cette pathologie est due à une anomalie morphologique multifactorielle au niveau du
genou. Il y a une dysplasie de la trochlée fémorale avec un défaut de creusement de
celle-ci. C’est le facteur principal de cette pathologie. Il existe souvent une rotule trop
haute, un tendon rotulien implanté trop en externe et une dysplasie du vaste interne.
Toutes ces anomalies seront précisées en radio et à l’aide de mesures au scanner. Tout
cela étant maintenant bien standardisé. Grâce à ces examens on va proposer un
traitement chirurgical au patient pour corriger le ou les facteurs d’instabilité. C’est le
traitement à la carte de Henri Dejour.
Quand nous appliquons bien ces règles nous pouvons traiter avec succès la majorité des
patients. Et l’instabilité vraie telle que je vous la décris ne peut pas se traiter autrement.
2-Le syndrome douloureux rotulien :
Il est caractérisé par des douleurs antérieures du genou, sans notion traumatique. Il
survient à tout âge mais avec une grande fréquence chez la jeune adolescente. Il s’agit de
douleurs en position assise prolongée, signe du cinéma, de douleurs en descendant en
montagne ou les escaliers. Pour les jeunes cela devient très handicapant car c’est
souvent bilatéral et la douleur peut être permanente. Cela aboutit généralement à l’arrêt
de tous les sports et à de multiples consultations médicales et paramédicales avec une
débauche d’examens paracliniques et malheureusement parfois une chirurgie
complètement inadaptée aboutissant à un échec.
Dans tous les cas les différents examens et en particulier la radiographie sont normaux.
Il n’y a pas d’anomalie morphologique. Et des examens comme l’IRM ou l’arthroscanner
ne vont rien apporter de plus.
L’examen clinique est variable :
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la rotule peut être douloureuse à la palpation ou simplement sensible
dans tous les cas nous retrouvons des raideurs musculaires des chaînes
postérieures et des chaînes antérieures.
la marche peut être altérée avec une attitude en rotation interne du segment
fémoral.
Souvent ces patients ont eu de nombreuses séances de rééducation centrée sur la
musculation du vaste interne. Ceci est une hérésie et un non sens.
Au mieux ils ont eu des séances d’étirements, rééducation adaptée mais souvent
insuffisante car les rétractions sont plus compliquées et font intervenir des rétractions
situées au niveau proximal et combinées.
A cela se rajoute souvent un contexte psychologique que nous classifions de « fragile »
dans une ambiance de surmédicalisation et de surprotection.
Le traitement chirurgical est à proscrire, il est dangereux et ne présente aucun intérêt
car il n’y a rien à corriger au point de vue osseux ou ligamentaire.
Le seul traitement est la prise en charge en rééducation selon la méthode Mézières avec
une correction des différentes rétractions et en prenant garde au bon suivi de cette
rééducation. L’analyse de la façon de marcher est primordiale et il faudra corriger les
défauts. Il faut ensuite réintroduire le sport progressivement en fonction de la
disparition des douleurs et de l’amélioration de la cinématique de la marche.
Je remercie personnellement le Dr Panisset pour cette communication qui traduit à la
fois son ouverture d'esprit et son humilité.
Ce qu'il faut savoir sur l'organisation spiralée de l'ensemble du corps et notamment les
membres…
Le mouvement spiralé est inscrit dans :
•
La forme des os
•
La conformation des différentes articulations
•
La localisation des insertions musculaires
•
Le trajet même des muscles
Les différentes coordinations, intégrées au cours de l’évolution psychomotrice, vont être
d’autant plus efficaces, économiques et harmonieuses, qu’elles respecteront ce principe
organique du mouvement qu’est la spirale.
Le cas de Manon
(Diapositive n°4)
Manon est la première jeune fille dont le Docteur Panisset m'a parlée. Jeune fille de 19 ans,
très sportive (ski de slalom en compétition), présentant des douleurs récurrentes et
invalidantes aux 2 genoux, avec prédominance des signes cliniques au niveau du genou
gauche. Elle a consulté pour la première fois 2 ans auparavant. Elle a consulté plusieurs
chirurgiens (attitude fréquente dans ce type de douleurs) qui lui proposent pour certains une
translation de tubérosité tibiale antérieure. Persuadé que ce n'est surtout pas la solution,
mais très démuni, il s'intéresse à mon discours et me demande de venir faire la consultation
avec lui.
Au bilan postural, on note un faux varus avec recurvatum et rotation interne globale du
membre inférieur, surtout à gauche.
Mais c'est dans la dynamique que les choses deviennent intéressantes. Si je demande à
Manon de se mettre en unipodal, nous avons l'impression que rien ne se passe, et surtout je
ne trouve pas la rotation interne fémorale que j'attendais (diapo 5)… En fait elle empêche sa
rotation interne par une hyper extension (diapo6)… Si je lui demande de déverrouiller son
genou au moment où elle passe en unipodal, je retrouve cette rotation interne
immédiatement quand elle transfère son appui. C'est ce schéma que l'on retrouve chez elle
dans la dynamique de la marche. Et ce qui fait que, à chaque pas, elle traumatise sa rotule ce
qui explique ses douleurs. Dans la pratique sportive, surtout dans le ski de slalom où la
compression rotulienne est à son maximum, les tensions deviennent très pathogènes.
En effet, la synchronisation des mouvements dans tous les plans de l’espace des articulations
sus et sous jacentes au genou est nécessaire au bon fonctionnement de l’articulation fémoropatellaire (diapos 7 et 8). Pour que la rotule puisse s’engager correctement dans la poulie
formée par la trochlée et les condyles, il faut que la rotation du segment fémoral soit
compensée par la rotation inverse du segment jambier.
Ce que le Docteur Panisset a appris ce jour là, c'est que le bilan de ce type de pathologie doit
se faire en fonctionnel, et pas seulement en décharge et en statique. A l'heure actuelle, il fait
tous les bilans de syndrome rotulien douloureux en introduisant ce facteur dynamique et
fonctionnel et oriente le traitement vers une rééducation selon la méthode Mézières avec
rééducation à l'appui et à la marche comme il l'a dit dans son exposé. On peut pousser plus
loin, c'est-à-dire jusque dans une rééducation au geste sportif.
Pour ce qui est de Manon, vous pouvez suivre sur les diapositives suivantes l'évolution de
son bilan postural sur un an de rééducation (diapos 9, 10 et 11°). Je tiens à préciser que
Manon habitant à Grenoble et faisant ses études en Belgique, elle n'a suivi que 4 séances de
rééducation en un an avec moi, et qu'elle a effectué le reste du travail seule. Motivée par son
envie de reprendre le sport et par les résultats obtenus dans son ressenti (diminution nette
des douleurs), elle a consciencieusement et quotidiennement fait ses exercices et beaucoup
travaillé la conscience de ses mouvements d'appui et de marche, ce qui demande un gros
effort. Mais la motivation et la compréhension du problème restent le principal moteur dans
ce type de rééducation.
Le syndrome rotulien douloureux : ile ne touche pas seulement les jeunes
N'oublions pas toutes les douleurs idiopathiques chez les personnes plus âgées, les débuts
d'arthrose qui renforcent l'idée que l'âge use… Certes le vieillissement existe, mais il
n'explique pas des douleurs et des usures hyper localisées. Aider ces personnes à se
maintenir dans des activités sportives et ludiques est une priorité.
Prenons le cas de J. 65 ans, passionné de tennis, douleurs de genoux. Diagnostic : début
d'arthrose fémoro-patellaire (diapo 13). Et puis… Rien; Monsieur économisez vous!
Non! Cherchons la cause de cette usure non précoce mais prématurée dans cette zone!
Regardez ses axes (diapo 14) : attitude spontanée en RE globale de membre inférieur. Marche
en RE de MI. Si il positionne correctement les pieds, on retrouve une RI fémorale très
marquée et une absence de lordose lombaire.
Un cas rêvé pour la rééducation selon la MM…
Mais n'oublions pas de lui apprendre fonctionnellement à retrouver des axes de marche
physiologiques. La reprise du tennis est à ce prix. Vous imaginez la motivation?!!!
En séance, outre tout le travail d'équilibration musculaire que nous connaissons bien en
méthode Mézières, il est impératif de faire travailler la marche les pieds dans l'axe en
reprogrammant la fonction spiralée du MI… Reprogrammer la rotation externe fémorale
accompagnée d'une rotation interne du segment jambier…
En statique, puis en unipodal, puis pendant l'effort d'appui lors de la frappe de la balle… Et
ça marche!!!
Prévention
Prenons le cas de 2 jeunes filles présentant chacune un genu valgum (diapo 16). Rien de bien
grave, pas de douleurs aux genoux, …du moins pour l'instant… La jeunesse ?
Des problèmes d'épaule et des douleurs récurrentes de cou pour celle de gauche (intéressant
mais ce n'est pas le sujet de cette communication n'est ce pas?).
A l'observation, bien sûr, vous voyez tout de suite que ce n'est pas le même genu valgum. Un
des 2 s'accompagne d'une rotation interne fémorale, et d'un effondrement des voutes de
pieds. Pas le second. Vous connaissez…
Mais allons plus loin : les diapositives suivantes montrent que dans le cas numéro 1 (diapo
18), nous sommes vraiment en présence d'un faux genu valgum, où la composante de
rotation fémorale l'emporte sue la composante d'adduction. Dans le cas numéro 2 (diapo 19),
nous sommes en présence d'un vrai genu valgum non invalidant, à surveiller. L'image de
droite montre une rotation interne adaptative pour supporter le serrement des pieds.
C'est l'image suivante, en unipodal, la plus intéressante (diapo 20):
-
-
à gauche, apparait clairement une forte rotation interne fémorale, accompagnée d'un
affaissement de la voute plantaire. On peut distinguer également un manque de
tonus réactif de l'ensemble de la musculature du MI. Allons peut-être chercher les
douleurs récurrentes d'épaule et de colonne cervicale dans cette problématique ?
A droite par contre, bonne réaction tonique de l'ensemble de la musculature du MI, à
partir du pied qui est actif, et absence de RI du MI.
Ces tests actifs sont une mine de renseignements qu'il ne faut pas négliger…
Cette connaissance parfaite des typologies de fonctionnement en charge et en dynamique
permet également d'envisager un travail préventif afin de diminuer les contraintes sur une
articulation comme le genou et d'éviter ainsi une usure prématurée. Elle peut permettre
également de donner des conseils judicieux pour la pratique sportive afin d'améliorer les
capacités intrinsèques et techniques dans cette pratique.
Autre exemple de pathologie en lien avec un défaut de spirale du MI
Cette personne se présente également en rotation interne globale des MI (diapo 22). En
unipodal (diapo 23), la rotation interne fémorale est majorée, accompagnée d'un affaissement
de la voûte plantaire.
F., femme de 60 ans souffre d'une coxarthrose majorée à droite, commençant à être
invalidante. La localisation de son arthrose est intéressante à regarder (diapo 24) : elle se
trouve dans le cadran inféro-interne. Localisation beaucoup plus rare et créant une
évolution d'usure beaucoup plus lente que l'arthrose à localisation classique.
La bonne question à se poser : pourquoi une usure à cet endroit ? Quelles contraintes
mécaniques peuvent être à l'origine de ce type d'usure ?
A l'examen global, F a une attitude spiralée sur l'ensemble du corps avec des tensions
musculaires fixant ces spirales non physiologiques (diapo 25).
A noter qu'elle souffre des 2 épaules avec une capsulite à droite et des douleurs à gauche.
A l'examen minutieux, on trouve un ploiement iliaque bilatéral (plus fixé à droite), ce qui
précise une rotation interne globale et totale du membre inférieur dans son ensemble. Ce
ploiement iliaque, qui installe le cotyle en interne par rapport à son placement
physiologique, et qui renforce l'appui de la tête fémorale sur sa partie inféro-interne explique
l'usure à cet endroit.
Le travail du déploiement iliaque (diapo 26) est la seule solution à long terme pour soulager
cette zone. Encore une fois, la récupération des axes spiroïdaux de l'ensemble des MI, et pour
ce dans l'ensemble du corps (diapo 27), est la condition sine qua non d'une bonne
récupération fonctionnelle et articulaire.
A noter que dès les premières séances, outre une diminution des douleurs, F. a vu
disparaitre totalement ses douleurs d'épaules.
Conclusion
C’est l’examen minutieux qui va nous permettre d’élucider quelques mystères
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En charge
En décharge
En statique
En dynamique
Les tendances posturales et dynamiques individuelles racontent l’histoire de l’individu et
sont liées à :
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La morphologie (jamais définitive)
L’héritage corporel (mimétisme, développement psychomoteur)
Les activités sportives, professionnelles et autres
L’histoire psycho-affective, l’imaginaire…
Modifier un programme fonctionnel demande d'agir sur des automatismes programmés
mais reprogrammables. Cela implique une motivation et une implication forte du patient luimême, mais aussi de connaitre parfaitement et précisément les défauts dynamiques en
présence.
Reprogrammer les dynamiques spiroïdales du genou permet de supprimer les tensions
nociceptives à l'origine d'un bon nombre de douleurs et d'usure prématurée.

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