Numéro 21 - Association des cap
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Numéro 21 - Association des cap
LE CANARD-VAPEUR BULLETIN DE L'ASSOCIATION DES CAP-HORNIERS DE PLAISANCE Siège : P. Caldini, 3 rue du 10-Septembre, 21220 Fixin. Tel : 03.80.52.46.90 httn://mapage.noos.fr/cabodehornos Numéro 21 - janvier 2004 ÉDITORIAL : « L'ESPRIT DE SAINT-MALO » Dans le dernier Canard-Vapeur, le capitaine Roger Ghys, président de la section franco-belge de l' Amicale des capitaines au long cours cap-horniers, nous a délivré un magnifique message dans lequel il souhaitait « que ces liens d'amitié au-delà des frontières, cet esprit d'équipe et cette fraternité parmi les cap-horniers servent d'exemple à notre jeunesse ». Notre rassemblement à Granville et Saint-Malo, de l'avis de vous toutes et tous, s'est inscrit dans ce cadre... une certaine forme d'« esprit de Saint-Malo » est apparue. Il est vrai que nous avons tous réalisé un rêve commun : tourner autour du Cap Horn... du cap dur... et que lors de son franchissement, nous ne pouvions pas oublier ces « marins inégalés qui ont vécu la prestigieuse épopée de la voile ». Lors de notre assemblée générale, qui s'est déroulée dans une atmosphère d'amitié, nous avons retrouvé cet esprit en écoutant avec passion Jacques Thomas, autorité mondialement reconnue en matière de boomerang et de bois de jet, qui a évoqué le souvenir de La Pérouse découvrant le boomerang, et a procédé à un impeccable lancer-rattraper sous nos yeux ébahis, et Bruno d'Halluin ( La Volta, édition Transboréal), qui nous a mis dans le sillage des grands découvreurs. Antoine Zuliani et Alain Renon, qui nous ont fait danser et chanter, ont imprimé joyeusement cette réunion de leurs talents. Ainsi notre atypique et chaleureuse association continue à se développer avec nombre de projets sympathiques que vous trouverez dans le compte-rendu de l'AG. Pour ceux qui n'ont pu venir, n'oubliez pas d'envoyer votre cotisation 2004, fixée à 10 euros, par chèque libellé à l'ordre de l'Association. En ce début d'année, le Bureau et moi-même vous présentons tous nos meilleurs voeux de santé, de joie... et de belles navigations. JACQUES REY, Président de l'ACHP ASSEMBLEE GENERALE DU 13 DECEMBRE 2003 Lieu : Cercle de l'UAG, 49 rue Blanche, 75009 Paris. Membres présents : 33. Nombre de pouvoirs : 9. Effectifs de l'association : 70 membres, répartis en 58 membres actifs, 8 membres associés et 4 membres d'honneur. Déroulement A 19 h 45, le président de l'Association des Cap-Horniers de Plaisance (ACHP), Jacques Rey, a ouvert la séance et les points suivants ont été adoptés à l'unanimité - Compte tenu de l'absence du trésorier, Paul Caldini, retenu par un deuil familial, le bilan financier n' a pas pu être présenté. Le président indique que les finances sont saines et qu'avant les cotisations 2004 le bilan était positif à hauteur d'environ 600 euros. Christian Laurent et d'autres membres demandent que le bilan soit présenté dans le Canard-vapeur (comme à l'accoutumée). - Le président rappelle le succès du rassemblement de 27 membres à Granville et Saint-Malo en octobre dernier. Les membres souhaitent que de telles réunions se renouvellent dans des lieux mythiques comme Ouessant ou Guernesey. La faisabilité d'un projet sur Guernesey doit être élaborée par Robert Brégeon, Marcel Ménard et Jacques Rey ; la date la plus favorable se situant dans la première quinzaine d'octobre 2004. - Les liens avec l'Amicale Internationale des Capitaines au Long Cours Cap-Horniers (AICH) se sont développés malgré sa dissolution en mai 2003. Le capitaine Ghys (secrétaire international de l' AICH), le docteur Le Mouëllic (chancelier de la médaille et gardien du livre d'or), Monsieur Philippe Mangon (président de l'association des amis du musée des capitaines cap-horniers) sont nommés membres d'honneur de l'ACHP. Hélène Berthou, petite-fille de cap-hornier, membre du conseil d' administration, est chargée du maintien des relations avec l'AICH et l'association des amis du musée. -Les liens avec des associations de cap-horniers de pays étrangers (Angleterre, Pays-Bas, ...) sont à développer. Christian Laurent en prend la charge. Elections au Conseil d'Administration Hélène Berthou et Christian Laurent sont élus au conseil d'administration qui est composé ainsi : - Bureau Jacques Rey, président (mandat expirant en 2006) Alain Chasseignaux, secrétaire général (mandat expirant en 2006) Paul Caldini, trésorier (mandat expirant en 2005) Sabine Garnier (jusqu'en 2005), rédactrice du Canard Vapeur - Autres membres Robert Brégeon, région Ouest (mandat expirant en 2007) Jacques Vauchel, région Sud/Montpellier (mandat expirant en 2007) Jean-Claude Boyer région Sud-Ouest (mandat expirant en 2007) Hélène Berthou, relations avec l'AICH (mandat expirant en 2008) Christian Laurent, relations 'internationales' (mandat expirant en 2008) Rappel des statuts L'association a été créée le 18 mai 1995. Le siège social est situé chez Paul Caldini. Toute consultation des statuts peut être demandée au président qui en détient un exemplaire. Toutes les modifications à signaler à la Préfecture sont à jour. L'article 2 énonce : « Cette association a pour but : de faire connaître les Cap-horniers de Plaisance ; leur procurer un signe distinctif ; leur permettre de se rencontrer ; leur faciliter la réalisation de croisières insolites. » JACQUES REY NOTE DE LA REDACTION Le rapport financier pour l'exercice 2003 sera publié dans le prochain Canard-Vapeur, après la réunion du Président et du Trésorier, prévue courant février 2004 à Fixin, afin de procéder aux aménagements nécessaires pour garantir le fonctionnement et la sécurité du compte. DATES A RETENIR EN 2004 - Week-end du 8-10 octobre 2004: Sortie, probablement à Ouessant (organisée avec la SNSM locale), car il faut réserver plus d'un an à l'avance pour Guernesey ! qui se fera donc vers 2005... - Samedi 11 décembre 2004, 19h30 : Assemblée générale, à l'UAG (même lieu qu'en 2003). « L'UNIVERS DU BOOMERANG ET DES BOIS DE JET » DE LA PREHISTOIRE A LA CONQUETE DE L'ESPACE Quand,, à la fin du XVIII° siècle, les explorateurs maritimes anglais et français atterrirent aux rivages de la Nouvelle-Hollande - que l'on n'appelait pas encore l'Australie -, ils rencontrèrent pour la première fois les Aborigènes. Etranges peuplades, allant complètement nus mais portant un bandeau de tête rouge, errant et vivant de cueillette, chassant l'émeu et le kangourou, dormant sous des huttes provisoires de branches et d'herbe, ils étaient environ 300.000 répandus sur un immense territoire, de la taille des Etats-Unis d' Amérique, vivant encore à l'âge de pierre. Bien adaptés à leur environnement, les Aborigènes lançaient avec adresse la sagaie et des armes que l'on n'avait jamais vues, en bois, souvent courbes, que les premiers explorateurs du territoire prirent à tort pour des « sabres de bois ». Il s'agissait en fait des premiers bois de jet à paraître aux yeux des Occidentaux. « Bois de jet » étant le terme générique que j'ai dû imaginer pour qualifier l'ensemble des objets bipales qui, lancés à la main, sont capables de voler rapidement en tournoyant sur eux-mêmes, tout en étant de dimensions, de poids, d'aptitudes et d'usage très varié. Volant droit devant, après avoir été lancés dans un plan pratiquement horizontal, les killingsticks ou pales de jet étaient des armes d'une précision et d'une efficacité redoutables, capables de frapper une cible à plus de 150 mètres. Les Aborigènes les utilisaient au combat entre tribus, à la chasse à l'émeu et au kangourou. Assez grands et lourds, leur envergure pouvait atteindre presque un mètre, et leur poids 500 grammes. Plus petits et plus légers, les bâtons de jet ou throw-sticks ne vont pas aussi loin que les pales de jet. Ils étaient utilisés à la chasse aux oiseaux et aux petits animaux. Plus légers, souvent, que les précédents, certains bois de jet avaient l' incroyable aptitude de revenir à leur lanceur après avoir été lancé assez haut en l'air. On leur donna le nom de boomerang d'après ce que l' oreille avait cru percevoir du mot utilisé par les premiers Aborigènes rencontrés. Aucun Occidental n'en avait jamais vu, nulle part. Leur découverte suscita l'embarras et la perplexité. Le mystère de leur retour était troublant à une époque où l'on croyait fermement pouvoir tout expliquer de façon scientifique ! les récits de l'usage qu'en faisaient les Aborigènes étaient confus, mêlant les aptitudes des boomerangs et des pales de jet dont on n'avait pas perçu la différence. Ainsi certains auteurs font-ils mention d'armes incroyables, capables de frapper un ennemi ou une proie à distance, et de revenir docilement aux pieds de leur lanceur. Ce qui est évidemment impossible car l'équilibre du vol de l'appareil serait gravement perturbé par sa rencontre avec un corps étranger. Les boomerangs servaient à la chasse aux oiseaux, et il en existait deux types, utilisés de façons différentes. Certains, plus lourds que les autres, étaient lancés dans des vols d'oiseaux passant à basse altitude, suivant une trajectoire formant un angle de 45 degrés avec l'horizontale. S'ils tuaient ou blessaient des oiseaux, ils retombaient avec eux et les chasseurs allaient les récupérer en même temps que le gibier. Sinon, après avoir atteint une certaine hauteur, ils revenaient, toujours en tournoyant sur euxmêmes, suivant leur trajectoire aller. En lançant ces mêmes boomerangs à plat, dans un plan horizontal, leur trajectoire s'incurvaient rapidement vers le haut, et ils montaient à la verticale avant d' inverser leur mouvement et de redescendre. La seconde manière de chasser les oiseaux avec un boomerang consistait à l'utiliser comme leurre. Dans certaines régions du continent, des vols de canards se déplaçaient à périodes déterminées, en suivant à basse altitude le lit des cours d'eau. Cachés sur les berges, derrière des buissons, les Aborigènes lançaient soudain leurs boomerangs suivant une trajectoire formant un angle de 15 à 20 degrés avec l'horizontale, en donnant à leur plan une légère inclinaison vers l' extérieur. Ainsi lancé, la trajectoire d'un boomerang est presque circulaire, facile à prévoir, s'élevant à une certaine altitude, atteignant une distance de 30 à 40 mètres avant de revenir. Quand leurs boomerangs survolaient les oiseaux, les Aborigènes poussaient le cri d'un faucon, et les oiseaux effrayés, craignant une attaque venue du haut, se rapprochaient de l'eau pour venir se prendre dans des filets en fibre végétale, tendus en des points de passage obligé, d'une berge à l'autre. Aujourd'hui, de façon traditionnelle, les chasseurs de palombes du Pays basque utilisent une technique tout à fait comparable dans les cols des Pyrénées, tendant des filets entre de grands et vieux arbres conservés à ces fins. Sur les crêtes de la vallée en amont, des guetteurs sont postés sur des miradors, prêts à lancer des disques de bois blanc, de la taille d'une raquette de ping-pong, derrière et sous les vols migrateurs venant du nord. Ce sont les palettes, mais elles n' ont pas l'avantage de revenir. Tournoyant sur elles-mêmes par effet aérodynamique, elles sont perçues par les oiseaux sous la forme d'un éclair blanc qui pourrait être celui d'un autour se préparant à l'attaque par-dessous. La réaction des oiseaux est la même. Plongeant en direction du sol_, cherchant l'abri des grands arbres, ils viennent se prendre dans les filets tendus. (...) L'intérêt que je porte au boomerang prit naissance, il y a plus de vingt-cinq ans, à l' occasion d'une mission que me confiait l' Unesco en Océanie, pour la réalisation d'un programme audiovisuel sur son peuplement et la tradition encore vivante. En étudiant des traités d'ethnographie, bien qu'elle ne fut pas dans ma zone d'investigation, je découvrais l'existence concrète du boomerang en Australie. J'apprenais que les bois de jet y avaient été largement répandus dans le passé, qu'il en existait une grande variété incluant les boomerangs. Tout ceci ne manquait évidemment pas de m'intriguer. (...) Quelques mois plus tard, dans un parc public à Lyon, je faisais la connaissance d'un Frère Mariste qui tenait d'autres Frères, vivant en Australie, des informations quant à la méthode de fabrication et au mode d'utilisation de boomerangs élémentaires en contreplaqué. II me donna l'un des siens et m'apprit à le lancer. Je le conserve précieusement car il fut à l'origine d'une longue période de pratique, d'étude et de recherches autour du monde au cours de laquelle je nouais des amitiés durables, tant en France qu'à l'étranger. Dès ce moment, je consacrais le plus clair de mon temps au boomerang et à tout ce qui s'y rapporte, jusqu'à avoir l'honneur d'en être considéré comme le premier spécialiste au monde. Aidé par une formation aéronautique de pilote militaire, façonnant d'innombrables modèles, en bois ou en matières plastique, je m' efforçais dec omprendre et d'expliquer les principes du vol et du retour d'un boomerang. J'écrivais des articles publiés dans des magazines scientifiques ( Science & Vie, New Scientist etc.). Radios et télévisions m'interviewaient. Des universités et des musées me demandaient des conférences. Je créais des modèles de sport réputés. J'écrivais et éditais Magie du boomerang, un livre de 230 pages. Je fondais deux clubs nationaux et me voyais fait membre d'honneur de plusieurs associations françaises et étrangères. Il serait trop long d'exposer ici le comment et le pourquoi du vol et du retour d'un boomerang. Il n' est d'ailleurs pas nécessaire de le savoir pour lancer avec succès. Disons simplement qu'ayant quelque chose à voir avec un disque volant, un avion en virage, une hélice d'avion et un rotor d' hélicoptère, le boomerang est aussi un gyroscope. A chacun de ces systèmes, il emprunte ses caractéristiques de base pour en faire un amalgame qui fait de lui un boomerang. Si cette réponse est simple, le phénomène est cependant assez complexe dans son intégralité. Il est plus facile à comprendre quand chacun de ses aspects est analysé séparément. La forme en plan d'un bois de jet est presque plate, si ce n'est un profil aérodynamique des pales. C'est en vrillant celles-ci, comme les pales d'une hélice, que les Aborigènes obtenaient un retour de leurs boomerangs. On donne, aujourd'hui, aux pales des boomerangs de sport un profil d'aile d' avion d'un meilleur rendement aérodynamique, qui, pour une même traînée, développe une portance bien supérieure. Les boomerangs modernes sont de modèles extrêmement variés. Pendant longtemps, et même aujourd'hui pour beaucoup, on a cru que seuls les aborigènes australiens avaient connu le boomerang et les bois de jet. Cependant, plus petits et plus légers que les pales et les bâtons de jet qui ne reviennent pas, on a trouvé des boomerangs datant de la préhistoire sur des sites archéologiques européens. En Suède et au Sahara, on trouve des gravures rupestres préhistoriques représentant des personnages tenant à la main ce qui ressemble à des boomerangs. Les Indiens Hopi d'Amérique utilisaient de superbes pales de jet pour chasser le lapin, mais qui ne revenaient pas. (A suivre...) JACQUES THOMAS