Etude juridique traite des femmes

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Etude juridique traite des femmes
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
Etude juridique sur l’état des lieux en ce qui concerne
la traite des femmes marocaines à des fins d'exploitation sexuelle
Michèle Zirari
Introduction _______________________________________________________________ 3
1.
La traite aux fins d'exploitation sexuelle dans les conventions internationales ______ 6
1.1
Les conventions générales relatives aux droits humains __________________________ 6
1.2
Les conventions spécifiques à la traite et à l'exploitation sexuelle __________________ 7
1.2.1 - Les premiers traités ___________________________________________________________ 7
1.2.2 - La convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la
prostitution d'autrui du 2 décembre 1949 __________________________________________________ 9
1.2.3 - La convention sur la criminalité transnationale organisée ____________________________ 10
1.2.4 - Le protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des
femmes et des enfants additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée. _________________________________________________________________________ 12
1.3
2.
Place des conventions internationales dans le droit marocain ____________________ 14
La traite aux fins d'exploitation sexuelle en droit interne marocain _____________ 16
2.1
La prostitution ___________________________________________________________ 17
2.1.1 2.1.2 AB-
2.2
Définition de la prostitution ___________________________________________________
La prostitution dans le code pénal ______________________________________________
La prostitution n'est pas une infraction spécifique __________________________________
Les comportements accessoires à la prostitution, punissables _________________________
L'exploitation de la prostitution ou de la débauche d'autrui : le proxénétisme ______ 20
2.2.1 - L’assistance à la prostitution et à la débauche d'autrui, et la perception de leurs profits (article
498 du code pénal) __________________________________________________________________
A - Les différentes hypothèses prévues par le code_____________________________________
B - La sanction de ces incriminations ______________________________________________
2.2.2 - Le fait d’héberger des personnes se livrant à la prostitution ___________________________
A - La tenue d’un établissement de prostitution. _______________________________________
B - La tolérance à la prostitution dans un établissement ouvert au public ___________________
C - La mise à la disposition de locaux destinés à la prostitution ___________________________
D - Sanction des infractions prévues par l’article 501 ___________________________________
E - Le délit de proxénétisme hôtelier prévu par l’article 503 _____________________________
2.3
17
18
18
18
20
20
23
27
27
28
28
28
29
L’exploitation de personnes dans la pornographie _____________________________ 29
AB-
Les mineurs ________________________________________________________________ 29
Les majeurs ________________________________________________________________ 30
-1-
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
2.4
L'utilisation de la violence, de l'enlèvement ou de la séquestration ________________ 30
ABC-
3.
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L'utilisation de la violence _____________________________________________________ 30
L'enlèvement et la séquestration ________________________________________________ 31
La combinaison de plusieurs qualifications________________________________________ 31
La traite aux fins d'exploitation sexuelle de dimension internationale ___________ 33
3.1
Le passage des frontières __________________________________________________ 34
3.1.1 3.1.2 -
3.2
La personne qui passe la frontière _______________________________________________ 34
L’aide au passage irrégulier des frontières ________________________________________ 34
Le jugement au Maroc de l’exploitation sexuelle commise à l’étranger ____________ 35
3.2.1 3.2.2 AB-
Un élément de l’infraction a été commis sur le territoire marocain (article 500 du code pénal)
La victime ou l’auteur de l’infraction est de nationalité marocaine _____________________
Infraction commise à l’étranger par un Marocain, __________________________________
Infraction commise à l’étranger dont la victime est un Marocain _______________________
36
37
37
37
Annexe 1 : Extraits du code pénal ____________________________________________ 39
Annexe 2 : principales conventions internationales _______________________________ 43
Annexe 3 : page consacrée au Maroc dans le rapport mondial sur la traite des personnes,
UNDOC, février 2009. ______________________________________________________ 47
Annexe 4 - Bibliographie ____________________________________________________ 48
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
Introduction
L'étude ayant pour titre "la traite des femmes marocaines à des fins sexuelles",
l'introduction va s'attacher à en définir clairement les termes.
La traite
Le terme "traite" peut sembler au premier abord, désuet et dépassé, renvoyant au
commerce triangulaire des esclaves, traite négrière où les noirs étaient achetés en
Afrique, déportés dans des conditions atroces sur le continent américain où ils étaient
échangés contre des marchandises. Si ce commerce, qui a duré du XVè au XIXè
siècles, a totalement disparu, la traite quant à elle se poursuit sous d'autres formes.
Au dix neuvième siècle est apparue l'expression "traite des blanches " que l'on trouve
déjà par exemple sous la plume de Victor Hugo. L'expression "traite des blanches"
désignait et désigne encore l'enlèvement et le transport de jeunes femmes pour les
forcer à la prostitution1. L'expression a une forte connotation raciste, puisqu'elle laisse
entendre que l'intérêt porte sur les seules femmes blanches à l'exclusion de toutes les
autres, noires, métisses ou asiatiques. C'est pourquoi l'expression n'est jamais reprise
dans les conventions internationales récentes2.
Le terme "traite" désignait anciennement l'action de transporter, mais le terme a vieilli
et n'est plus employé dans cette acception. On le trouve cependant dans les
conventions internationales et notamment dans le protocole additionnel à la
convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à
prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des
1
2
La réalité de cette traite a été contesté dans des ouvrages récents notamment : Jean Michel CHAUMONT,
"Le mythe de la traite des blanches – enquête sur la fabrication d'un fléau", éditions La découverte, 2009.
En réalité ces ouvrages ne nient pas l'exploitation sexuelle subie mais affirment qu'elle n'est pas toujours
imposée par la déportation et la violence, qu'elle est fréquemment acceptée et que, de ce fait, le terme traite
est inadéquat. Ils dénoncent également la violation des droits et libertés au nom des politiques de lutte
contre le trafic : "Malheureusement, on assiste à un accroissement du soutien des campagnes de lutte contre
le trafic qui confondent travail du sexe et trafic et qui reposent sur des mesures contraires au respect des
droits et libertés. Parmi elles, notons la réduction de la liberté de mouvement des femmes (Népal), la
répression des travailleuses du sexe immigrantes ou non par des descentes de police dans les bordels (Inde,
Bangladesh, Cambodge) et l'emprisonnement (Thaïlande, France, Canada), la réhabilitation forcée
(Cambodge, Bangladesh, Nigeria), les tests obligatoires de dépistage du VIH (Nigeria), les déportations
dangereuses et les lois criminalisant le travail du sexe". (http://cybersolidaires.org).
On verra plus loin que les premières conventions du début de XXe siècle utilisaient cette expression mais
elle a été très rapidement abandonnée.
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enfants. C'est la définition donnée par ce protocole que nous adopterons pour la
présente étude :
L’expression “traite des personnes” désigne le recrutement, le transport,
le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de
recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par
enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de
vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages
pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre
aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum,
l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation
sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques
analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes.
(article 3, a) du protocole additionnel).
A la lecture de cette définition, on peut définir la traite comme :
- la prise en charge d'une personne
- par toute forme de contraintes
- en vue de son exploitation.
La définition de la traite donnée par le protocole concerne toute personne, quel que
soit son sexe et son âge et toutes les formes d'exploitation. L’étude ne concerne pas
toutes les formes d’exploitation mais uniquement l’exploitation sexuelle. Il faut
cependant garder bien présent à l’esprit que l’exploitation pour le travail ou les
services forcés incluent assez fréquemment l’exploitation sexuelle dès lors que l’âge et
le physique de la victime y incite peu ou prou.
L'exploitation sexuelle
Le phénomène de l’exploitation sexuelle est mondial, mais reste très difficile à
évaluer. Selon le département d'Etat américain, 4 millions de femmes sont victimes
d'exploitation sexuelle chaque année. Pour les spécialistes de la question, la
prostitution est le socle sur lequel se développe le trafic d'êtres humains. S'y ajoutent le
tourisme sexuel et la pornographie sous la contrainte. Dès lors, les bases d'estimations
chiffrées utilisées pour mesurer le phénomène sont celles de la prostitution.
On dit de la prostitution qu’elle est le plus vieux métier du monde. Si la pratique est
ancienne elle est également largement répandue3. Certaines personnes se prostituent
volontairement ; peut-on pour autant affirmer qu’elles choisissent de le faire ? La
3
Sur la prostitution au Maroc, Voir par exemple « Maroc : Le business du sexe », Lejournal-hebdo nº 196 du
19 au 26 février 2005.
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majorité le fait sous la contrainte, au moins économique. Bien « organisée », la
prostitution est une activité qui peut rapporter beaucoup ce qui explique que petits et
grands malfaiteurs cherchent à en tirer profit et obligent des femmes et des enfants
principalement, à travailler pour leur compte. Des réseaux d’exploitation de la
prostitution existent à l’intérieur du Maroc ; ils existent également à l’échelle
internationale la mondialisation facilitant les échanges et supprimant les distances.
Domaine de l'étude
L’étude concerne la traite des êtres humains et non le trafic illicite de migrants qui
peut être défini comme « le fait d’assurer, afin d’en tirer, directement ou
indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l’entrée illégale
dans un État Partie d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un résident
permanent de cet État »4. Le trafic se borne donc à faire passer illégalement les
frontières d’un Etat moyennant contrepartie. Mais il existe sans doute de nombreuses
situations où le trafic se transforme en traite lorsque la contrepartie réclamée oblige le
ou la migrant(e) à effectuer des travaux imposés par le trafiquant.
En ce qui concerne les personnes, et malgré son intitulé, l'étude va concerner tout être
humain quel que soit son âge et sa nationalité. En effet, que ce soit dans le domaine
pénal ou dans celui de la circulation des personnes, le droit ne fait pas de distinction en
fonction du sexe. Par ailleurs, l'enfant étant, selon la convention relative aux droits de
l'enfant tout être humain de moins de dix huit ans, l'étude devra prendre en compte les
dispositions spécifiques aux mineurs.
La première partie sera consacrée aux conventions internationales, la deuxième
traitera des dispositions du droit marocain et la troisième partie abordera les aspects
internationaux
4
Article 3, a) du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention
des nations unies contre la criminalité transnationale organisée.
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
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1 . La traite aux fins d'exploitation sexuelle dans les
conventions internationales
Le premier point de ce développement traitera des conventions internationales
relatives aux droits humains que l'on peut qualifier de générales, en ce sens qu'elles
posent le principe du respect de l'ensemble des droits fondamentaux et, de ce fait,
intéressent forcément l'objet de l'étude (1.1). Mais il existe des conventions consacrées
plus directement à cet objet et un deuxième point portera sur les instruments
internationaux qui ciblent spécifiquement la traite des êtres humains et en particulier
l'exploitation sexuelle (1.2). Enfin le troisième point traitera de la place des
conventions internationales et de leur caractère contraignant dans le droit marocain
(1.3)
1.1
Les conventions générales relatives aux droits humains
Les conventions générales relatives aux droits humains, en posant les principes de base
destinés à assurer le respect des droits et libertés, concernent l’exploitation sexuelle
des femmes. En affirmant que tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de
sa personne, que nul ne doit être tenu en esclavage, que toute personne a le droit de
circuler librement, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme condamne par là
même la traite et l'exploitation. Le pacte sur les droits civils et politiques reprend ces
principes. Par exemple il dispose dans son article 8 " Nul ne sera tenu en esclavage;
l'esclavage et la traite des esclaves, sous toutes leurs formes, sont interdits. ... Nul ne
sera tenu en servitude.... Nul ne sera astreint à accomplir un travail forcé ou
obligatoire... ". Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels prévoit dans son article 6 : « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent
le droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de
gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté5, et prendront des mesures
appropriées pour sauvegarder ce droit» et dans l’article suivant « le droit de jouir de
conditions de travail justes et favorables comportant notamment un salaire équitable,
une existence décente, la sécurité et l’hygiène du travail...... ». Plus généralement, les
principes de liberté et de respect de la personne affirmés tout au long de ces pactes
sont une condamnation catégorique de la situation faite aux personnes victimes de la
traite et de l'exploitation6.
On retrouve la même condamnation dans les autres conventions notamment la
convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des
femmes, et en particulier son article 6 qui dispose que "Les Etats parties prennent
toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives pour supprimer,
5
6
Souligné par nous.
Les pactes ont été ratifiés le 3 mai 1979, publiés au Bulletin officiel du 21 mai 1980, p. 334.
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sous toutes leurs formes, le trafic des femmes et l'exploitation de la prostitution des
femmes".
La convention relative aux droits de l’enfant7 traite également de l’exploitation
sexuelle. On peut citer son article 34: "Les Etats parties s'engagent à protéger l'enfant
contre toute forme d'exploitation sexuelle et de violences sexuelles". Il faut également
mentionner le protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant
concernant la vente d’enfants , la prostitution des enfants et la pornographie mettant en
scène des enfants8, dont on peut dire qu’il est entièrement consacré à l’exploitation
sexuelle des enfants, étant entendu qu’est considéré comme enfant toute personne qui
n’a pas encore atteint l’âge de dix huit ans.
L'ensemble des conventions relatives à l'esclavage peuvent également être
mentionnées car la situation des femmes forcées à la prostitution s'apparente souvent à
l'esclavage. La condamnation et la lutte contre l'esclavage et la traite au niveau
international ont débuté dès le début du 19è siècle. Aux congrès de Vienne en 1815 et
de Vérone en 1822 les puissances se sont déclarées prêtes à concourir à l'abolition de
la traite. Le traité de 1841 engageait toutes les puissances signataires à prohiber tout
trafic d'esclaves. Par la suite divers actes se sont succédés jusqu'à la convention
relative à l'esclavage de 1926 et la convention supplémentaire de 1956, toujours en
vigueur à l'heure actuelle.
La lecture de ces documents montre qu'ils concernent surtout, dans la pensée de leurs
rédacteurs, l'esclavage "traditionnel", qui est défini comme "l'état ou la condition d'un
individu sur lequel s'exercent les attributs du droit de propriété ou certains d'entre eux"
et la traite des esclaves comme "tout acte de capture, d'acquisition ou de cession d'un
individu en vue de le réduire en esclavage ; tout acte d'acquisition ou de cession d'un
esclave en vue de le vendre ou de l'échanger ; tout acte de cession par vente ou
échange d'un esclave acquis afin d'être vendu ou échangé, ainsi que, en général, tout
acte de commerce ou de transport d'esclaves"9. Certes, ces conventions peuvent
s'appliquer à un certain nombre de situations d'exploitation sexuelle. Cependant nous
nous arrêterons essentiellement sur les conventions spécifiques à la question de la
traite et de la l'exploitation sexuelle.
1.2
Les conventions spécifiques à la traite et à l'exploitation sexuelle
La nécessité de lutter contre la traite des femmes en vue d'exploitation sexuelle émerge
dans les dernières décennies du XIXe siècle.
1.2.1 - Les premiers traités
7
8
9
Ratifiée par le Maroc le 21 juillet 1993 publiée au Bulletin officiel du 19 décembre 1996, p. 897.
Ratifié par le Maroc le 2 octobre 2001, publié au Bulletin officiel du 4 mars 2004, p. 340.
Article 1er de la convention relative à l'esclavage de 1926.
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Dès le début du XXè siècle, des conventions internationales interviennent dans le
domaine de l’exploitation sexuelle des femmes. La première semble être
l'arrangement international en vue d’assurer une protection efficace contre le trafic
criminel connu sous le nom de traite des blanches de 1904. Cet accord ainsi que ceux
qui le suivent immédiatement sont marqués par leur date et l’esprit de l’époque. Les
intitulés eux-mêmes en témoignent « Arrangement international pour la répression de
la traite des blanches ». la terminologie utilisée en témoigne également : Les chefs des
Etats signataires : "Désireux d’assurer aux femmes majeures, abusées ou contraintes,
comme aux femmes et filles mineures, une protection efficace contre le trafic criminel
connu sous le nom de «traite des blanches», ont résolu de conclure un arrangement à
l’effet de concerter des mesures propres à atteindre ce but, et ont nommé pour leurs
plénipotentiaires, savoir : (Suivent les noms des plénipotentiaires) lesquels, ayant
échangé leurs pleins pouvoirs trouvés en bonne et due forme, sont convenus des
dispositions suivantes". L'arrangement prévoit :
- la désignation d'une autorité chargée de centraliser tous les renseignements sur
l’embauchage des femmes et des filles en vue de la débauche à l’étranger,
- une surveillance en vue de rechercher, particulièrement dans les gares, les ports
d’embarquement et en cours de voyage, les conducteurs de femmes et filles
destinées à la débauche,
- de recevoir les déclarations des femmes ou filles de nationalité étrangère qui se
livrent à la prostitution, en vue d’établir leur identité et leur état civil, et de
rechercher qui les a déterminées à quitter leur pays. Les renseignements recueillis
sont communiqués aux autorités du pays d’origine desdites femmes ou filles, en
vue de leur rapatriement éventuel. Les gouvernements contractants s’engagent,
dans les limites légales,
- à exercer, autant que possible, une surveillance sur les bureaux ou agences qui
s’occupent du placement de femmes ou filles à l’étranger.
Malgré sa terminologie désuète et sa brièveté, cet arrangement mérite d'être mentionné
dans le cadre de cette étude car il est le premier instrument international consacré
spécifiquement à l'exploitation sexuelle des femmes. Il est suivi très rapidement la
convention du 4 mai 1910 relative à la répression de la traite des blanches 10.
Interviennent ensuite la convention du 30 septembre 1921 pour la répression de la
traite des femmes et des enfants, la convention du 11 octobre 1933 pour la répression
de la traite des femmes majeures.
Pendant les années vingt, un comité d'experts est chargé par la Société des Nations de
superviser une enquête internationale sur la traite des femmes et des enfants. L'œuvre
des experts conduit à la rédaction d'une nouvelle convention internationale, ajournée
du fait du déclenchement de la deuxième guerre mondiale et qui est adoptée en 1949
sous le nom de Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de
l'exploitation de la prostitution d'autrui.
10
Le Maroc est partie à l'arrangement de 1904 et à la convention de 1910 par déclaration de succession du 7
novembre 1956.
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1.2.2 - La convention pour la répression de la traite des êtres humains et
de l'exploitation de la prostitution d'autrui du 2 décembre 1949
On constate tout d'abord que la terminologie a changé. Il n'est plus question de traite
des blanches mais de traite des êtres humains (sans distinction de sexe ou d'âge).
Cette convention à laquelle le Maroc est partie11 unifie selon son préambule les
instruments antérieurs (arrangement de 1904 et conventions de 1910, 1921 et 1933)
qui cesseront d'être en vigueur lorsque toutes les parties à ces instruments seront
devenues partie à la nouvelle convention. Cela signifie donc que son contenu entérine
et améliore les dispositions qui figuraient dans les instruments précédents.
La convention de 1949 présente une grande importance, d'une part parce qu'elle
concerne directement le problème traité, d'autre part parce qu'elle a été ratifiée par le
Maroc et publiée au Bulletin Officiel. Cela justifie qu'un aperçu assez complet de son
contenu soit donné ci-dessous.
La convention est relativement brève (28 articles). Elle prévoit que les Etats parties
doivent punir toute personne qui :
embauche, entraîne ou détourne en vue de la prostitution une autre personne,
même consentante ;
exploite la prostitution d'une autre personne, même consentante.
(article 1er)
Doit également être punie toute personne qui :
Tient, dirige, ou sciemment, finance ou contribue à financer une maison de
prostitution ;
Donne ou prend sciemment en location, en tout ou en partie, un immeuble ou un
autre lieu aux fins de la prostitution d'autrui.
(article 2).
Ces infractions doivent être considérées comme permettant l'extradition (articles 8 à
10) ; les condamnations antérieures pour l'un de ces actes, prononcées par un Etat
étranger, doivent compter pour établir la récidive et appliquer les incapacités ou
déchéances (article 7).
La tentative et la complicité de ces infractions doivent être punissables et les personnes
lésées par ces infractions doivent pouvoir obtenir réparation (articles 3 et 4).
Les gouvernements évitent toute pratique administrative soumettant à déclaration,
enregistrement ou surveillance les personnes se livrant à la prostitution ou
soupçonnées de s'y livrer.
La convention prévoit ensuite :
11
La convention adoptée le 2 décembre 1949 est entrée en vigueur le 25 juillet 1951 ; elle a été ratifiée par le
Maroc le 17 août 1973 et publiée au B.O. du 30 octobre 1974.
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 des mesures d'entraide judiciaire (commissions rogatoires, création de services de
coordination et de centralisations des résultats des recherches relatives aux
infractions visées par la convention),
 des mesures propres à prévenir la prostitution et à assurer le reclassement des
victimes de la prostitution et des infractions visées par la convention,
 des mesures, dans le domaine de l'immigration et de l'émigration, destinées à
combattre la traite des personnes de l'un ou l'autre sexe aux fins de prostitution en
s'engageant notamment :
- A promulguer les règlements nécessaires pour la protection des émigrants et
immigrants
- A organiser une propagande appropriée pour mettre le public en garde contre
les dangers de cette traite,
- A surveiller les gares, les gares maritimes et les aéroports pour empêcher la
traite des êtres humains aux fins de prostitution,
- A prendre les mesures pour que les autorités compétentes soient prévenues de
l'arrivée de personnes paraissant manifestement coupables, complices ou
victimes de cette traite.
 Des mesures pour entendre les personnes de nationalité étrangère qui se livrent à la
prostitution, pour établir leur identité et rechercher qui les a décidées à quitter leur
Etat. Les renseignements ainsi recueillis sont communiqués à l'Etat d'origine
 Des mesures pour pourvoir à l'entretien à titre provisoire, en cas de besoin, des
victimes de la traite internationale aux fins de prostitution, jusqu'à leur
rapatriement.
 A rapatrier les personnes qui le désirent ou qui sont réclamées ou expulsées
conformément à la loi.
 Des mesures pour surveiller les bureaux ou agences de placement, pour éviter que
les personnes qui cherchent un emploi, particulièrement les femmes et les enfants,
ne soient exposées au danger de la prostitution.
Le respect des dispositions de cette convention doit conduire les Etats parties non
seulement à harmoniser leur législation pour incriminer les comportements décrits
dans les articles un et deux et pour inclure dans leur législation les mesures d’entraide
judiciaire qu’impose les articles suivants, mais également à adopter les mesures
nécessaires pour apporter l’aide et le soutien nécessaires aux victimes de la
prostitution, qui relèvent quant à elles le plus souvent du domaine administratif.
1.2.3 - La convention sur la criminalité transnationale organisée
La convention sur la criminalité transnationale organisée a été adoptée à Palerme en
décembre 2000. Elle a été ratifiée par le Maroc et publiée au Bulletin officiel12. Son
but est le renforcement de la lutte contre le crime organisé, qui, à l'ère de la
12
Convention de Palerme du 12 décembre 2000, ratifiée par le Maroc le 20 septembre 2002 (Bulletin officiel
du 19 février 2004, p. 265).
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mondialisation, se joue des frontières et se ramifie dans plusieurs Etats pour accroître
ses profits et rendre sa détection et sa sanction plus difficiles. Elle présente donc un
intérêt évident pour la détection et la sanction de la traite des êtres humains dès lors
que l’une des composantes de ce trafic se déroule dans un Etat étranger, ce qui est
fréquemment le cas.
Elle prévoit des mesures à prendre en droit interne : concernant la responsabilité des
personnes morales ; les poursuites judiciaires, le jugement et les sanctions ; les
confiscations et saisies, l’établissement des antécédents judiciaires, la protection des
témoins, l’octroi d’une assistance et d’une protection aux victimes, la coopération
entre les services de détection et de répression, la collecte, l’échange et l’analyse
d’informations sur la nature de la criminalité organisée, la formation et l’assistance
technique, prévention. Elle prévoit également de nombreuses mesures d’entraide
judiciaire internationale13.
Selon l’article 3 qui définit son champ d’application, la convention s’applique :
 aux infractions qu’elle vise expressément à savoir : l’association de malfaiteurs
(prévue à l’art. 5), le blanchiment du produit du crime (art. 6), la corruption (art.
8), l’entrave au bon fonctionnement de la justice (art. 23), et d’une manière plus
générale, les infractions graves passibles d’une peine privative de liberté dont le
maximum est égal ou supérieur à quatre ans (art. 2).
 lorsque ces infractions sont de nature transnationale. Une infraction est de nature
transnationale si:
Elle est commise dans plus d’un État;
Elle est commise dans un État mais qu’une partie substantielle de sa
préparation, de sa planification, de sa conduite ou de son contrôle a lieu dans
un autre État;
Elle est commise dans un État mais implique un groupe criminel organisé qui
se livre à des activités criminelles dans plus d’un État; ou
Elle est commise dans un État mais a des effets substantiels dans un autre
État.
 et qu’un groupe criminel y est impliqué.
On le constate trois conditions doivent être réunies pour que la convention soit
applicable : qu’il s’agisse de l’une des infractions qu’elle énumère, que ces infractions
soient de nature transnationale et qu’elles soient commises par un groupe.
La convention contre la criminalité transnationale organisée a été complétée par trois
protocoles :
13
Notamment : coopération internationale aux fins de confiscation, disposition du produit du crime ou des
biens confisqués ; compétence ; extradition ; transfert des personnes condamnées ; entraide judiciaire,
enquêtes conjointes ; techniques d’enquête spéciales ; transfert des procédures pénales ; formation et
assistance technique.
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Le protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en
particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations
Unies contre la criminalité transnationale organisée, du 15 novembre 2000.
Le protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à
la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, du
15 novembre 2000.
Le protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces,
éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée, du 31 mai 2001.
1.2.4 - Le protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des
personnes, en particulier des femmes et des enfants additionnel à
la convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée.
Le protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes a été adopté
par l’assemblée générale des Nations Unies en même temps que la convention sur la
criminalité transnationale organisée. Selon son préambule, un instrument spécifique
était nécessaire car : « une action efficace visant à prévenir et combattre la traite des
personnes, en particulier des femmes et des enfants, exige de la part des pays
d’origine, de transit et de destination une approche globale et internationale
comprenant des mesures destinées à prévenir une telle traite, à punir les trafiquants et
à protéger les victimes de cette traite, notamment en faisant respecter leurs droits
fondamentaux internationalement reconnus », et que « malgré l’existence de divers
instruments internationaux qui renferment des règles et des dispositions pratiques
visant à lutter contre l’exploitation des personnes, en particulier des femmes et des
enfants, il n’y a aucun instrument universel qui porte sur tous les aspects de la traite
des personnes ».
L’objet du protocole est selon son article 2 de :
-
prévenir et combattre la traite des personnes, en accordant une attention particulière
aux femmes et aux enfants.
protéger et aider les victimes de la traite en respectant pleinement leurs droits
fondamentaux
promouvoir la coopération entre les Etats parties en vue d’atteindre ces objectifs.
Plus complet, plus détaillé que la convention de 1949, le protocole apporte donc une
protection juridique supplémentaire. La convention de 1949 ne définit pas la traite ;
elle se contente de prévoir la sanction de ceux qui entraînent à la prostitution et
exploitent la prostitution d’autrui, ainsi que de ceux qui participent à la gestion d’une
maison de tolérance. En revanche, le protocole donne dans son article 3 une définition
très détaillée de la traite :
- 12 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
Aux fins du présent Protocole:
a) L’expression “traite des personnes” désigne le recrutement, le transport, le transfert,
l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la
force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus
d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de
paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité
sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum,
l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le
travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la
servitude ou le prélèvement d’organes;
b) Le consentement d’une victime de la traite des personnes à l’exploitation envisagée,
telle qu’énoncée à l’alinéa a) du présent article, est indifférent lorsque l’un quelconque
des moyens énoncés à l’alinéa a) a été utilisé;
c) Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux
fins d’exploitation sont considérés comme une “traite des personnes” même s’ils ne
font appel à aucun des moyens énoncés à l’alinéa a du présent article;
d) Le terme “enfant” désigne toute personne âgée de moins de 18 ans.
Comme il a été dit dans l’introduction, cette définition implique trois éléments :
- la prise en charge d'une personne qui peut consister en : le recrutement, le
transport, le transfert, l’hébergement, l’accueil
- par la contrainte sous n’importe quelle forme à savoir : la contrainte,
l’enlèvement, la fraude, la tromperie, l’abus d’autorité, l’exploitation d’une
situation de vulnérabilité, l’offre ou l’acceptation d’argent pour obtenir le
consentement à l’exploitation par les parents ou tuteurs de la personne que l’on
va exploiter.
- en vue de son exploitation qui peut consister en toute forme d’exploitation
sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues
ou le prélèvement d’organe.
Cette définition est extrêmement large. Elle présente en outre l’intérêt d’avoir une
conception très restrictive du consentement qui est considéré comme inexistant s’il a
été donné sous contrainte (enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité, exploitation
d’une situation de vulnérabilité) ou par un mineur de 18 ans.
Le protocole s’applique non seulement à l’exploitation sexuelle mais aussi à toutes les
formes d’exploitation. C’est peut-être la raison pour laquelle l'adhésion du Maroc a
tardé. En effet, une application stricte de ce protocole obligera à prendre des mesures
sérieuses pour éradiquer le travail des enfants14, notamment le travail domestique et le
travail dans le secteur de l’artisanat traditionnel, qui peuvent fréquemment
correspondre à la définition de la traite donnée par l’article 3, a) du protocole. Selon le
14
Au sens de la convention relative aux droits de l’enfant reprise d’ailleurs dans le protocole, à savoir les
mineurs de dix huit ans.
- 13 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
site des Nations Unies, collection des traités15, le Maroc a adhéré à ce protocole le 25
avril 2011.
An revanche, il n'a pas adhéré au protocole contre le trafic illicite de migrants par
terre, air et mer. On mentionnera sans l'étudier ce protocole additionnel à la convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée car il ne concerne pas
réellement l'objet de notre étude puisqu'il vise le “trafic illicite de migrants” c'est-àdire "le fait d’assurer afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage
financier ou un autre avantage matériel, l’entrée illégale dans un État Partie d’une
personne qui n’est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État".
On ne peut que se féliciter de l'adhésion du Maroc au protocole visant à prévenir,
réprimer et punir la traite des personnes. Plus complet, plus détaillé que la convention
de 1949, le protocole apporte une protection juridique supérieure. Les définitions de la
traite qui figurent dans les conventions précédentes sont beaucoup moins précises,
sinon inexistantes. Le protocole prévoit en outre des mesures spécifiques de prévention
et de lutte contre la traite, ainsi que d’assistance à ses victimes. Il comporte des
mesures d’entraide et de coopération internationales, mesures dont la mise en œuvre
est indispensable pour une lutte efficace contre la traite à des fins sexuelles organisée à
l’échelle internationale.
L’adhésion à une convention internationale n’est pas une simple formalité dépourvue
de conséquence pour l’Etat qui adhère ; celui-ci s’engage ainsi à respecter les
dispositions conventionnelles, qui doivent théoriquement être intégrées dans le droit
national.
1.3
Place des conventions internationales dans le droit marocain
Le fait que le Maroc ait adhéré à ces conventions internationales présente un réel
intérêt concret. Jusqu'à la récente constitution, aucune disposition juridique n’affirmait
expressément la supériorité de la norme internationale sur la norme interne. Certaines
lois prévoient, dans leur secteur d'application cette supériorité. C'est le cas du code de
la nationalité16 ou de l'article 713 du code de procédure pénale qui dispose : "En
matière d'entraide judiciaire avec les Etats étrangers, les conventions internationales
ont priorité sur les lois internes". Mais ces dispositions ne valent que pour le secteur
concerné et ne posent aucunement un principe général.
Le fait que le Maroc a ratifié la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités
qui prévoit dans son article 27 qu'une partie ne peut pas invoquer les dispositions de
15
16
http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-12-a&chapter=18&lang=fr
Dont l'article premier dispose "Les dispositions relatives à la nationalité marocaine sont fixées par la loi et,
éventuellement, par les traité ou accords internationaux ratifiés et publiés. Les dispositions des accords et
traités internationaux ratifiés et publiés l'emportent sur celles de la loi interne".
- 14 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité justifie que l'on accorde
la prééminence à la norme internationale.
La nouvelle constitution se prononce sur cette question et affirme dans son préambule
que le Maroc s'engage à "accorder aux conventions internationales dûment ratifiées
par lui, dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans
le respect de son identité nationale immuable, et dès la publication de ces conventions,
la primauté sur le droit interne du pays, et harmoniser en conséquence les dispositions
pertinentes de sa législation nationale".
C'était la position de la Cour suprême qui a eu à trancher cette question et a affirmé à
plusieurs reprises la supériorité du traité international sur la loi interne posant comme
condition que la convention ait été régulièrement publiée au Bulletin officiel17.
17
Voir par exemple : Arrêt de la Cour d’Appel de Rabat du 15 Mai 1969, accordant une valeur supérieure au
traité maroco-français du 5 Octobre 1957 sur la loi nationale, confirmé par un arrêt de la Cour Suprême du
1er Octobre 1976, V. également Cour Suprême, Chambre administrative, arrêt du 3 novembre 1972
subordonnant cette primauté à la publication de la convention au Bulletin Officiel ; Arrêt de la Cour
suprême du 6 juin 1977, dossier social considérant que la simple publication du dahir portant ratification de
la convention lui donne la primauté sur le droit interne (publié in Jurisprudence de la Cour Suprême, 1980, p
155 et s) ; Arrêt du 19 mai 1999, dossier n° 90/4356, consacrant la primauté de la convention de Hambourg
relative au transport des marchandises, sur la loi nationale ; également, arrêt du 22 mars 2000, n° 426,
dossier commercial 99/1716.
- 15 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
2 . La traite aux fins d'exploitation sexuelle en droit interne
marocain
On ne trouve dans la législation marocaine, ni le terme traite, ni l'expression
"exploitation sexuelle". Cela ne signifie pas pour autant que le droit se désintéresse du
problème, ni que la traite et l'exploitation sexuelle soient autorisées. C'est sous
d'autres dénominations que l'on pourra trouver la position du droit en face des ces
agissements.
On a vu la définition de la traite en introduction. En simplifiant on peut dire qu'elle est
le fait de retenir ou déplacer une personne par violence ou ruse.
Quant à l' « exploitation sexuelle » elle consiste à obliger des personnes à se prostituer,
ou à les utiliser pour des productions pornographiques ou d’autres activités obscènes.
La lecture du code pénal montre que le fait de pousser une personne à la prostitution
ou à la débauche, ou de profiter de la prostitution ou de la débauche d'autrui de
quelque manière que ce soit est sanctionné par les articles 497 à 504 dans une section
intitulée « De la corruption de la jeunesse et de la prostitution ». Il s'agit de l'infraction
que les pénalistes dénomment : le proxénétisme.
Si l'exploitation a lieu en utilisant des mesures coercitives (violences, enlèvement ou
séquestration), les incriminations correspondantes du code pénal seront en outre
applicables.
Les développements qui suivent seront consacrés dans un premier point à la personne
qui se livre à la prostitution (2.1) ; un deuxième point traitera de l'exploitation de la
prostitution ou de la débauche d'autrui (2.2) et un dernier point sera consacré à
l’exploitation pour la pornographie (2.3).
Il faut préciser au préalable que les personnes qui se livrent à la prostitution peuvent
être des hommes aussi bien que des femmes. La loi vise « quiconque... », sans
précision de sexe. Certes, il s’agit plus fréquemment de femmes que d’hommes, mais
il existe des hommes qui se prostituent et la loi les concerne au même titre que les
femmes. Peu importent donc le sexe ou l’âge sinon que la minorité on le verra plus
loin, est une circonstance aggravante qui justifiera une sanction plus importante pour
le proxénète. De la même manière, le proxénète qui est la personne qui encourage la
prostitution et tire profit, peut être un homme ou une femme18. Dans la réalité on sait
18
Selon le Rapport de l’UNDOC sur la traite, la forme de traite des personnes la plus répandue (79 %) est
l’exploitation sexuelle, même si cela pourrait relever de l’illusion d’optique. Les victimes sont le plus
souvent des femmes et des filles. Contrairement à toute attente, dans 30 % des pays qui ont fourni des
- 16 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
qu’il existe nombre de femmes qui exercent cette activité, surtout lorsque la
prostitution est organisée dans une maison qui héberge les prostituées, situation
interdite par la loi mais dont on sait bien qu’elle existe.
Une deuxième précision s’impose : les dispositions présentées ci-dessous sont
applicables à toutes les infractions commises au Maroc, quelle que soit la nationalité
des auteurs et des victimes. En effet, la loi pénale est d’application territoriale19 et
concerne toutes les infractions commises sur le territoire, quelle que soit la nationalité
des auteurs et des victimes.
2.1
La prostitution
La définition précise de la prostitution est nécessaire (A). Certes elle ne constitue pas
dans notre législation une infraction spécifique (B), le terme figure à plusieurs reprises
dans le code pénal qui sanctionne des comportements qui s'y rapportent.
2.1.1 -
Définition de la prostitution
Si le terme prostitution est utilisé par le législateur, il n'est défini nulle part dans la loi.
Selon le code pénal annoté publié par le ministère de la justice20 la prostitution est "le
fait de toute femme qui consent habituellement à des rapports sexuels avec un nombre
indéterminé d'individus moyennant rémunération. La même définition peut s'appliquer
dans les mêmes conditions aux hommes21". La jurisprudence française en a donné une
définition plus complète et plus détaillée : "fait d'employer son corps, moyennant une
rémunération, à la satisfaction des plaisirs du public quelle que soit la nature des actes
de lubricité accomplis".
De ces diverses définitions on peut déduire que la prostitution suppose :
- une activité à caractère sexuel. Le code pénal annoté réduit cette activité à des
relations sexuelles, la jurisprudence française l'étend à toute activité de nature
sexuelle (lesbianisme, sodomie, etc.)
- l'existence d'une rémunération
- Une activité habituelle. Le code pénal annoté dispose : "toute femme qui consent
habituellement à des relations sexuelles...".
19
20
21
données sur le sexe des auteurs de la traite, ceux-ci étaient majoritairement des femmes. Les femmes sont
particulièrement impliquées dans la traite des personnes, plus que dans toute autre forme de criminalité.
Article 10 du code pénal : « Sont soumis à la loi pénale marocaine, tous ceux qui, nationaux, étrangers ou
apatrides, se trouvent sur le territoire du Royaume... » et article 704 du code de procédure pénale : « Les
juridictions du royaume sont compétentes pour connaître de toute infraction commise sur le territoire
marocain, quelle que soit la nationalité de son auteur »
Adolphe RUOLT, code pénal annoté, Ministère de la justice, Institut national d'études judiciaires, Rabat,
1990, p. 516.
Cette définition est reprise mot pour mot d'un décret français du 5 novembre 1947, aujourd'hui abrogé.
- 17 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
2.1.2 - La prostitution dans le code pénal
La prostitution n’est pas, en elle-même, une infraction spécifique. Mais fréquemment
elle s’accompagne de comportements que la loi incrimine.
A - La prostitution n'est pas une infraction spécifique
La prostitution telle qu'elle vient d'être définie ci-dessus n'est pas sanctionnée par la
législation marocaine. Certes, les relations sexuelles hors mariage étant interdites et
punies22, la prostitution tombe sous le coup de cette incrimination23. Mais la sanction
est celle des relations sexuelles hors mariage et sera la même pour une personne qui se
livre à la prostitution et pour celle qui a eu une seule relation "accidentelle" ou encore
celle qui vit en concubinage avec une personne qu'elle considère comme son conjoint.
Il n’existe dans le code pénal aucune infraction de prostitution ou qui, sous quelque
appellation que ce soit, coïncide avec la définition que l’on peut donner de ce
comportement24.
B - Les comportements accessoires à la prostitution, punissables
- Les relations sexuelles hors des liens du mariage : Comme il vient d’être dit, la
prostituée, dont l’activité principale est d’avoir des relations sexuelles tarifées, peut
être sanctionnée sur la base de l’article 489 du code pénal pour relations sexuelles hors
mariage.
- Le racolage public : Il est prévu par l’article 502 et consiste à racoler publiquement
par gestes, paroles, écrits ou par tous autres moyens, les personnes de l’un et l’autre
sexe en vue de les provoquer à la débauche.
Le code pénal ne définit ni le racolage, ni la débauche, le code pénal annoté non plus.
Le racolage est défini par le dictionnaire comme l’action d’attirer les gens. Selon le
code pénal annoté25, «la jurisprudence est hésitante sur les faits de racolage
notamment en ce qui concerne ce qu’il est convenu d’appeler le « racolage passif »,
résultant d’une simple attitude, stationnement devant un hôtel, regard adressé à des
passants, parcours de long en large sur un petit espace, et que l’on pourrait être tenté
d’inclure dans tout autre moyen ».
Quand à la débauche le code pénal est muet. MERLE ET VITU définissent la
débauche comme « un abus des plaisirs sexuels. Si elle peut être habituelle et parfois
même rémunérée, elle se distingue de la prostitution en ce qu’elle n’a pas de caractère
22
23
24
25
Article 489 du code pénal : "Sont punies de l'emprisonnement d'un mois à un an toutes personnes de sexe
différent qui n'étant pas unies par les liens du mariage sont entre elles des relations sexuelles".
L’incrimination est le texte qui crée l'infraction et prévoit la sanction.
Un principe fondamental du droit, prévu par le code pénal, mais figurant également dans la constitution,
impose qu'aucun comportement ne puisse être puni par un tribunal si la loi ne le prévoit avec précision et
n'en fixe la sanction. C'est le principe de légalité des délits et des peines, affirmé par la constitution dans son
article : 23 "Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en dehors des cas et des formes prévues
par la loi".
Adolphe RUOLT, op. cit., page 520.
- 18 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
professionnel et suppose un certain choix des partenaires avec lesquels elle a lieu »26.
Selon M.L. RASSAT27, « la débauche s’entend des mêmes activités que la prostitution
sans la rémunération ». Le code pénal annoté en donne une définition voisine « En ce
qui concerne la débauche, ce qui la distingue de la prostitution est le mobile de lucre
qui s’attache à cette dernière »28.
Le seul terme qui ne pose pas de problème d’interprétation est le terme « public »29.
La jurisprudence est depuis longtemps fixée sur ce point et considère comme public
non seulement les lieux publics mais également les lieux privés dès lors que les
personnes ou même simplement les regards peuvent y pénétrer librement.
La sanction du racolage public est l’emprisonnement d’un mois à un an et une amende
de vingt mille à deux cent mille dirhams. La peine de prison n’a pas été augmentée
par la modification du code en 2003, par contre la peine d’amende l’a été.
L’incitation de mineur à la débauche
Cette infraction prévue par l’article 497 du code pénal30 ne concerne pas
spécifiquement les personnes qui se livrent à la prostitution. Elle a un domaine
beaucoup plus large et concerne toute personne qui « excite, favorise ou facilite la
débauche ou la prostitution des mineurs de moins de 18 ans ».
Mais la prostituée qui racolerait un mineur de 18 ans pourrait tomber non seulement
sous l’incrimination de racolage public mais également sous le coup de cette
incrimination. En droit pénal lorsqu’un comportement tombe sous le coup de plusieurs
articles du code le juge doit choisir d’appliquer l’incrimination la plus grave. Ici entre
racolage et incitation de mineur à la débauche ou à la prostitution, l’infraction la plus
grave est l’incitation de mineur à la débauche puisque la sanction va jusqu’à dix ans
d’emprisonnement et deux cent mille dirhams d’amende. Cette infraction concerne
sans doute plus souvent les proxénètes que les prostituées, elle peut également
concerner des personnes qui ne sont ni l’un ni l’autre.
La sanction de l’infraction est l’emprisonnement de deux à dix ans et l’amende de
vingt mille à deux cent mille dirhams, sanction fortement augmentée par la
modification au code pénal intervenue en 2003 (avant cette modification le code
faisait la distinction, aujourd’hui disparue, entre incitation habituelle et occasionnelle
et la sanction était l’emprisonnement de deux à cinq ans et l’amende de cent vingt à
cent mille dirhams)
26
27
28
29
30
Roger MERLE et André VITU, traité de droit criminel – Droit pénal spécial, tome 2, Cujas, Paris, 1982, p.
1546.
Michèle-Laure RASSAT, Droit pénal spécial, infractions des et contre les particuliers, Dalloz, 1997, p.
499.
Adolphe RUOLT, code pénal annoté, Ministère de la justice, Institut national d'études judiciaires, Rabat,
1990, p. 517.
La définition d’autres infractions fait appel à la notion de lieu public, par exemple l’outrage public à la
pudeur.
« Quiconque excite, favorise ou facilite la débauche ou la prostitution des mineurs de moins de dix huit ans,
est puni de l’emprisonnement de deux à dix ans et d’une amende de vingt mille à deux cent mille dirhams ».
La sanction a été considérablement augmentée en 2004.
- 19 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
2.2
Décembre 2011
L'exploitation de la prostitution ou de la débauche d'autrui : le
proxénétisme
Pousser ou obliger à la prostitution, la favoriser, en tirer profit est bien évidemment
interdit. C’est ce que l’on appelle le proxénétisme, encore que le code pénal
marocain n’utilise jamais ce terme. Le proxénétisme31, que l’on peut définir comme le
fait de tirer de l’argent de la prostitution d’autrui, est prévu et puni par le code pénal
qui lui consacre des dispositions très détaillées dans une section intitulée « De la
corruption de la jeunesse et de la prostitution ». La première infraction prévue par
cette section est l’incitation de mineur à la débauche qui a été mentionnée ci-dessus.
Le code prévoit l’aide apportée à la prostitution ou au proxénète et le fait de profiter de
la prostitution d’autrui (2.2.1.). Il sanctionne également le fait d’héberger la
prostitution (2.2.2.).
2.2.1 - L’assistance à la prostitution et à la débauche d'autrui, et la
perception de leurs profits (article 498 du code pénal)
A - Les différentes hypothèses prévues par le code
a) L’aide apportée à la prostitution
Elle est prévue par l’article 498, 1) qui incrimine quiconque sciemment :
d’une manière quelconque, aide, assiste ou protège la
prostitution d’autrui ou le racolage en vue de la prostitution.
Il s’agit là d’actes positifs, habituels ou isolés. Il peut s’agir de celui qui surveille la
personne qui se prostitue, ou la conduit sur les lieux où elle va se prostituer ou fixe les
tarifs. Selon le code pénal annoté : « Il faut une participation active, réelle et
matérielle mais peu importe que le fait soit habituel ou occasionnel, que le racolage
soit public ou non, (ainsi les organisations dites de call girls qui utilisent le téléphone)
ou que le proxénète partage ou non le produit de la débauche »32.
b) L’embauchage en vue de la prostitution
Prévu par l’article 498, 4°) qui sanctionne quiconque sciemment :
31
32
Le terme vient du latin proxeneta qui signifie courtier, entremetteur (Dictionnaire Latin Goelzer)
Adolphe RUOLT, code pénal annoté, Ministère de la justice, Institut national d'études judiciaires, Rabat,
1990, p. 516.
- 20 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
embauche, entraîne, livre, protège, même avec son consentement
ou exerce une pression sur une personne en vue de la prostitution
ou la débauche ou en vue de continuer à exercer la prostitution
ou la débauche.
-
-
Embaucher c’est engager une personne dans le but de lui faire exercer une
certaine activité. Selon le code pénal annoté « l’embauchage consiste en un
recrutement sous toutes ses formes ; l’entraînement consiste en conseils,
instructions, pression morale qui auront pour effet d’éloigner la victime de son
milieu familial ou de son travail »33.
Entraîner c’est emmener une personne et la conduire dans un lieu déterminé,
soit pour la présenter à celui qui l’engagera soit pour la
Livrer à celui qui l’a déjà engagée.
Protéger : le terme a été inutilement ajouté par la modification du code pénal
intervenue en 200334. Inutilement, car protéger une prostituée constitue une
aide, ce qui est déjà prévu par l’alinéa 1°).
Ces actes doivent avoir pour but de conduire une personne à se prostituer ou si elle le
fait déjà, de la persuader de poursuivre cette activité. L’infraction de proxénétisme est
constituée même si la victime consent à se prostituer. On verra plus bas que l’usage de
la contrainte ou de l’abus d’autorité est une circonstance aggravante.
Toujours selon le code pénal annoté, cette infraction ne suppose pas l’élément
habitude, un seul fait suffit à caractériser le délit.
c) La cohabitation avec une personne qui se livre à la prostitution
Prévue par l’article 498, 3°) qui punit quiconque :
vit, en connaissance de cause, avec une personne se livrant
habituellement à la prostitution.
Pour que l’infraction soit constituée deux conditions sont posées clairement par ce
texte :
- il faut que la personne qui se livre à la prostitution le fasse habituellement
- et que celle qui cohabite le fasse en connaissance de cause.
Le code pénal annoté fait le commentaire suivant : « C’est une véritable présomption
que cet individu doit recevoir des subsides de la prostituée ; peu importe qu’il ait luimême un emploi ou une situation de fortune. Il peut s’agir d’un parent ou même de
l’époux légitime de la prostituée »35.
d) Le fait de percevoir de l’argent d’une personne se livrant à la prostitution
33
34
35
Ibidem, p. 517
Loi n° 24-03 promulguée par dahir n° 1-03-207 du 11 novembre 2003, Bulletin officiel du 15 janvier 2004,
p. 114.
Ibidem, p. 517.
- 21 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
Deux alinéas de l’article 498 visent cette hypothèse.
 Tout d’abord l’article 498, 2°) qui, vise celui qui sciemment :
sous une forme quelconque, en connaissance de cause, perçoit
une part des produits de la prostitution ou de la débauche
d’autrui ou reçoit des subsides d’une personne se livrant
habituellement à la prostitution ou à la débauche.
Cet alinéa contient deux dispositions distinctes :
- d’une part le partage des produit de la prostitution, infraction qui existe dès lors que,
même une seule fois, une personne reçoit une part de ce qu’a rapporté la prostitution ;
- d’autre par le fait de recevoir de l’argent d’une personne qui se livre habituellement à
la prostitution, et dans ce cas la répétition est nécessaire. Dans les deux cas la loi
précise clairement que l’argent doit être reçu en connaissance de cause, c'est-à-dire en
connaissant sa provenance.
 L’article 498, 7°) vise, quant à lui, celui qui, sciemment :
se trouve incapable de justifier la source de ses revenus,
considérant son niveau de vie, alors qu’il vit avec une personne
se livrant habituellement à la prostitution ou à la débauche ou
entretenant des relations suspectes avec une ou plusieurs
personnes se livrant à la prostitution ou à la débauche.
Cet alinéa, introduit dans le code pénal par la modification de 200336, recopié du
nouveau code pénal français est quelque peu maladroit.
- D’après ce texte, l’infraction suppose d’une part la cohabitation et cela est inutile
puisque cette cohabitation est déjà punie par l’article 498, 3°) exposé ci-dessus, ou le
fait d’avoir des relations suspectes avec un(e) ou des prostitué(e)s, ce qui manque pour
le moins de clarté37.
- La deuxième condition pour que l’infraction prévue par cet alinéa soit constituée est
que le train de vie de la personne soit disproportionné par rapport aux ressources
qu’elle peut justifier. En conséquence, dès lors qu’une personne a des relations, même
épisodiques, avec un(e) prostitué(e) il lui appartient d’être en mesure de justifier de
revenus correspondant à son niveau de vie.
e) L’aide apportée au proxénétisme
Il s’agit là de l’aide apportée aux personnes qui exploitent la prostitution d’autrui.
Cette aide est punissable au même titre que le proxénétisme. Le code pénal vise
plusieurs formes :
36
37
Loi n° 24-03 promulguée par dahir n° 1-03-207 du 11 novembre 2003, Bulletin officiel du 15 janvier 2004,
p. 114, déjà citée.
Du fait sans doute des traductions successives subies par le texte français qui porte « tout en étant en
relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution ».
- 22 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
 Le fait de faciliter au proxénète une fausse justification de ses ressources : c’est l’article 498,
6°) qui vise la personne qui sciemment :
aide celui qui exploite la prostitution ou la débauche d’autrui à
fournir de fausses justifications de ses ressources financières
également ajouté par la modification de 2003. Pour éviter que les proxénètes
n’échappent aux poursuites en justifiant faussement de revenus inexistants, cet alinéa
prévoit que ceux qui les aident à fournir de fausses justifications encourent la sanction
du proxénétisme
 Le fait de servir d’intermédiaire : prévue par l’article 498, 5°) qui sanctionne celui qui
sciemment :
fait office d’intermédiaire, à un titre quelconque, entre les
personnes se livrant à la prostitution ou à la débauche et les
individus qui exploitent ou rémunèrent la prostitution ou la
débauche d’autrui
Ce texte vise aussi bien ceux qui font office d’intermédiaires entre prostituées et
clients que ceux qui s’interposent entre prostituées et proxénètes ou tenancier de
maisons de prostitution. La manière dont se passe l’entremise est indifférente et
l’infraction existe même si l’entremise n’est pas rémunérée puisque la loi ne pose pas
cette condition. Le terme de « faire office » utilisé par cet alinéa semble indiquer qu’il
s’agit d’une infraction d’habitude. Cependant sur un terme similaire la jurisprudence
française, après avoir décidé l’inverse a estimé récemment que l’habitude n’est pas
nécessaire. Pour le code pénal annoté, il s’agit d’une infraction d’habitude. Le terme
utilisé « les personnes » indique que la commission des faits à l’égard d’une seule
personne, ne suffirait pas pour caractériser le délit.
f) L’entrave à l’action de prévention ou de reclassement des personnes prostituées
Visée par l’article 498, 8°) qui sanctionne la personne qui entrave les actions de
prévention, de contrôle, d’assistance ou de rééducation entreprises par les secteurs,
les organismes ou organisations habilitées à cet effet vis-à-vis des personnes qui
s’adonnent à la prostitution ou à la débauche ou qui y sont exposées. Cet alinéa a lui
aussi été introduit en 2004 et il est très proche de l’article 225-6, 4°) du nouveau code
pénal français.
On mentionnera pour conclure ce développement que le racolage public et l’incitation
de mineurs à la débauche qui ont été présentés dans le développement 2.1.2 (Les
comportements accessoires à la prostitution punissables) peuvent fréquemment être
imputés aux proxénètes.
B - La sanction de ces incriminations
a) La sanction simple
- 23 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
Elle est prévue par l’article 498, premier alinéa ; Il s’agit de l’emprisonnement de un à
cinq ans et de l’amende de cinq mille à un million de dirhams. Les peines ont été
considérablement augmentées par la modification du code pénal en 2003,
puisqu’auparavant la sanction était de six mois à deux ans d’emprisonnement et
l’amende de deux cent cinquante à dix mille dirhams.
Malgré l’augmentation l’infraction reste un délit38 qui relève de la compétence du
tribunal de première instance. Puisqu’il s’agit d’un délit, la complicité est punissable.
Les coupables peuvent en outre, selon l’article 504, être frappées pour cinq ans au
moins et pour dix ans au plus de l’interdiction d’un ou plusieurs droits énumérés à
l’article 4039 et de l’interdiction de séjour40. Le même article prévoit expressément que
la tentative des délits prévus par la section relative à la corruption de la jeunesse et à la
prostitution est punissable41.
Ces infractions sont punissables qu’elles soient commises par une personne physique
ou par une personne morale (par exemple une société ou une association). Dans ce
dernier cas la sanction est adaptée à la nature du coupable. Le code pénal prévoit les
sanctions applicables aux personnes morales. L’article -501-1 traite de cette hypothèse
et renvoie à l’article 127 concernant les sanctions applicables aux personnes morales42
b) Les aggravations prévues par l’article 499
L’article 499 prévoit une liste de neuf circonstances aggravantes. La présence d’une
seule d’entre elles double la peine d’emprisonnement qui, de un à cinq ans en
l’absence de circonstance aggravante passe à deux à dix ans ; l’amende est également
doublée et passe à dix mille à deux millions de dirhams (cinq mille à un million de
38
39
40
41
42
Le code pénal classe les infractions selon leur gravité en crimes (les plus graves), délits (infractions de
gravité moyenne) et contraventions (de faible gravité). Cette classification entraîne de nombreuses
conséquences juridiques, en particulier elle détermine le tribunal compétent.
Il s’agit des droits civils, civiques ou de famille visés par l’article 40 par renvoi à l’article 26 du code, à
savoir :
- la destitution et l’exclusion des condamnés de toutes fonctions publiques et de tous emplois ou offices
publics ;
- la privation du droit d’être électeur ou éligible et, en général, de tous les droits civiques et politiques
et du droit de porter toute décoration ;
- l’incapacité d’être assesseur-juré, expert, de servir de témoin dans tous les actes et de déposer en
justice autrement que pour y donner de simples renseignements ;
- l’incapacité d’être tuteur ou subrogé tuteur, si ce n’est de ses propres enfants ;
- la privation du droit de porter les armes, de servir dans l’armée, d’enseigner, de diriger une école ou
d’être employé dans un établissement d’enseignement à titre de professeur, de maître ou de
surveillant.
L’interdiction de séjour consiste dans la défense faite au condamné de paraître dans certains lieux
déterminés et pour une durée déterminée, lorsqu’en raison de la nature de l’acte commis, de la personnalité
de son auteur, ou d’autres circonstances, la juridiction estime que le séjour de ce condamné dans les lieux
précités constitue un danger pour l’ordre public ou la sécurité des personnes (Article 71 du code pénal).
Alors que la tentative de crime est toujours punissable, la tentative de délit ne l’est que si la loi le prévoit
expressément, ce qui est le cas pour outs les délits relatifs au proxénétisme.
Les personnes morales peuvent être condamnées à l’amende, la confiscation, la publication de la décision de
condamnation, la fermeture d’établissement et la dissolution qui correspond à la peine de mort de la
personne morale.
- 24 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
dirhams sans circonstance aggravante). Malgré l’aggravation des sanctions, on se
trouve encore en présence de délits correctionnels.

circonstances relatives à la victime
- L’âge de la victime : l’aggravation est encourue dès lors que la victime est âgée de
moins de 18 ans (499, 1°). Il n’y a aucun commentaire à faire sur ce point. Dix huit
ans est l’âge de la majorité en droit marocain comme dans la convention des Nations
Unies relative aux droits de l’enfant.
- La vulnérabilité de la victime : l’infraction est aggravée si elle a été commise à
l’égard d’une personne dans une situation difficile du fait de son âge, d’une maladie,
d’un handicap ou d’une faiblesse physique ou psychique, ou à l’égard d’une femme
enceinte, que sa grossesse soit apparente ou connue par le coupable (499, 2). La
rédaction est plutôt maladroite. L’alinéa du code français dont s’est étroitement
inspiré ce texte dispose « une personne dont la particulière vulnérabilité ......est
apparente ou connue de l’auteur ». Les traductions successives auxquelles a sans
doute donné lieu la rédaction du texte marocain (introduit par la réforme de 2003)
ont remplacé « vulnérabilité » par « situation difficile », expression plus équivoque
mais surtout, la connaissance de la situation ou son caractère apparent ne s’applique
qu’à la grossesse mais non aux autres circonstances énumérées.
- la pluralité de victimes : c’est l’article 499, 3°) qui aggrave la sanction lorsque
l’infraction a été commise à l’égard de plusieurs personnes.

circonstances relatives à l’auteur de l’infraction
- L’auteur de l’infraction est le conjoint ou l’une des personnes énumérées à l’article
48743 (article 499, 4°). En dehors du conjoint, les personnes énumérées par l’article
487 sont les ascendants, c'est-à-dire les parents et grands-parents, les tuteurs, les
personnes ayant autorité. Ce dernier terme est large et vise les personnes tenant leur
autorité non de la loi, comme les parents et le tuteur précédemment cités, mais des
circonstances ou de la position de la personne, par exemple une tante ou un oncle, ou
même une personne qui, bien que non apparentée, jouit dans les faits d’une autorité
certaine. L’article 487 cite également les domestiques, les fonctionnaires et les
ministres d’un culte. Si la définition de ministre d’un culte est aisée pour les religions
chrétiennes où l’expression désigne un prêtre ou un pasteur, c’est plus problématique
en qui concerne la religion musulmane.
- L’infraction est commise par une personne chargée, du fait de sa fonction, de
participer à la lutte contre la prostitution ou la débauche, à la protection de la santé et
de la jeunesse ou à la maintenance de l’ordre public (article 499, 6°). Cet alinéa date
lui aussi de 2003. Etant donné les termes utilisés cette circonstance s’applique aux
fonctionnaires de la santé, de la jeunesse et des sports, de la sûreté nationale, de
43
L’article 487 prévoit une circonstance aggravante qui augmente la sanction du viol, lorsque « les coupables
sont les ascendants de la personne sur laquelle a été commis l’attentat, s’ils sont de ceux qui ont autorité
sur elle, s’ils sont ses tuteurs ou ses serviteurs à gage, ou les serviteurs des personnes ci-dessus désignées,
s’ils sont fonctionnaires ou ministres d’un culte... »
- 25 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
l’action sociale, etc. Elle concerne également toutes les personnes engagées dans la
lutte contre la prostitution, la protection de la jeunesse et de la santé, à un titre ou à
un autre, notamment les membres des associations qui œuvrent dans ces secteurs.
- L’infraction est commise par plusieurs personnes comme auteurs, coauteurs ou
complices, sans pour autant constituer une bande (499, 8°). Dès lors que le proxénète
a agi avec un complice ou un co-auteur, l’aggravation est encourue.

circonstances relatives aux moyens utilisés
Quatre circonstances tiennent aux moyens utilisés par le proxénète : la contrainte,
l’enregistrement de l’image ou du son, le port d’armes, et la diffusion des offres par
les réseaux de télécommunication :
- L’infraction a été provoquée par contrainte, abus d’autorité ou fraude ou lorsque des
moyens qui permettent de photographier, de filmer ou d’enregistrer ont été utilisés
(article 499, 5°).
On trouve ici deux circonstances très différentes l’une de l’autre et on comprend mal
que le législateur les ai réuni dans un même alinéa.
 1ère circonstance : la contrainte, l’abus d’autorité ou la fraude, c'est-à-dire que la
personne qui se prostitue ne le fait pas de son plein gré mais est forcée par le
proxénète. La contrainte désigne bien évidemment la contrainte physique
(brutalités, coups, etc.), mais rien n’interdit aux juges de prendre également en
compte la contrainte morale, par exemple le fait de menacer une personne de
représailles sur sa famille si elle refuse de se livrer à la prostitution. L’abus
d’autorité est une situation qui est déjà visée par l’article 499, 4°) lorsqu’il
renvoie à l’article 407 (voir ci-dessus). Quant à la fraude, il semble d’après le
code pénal annoté qu’il s’agit de la tromperie destinée à amener la victime à se
prostituer. Il donne comme application du terme « embauchage provoqué par la
fraude en persuadant la personne qu’elle allait participer à un spectacle de
music hall »44.
 2ème circonstance : l’utilisation de moyens qui permettent de photographier, de
filmer ou d’enregistrer. Cette circonstance a été introduite par la modification
de 2003. Elle vise sans doute à lutter contre la pornographie et sa propagation,
notamment sur internet.
- L’auteur de l’infraction était porteur d’une arme apparente ou cachée (article 499,
7°). La loi exige le seul port c'est-à-dire que la personne ait une arme sur elle. Elle
n’exige ni l’usage ni la menace de l’arme.
- L’infraction a été commise par le biais de messages adressés à travers des moyens de
communication soit à un public non déterminé soit à des personnes précises (article
499, 9°). Cette disposition reprise, (maladroitement une fois de plus), du droit
44
Code pénal annoté, op.cit. p. 518
- 26 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
français45 vise le proxénète qui utilise internet pour exercer ses activités
condamnables.
c) L’aggravation de l’article 499-1 : les auteurs constituent une association de malfaiteurs
On a vu que l’une des circonstances aggravante prévue par l’article 499 (article 499,
8°) consiste dans le fait que l’infraction a été commises par plusieurs personnes
comme auteurs, coauteurs ou complices.
Si les auteurs ne sont pas de simples complices mais forment une association de
malfaiteurs, c’est l’article 499-1 qui s’applique. Il prévoit que « les infractions prévues
à l’article 499 sont punies de l’emprisonnement encouru de l’emprisonnement de dix à
vingt ans et d’une amende de cent mille à trois millions de dirhams si elles sont
commises par une association de malfaiteurs ». L’article 293 du code pénal définit
l’association de malfaiteurs comme « Toute association ou entente, quels que soient sa
durée et le nombre de ses membres, formée ou établie dans le vue de préparer ou de
commettre des crimes contre les personnes ou les propriétés ».
Malgré l’importance de la sanction qui peut aller jusqu’à vingt ans de privation de
liberté, on reste dans le domaine du délit. Il n’en va pas de même.
d) L’aggravation de l’article 499-2 : le recours à la torture ou à des actes de barbarie :
une qualification criminelle
L’article 499-2 prévoit que si l’infraction a été commise par la torture ou des actes de
barbarie, la sanction est la réclusion perpétuelle. La nature de cette sanction montre
que la qualification change et l’infraction prévue par cet alinéa est un crime.
2.2.2 - Le fait d’héberger des personnes se livrant à la prostitution
C’est ce que l’on appelle couramment le « proxénétisme hôtelier ». L’infraction est
prévue et punie par l’article 501. Trois situations sont prévues par cet article : le fait
d’exploiter un établissement de prostitution, le fait de tolérer la prostitution dans un
établissement ouvert au public, et enfin le fait de prêter ou louer des locaux sachant
qu’ils vont servir à la prostitution.
En outre l’article 503 prévoir un délit de proxénétisme hôtelier d’une gravité moindre.
A - La tenue d’un établissement de prostitution.
C’est ce que prévoit le 1°) de l’article 501 : Posséder, gérer, exploiter, diriger, financer
ou participer au financement d’un local ou d’un établissement destiné habituellement à
la débauche ou à la prostitution.
Cet alinéa concerne de façon très large toute personne qui participe d’une manière ou
d’une autre à la gestion ou au financement d’un établissement destiné à la prostitution :
propriétaire, locataire, gérant, exploitant à quelque titre que ce soit. Il concerne
45
L’article 225-7, 10°) a été ajouté par la loi sur la prévention et la répression des infractions sexuelles du 17
juillet 1998. Il est ainsi formulé : « Grâce à l’utilisation , pour la diffusion de messages à destination d’un
public non déterminé, d’un réseau de télécommunications ».
- 27 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
également toute personne qui participe, même partiellement, au financement de
l’établissement.
B - La tolérance à la prostitution dans un établissement ouvert au public
Cette tolérance est prévue par l’article 501, 2°) Posséder, gérer, exploiter, diriger,
financer ou participer au financement de tout établissement ouvert au public ou
habituellement fréquenté par le public en acceptant la présence habituelle d’une
personne ou d’un groupe de personnes s’adonnant à la débauche ou à la prostitution ou
cherchant des clients à cette fin au sein de cet établissement ou de ses annexes, en
tolérant ces pratiques ou en encourageant le tourisme sexuel.
Les personnes concernées sont les mêmes que dans l’alinéa précédent. Mais dans cette
hypothèse il ne s’agit pas de la gestion d’une maison de prostitution mais de celle d’un
établissement ouvert au public, le plus souvent un hôtel, un restaurant, une pension, un
bar, où les tenanciers acceptent que une ou plusieurs personnes se prostituent ou
racolent dans leur établissement ou ses annexes. La formulation utilisée montre
clairement que pour que l’infraction soit constituée, il n’est pas nécessaire que les
personnes se prostituent dans l’établissement, le simple fait de s’y livrer au racolage
est suffisant. L’infraction sera également constituée si le tenancier accepte que son
établissement soit utilisé pour des activités de tourisme sexuel. Il n’était pas très utile
d’ajouter la phrase « en encourageant le tourisme sexuel », la notion étant comprise
dans celles de prostitution et de débauche utilisées plus haut.
Le plus souvent, lorsque un exploitant tolère ou encourage la prostitution dans son
établissement il perçoit une rémunération, mais la loi n’en fait pas un élément
constitutif de l’infraction et celle-ci existera même si cette tolérance n’a pas de
contrepartie.
C - La mise à la disposition de locaux destinés à la prostitution
C’est ce que prévoit l’article 501, 3°) en ces termes : Mettre des locaux ou des
emplacements non utilisés par le public à la disposition d’une ou plusieurs personnes
sachant qu’ils seront destinés à la débauche ou à la prostitution.
Ce texte vise la personne qui met à la disposition d’une ou plusieurs personnes un lieu
privé, sachant que le lieu doit servir à la prostitution. « Mettre à la disposition »
signifie prêter ou le plus souvent louer. Le texte équivalent français prévoit aussi le fait
de vendre des locaux. Cet alinéa introduit en 2003 s’en est inspiré mais sans
mentionner la vente. Faut-il considérer que l’expression « mettre à disposition » inclut
la vente ? Cela n’est pas certain. C’est parce que la jurisprudence française était très
divisée sur ce point que le législateur du nouveau code pénal en 1993, a mentionné
expressément la vente.
D - Sanction des infractions prévues par l’article 501
La sanction est l’emprisonnement de quatre à dix ans et une amende de cinq mille à
deux millions de dirhams. Il s’agit donc d’un délit.
- 28 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
Le jugement doit également ordonner le retrait de la licence dont le condamné est
bénéficiaire. Il peut également ordonner la fermeture temporaire ou définitive de
l’établissement ou du local.
La peine encourue est également applicable aux personnes qui assistent celles
énumérées par les trois alinéas de l’article 501.
Comme pour l’article 498, les coupables peuvent en outre, selon l’article 504, être
frappées pour cinq ans au moins et pour dix ans au plus de l’interdiction d’un ou
plusieurs droits énumérés à l’article 4046 et de l’interdiction de séjour47. Le même
article prévoit expressément que la tentative des délits prévus par la section relative à
la corruption de la jeunesse et à la prostitution est punissable48.
E-
Le délit de proxénétisme hôtelier prévu par l’article 503
L’article 503 punit : quiconque tolère l’exercice habituel et clandestin de la débauche
par des personnes se livrant à la prostitution dans des locaux ou emplacements non
utilisés par le public, dont il dispose à quelque titre que ce soit.
C’est une hypothèse de proxénétisme hôtelier strictement identique à celle prévue par
l’article 501, 3°) bien que la formulation soit légèrement différente. Mais la peine est
beaucoup mois élevée puisqu’elle est fixée ici à l’emprisonnement d’un mois à deux
ans et l’amende de vingt mille à deux cent mille dirhams.
Cette étrangeté est due à la modification de 2003, lors de laquelle l’article 501 a été
complètement remanié et rédigé de manière très proche de l’article 225-10 du
nouveau code pénal français alors que l’article 503 n’a pas été modifié à l’exception de
la sanction qui a été augmentée.
Dès lors on peut conclure que cet article 503 n’a plus vocation à s’appliquer puisque,
lorsqu’un comportement tombe sous le coup de plusieurs qualifications, le juge doit
appliquer la qualification la plus grave, c'est-à-dire celle pour laquelle la sanction est la
plus élevée.
2.3
L’exploitation de personnes dans la pornographie
Pour cette incrimination, il faut distinguer entre mineurs et majeurs.
A-
Les mineurs
L’infraction consistant à exploiter des mineurs de dix huit dans la pornographie a été
introduite dans le code pénal en 2003 par un nouvel article 503-2 qui sanctionne :
« Quiconque provoque, incite ou facilite l’exploitation d’enfants de moins de dix-huit
46
47
48
Voir note 33
Voir note 34
Alors que la tentative de crime est toujours punissable, la tentative de délit ne l’est que si la loi le prévoit
expressément, ce qui est le cas pour outs les délits relatifs au proxénétisme.
- 29 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
ans dans la pornographie par toute représentation, par quelque moyen que ce soit, d’un
acte sexuel réel, simulé ou perçu ou toute représentation des organes sexuels d’un
enfant à des fins de nature sexuelle »49. Est également puni « quiconque produit,
diffuse, publie, importe, exporte, expose, vend ou détient des matières
pornographiques similaires ».
Il s’agit d’un délit punissable d’un à cinq ans d’emprisonnement et de dix mille à un
million de dirhams d’amende. La peine est doublée si l’auteur de l’infraction est l’un
des ascendants de l’enfant, une personne chargée de sa protection ou ayant autorité sur
lui.
B - Les majeurs
L’incrimination n’est pas aussi explicite, mais les dispositions de l’article 498 et les
aggravations prévues par l’article 499 peuvent atteindre l’exploitation de majeurs pour
la pornographie : l’article 498, 4) embauche, entraîne, livre, protège, même avec son
consentement ou exerce une pression sur une personne en vue de la prostitution ou la
débauche ou en vue de continuer à exercer la prostitution ou la débauche 50. La
production de films ou d’images pornographiques peut tout à fait être considérée
comme de la débauche. Dès lors, les aggravations prévues par l’article 499 sont
applicables, notamment le 5°) lorsque des moyens qui permettent de photographier, de
filmer ou d’enregistrer ont été utilisés.
2.4
L'utilisation de la violence, de l'enlèvement ou de la séquestration
L'exploitation sexuelle est sanctionnée des peines vues ci-dessus lorsqu'elle est
provoquée par des promesses plus ou moins fallacieuses, la persuasion, la séduction ou
des menaces.
Mais dans certains cas, les victimes font l'objet de violences caractérisées pour
accepter l'état dans lequel l'exploiteur veut les placer ou les maintenir. Ces violences
sont interdites et sanctionnées par le code pénal, quel que soit le but dans lequel elles
sont infligées.
A - L'utilisation de la violence
 Les violences intentionnelles sont prévues par les articles 400 et suivants du code
pénal. Leur sanction est proportionnelle à la gravité des blessures causées ainsi que le
montre le tableau ci-dessous :
49
50
Là encore la rédaction en français est quelque peu maladroite. Qu’est-ce qu’un acte sexuel simulé ou
perçu ?
L’incrimination est reprise de l’article 2 du protocole à la Convention relative aux droits de l'enfant,
concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Il
eût été préférable de conserver le texte du protocole : « On entend par pornographie mettant en scène des
enfants toute représentation, par quelque moyen que ce soit, d'un enfant s'adonnant à des activités sexuelles
explicites, réelles ou simulées, ou toute représentation des organes sexuels d'un enfant, à des fins
principalement sexuelles ».
Voir supra 2.2.1., A, b)
- 30 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Blessures ayant occasionné :
Pas d'incapacité de travail ou
incapacité n'excédant pas 20
jours
incapacité de travail supérieure
à 20 jours
mutilation ou toute infirmité
permanente
mort (sans intention de la
provoquer)
Décembre 2011
nature de l'infraction
délit de police
sanctions
crime
un
mois
à
un
an
d'emprisonnement et/ou une
amende
un à trois ans d'emprisonnement
et une amende
cinq à dix ans de réclusion
crime
dix à vingt ans de réclusion
délit correctionnel
La préméditation, le guet-apens et l'emploi d'une arme sont des circonstances
aggravant la sanction. Les sanctions sont également plus graves si la victime un
mineur de dix huit ans.
B - L'enlèvement et la séquestration
L'enlèvement et la séquestration sont sévèrement réprimés par le code pénal. Les
articles 436 et suivants sanctionnent de peines criminelles (réclusion de cinq à dix ans)
"ceux qui enlèvent, arrêtent, détiennent ou séquestrent une personne quelconque". Si
la séquestration dure plus de trente jours ou si elle est exécutée à l'aide de certains
moyens (port illégal d'uniforme, usage d'un moyen de transport motorisé, menace d'un
crime contre les personnes ou les propriétés) la sanction est augmentée et passe à la
réclusion de vingt à trente ans.
C - La combinaison de plusieurs qualifications
Un seul acte peut tomber sous le coup de plusieurs qualifications du code pénal. Par
exemple une personne est séquestrée et subit des violences physiques pour la
contraindre de se livrer à la prostitution. Dans cette hypothèse, le coupable peut être
poursuivi pour au moins trois infractions : violences (articles 400 et suivants du code
pénal), séquestration (article 436 du code) et proxénétisme (articles 498).
Dans cette hypothèse, le code pénal n'additionne pas les sanctions encourues pour
chacune des infractions comme dans certains systèmes juridiques. Si un seul acte
correspond à plusieurs infractions décrites par le code le juge devra appliquer la
qualification la plus grave. Si plusieurs infractions sont commises et jugées en même
temps, il est prononcé une seule peine privative de liberté dont la durée ne peut
dépasser le maximum de la peine prévue pour l'infraction la plus grave51.
51
Article 118 du code pénal : 'Le fait unique susceptible de plusieurs qualifications doit être apprécié suivant
la plus grave d'entre elles".
Article 120 : "En cas de concours de plusieurs crimes ou délits déférés simultanément à la même juridiction,
il est prononcé une seule peine privative de liberté dont la durée ne peut dépasser le maximum de celle
édictée par la loi pour la répression de l'infraction la plus grave"
- 31 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
En Conclusion
Le code pénal consacre des dispositions détaillées à la répression de l’exploitation
sexuelle. Ces dispositions paraissent à même d’assurer correctement la répression... à
condition d’être appliquées ...
Une certaine complexité peut cependant leur être reprochée ; elle vient sans doute de la
difficulté à prévoir de manière exhaustive toutes les situations répréhensibles pouvant
se présenter dans le domaine de l’exploitation sexuelle52.
Mais la maladresse de la modification législative de 2003, n’est pas étrangère à cette
complexité. On n’insistera pas sur les impropriétés terminologiques (par exemple
maintenance au lieu de maintien de l’ordre public...). Mais les imperfections de style
rendent parfois le texte difficile à comprendre, et plus grave, certaines dispositions qui
existaient déjà dans le texte de 1963 n’ont pas été supprimées alors que leur équivalent
a été introduit par ailleurs. Une réécriture claire du texte s’impose.
Cette réécriture doit impérativement être précédée d’une évaluation de l’application
des textes actuels et dans la mesure du possible de l’évaluation de la situation exacte
de la traite des êtres humains en vue de l’exploitation sexuelle à l’intérieur du Maroc et
dans ses aspects internationaux.
52
En vertu du principe de légalité évoqué plus haut (voir note de bas de page 19) la loi doit être complète et le
juge ne peut, sous couvert d’interprétation, sanctionner des hypothèses non expressément prévues.
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
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3 . La traite aux fins d'exploitation sexuelle de dimension
internationale
L’exploitation sexuelle sévit à l’intérieur des frontières mais elle est également le fait
de réseaux internationaux qui recrutent leurs victimes dans un pays pour les exploiter
ailleurs, en les faisant parfois transiter par d’autres Etats.
Selon le rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime sur la traite
des personnes53 « on ne sait toujours pas très bien si les activités de traite des êtres humains
sont le fait de réseaux situés dans les pays d’origine ou dans les pays de destination.
D’après les données recueillies la plupart des auteurs de cette infraction étaient des
ressortissants des pays où ils avaient été arrêtés, ce qui donne à penser que les réseaux
criminels locaux recrutent les victimes pour les vendre à des réseaux criminels basés dans
les pays de destination. ......Toutefois, dans les cas d’arrestation intervenus dans des pays
de destination à revenu élevé, les auteurs d’infraction étaient plus souvent des étrangers
que dans les cas d’arrestation dans les pays d’origine. Dans de nombreux cas, les
populations de la diaspora des pays d’origine peuvent être utilisées pour faire entrer les
victimes dans les pays où elles seront exploitées. On observe également ce phénomène
dans d’autres formes de trafic transnational ».
En ce qui concerne le Maroc il n’est pas possible d’évaluer le nombre exact de
victimes de la traite internationale faute de recherches statistiques précises sur ce
point. Il semble qu’il soit à la fois un pays d’origine, de transit et de destination de la
traite des personnes. Pays d’origine, puisque les cas de marocains et de marocaines
recrutés à l’aide d’arguments plus ou moins trompeurs sont envoyés dans les pays du
Golfe et également du Moyen Orient et d’Europe. Il serait également pays de transit
pour des filles et des femmes nigérianes qui y demeurent plus ou moins longuement
pour être acheminées vers l’Europe (Espagne et Italie) et y être exploitées par des
réseaux de prostitution. Enfin pays de destination, puisque des réseaux se mettent en
place pour acheminer des femmes des Philippines afin de les exploiter dans le travail
domestique54.
La traite internationale pose deux types de problèmes : Tout d’abord celui du passage
des frontières car les victimes ne sont pas toujours en possession des documents
exigibles pour entrer ou sortir du pays prévus par la loi. (3.1).
Une deuxième question se pose lorsque la traite et l’exploitation sexuelle ont lieu à
l’étranger : la présence d’un auteur ou d’une victime de nationalité marocaine rend-elle
possible l’intervention du juge marocain appliquant la loi marocaine (3.2).
53
54
Rapport mondial sur la traite des personnes, UNDOC, février 2009.
Les informations de ce paragraphe sont tirées du Rapport sur la Traite transnationale des personnes,
Analyse et état des lieux au Maroc, Ministère de la justice-Organisation internationale des migrations
internationales, p. 43.
- 33 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
3.1
Décembre 2011
Le passage des frontières
C’est la loi n° 02-03 relative à l'entrée et du séjour des étrangers au Royaume du
Maroc, à l'émigration et l'immigration irrégulières qui organise le passage des
frontières, pour les Marocains comme pour les étrangers55. Sa lecture conduit à faire la
distinction entre la personne qui passe la frontière et celle qui aide au passage
irrégulier ou l’organise.
3.1.1 - La personne qui passe la frontière
Les personnes de nationalité marocaine, peuvent passer les frontières sans problèmes
si elles sont en mesure de présenter un passeport en cours de validité et s’il est exigé,
un visa d’entrée dans le pays de destination.
Les étrangers56 qui entrent au Maroc doivent se présenter aux autorités compétentes
avec un passeport en cours de validité et le cas échéant le visa exigible. Lors du
contrôle de ces documents, ils peuvent être tenus de justifier de leurs moyens
d'existence et des motifs de leur venue au Maroc57.
En revanche la loi sanctionne le fait de quitter le territoire :
- de façon clandestine c'est-à-dire sans passer par les postes frontières.
- en utilisant un moyen frauduleux pour se soustraire à la présentation des pièces
officielles nécessaires ou à l’accomplissement des formalités prescrites ;
- en utilisant des documents falsifiés
- en utilisant un faux nom.
La sanction est une peine de prison d’un à six mois et/ou une amende 3000 à 10.000
dirhams, nonobstant les sanctions qu’elles pourraient encourir en cas de fabrication ou
d’utilisation de faux papiers ou de tout autre acte interdit par le code pénal.
3.1.2 - L’aide au passage irrégulier des frontières
55
56
57
Promulguée par dahir n° 1-03-196 du 11 novembre 2003, Bulletin officiel du 20 novembre 2003, p. 1295.
Bien que l’étude ne porte que sur les femmes marocaines, cette restriction paraît si discriminatoire qu’un
bref développement est consacré ici à la situation des étrangers introduits au Maroc par des passeurs ou des
réseaux.
En cas d’entrée irrégulière ou s’ils ne respectent pas les contrôles et les formalités administratives imposées
pour le séjour, les étrangers peuvent être reconduits à la frontière. Si le comportement ayant motivé cette
mesure est grave, et en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé, la décision de reconduite à la
frontière peut être accompagnée d'une décision d'interdiction du territoire, d'une durée maximale d'un an, à
compter de l'exécution de la reconduite à la frontière. Ces décisions sont prises par le président du tribunal
administratif. L'expulsion peut être prononcée par l'administration si la présence d'un étranger sur le
territoire marocain constitue une menace grave pour l'ordre public. Des sanctions pénales sont en outre
encourues par les étrangers qui ne respectent pas les dispositions légales relatives à l’entrée ou du séjour des
étrangers.
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
La loi punit ceux qui organisent ou facilitent l’entrée ou la sortie du territoire
clandestine ou frauduleuse de personnes, notamment en effectuant leur transport.
L’infraction existe quelle que soit la nationalité des personnes aidées, marocaines ou
étrangères.
Le passage frauduleux des frontières est celui qui se fait en usant d’une fausse identité,
de documents falsifiés ou de toute autre fraude, le passage clandestin celui qui a lieu
sans passer par un poste frontière. La sanction est de six mois à trois ans
d’emprisonnement et une amende de 50.000 à 500.000 dirhams.
Les articles 51 et suivants de la loi n° 02-03 prévoient diverses aggravations :
-
-
-
-
-
Si celui qui prête son concours ou son assistance pour le passage irrégulier fait
partie des forces publiques ou est chargé d'une mission de contrôle, ou s’il s’agit
d'un responsable ou employé dans les transports terrestres, maritimes ou aériens,
quel que soit le but de l'utilisation de ce moyen de transport, la sanction est de deux
ans à cinq ans et une amende de 50.000 à 500.000 dirhams.
Si l’organisation des passages est habituelle, l’infraction est un crime dont la
sanction est la réclusion de dix ans à quinze ans et une amende de 500.000 à
1.000.000 de dirhams.
La même peine criminelle de réclusion de cinq à dix ans et d’amende de 500.000 à
1.000.000 de dirhams, est applicable aux membres d’une bande qui s’est formée
pour organiser des passages frontaliers irréguliers. Les dirigeants de la bande et
ceux qui y ont exercé un commandement quelconque encourent quant à eux la
réclusion de dix à vingt ans.
La sanction est encore aggravée si le transport des personnes entrant ou sortant
clandestinement du territoire a provoqué pour l’une ou plusieurs, une infirmité
permanente. Dans cette hypothèse la réclusion est de quinze à vingt ans.
Enfin si ce transport a provoqué la mort la peine est la réclusion perpétuelle.
On le constate, la loi prévoit des sanctions sévères pour ceux qui font passer
irrégulièrement les frontières, quelles que soient les raisons pour lesquelles ils se
livrent à cette activité. Le plus souvent il s’agit de trafic de migrants ou de traite à des
fins d’exploitation. Reste à savoir si ces sanctions sont appliquées dans la réalité car
l’existence d’une loi ne présente d’intérêt que si ses dispositions sont mises en œuvre.
3.2
Le jugement au Maroc de l’exploitation sexuelle commise à
l’étranger
Comme cela a été précisé plus haut, la loi pénale est d’application territoriale. Toutes
les infractions commises sur le territoire marocain relèvent du juge pénal marocain. On
retrouve la même règle dans tous les codes pénaux. Par voie de conséquence, les
infractions commises hors du Maroc échappent à la justice marocaine, elles relèvent de
la justice de l’Etat où elles ont été commises. Pour toutes les infractions qui ont un
aspect transnational, cette règle risque de gêner la répression : si l’infraction est
- 35 -
La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
commise sur le territoire de plusieurs Etats, ce qui est le cas de beaucoup de trafics
(stupéfiants, être humains, devises etc.) cela augmente les risque d’impunité, faute de
pourvoir fixer clairement le tribunal compétent. Dans tous les cas l’application stricte
du principe de territorialité favorise l’impunité puisqu’il suffirait au délinquant d’aller
s’installer dans un pays tiers pour être à l’abri de toute poursuite.
C’est pourquoi le principe de territorialité connaît quelques exceptions. Pour certaines
infractions, la commission d’un seul élément de l’infraction sur le territoire marocain
entraîne la compétence du juge et de la loi pénale marocaine. C’est ce que prévoit
l’article 500 du code pénal en ce qui concerne l’incitation à la débauche et le
proxénétisme (3.2.1.). Par ailleurs le code de procédure pénale prévoit la compétence
du juge marocain et l’application de la loi pénale marocaine dans certaines hypothèses
où l’auteur de l’infraction commise à l’étranger ou sa victime est de nationalité
marocaine (3.2.2).
3.2.1 - Un élément de l’infraction a été commis sur le territoire marocain
(article 500 du code pénal)
En ce qui concerne la traite internationale aux fins d’exploitation sexuelle, le code
pénal dispose : « les peines prévues aux articles 497 à 499 sont encourues alors même
que certains des actes qui sont les éléments constitutifs de l’infraction ont été
accomplis hors du Royaume ».
Ainsi par exemple, si quelqu’un embauche une femme pour un prétendu travail à
l’étranger et qu’une fois arrivée à destination celle-ci soit livrée à la prostitution, le
code marocain est applicable et le proxénétisme bien que commis à l’étranger sera
punissable des peines que l’on a vues plus haut.
Selon le code pénal annoté58, « ce texte reçoit, notamment son application en matière
de traite des femmes, l’embauchage étant fait dans un pays, et les filles étant
transférées, parfois après plusieurs voyages, dans un autre pays où elles sont livrées à
la prostitution ».
La difficulté qu’il peut poser est la multiplicité des tribunaux compétents. En effet si la
même disposition existe dans les codes de plusieurs Etats, lorsque les éléments d’une
infraction de proxénétisme ont un caractère transnational, plusieurs tribunaux peuvent
se trouver compétents. Cela n’est pas une véritable difficulté. En procédure pénale, en
vertu de la règle « non bis in idem », il ne peut y avoir deux poursuites pour les mêmes
faits. Donc, si l’infraction est définitivement jugée dans un Etat, le Maroc ne pourra la
juger une deuxième fois. Cela est d’ailleurs expressément précisé dans le code de
procédure pénale, comme cela va être vu ci-dessous.
58
Code pénal annoté, op. cit. p. 519.
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
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Une disposition un peu similaire figure dans l’article 503-2 concernant la pornographie
mettant en scène des enfants : « Ces actes sont punis même si leurs éléments sont
commis hors du Royaume ». Etant donné la formulation utilisée il semble qu’il
s’agisse d’une compétence universelle, c'est-à-dire que le juge marocain peut juger les
actes décrits par l’article 503-259 quels que soient la qualité de l’auteur et le lieu de
commission de l’infraction, si le juge se trouve dans la possibilité de juger le
délinquant.
3.2.2 - La victime ou l’auteur de l’infraction est de nationalité marocaine
Le code de procédure pénale prévoit la compétence du juge marocain dans deux séries
d’hypothèses. D’une part lorsqu’une infraction est commise à l’étranger par un
Marocain, d’autre part lorsqu’une infraction dont un Marocain est victime commise à
l’étranger.
A - Infraction commise à l’étranger par un Marocain,
L’article 707 du code de procédure pénale dispose que tout fait qualifié crime60 par la
loi marocaine et commis hors du Royaume par un Marocain peut être poursuivi et jugé
au Maroc. La poursuite ne peut avoir lieu que si le criminel est revenu au Maroc et ne
justifie pas avoir été irrévocablement jugé à l’étranger et, en cas de condamnation
d’avoir subi sa peine ou obtenu sa grâce.
Si l’infraction commise à l’étranger est un délit (article 708), elle peut être poursuivi et
jugée au Maroc sous les mêmes conditions que les crimes. En outre en cas de délit
commis contre un particulier, la poursuite ne peut avoir lieu qu’à la requête du
ministère public saisi d’une plainte de la personne lésée ou d’une dénonciation du pays
où le délit a été commis.
B - Infraction commise à l’étranger dont la victime est un Marocain
Les tribunaux marocains ne peuvent se déclarer compétents que si l’infraction
commise par un étranger sur une victime marocaine est un crime. La situation est
prévue par l’article 710 du code de procédure pénale : « Tout étranger qui, hors du
territoire du Royaume s’est rendu coupable d’un fait qualifié crime par la loi
marocaine, comme auteur, coauteur ou complice, peut être pour suivie et jugé selon
les dispositions de la loi marocaine lorsque la victime de ce crime est de nationalité
marocaine ».
On retrouve ici la même restriction que dans les deux hypothèses précédentes. Le
coupable ne peut être poursuivi s’il a été irrévocablement jugé à l’étranger et, en cas de
condamnation s’il a subi sa peine ou obtenu sa grâce
59
60
Voir supra 2.4 : L’exploitation de personnes dans la pornographie.
Comme cela a déjà été mentionné, le code pénal classe les infractions selon leur gravité en crimes (les plus
graves), délits (infractions de gravité moyenne) et contraventions (de faible gravité). Cette classification
entraîne de nombreuses conséquences juridiques, en particulier elle détermine le tribunal compétent.
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
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En Conclusion.
L’aspect international complique considérablement la répression de l’exploitation
sexuelle. En dehors des dispositions étendant la compétence du juge marocain à des
infractions commises à l’étranger exposées ci-dessus, la loi prévoit des mesures
destinées à faciliter la coopération avec les autorités étrangères. Elles concernent les
commissions rogatoires61 adressées à des autorités judiciaires étrangères, la
reconnaissance de certaines sentences pénales étrangères et l’extradition. Ces
procédures ne seront pas exposées ici, d’une part parce qu’elles ont un caractère trop
technique mais surtout parce qu’elles ne sont applicables qu’en l’absence de
conventions passée avec les Etats concernés. C’est ce que prévoit l’article 713 du code
de procédure pénale62.
Il est difficile de savoir si les dispositions existant dans ce domaine, qu’il s’agisse des
articles du code de procédure pénale ou des conventions d’entraide judiciaire passées
avec différents Etats, reçoivent réellement application.
Quoiqu’il en soit, la justice internationale est toujours beaucoup trop lente. A une
époque où l’on peut faire le tour du monde en une journée et où l’on peut envoyer des
messages et faire circuler l’argent en quelques secondes, une commission rogatoire
doit théoriquement être envoyée au ministre de la justice qui la transmet par voie
diplomatique. Si le moindre soupçon parvient à la connaissance du délinquant il aura
délocalisé ses activités bien avant l’exécution de la commission.
Certes les procédures peuvent être raccourcies en cas d’urgence, mais quand on
connaît les lenteurs de la justice sur le plan interne, on ne peut guère espérer un
fonctionnement plus rapide sur le plan international.
61
62
La commission rogatoire est la demande faite par le juge d’instruction à un autre magistrat de procéder à sa
place à tel ou tel acte d’instruction.
Article 713 du code de procédure pénale : « Les conventions internationales ont la priorité sur les lois
nationales concernant la coopération judiciaire avec les étrangers. Les dispositions du présent titre ne
reçoivent application qu’en l’absence ou dans le silence des conventions sur les dispositions de ce titre »
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
Annexe 1 : Extraits du code pénal
Dans la partie énumérant les diverses infractions et leur sanction le chapitre VIII traite
« Des crimes et délits contre l’ordre des familles et la moralité publique ». La section
VII qui concerne le thème de cette étude, est reproduite ci-dessous :
Section VII : de la corruption de la jeunesse et de la prostitution
Article 497 : (modifié en 2003) Quiconque excite, favorise ou facilité la débauche ou
la prostitution des mineurs de moins de dix huit ans, est puni de l’emprisonnement de
deux à dix ans et d’une amende de vingt mille à deux cent mille dirhams.
Article 498 : (modifié en 2003) Est puni de l’emprisonnement de un an à cinq ans et
d’une amende de cinq mille à un million de dirhams, à moins que le fait ne constitue
une infraction plus grave, quiconque sciemment :
1° d’une manière quelconque, assiste, ou protège la prostitution d’autrui et le racolage
en vue de la prostitution ;
2° sous une forme quelconque, en connaissance de cause, perçoit un part des produits
de la prostitution ou de la débauche d’autrui ou reçoit des subsides d’une personne
se livrant habituellement à la prostitution ou à la débauche ;
3° vit en connaissance de cause, avec une personne se livrant habituellement à la
prostitution ;
4° embauche, entraîne, livre, protège, même avec son consentement ou exerce une
pression sur une personne en vue de la prostitution ou la débauche ou en vue de
continuer à exercer la prostitution ou la débauche ;
5° fait office d’intermédiaire, à un titre quelconque, entre les personnes se livrant à la
prostitution ou à la débauche et les individus qui exploitent ou rémunèrent la
prostitution ou la débauche d’autrui ;
6° aide celui qui exploite la prostitution ou la débauche d’autrui à fournir de fausses
justifications de ses ressources financières ;
7° se trouve incapable de justifier la source de ses revenus, considérant son niveau de
vie alors qu’il vit avec une personne se livrant habituellement à la prostitution ou à
la débauche ou entretenant des relations suspectes avec une ou plusieurs personnes
se livrant à la prostitution ou à la débauche ;
8° entrave les actions de prévention, de contrôle, d’assistance ou de rééducation
entreprises par les secteurs, les organismes ou organisations habilitées à cet effet
vis-à-vis des personnes qui s’adonnent à la prostitution ou à la débauche ou qui y
sont exposées.
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
Article 499 (modifié en 2003) : Les peines édictées à l’article précédent sont portées à
l’emprisonnement de deux à dix ans et à une amende de dix mille à deux millions de
dirhams lorsque :
1° l’infraction a été commise à l’égard d’un mineur de moins de dix-huit ans ;
2° l’infraction a été commise à l’égard d’une personne dans une situation difficile du
fait de son âge, d’une maladie, d’un handicap, ou d’une faiblesse physique ou
psychique, ou à l’égard d’une femme enceinte, que sa grossesse soit apparente ou
connue par le coupable ;
3° l’infraction a été commise à l’égard de plusieurs personnes ;
4° l’auteur de l’infraction est l’un des époux ou appartient à l’une des catégories
énumérées à l’article 487 du présent code ;
5° l’infraction a été provoquée par contrainte, abus d’autorité ou fraude ou lorsque des
moyens qui permettent de photographier, de filmer ou d’enregistrer ont été
utilisées ;
6° l’infraction est commise par une personne chargée, du fait de sa fonction, de
participer à la lutte contre la prostitution ou la débauche, à la protection de la santé
et de la jeunesse ou à la maintenance de l’ordre public ;
7° l’auteur de l’infraction est porteur d’une arme apparente ou cachée ;
8° l’infraction a été commise par plusieurs personnes comme auteurs, coauteurs ou
complices sans pour autant constituer une bande ;
9° l’infraction a été commise par le biais de messages adressés à travers les moyens de
communication soit à un public non déterminé ou à des personnes précises.
Article 499-1 (ajouté en 2003) : Les infractions prévues à l’article 499 ci-dessus sont
punies de l’emprisonnement de dix à vingt ans et d’une amende de cent mille à trois
millions de dirhams si elles sont commises par une association de malfaiteurs.
Article 499-2 (ajouté en 2003) : Les infractions prévues aux articles 499 et 499-1 cidessus sont punies de la réclusion perpétuelle si elles sont commises par la torture ou
des actes de barbarie.
Article 501 (modifié en 2003): Est puni de l’emprisonnement de quatre ans à dix ans
et d’une amende de cinq mille à deux millions de dirhams quiconque ayant commis
lui-même ou, par l’intermédiaire d’un tiers, l’un des actes suivants :
1° posséder, gérer, exploiter, diriger, financer ou participer au financement d’un local
ou d’un établissement destiné habituellement à la débauche ou à la prostitution ;
2° posséder, gérer, exploiter, diriger, financer ou participer au financement de tout
établissement ouvert au public ou habituellement fréquenté par le public en
acceptant la présence habituelle d’une personne ou d’un groupe de personnes
s’adonnant à la débauche ou à la prostitution ou cherchant des clients à cette fin au
sein de cet établissement ou de ses annexes, en tolérant ces pratiques ou en
encourageant le tourisme sexuel ;
3° mettre des locaux ou des emplacements non utilisés par le public à la disposition
d’une ou plusieurs personnes sachant qu’ils seront destinés à la débauche ou à la
prostitution.
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
La même peine est applicable aux assistants des personnes précitées aux
précédents alinéas du présent article.
Dans tous les cas, le jugement doit ordonner le retrait de la licence dont le
condamné est bénéficiaire. Il peut également prononcer la fermeture temporaire ou
définitive du local.
Article 501-1 (ajouté en 2003) : Lorsque l’auteur des faits prévus aux articles 497 à
503 est une personne morale, elle est punie d’une amende de dix mille à trois million
de dirhams. Les peines complémentaires et les mesures de sûreté prévues à l’article
127 du présent code lui sont applicables, sans préjudice des peines auxquelles ses
dirigeants sont passibles.
Article 502 (sanction augmentée en 2003) : Est puni de l’emprisonnement d’un mois à
un an et d’une amende de vingt mille à deux cent mille dirhams quiconque, par gestes,
paroles, écrits ou par tous autres moyens procède publiquement au racolage de
personnes de l’un ou de l’autre sexe en vue de les provoquer à la débauche.
Article 503 : (sanction augmentée en 2003) Est puni de l’emprisonnement d’un mois à
deux ans et d’une amende de vingt mille à deux cent mille dirhams, à moins que le fait
ne constitue une infraction plus grave, quiconque tolère l’exerce habituel et clandestin
de la débauche par des personnes se livrant à la prostitution dans des locaux ou
emplacements non utilisés par le public, dont il dispose à quelque titre que ce soit.
Article 503-1 : (ajouté en 2003) incrimine et sanctionne le harcèlement sexuel.
Article 503-2 (ajouté en 2003) : quiconque provoque, incite ou facilite l’exploitation
d’enfants de moins de dix huit ans dans la pornographie par toute représentation, par
quelque moyen que ce soit, d’un acte sexuel réel, simulé ou perçu ou toute
représentation des organes sexuels d’un enfant à des fins de nature sexuelle, est puni
de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de dix mille à un million de
dirhams.
La même peine est applicable à quiconque produit, diffuse, publie, importe,
exporte, expose, vend ou détient des matières pornographiques similaires.
Ces actes sont punis même si leurs éléments sont commis hors du Royaume.
La peine prévue au premier alinéa du présent article est portée au double
lorsque l’auteur est l’un des ascendants de l’enfant, une personne chargée de sa
protection ou ayant autorité sur lui.
La même peine est applicable aux tentatives de ses actes ?
Le jugement de condamnation ordonne la confiscation et la destruction des
matières pornographiques.
En outre, le jugement peut ordonner, le cas échéant, le retrait de la licence dont
le condamné est bénéficiaire. Il peut également prononcer la fermeture temporaire ou
définitive des locaux.
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
Article 504 : Dans tous les cas les coupables délits prévus à la présente section
peuvent, en outre, être frappés pour cinq ans au moins et dix ans au plus de
l’interdiction d’un ou de plusieurs des droits mentionnés à l’article 40 et de
l’interdiction de séjour.
La tentative de ces délits est punie des mêmes peines que l’infraction
consommée.
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
Recommandations concernant l’étude sur l'exploitation des femmes à des fins
sexuelles
Il est difficile de faire des recommandations portant exclusivement sur une infraction
ou une catégorie d'infraction, sachant que les incriminations sont comprises dans un
ensemble cohérent qui doit répondre à une logique qui reflète les valeurs que le
législateur veut préserver et la politique pénale poursuivie.
 En ce qui concerne notre code pénal, c'est l'esprit même du code qui doit être
repensé. Ce ne sont pas tant les incriminations qu'il faut changer mais la façon de les
envisager.
Seule une refonte totale, dans un autre esprit, pourrait faire de ce code pénal un
instrument réellement respectueux des droits fondamentaux et des libertés. La
rédaction d'un nouveau code implique donc une réflexion sur l'approche du législateur
et la conception qu'il a des droits de chacun.
 En ce qui concerne plus spécifiquement l'exploitation sexuelle, il est choquant
qu'elle soit traitée dans un chapitre intitulé "des crimes et délits contre l'ordre des
familles et la moralité publique". L'intitulé de la section où est sanctionné le
proxénétisme est également curieux "de la corruption de la jeunesse et de la
prostitution", puisque la prostitution en tant que telle (c'est-à-dire relations sexuelles
moyennant contrepartie) n'est pas une incrimination du code. Ce que cette section
réprime ce sont toutes les activités qui encouragent ou facilitent la prostitution
(proxénétisme sous toutes ses formes, racolage). Le proxénétisme devrait être
considéré avant tout comme une atteinte à la liberté ou à la dignité de la personne et
non comme une atteinte à la moralité publique.
 Toujours concernant l'exploitation sexuelle, une réflexion doit être menée sur les
problèmes pénaux que posent la traite des êtres humains, au sens où la définit le
"protocole additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en
particulier des femmes et des enfants". L'introduction d'une incrimination devrait être
envisagée, sanctionnant le trafic et la privation de liberté d'êtres humains en vue de
leur exploitation.
 Les incriminations prévues par le code pénal pour sanctionner le proxénétisme
(article 498 et suivants) pourraient, à condition d'être systématiquement appliquées
assurer correctement la répression de l'exploitation sexuelle. Mais elles sont
inutilement compliquées. Elles sont le produit des articles qui se trouvaient
initialement dans le code de 1963, modifiés et complétés en 2003 (loi n° 24-03
modifiant le code pénal). La maladresse de la modification législative de 2003, n’est
pas étrangère à cette complexité. Certaines dispositions qui existaient déjà dans le
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
texte de 1963 n’ont pas été supprimées alors que leur équivalent a été introduit par
ailleurs. Une réécriture claire du texte s’impose.
Cette réécriture doit impérativement être précédée d’une évaluation de l’application
des textes actuels et dans la mesure du possible de l’évaluation de la situation exacte
de la traite des êtres humains en vue de l’exploitation sexuelle à l’intérieur du Maroc et
dans ses aspects internationaux.
 L'accent doit être mis sur la nécessité de se pencher sur les problèmes que pose le
trafic international d'êtres humains en vue de l'exploitation sexuelle. La solution
législative concerne plus le code de procédure pénale que le code pénal et des
solutions peuvent, en outre, être apportées par les conventions d'entraide judiciaire
passées aves les pays de destination ou d'origine du trafic. Mais les rédacteurs du code
pénal doivent garder cette question présente à l'esprit, étant donné son importance.
 Cela conduit à recommander une meilleure application des conventions
internationales ratifiées par le Maroc. La nouvelle constitution qui prévoit que les
conventions internationales ratifiées et publiées ont la primauté sur le droit interne ne
peut qu’appuyer cette recommandation. Dans le cadre de cette étude on recommandera
l’application stricte des conventions citées dans l’étude (convention pour la répression
de la traite des êtres humains et l’exploitation de la prostitution d’autrui du 2 décembre
1949, Convention sur la criminalité transnationale organisée du 12 décembre 2000 et
son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes,
en particulier des femmes et des enfants).
 Il est impératif de ne pas considérer les femmes, et de manière générale toutes les
personnes, livrées à la prostitution comme des délinquants mais plutôt comme des
victimes. Leur protection doit être organisée, en particulier lorsqu’il s’agit de
personnes exploitées par des réseaux nationaux ou internationaux. La récente loi sur la
protection des victimes, témoins, experts et dénonciateurs apporte des éléments
pouvant faciliter cette protection.
 Enfin, et c’est une recommandation qui peut être faite dans bien des domaines, il est
indispensable d’avoir le souci d’appliquer réellement les lois en vigueur. L’existence
d’une loi ne règle aucun problème, c’est à l’aune de son application concrète que l’on
peut mesurer son efficacité. Or, très souvent, pour diverses raisons, la loi n’est pas ou
mal appliquée. Dans le domaine qui nous intéresse une étude systématique de la
jurisprudence de quelques juridictions apporterait les connaissances indispensables à
la poursuite d’une action concrète dans ce domaine.
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
Décembre 2011
Annexe 2 : principales conventions internationales
Les conventions internationales qui traitent plus ou moins directement de
l’exploitation des femmes à des fins sexuelles sont nombreuses. On peut en dresser la
liste suivante :
Instruments des Nations Unies
-
-
-
Arrangement international pour la répression de la traite des blanches (18 mai
1904), amendé par le Protocole du 3 décembre 1948 ;
Convention internationale relative à la répression de la traite des blanches (4 mai
1910), amendée par le Protocole de 1948 ;
Convention internationale pour la répression de la traite des femmes et des
enfants (30 septembre 1921), amendée par le Protocole du 20 octobre 1947 ;
Convention relative à l'esclavage (25 septembre 1926) amendée par le Protocole
du 23 octobre 1953 ;
Convention internationale pour la répression de la traite des femmes majeures
(11 octobre 1933) amendée par le Protocole de 1947 ;
Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation
de la prostitution d'autrui (2 décembre 1949) ;
Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des
esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage (30 avril 1956) ;
Pacte International relatif aux droits civils et politiques (1966) ;
Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) ;
Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des
femmes (18 décembre 1979) ;
o Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes
de discrimination à l'égard des femmes (6 octobre 1999) ;
Convention relative aux droits de l’enfant (20 novembre 1989) ;
Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs
migrants et des membres de leur famille (18 décembre 1990) ;
Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant,
concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie
mettant en scène des enfants (25 mai 2000) ;
Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, (15
novembre 2000) avec ses deux protocoles :
o Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air, mer,
additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée (15 novembre 2000) ;
o Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en
particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
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Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (15
novembre 2000).
Instruments de l’Organisation International du Travail
-
Convention n° 29 concernant le travail forcé ou obligatoire (28 juin1930) ;
Convention n° 105 relative à l’abolition du travail forcé (25 juin 1957) ;
Convention n° 182 se rapportant à l’interdiction des pires formes de travail des
enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination (17 juin 1999).
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Annexe 3 : page consacrée au Maroc dans le rapport mondial sur la
traite des personnes, UNDOC, février 2009.
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La traite des femmes à des fins sexuelles-Etude juridique
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Annexe 4 - Bibliographie
L'étude est basée principalement sur les textes législatifs et réglementaires marocains :
-
-
Code pénal (Dahir du 23 novembre 1962, plusieurs fois modifié et complété,
notamment en ce qui concerne l'objet de l'étude par la loi n° 24-03 promulguée par
dahir n° 1-03-207 du 11 novembre 2003).
Code de procédure pénale (Loi n° 22-01 promulguée par dahir n° 1-+02-255 du 3
octobre 2002)
Loi n° 02-03 relative à l'entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc,
à l'émigration et à l'immigration irrégulière, promulguée par dahir n° 1-03-196 du
11 novembre 2003 (B.O. du 20 novembre 2003), p. 1295, et son décret
d'application n° 2-09-607 du 1er avril 2010 (B.O. 6 mai 2010, p. 1326.
Ouvrages juridiques :
- RUOLT Adolphe, Code pénal annoté, Ministère de la Justice, institut national
d'études judiciaires, Rabat, 1990.
- MERLE Roger et VITU André : traité de droit criminel, droit pénal spécial, Tome 2,
Cujas, Paris, 1982.
- RASSAT Michèle Laure, Droit pénal spécial, infractions des et contre les
particuliers, Dalloz, Paris, 1997.
Rapports :
- "Global report on trafficking in persons", Office des Nations Unies contre la
drogue et le crime (UNODC), février 2009.
- "Rapport sur la Traite transnationale des personnes, Analyse et état des lieux au
Maroc", Ministère de la justice-Organisation internationale des migrations
internationales
Articles
- BENRADI Malika, "GENRE ET MIGRATION : analyse de nouvelles formes
d'esclavage", XXVI congres international de la population, Septembre 2009,
Marrakech – Maroc
- EZZINE Abdelfattah : L’émigration Féminine aux pays du Golfe : Eléments
d’analyse
et
d’action,
site
web
du
forum
social
maroc
:
http://www.forumsocialmaroc.net/
- KHACHANI Mohamed, "la migration clandestine au Maroc", intervention au
colloque Entre mondialisation et protection des droits - Dynamiques migratoires
marocaines : histoire, économie, politique et culture, Casablanca, 13, 14 et 15 juin
2003
Sites web :
-
Office des Nations Unies contre la drogue et le crime : http://www.unodc.org/ .
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Ce site contient de nombreuses informations intéressantes sur la traite des êtres
humains, pour la plupart en anglais.
Voir en particulier les indicateurs sur
la traite des êtres humains :
http://www.unodc.org/documents/humantrafficking/HT_indicators_F_LOWRES.pdf
-
Ensemble Contre la traite des êtres humains, http://www.contrelatraite.org/ Le
Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains », conscient de la nécessité
de travailler en réseau, a été créé pour lutter efficacement contre toutes les formes
de ce fléau. Il regroupe, depuis le 28 mai 2008, 25 associations françaises,
engagées de façon directe ou indirecte avec les victimes en France ou dans les pays
de transit et d’origine de la traite.
-
Site législatif de l'Union européenne : http://europa.eu/
-
Centre pour l'égalité
http://www.diversite.be/
-
Fondation Scelles : connaître, comprendre, combattre l'exploitation sexuelle :
http://www.fondationscelles.org/
des
chances
et
la
lutte
contre
le
racisme
:
De nombreux articles de presse,
Notamment et de manière non exhaustive :
- Christelle Marot "Les Marocaines aussi quittent le pays", L'Express, 23/10/2010
- Nadia Lamlili, " l'esclavage sexuel ou la traite des marocaines du golfe", Tel
quel, 13 mai 2007.
- "Maroc : le business du sexe", le journal Hebdo, n° 196 du 19 au 26 février
2005.
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