Loi du 08/03/1908 instituant la police d`Etat dans
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Loi du 08/03/1908 instituant la police d`Etat dans
Histoire de l’institution Si les Groupes mobiles de réserve (G.M.R.) occupent une place de second rang dans l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale, ils n’en présentent pas moins un double intérêt pour la science politique et la sociologie administrative par ce qu’ils furent et surtout par ce qu’ils laissèrent. A l’origine, ils constituèrent une des réalisations les plus significatives de la police d’État instituée en avril 1941. Par son ambition fondatrice en matière d’organisation du système coercitif, Vichy constitue une étape essentielle dans le processus de modification de la police française, et les C.R.S. en découlent directement. Il est donc réducteur de ne retenir des « lois Darlan » que la création des circonscriptions de police dans les villes de plus de 100 000 habitants ; l’étatisation de la police française, voulue depuis des décennies, fut une mesure capitale et permit de donner à celle-ci une orientation répressive rompant radicalement avec le modèle républicain1. Après les G.M.R., les C.R.S., qui auraient pu n’être qu’une institution à caractère provisoire, limitée à une période de transition, bénéficièrent du climat politique et social de l’après-guerre et prouvèrent leur utilité lors des grèves insurrectionnelles de 1947. Elles jouèrent aussi un rôle important pendant la guerre d’Algérie, pour les opérations de maintien de l’ordre. Plus d’une fois les C.R.S. ont évité au gouvernement des situations de confrontation directe entre l’armée et la population. Nul doute, comme le montre P. Bruneteaux2, que le fonctionnement de ces forces de police spécialisées dans le maintien de l’ordre eut sa part dans le processus de pacification et d’apaisement que connaît la société française depuis la Libération. 1. Les G.M.R. (1941-1944) L’origine des G.M.R. part d’abord d’un constat de carence de la police municipale et du discrédit pesant sur la police de la IIIe République. Les rapports préfectoraux de 1937 à 1940 font généralement état d’effectifs insuffisants et de personnels inopérants3. Une cause plus immédiate réside dans la défaite de 1940 : la convention d’armistice, de juin 1940, qui amenait une réduction considérable des effectifs de l’armée et, par voie de conséquence, des unités de la garde mobile, rendait plus urgente encore la formation d’unités mobiles de police. Les principaux réorganisateurs de la police furent des fonctionnaires ; c’est aux autorités préfectorales qu’incomba la tâche de mettre en place les G.M.R., dans un but de renforcement de l’appareil répressif. La création des G.M.R. fut précédée par celle de 30 intendants, instituée par la loi du 19 avril 1941, les dotant de pouvoirs spéciaux de police. Dépendant directement des préfets de région, les intendants de police furent les premiers maillons de cette bureaucratie répressive spécialisée. Ces nouveaux fonctionnaires, situés à la charnière entre l’administration préfectorale et les services de police, eurent un rôle déterminant dans la mise en place des G.M.R.4. La pierre angulaire de cette ambitieuse réforme est l’étatisation des polices municipales par l'acte dit « loi de Vichy » du 23 avril 1941 . Cette loi étendait le régime de la 1 En ce qui concerne les G.M.R., il existe un ouvrage de référence, la thèse d’Alain Pinel, Une police de Vichy, les Groupes mobiles de réserve, Paris, L’Harmattan, 2004, 498 p. 2 P. Bruneteaux, Maintenir l’ordre, Paris, 1996, p. 151. 3 A commencer par ceux de la région de Marseille : dans ce versement, ont été trouvés des rapports des préfets sur l’état de la police de Marseille en 1938 et sur plusieurs scandales policiers, qui seront reclassés en sous-série 4 M. 4 Parmi ces 30 intendants, figuraient une dizaine d’officiers, au premiers rang desquels des officiers de marine, marques de la période Darlan. Ainsi, l’intendance de police de Marseille fut confiée à 2 marins : le capitaine de frégate Maurice de Rodelec de Porzic et son adjoint le lieutenant de vaisseau Stéphane Auzanneau. 2 police d’État à toutes les communes de plus de 10 000 habitants, de grandes villes comme Lyon et Marseille ayant montré l’exemple depuis longtemps5. Ces polices régionales d’État (P.R.E.), placées sous la direction des préfets régionaux, des préfets de département et des intendants de police, comprenaient, entre autres, une force civile spécifique du maintien de l’ordre : les Groupes mobiles de réserve. Au plan formel, la constitution des G.M.R., formations de police spécialisées dans le maintien de l’ordre, prévue par la loi du 24 avril 1941, débute avec les décrets des 13 mai6 et 7 juillet 19417. Ils furent constitués en zone libre à partir de l’automne 1941. Par la suite, des accords de collaboration durant l’été 1942 autorisèrent leur extension en zone nord, celle-ci ne devenant effective qu’après l’occupation totale du territoire par l’armée allemande en novembre 1942. Enfin, une loi du 17 avril 1943 créa, à l’échelon central, une direction des Groupes mobiles de réserve, et à l’échelon régional, des commandements régionaux des Groupes mobiles de réserve. L’ensemble de cette force « civile » comptait à la fin de 1943 un peu moins de 12 000 hommes, répartis en 57 groupes, composés chacun d’un effectif de 200 hommes environ. Parmi ces 57 groupes (dont 3 groupes à cheval), 10 étaient basés dans la région de Marseille selon le modèle suivant : Nom du G.M.R. Alpes et Amiral de Grasse Provence, Camargue et Mistral Estérel Cévennes Le Cap Comtat Etoile (G.M.R. à cheval) Lieu de cantonnement Nice Marseille Ollioules Uzès Bastia-Ajaccio Avignon Aix-en-Provence8 Menée de pair avec l’étatisation de la police municipale, l’instauration des G.M.R. se plaçait sous le signe de l’opposition au modèle de police de la IIIe République. En changeant d’appellation, la police devait changer de nature ; elle devenait « nationale », non pas tant dans son implantation territoriale, mais dans les principes qui devaient guider son action. Pour l’État français, les G.M.R. symbolisaient une volonté de rupture politique, s’accompagnant par une épuration de la police municipale9. Pour ce, des référents symboliques très clairs furent choisis : à la fin de l’année 1941, chaque G.M.R. est « baptisé » par une dénomination évoquant l’Ancien Régime et faisant l’impasse sur la culture républicaine ; pour la région de Marseille, les G.M.R. « Comtat », évoquant l’ancienne enclave papale, ou « Amiral de Grasse », faisant référence à l’officier de la marine royale sous Louis XVI, en sont de bons exemples. 5 L’étatisation de la police remonte à 1851 pour Lyon, à 1908 pour Marseille, à 1918 pour Toulon et La Seyne, à 1920 pour Nice et à 1925 pour Strasbourg, Mulhouse et Metz. 6 Ce décret rattache aux G.M.R. les Corps Urbains de gardiens de la paix. Il existait donc au sein des polices régionales d’État, d’une part des éléments sédentaires répartis dans les villes et d’autre part, des unités mobiles de réserve. 7 Ce décret précise que les groupes mobiles de réserve sont directement rattachés au service régional de la Sécurité publique et dépendent, dès lors, du préfet régional et de l’intendant, alors que les Corps urbains relèvent du préfet de département. 8 Dans le présent fonds, seules les archives des G.M.R. « Camargue », « Etoile », « Mistral », « Provence », « Cévennes », « Comtat » et « Estérel » ont été retrouvées. Manquent les archives des G.M.R. « Alpes » et « Le Cap », ce dernier ayant eu une existence plus courte, du fait de la libération de la Corse dès la fin de l’année 1943. 9 Les agents relevés de leurs fonctions en 1941 seront reclassés et réintégrés dans la police régionale d’État après la Libération (Archives des Bouches-du-Rhône, 134 W 25, loi d’amnistie, application (1944-1946). 134 W - Commandements régionaux des Groupes mobiles de réserve puis des Compagnies républicaines de sécurité 3 Le recrutement des G.M.R. ensuite fut aussi un des outils de la « Révolution nationale », souhaitant faire du fonctionnaire un modèle social dont le trait principal serait un dévouement absolu à la cause du régime : si le recrutement des G.M.R. se fit sur la base de concours régionaux entre la fin de l’année 1941 et le début de l’année 1944, la procédure légale ne doit pas faire oublier la politique d’exclusion, dite de « francisation » qui prévalut alors dans l’administration : tout recrutement était précédé d’une déclaration faite par l’intéressé de non-appartenance à la « race » juive ou à la franc-maçonnerie. Cette logique discriminatoire, entraînant un processus de tri en amont des épreuves d’admission se concrétisait également par des informations récoltées sur les candidats sous la forme d’enquêtes administratives10. L’action des G.M.R. a évolué durant leur 3 ans d’existence ; ils ont d’abord été conçus pour constituer une force d’intervention urbaine, rapide et efficace, instrument par excellence des préfets pour le maintien de l’ordre. Cette volonté de tenir les villes apparaît clairement avec les localisations de cantonnement ; on le voit bien pour les G.M.R. de la région de Marseille, presque tous implantés dans des préfectures (Ollioules étant à proximité immédiate de Toulon). Positionnés dans une perspective d’épreuves de force en milieu urbain, les G.M.R. prouvèrent leur efficacité lors des manifestations antigouvernementales qui se déroulèrent en zone libre, les plus importantes étant celles de Lyon le 1er mai 1942. En dehors de ces opérations, les agents des G.M.R. étaient la plupart du temps à la disposition des préfets pour assurer la protection des personnalités gouvernementales à l’occasion de cérémonies officielles. A partir de 1943, la logique d’adaptation de l’appareil policier français aux exigences de l’occupant11 conduisit les G.M.R à mener des opérations de poursuite des réfractaires au S.T.O12. Enfin, dans les derniers temps, à partir de l’automne 1943, les G.M.R. furent déployés contre la Résistance. Emanation directe du régime de Vichy, les G.M.R. ne pouvaient politiquement lui survivre. Peu ou trop tardivement engagés dans la Résistance, bien plus impliqués dans la répression des résistants, stigmatisés, selon la formule de M. Le Clère, comme étant ceux qui « furent au plateau des Glières », les G.M.R. devaient disparaître. Ils furent le seul grand service de police faisant l’objet d’une « liquidation », passant par l’épuration de ses membres. 2. Des G.M.R. aux C.R.S., l’intermédiaire marseillais des F.R.S. (1944-1945) L’épuration des G.M.R. fut pourtant un processus incertain, chaque direction de la police organisant sa propre épuration selon des modalités spécifiques. Relativement épargnés par l’épuration révolutionnaire dans le prolongement des combats d’un pays toujours en guerre, les agents G.M.R. firent l’objet d’une épuration administrative, à vocation réintégratrice, de novembre 1944 jusqu’à la mi-1945. En s’appuyant sur les récapitulatifs par région dressés dans les bilans généraux de l’épuration13, Alain Pinel montre la spécificité des régions de Marseille et de Limoges, où l’épuration des G.M.R. fut la plus dure : 48 % des ex-G.M.R. furent maintenus dans les nouveaux C.R.S. (contre 66 % pour la moyenne nationale)14. Parmi les maintenus, c’est aussi à Marseille et à Limoges que l’on observe le plus fort taux de mutations d’office (20 %, pour 10 Les déclarations de non-appartenance à la « race » juive et à la franc-maçonnerie comme les enquêtes administratives apparaissent dans ce fonds (fonctionnement des G.M.R. et recrutement des G.M.R., 134 W 4-5 et 134 W 7-14 bis). 11 Voir le chapitre d’Alain Pinel, op. cit., « La vassalisation de la police française ». 12 Ainsi, le 18 novembre 1943, 150 gardiens du G.M.R. « Comtat » déployés à Avignon permirent d’arrêter une dizaine de réfractaires (Rapport du préfet de Vaucluse du 4 décembre 1943, A.N., F 1 CIII 1195). 13 A.N., C.A.C., Direction générale de la police nationale, 198901158, art.10, procès-verbaux de la commission d’épuration. 14 Plus précisément, l’épuration totale a touché 1150 agents G.M.R. de la région de Marseille, sur un effectif global avant la Libération de 2200 agents, gradés et gardiens : seuls 1050 ex-G.M.R. ont été intégrés dans les C.R.S. (A.D. Bouches-du-Rhône, 134 W 26). 134 W - Commandements régionaux des Groupes mobiles de réserve puis des Compagnies républicaines de sécurité 4 une moyenne nationale de 10 %). Ces bilans sont à relier avec le fait qu’il s’agit des deux régions où l’influence communiste dans l’immédiat après-guerre a été dominante. La spécificité de Marseille tient aussi à une institution qui lui fut propre, les Forces républicaines de sécurité. A la Libération, les préfets régionaux furent remplacés par des commissaires de la République, devenus la seule autorité régionale civile. Le commissaire de la République pour la région de Marseille installé par le Gouvernement provisoire en août 1944, Raymond Aubrac, se préoccupa aussitôt de créer des forces de police à partir des effectifs armés appartenant aux mouvements reconnus de la Résistance. Il prit donc, les 22 et 26 août 1944, deux arrêtés créant les Forces républicaines de sécurité. Forces supplétives de l’Intérieur placées à la disposition du Commissaire de la République pour coopérer à la sûreté du gouvernement de la République par le maintien de l’ordre et la lutte contre le marché noir, les F.R.S. furent organisées en bataillons et en compagnies mobiles formant corps15. A partir d’octobre le général Guillot en assura le commandement, celui-ci dépendant directement du commissaire de la République et restant en liaison étroite avec l’état-major des F.F.I. Leur fonctionnement se heurta dès de départ à des difficultés de toutes sortes (pénurie de matériel et manque d’instruction technique du personnel notamment). On a donc assisté pour la région de Marseille à la coexistence de deux institutions similaires, l’une émanant de Vichy, l’autre composée en grande majorité de membres des F.F.I. et s’intitulant « police du peuple », se présentant en opposition par rapport à la première. Cette anomalie institutionnelle prit fin le 8 décembre 1944 par deux décrets, l’un portant dissolution des Groupes mobiles de réserve, l’autre portant création de 20 commandements régionaux et de 70 compagnies républicaines de sécurité. 8 étaient basées dans la région de Marseille, les 151e-158e C.R.S. L’application du décret de création fut confiée, pour la région de Marseille, au contrôleur général Guillaume Fourt, qui put négocier avec le commissaire de la République le « mélange » de F.R.S. et des éléments « récupérables » des ex-G.M.R., pour la constitution des C.R.S. de la région. Le 31 janvier 1945, les 8 compagnies de la région furent créées, avec un réel métissage F.R.S. / G.M.R. : 4 compagnies (les 151e, 152e, 156e et 157e), étaient commandées par des officiers F.R.S., et 4 autres (les 153e, 154e, 155e et 158e) par des officiers des ex-G.M.R16. Outre l’ossature hiérarchique, un autre élément de continuité G.M.R. / C.R.S fut l’implantation géographique ; les lieux de cantonnement furent exactement les mêmes que ceux des G.M.R., compte tenu de la réduction des 10 groupes mobiles à 8 compagnies : C.R.S. 157 , 158 (ex G.M.R. Alpes et de Grasse) 151e, 152e, 153e (ex G.M.R. Provence, Camargue et Mistral) 155e (ex G.M.R. Estérel) 156e (ex G.M.R. Comtat) 154e (ex G.M.R. Etoile) e e Lieu de cantonnement Nice Marseille Ollioules Avignon Aix-en-Provence Sur le plan politique, la fusion entre F.R.S. et G.M.R. témoignait de l’aptitude du nouveau gouvernement à unir les Français autour d’un même projet. Image positive, qui fut utilisée pour servir de mythe fondateur des C.R.S. 15 Leur implantation géographique était la suivante : 2 bataillons à Marseille, 1 bataillon à Aix, 1 compagnie mobile à Arles, 1 bataillon à Nice, 1 bataillon à Ollioules-Toulon, 1 bataillon à Avignon, 1 compagnie mobile à Gap et 1 compagnie mobile à Digne. 16 Conclusions des commissions d’épuration, A.D. Bouches du Rhône, 134 W 26. Le « métissage » ne s’arrête pas là : il est précisé que les 4 comandants des ex-G.M.R. auront comme adjoint un officier des F.R.S, et inversement. Enfin, chaque compagnie devait comprendre 106 ex-G.M.R. et 106 hommes venant des F.R.S. 134 W - Commandements régionaux des Groupes mobiles de réserve puis des Compagnies républicaines de sécurité 5 3. Les C.R.S. dans la région de Marseille : des débuts difficiles (1945-1948) Plus concrètement, l’intégration de communistes anciens résistants dans la police eut pour conséquence de faire des C.R.S. de la région de Marseille des unités fortement syndiquées à la C.G.T., continuant à s’intituler « police du peuple » et se situant à la charnière entre Résistance et formations de police. En définitive, c’est dans la région de Marseille que sont apparues le plus distinctement l’influence et les limites du modèle alternatif issu de la Résistance. La brève histoire de cette « police du peuple » a fait l’objet d’une étude originale menée dans les années 1970 par Maurice Agulhon en collaboration avec un acteur de l’époque, Fernand Barrat17. Cet ancien ouvrier de l’arsenal de Toulon, militant communiste et ancien F.T.P., fut le commandant des F.R.S. stationnés à Ollioules avant d’être le premier commandant de la C.R.S. locale. Pendant trois ans, l’expérience marseillaise est exemplaire du compromis bancal passé entre le Parti communiste et le gouvernement pour reconstituer une police nationale. Expérience qui fut de courte durée : à la fin de l’année 1947, sur décision du ministre de l’Intérieur Jules Moch, 11 compagnies suspectes d’affinités communistes furent dissoutes, et leurs éléments répertoriés comme tels licenciés : et parmi ces 11, figurent les 8 de la région de Marseille18. Cette décision radicale faisait suite aux violentes manifestations du 12 novembre à Marseille, où, à l’appel du P.C.F. et de la C.G.T., une partie de la population était descendue dans la rue pour protester contre la hausse du prix des transports en commun. Le service d’ordre assuré par les 151e, 154e et 155e CRS, fut débordé. Les militants communistes pénétrèrent dans l’Hôtel de ville et séquestrèrent le maire R.P.F. nouvellement élu. A la tribune de l’Assemblée nationale, Gaston Defferre parla d’une complicité des C.RS. avec l’émeute. La thèse d’une fraternisation entre les forces de l’ordre et la foule avancée par les socialistes, si elle semble aujourd’hui excessive, servit de prétexte pour opérer des mesures radicales : dès le 14 novembre, les 151e et 155e C.R.S. furent désarmées et dissoutes ; la loi du 27 décembre 1947 prononçait la dissolution de tout le groupement n°6 de Marseille, c’est-àdire des compagnies qui portaient les numéros 151 à 15819. Le décret d’application du 7 janvier 1948 organisait une refonte de l’implantation des unités et des groupements. Le groupement de Marseille, passé au n° IX, couvrait le territoire des Hautes et Basses-Alpes20, des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône, de la Corse, du Gard, de la Lozère, du Var et du Vaucluse. Les compagnies, vidées de leurs éléments communistes, étaient réduites à 6 : C.R.S. N° 172 et 174 N° 183 N° 6 N° 162 N° 161 17 Lieu de cantonnement Marseille Toulon Nice Uzès Montpellier Maurice Agulhon, Fernand Barrat, C.R.S. à Marseille, la police au service du peuple, 1944-1947, Paris, 1971, 228 p. 18 Les trois autres compagnies dissoutes furent les 144e, 145e, et 146e, toutes trois basées dans le département de la Loire, à Roanne et à Saint-Etienne. 19 Sur le reste du territoire en revanche, les C.R.S surent contenir avec succès les vagues de grèves insurrectionnelles qui eurent lieu dans plusieurs régions industrielles (le Nord Pas-deCalais, la Lorraine, le département de la Loire). Au total, entre le 10 novembre et le 10 décembre 1947, les C.R.S effectuèrent 1190 opérations de maintien de l’ordre (Robert Le Texier, Les C.R.S., p. 15). 20 Ce département a changé de nom depuis et aujourd’hui est le département des Alpes-de-Haute-Provence. Dans le répertoire, le nom « Basses-Alpes » a été utilisé de préférence. 6 134 W - Commandements régionaux des Groupes mobiles de réserve puis des Compagnies républicaines de sécurité Enfin, le 26 mars 1948 paraît le décret fixant de façon précise les missions et conditions d’emploi, l’organisation et les règles de discipline des C.R.S. C’est sur ce décret organique que vont être fondées pendant près de 30 ans – jusqu’au décret du 28 décembre 1977- l’organisation et le fonctionnement des Compagnies républicaines de sécurité, fonctionnement qui n’est pas sans rappeler celui des ex-G.M.R. : l’essentiel de leur action reste le maintien de l’ordre public, assortie de services d’ordre et d’honneur accomplis à l’occasion du déplacement de personnalités. En définitive, l’instauration des C.R.S fut davantage une adaptation qu’un renversement du modèle vichyste. Les changements opérés à la Libération ne furent guère que des modifications de forme. En matière d’organisation de la police, Vichy fut une rupture par rapport à la IIIe République, tandis que la Libération et ses lendemains furent dans la continuité du modèle initié par les lois Darlan de 1941. L’expression « police du peuple », censée créer une nouvelle conscience professionnelle, eut au final une influence très réduite, sans doute, comme le suggère M. Agulhon parce qu’ elle se montra peu disposée à réprimer le peuple dans un contexte où grandissait la menace du péril communiste. A partir de 19471948, sur fond de guerre froide, tout discours faisant référence aux notions de policier-citoyen se trouva chargé de connotations négatives.