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CENTRE DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS SPORTIFS DU CANADA (CRDSC) No de dossier : SDRCC DT 12‐0179 CENTRE CANADIEN POUR L’ÉTHIQUE DANS LE SPORT (CCES) et ASHLEY KRAAVEVELD et TAEKWONDO CANADA UNIQUE ARBITRE : HUGH L. FRASER REPRÉSENTANT LE CCES: YANN BERNARD REPRÉSENTANT L’ATHLÈTE : JAMES BUNTING KRISTIN JEFFERY DATE DE L’AUDIENCE : 4 et 5 OCTOBRE 2012 TORONTO (ONTARIO) DATE DE LA DÉCISION : 29 OCTOBRE 2012 LIEU DE L’AUDIENCE : 1 1.0 LES PARTIES 1.1 Le demandeur, le Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES), est un organisme indépendant sans but lucratif, responsable du maintien à jour et de l’administration du Programme canadien antidopage (PCA), ce qui inclut la prestation de services antidopage aux organismes nationaux de sport et à leurs membres. Le CCES est signataire du Code mondial antidopage (le CMA). 1.2 L’intimée, Ashley Kraayeveld, est une athlète de 20 ans, qui pratique le taekwondo; elle réside en Ontario, au Canada. Elle a été membre de l’équipe canadienne junior de taekwondo pendant deux ans et elle a remporté la médaille d’or aux Championnats panaméricains juniors. 1.3 Taekwondo Canada est l’organisme national qui régit le sport du taekwondo au Canada. 2.0 LES FAITS NON CONTESTÉS 2.1 Les faits suivants : a) ont été admis par les parties dans leurs mémoires respectifs; b) ont été admis par les parties au cours de l’audience; ou c) n’ont pas été contestés par les parties. 2.2 Ashley Kraayeveld, âgée de 20 ans, est étudiante au Humber College. Elle fait de la compétition en taekwondo depuis l’âge de huit ans et elle a remporté de nombreuses médailles lors de compétitions de niveaux junior et senior. On considérait qu’elle avait des chances de faire partie de l’équipe olympique de 2016 et elle s’était notamment fixé cet objectif. 2.3 Le 28 juin 2012, elle a pris part aux Championnats canadiens de taekwondo seniors à Toronto. Elle a gagné dans sa division et a été soumise à un contrôle antidopage peu après le tournoi. L’échantillon d’urine qu’elle a fourni a donné lieu à un résultat d’analyse anormal attribuable à du furosémide. 2.4 Le furosémide est une substance spécifiée interdite selon la Liste des interdictions 2012 de l’Agence mondiale antidopage (AMA). 2 2.5 Ashley Kraayeveld a admis qu’elle avait pris du furosémide et qu’elle avait ainsi commis une violation des règles antidopage. Elle a expliqué qu’elle avait ingéré du furosémide le 27 juin 2012, la veille des Championnats nationaux seniors, en prenant une pilule que sa mère lui avait donnée pour soulager la douleur et les malaises dus au début de son cycle menstruel. 2.6 Ashley Kraayeveld n’avait pas d’ordonnance pour le furosémide. Le médicament avait été prescrit à son père, pour soigner des troubles cardiaques. 2.7 Le CCES ne conteste pas la source du test positif. Il a admis que le furosémide avait été ingéré sous la forme d’une pilule prescrite au père de l’athlète. 2.8 Ashley Kraayeveld n’avait encore jamais été soumise à un test antidopage, avant le 27 juin 2012. 2.9 Le 2 août 2012, Mme Kraayeveld a signé une Admission d’une violation des règles antidopage et ainsi reconnu qu’elle avait violé l’article 7.23 du PCA, qui prévoit que la simple présence d’une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs dans l’échantillon corporel de l’athlète est une violation des règles antidopage. 3. 0 L’HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE 3.1 Le CCES a reçu le résultat d’analyse anormal du laboratoire accrédité par l’Agence mondiale antidopage (AMA) le 11 juillet 2012. Le CCES a donc allégué que Mme Kraayeveld avait commis une violation des règles antidopage aux termes des articles 7.23 à 7.26 des Règlements relatifs aux violations des règles antidopage et conséquences. 3.2 Une violation des règles antidopage ne peut être établie qu’au moyen d’une audience devant le Tribunal antidopage, à moins que l’athlète ne reconnaisse la violation des règles antidopage, n’accepte la sanction et ne renonce à son droit à une audience. 3 3.3 Le 9 août 2012, Ashley Kraayeveld a signé et confirmé son acceptation volontaire d’une suspension provisoire débutant à la date de la signature de l’entente. 3.4 Le 27 août 2012, Ashley Kraayeveld a déposé une demande signée en vue d’obtenir une séance en bonne et due forme pour régler le différend relié au dopage. 3.5 Le 30 août 2012, l’honorable Hugh L. Fraser a été confirmé comme arbitre dans cette procédure. 3.6 Le 10 septembre 2012, une conférence téléphonique préliminaire a été convoquée par l’arbitre. Y ont assisté l’athlète, son avocat, son conseiller, l’avocat du CCES, un dirigeant de Taekwondo Canada ainsi que la directrice exécutive du CRDSC et plusieurs autres employés du CRDSC. 3.7 L’audience a eu lieu à Toronto, les 4 et 5 octobre 2012. 3.8 Au cours de l’audience, les personnes suivantes ont témoigné. (a) Ashley Kraayeveld; (b) Kyung Sook Kim; (c) Dorothy Kraayeveld; (d) Ken Anstruther; (e) Dr. Christiane Ayotte; (f) Kate Noseworthy. 3.9 Le 10 octobre 2012, le Tribunal a rendu sa décision, la décision motivée devant être communiquée le 25 octobre 2012. 3.10 Le 24 octobre 2012, en fin d’après‐midi, le Tribunal a été informé par la directrice exécutive du CRDSC que le CCES avait soulevé une question concernant la date de la fin de la période de suspension de Mme Kraayeveld. Le secrétariat du Tribunal a demandé aux parties de soumettre des observations par écrit à ce 4 sujet, au plus tard le 26 octobre 2012. Ces observations ont effectivement été reçues le 26 octobre 2012 et seront intégrées aux motifs qui suivent. 4.0 LES RÈGLES ANTIDOPAGE PERTINENTES 4.1 Les articles pertinents du Règlement du Programme canadien antidopage sont reproduits ci‐dessous : 7.23 La présence d’une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs dans l’échantillon corporel de l’athlète est une violation des règles antidopage. [Code, article 2.1] 7.24 Il incombe à chaque athlète de s’assurer qu’aucune substance interdite ne pénètre dans son organisme. Les athlètes sont responsables de toute substance interdite, de ses métabolites ou marqueurs, dont la présence est décelée dans leurs échantillons. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de faire la preuve de l’intention, de la faute, de la négligence ou de l’usage conscient de la part de l’athlète pour établir une violation des règles antidopage. [Code, article 2.1.1] 7.25 La violation d’une règle antidopage en vertu du règlement 7.23 est suffisamment établie dans l’un ou l’autre des cas suivants : présence d’une substance interdite ou de ses métabolites ou marqueurs dans l’échantillon A de l’athlète lorsque l’athlète renonce à l’analyse de l’échantillon B et que l’échantillon B n’est pas analysé; ou, lorsque l’échantillon B est analysé, confirmation, par l’analyse de l’échantillon B, de la présence de la substance interdite ou de ses métabolites ou marqueurs décelés dans l’échantillon A de l’athlète. [Code, article 2.1.2] 7.26 Excepté les substances pour lesquelles un seuil de déclaration est précisé dans la Liste des interdictions, la présence de la moindre quantité d’une substance interdite, de ses métabolites ou marqueurs dans l’échantillon d’un athlète, est une violation des règles antidopage. [Code, article 2.1.3] 5 7.27 À titre d’exception à la règle générale visant cette violation des règles antidopage, la Liste des interdictions ou les standards internationaux pourront prévoir des critères d’appréciation particuliers dans le cas de substances interdites pouvant également être produites de façon endogène. [Code, article 2.1.4] [...] 7.38 La période de suspension imposée pour une première violation des règlements 7.23‐7.27 (Présence dans l’échantillon), des règlements 7.28‐
7.30 (Usage ou tentative d’usage ) et des règlements 7.34 et 7.35 (Possession de substances ou de méthodes interdites) sera de deux (2) ans de suspension, à moins que les conditions imposées pour l’annulation ou la réduction de la période de suspension, conformément aux règlements 7.42 ‐7.43 (Substances spécifiées) et des règlements 7.44‐7.48 (Circonstances exceptionnelles), ou les conditions imposées pour l’extension de la période de suspension, conformément au règlement 7.49 (Circonstances aggravantes), ne soient remplies. [Code, article 10.2] [...] Annulation ou réduction de la période de suspension liée à des substances spécifiées dans certaines circonstances 7.42 Lorsqu’un(e) athlète ou autre personne peut établir de quelle manière une substance spécifiée s’est retrouvée dans son organisme ou en sa possession, et que cette substance spécifiée ne visait pas à améliorer la performance de l’athlète ni à masquer l’usage d’une substance améliorant la performance, la période de suspension prévue au règlement 7.38 sera remplacée par ce qui suit : Première violation : Au moins une réprimande, mais sans période de suspension interdisant la participation aux manifestations futures, et au maximum deux (2) ans de suspension. 7.43 Pour justifier l’annulation ou la réduction prévue au règlement 7.42, l’athlète ou autre personne doit produire des preuves à l’appui de ses dires et établir, d’une manière qui convainque suffisamment le Tribunal antidopage, l’absence d’intention d’améliorer la performance sportive ou 6 de masquer l’usage d’une substance améliorant la performance. La gravité de la faute de l’athlète ou de autre personne sera le critère applicable pour évaluer toute réduction de la période de suspension. L’athlète ou l’autre personne doit s’acquitter du fardeau d’établir que son degré de faute justifie une réduction de la sanction. [Code, article 10.4] 5.0 LA QUESTION À TRANCHER 5.1 L’athlète a admis avoir commis une violation des règles antidopage. La seule question que le Tribunal doit trancher est de savoir si elle a satisfait aux conditions pour obtenir une réduction de la sanction proposée de deux (2) années de suspension. 6.0 LA POSITION DES PARTIES L’intimée 6.1 Ashley Kraayeveld fait valoir qu’en ingérant du furosémide elle n’avait pas l’intention d’améliorer sa performance. Elle soutient en outre que le résultat d’analyse anormal était le résultat de son manque de « sophistication » en tant qu’athlète, de son manque d’expérience et d’éducation en matière de contrôle du dopage, et d’une erreur de jugement. 6.2 L’intimée fait valoir en outre que le mouvement antidopage est conçu pour couvrir tout l’éventail des athlètes, qu’il s’agisse du « sportif du dimanche » sans expérience en contrôle du dopage ou de l’athlète olympique qui se déplace avec un entourage de médecins et de physiothérapeutes, et qui a une expérience et une éducation considérables en matière de lutte contre le dopage. 6.3 Mme Kraayeveld soutient que son manque d’éducation et d’expérience en matière de contrôle du dopage la rapproche davantage du sportif occasionnel moyen que du membre d’une équipe nationale senior ou de l’athlète breveté, qui ont plus d’expérience. 7 6.4 Mme Kraayeveld estime qu’une sanction de deux ans est tout à fait inappropriée eu égard aux circonstances de l’espèce et compte tenu de la Lex Sportiva. Le demandeur 6.5 Le CCES fait valoir que les deux (2) années de suspension imposées à Ashley Kraayeveld devraient être maintenues, dans la mesure où elle ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait en vertu des articles 7.42 et 7.43 du Programme canadien antidopage afin d’obtenir une réduction de sa sanction. 6.6 Le CCES fait valoir que les athlètes ont la responsabilité de veiller à ce qu’aucune substance interdite ne pénètre dans leur organisme. 6.7 Si le CCES a été convaincu, selon la prépondérance des probabilités, par les raisons données par Mme Kraayeveld pour expliquer comment le furosémide a pénétré dans son organisme, il n’était en revanche pas convaincu que cette dernière s’était acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait en établissant d’une manière qui convainque suffisamment le Tribunal qu’elle n’avait pas eu l’intention d’améliorer sa performance sportive ou de masquer la présence d’une autre substance interdite en ingérant du furosémide. 6.8 Le CCES estime en outre que puisque le furosémide est un diurétique connu, souvent utilisé dans les sports qui ont diverses catégories de poids, il est plus probable que Mme Kraayeveld a ingéré du furosémide pour entrer dans sa catégorie de poids, et ainsi améliorer sa performance. 6.9 Par ailleurs, le CCES fait remarquer que Mme Kraayeveld n’est pas une « sportive du dimanche » mais bien une athlète élite qui aurait pu se renseigner sur les questions relatives au dopage, or elle a choisi de ne pas le faire, à ses propres risques. 6.10 Le demandeur estime que le degré de gravité de la faute d’Ashley Kraayeveld est très élevé, compte tenu de l’information portée à la connaissance 8 du Tribunal, et que les cas précédents invoqués par l’intimée peuvent facilement être écartés. Le CCES estime en conséquence que même si le Tribunal devait conclure que Mme Kraayeveld a satisfait au critère en trois volets prévu aux articles 7.42 et 7.43 du PCA, il y aurait lieu de lui imposer une sanction se situant entre quinze (15) mois et dix‐huit (18) mois, débutant à la date du prélèvement de l’échantillon. 7.0 DISCUSSION ET ANALYSE 7.1 Le 2 août 2012, Ashley Kraayeveld a admis avoir violé l’article 7.23 du PCA, qui prévoit que la simple présence d’une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs dans l’échantillon corporel de l’athlète est une violation des règles antidopage. 7.2 Pour prouver qu’elle a droit à une période de suspension réduite conformément aux articles 7.42 et 7.43 du PCA, Mme Kraayeveld doit établir : 1) comment la substance spécifiée (furosémide) s’est retrouvée dans son organisme; et 2) que la substance spécifiée (furosémide) ne visait pas à améliorer sa performance sportive ni à masquer l’usage d’une substance améliorant la performance. Elle doit également produire des preuves à l’appui de ses dires et établir, d’une manière qui convainque suffisamment le Tribunal antidopage, l’absence d’intention d’améliorer la performance sportive. Si ces exigences sont remplies, le Tribunal antidopage doit ensuite évaluer la « gravité » de la faute de Mme Kraayeveld afin de déterminer si la suspension prévue de deux années devrait être réduite et, le cas échéant, de combien de temps. Comment la substance spécifiée s’est retrouvée dans l’organisme de l’athlète 7.3 Le CCES accepte la déclaration de Mme Kraayeveld selon laquelle la substance spécifiée, à savoir le furésomide, a pénétré dans son organisme lorsqu’elle a ingéré une des pilules prescrites pour son père. L’intention de l’athlète d’améliorer sa performance sportive 7.4 Dans ses observations déposées par écrit et lors de son témoignage devant le Tribunal, Mme Kraayeveld a constamment soutenu qu’elle n’avait pas eu 9 l’intention d’améliorer sa performance en prenant du furosémide étant donné qu’elle l’avait pris après s’être présentée à la pesée officielle de la compétition et qu’elle cherchait uniquement à soulager les malaises liés à ses menstruations. 7.5 Plusieurs fiches de pesée ont été présentées à l’audience. Le dimanche 31 juillet 2011, la fiche de pesée pour les Essais de l’équipe des Jeux panaméricains (Sr.) indique un poids de 63,7 kg pour Mme Kraayeveld. Elle se présentait dans la catégorie de poids des 57,10 kg à 67,09 kg. Mme Kraayeveld s’est présentée dans la même catégorie de poids lors des Essais de l’équipe olympique (Sr.) de 2012, en janvier 2012. Lors de sa première tentative de pesée elle a enregistré 67,30 kg à 16 h 17. Elle est revenue se peser plus tard, ce jour‐là, et a enregistré un poids de 66,75 kg, ce qui lui a permis de concourir dans cette division. Lors des Championnats nationaux seniors de 2012, Mme Kraayeveld s’est présentée à la pesée le 27 juin 2012 et a enregistré un poids de 61,6 kg, ce qui lui a permis de concourir dans la division des 57,01 à 62,00 kg. 7.6 Mme Kraayeveld a précisé qu’elle avait concouru dans la division des moins de 62 kg à trois reprises avant le 28 juin 2012. Elle a expliqué qu’elle avait décidé de se présenter dans une division inférieure parce que 62 kg est son poids plus naturel et qu’elle se sentait plus à l’aise de concourir dans cette division. Elle a ajouté que sa coéquipière Melissa Pagnotta avait concouru dans la division des moins de 67 kg et que leur entraîneur estimait qu’elles devraient se présenter dans des divisions différentes au lieu de se battre l’une contre l’autre, afin d’augmenter les chances de médailles du club. 7.7 L’intimée a expliqué également qu’il n’avait pas été difficile de perdre entre ½ livre et une livre au cours des deux heures qui étaient accordées aux athlètes pour atteindre le poids requis. Pour réduire son poids après la première pesée, aux Essais de l’équipe olympique en janvier 2012, elle avait mis quelques vêtements supplémentaires et sauté à la corde. 7.8 Après avoir pris la décision de passer à la division des moins de 62 kg, Mme Kraayeveld a surveillé son régime, a réduit son apport alimentaire et s’est entraînée plus fort. Elle a dit qu’en juin 2012 son poids se situait aux alentours de 63 kg et qu’elle n’avait aucune inquiétude de ne pas atteindre le poids requis. 10 7.9 L’intimée a affirmé qu’elle n’avait jamais pris de pilule pour l’aider à perdre du poids ou à gérer son poids. Elle a ajouté que son cycle menstruel varie et qu’elle prenait généralement entre 0,5 kg et 1 kg durant son cycle. Elle a ajouté qu’elle ne savait pas que son cycle débuterait le 27 juin 2012 et qu’il avait été plus douloureux que jamais auparavant, d’après son souvenir. Elle se souvient de s’être pesée ce matin‐là et d’avoir noté qu’elle pesait moins de 62 kg. 7.10 D’après son témoignage, Mme Kraayeveld a pris la pilule de furosémide sur l’insistance de sa mère et elle n’a pas posé de questions à propos du contenu du cachet. 7.11 En contre‐interrogatoire, l’intimée a reconnu qu’elle avait eu peur de ne pas pouvoir concourir le lendemain si ses douleurs menstruelles persistaient. 7.12 Kyung Sook Kim est la secrétaire de Taekwondo Academy, où Mme Kraayeveld s’entraîne. Elle a expliqué lors de son témoignage que l’une de ses responsabilités consiste à surveiller le poids des athlètes. Elle s’occupe de quatre athlètes seniors, qui sont pesés tous les jours après leur séance d’entraînement. Mme Kim a rappelé que la surveillance se fait en majeure partie environ un mois ou un mois et demi avant les compétitions et les athlètes sont alors pesés tous les jours. Elle s’est souvenue qu’une semaine avant la compétition du 28 juin, Mme Kraayeveld faisait entre 1 kg et 1,5 kg de plus que le poids requis. Elle a ajouté qu’elle n’est jamais inquiète lorsqu’un athlète dépasse de moins de 2 kg le poids de compétition, car ce poids est facile à perdre par des moyens légitimes. 7.13 Dorothy Kraayeveld, la mère de l’intimée Ashley Kraayeveld, a également témoigné au cours de l’audience. Infirmière de profession, elle a pris sa retraite il y a 10 à 12 ans, après avoir exercé cette profession pendant 25 ans. Mme Dorothy Kraayeveld a expliqué qu’il y a de nombreuses années, lorsqu’elle avait encore des cycles menstruels, elle avait pris des cachets de furosémide à quatre ou cinq occasions, pour soulager les crampes douloureuses qu’elle ressentait durant ses menstruations. Elle avait obtenu ces pilules auprès d’autres infirmières ou de médecins avec lesquels elle travaillait. Elle avait trouvé ces cachets très efficaces 11 pour soulager ses malaises et avait pensé que puisque Ashley ressentait une forte douleur, ce médicament pourrait également la soulager. 7.14 Mme Dorothy Kraayeveld a dit à l’audience qu’elle avait pris le cachet de furosémide dans le flacon de médicaments prescrit à son mari, sans le lui dire, et l’avait donné à sa fille aux alentours de 21 h, le 27 juin 2012. Elle a ajouté qu’elle était loin de se douter qu’Ashley commettrait une violation de règles antidopage en prenant du furosémide. Elle a admis qu’elle s’était inquiétée lorsque sa fille lui avait dit qu’elle ne ferait pas la compétition le lendemain à cause de la douleur. 7.15 Mme Dorothy Kraayeveld a précisé qu’elle avait donné de l’Advil à sa fille dans le passé mais qu’à cette occasion elle pensait que le furosémide lui apporterait un plus grand soulagement. 7.16 Ken Anstruther est un entraîneur et arbitre certifié de taekwondo. Il a expliqué que dans le passé, les athlètes n’avaient que deux chances d’atteindre le poids requis dans la période spécifiée, mais que la règle a été modifiée pour leur permettre de se représenter un nombre illimité de fois pour atteindre le poids durant la période de pesée. M. Anstruther a indiqué que les athlètes prennent toutes sortes de mesures pour atteindre le poids, y compris en allant au sauna et, dans un cas exceptionnel, une athlète s’est même coupé les cheveux après sa première tentative de pesée. 7.17 La docteure Christiane Ayotte est chimiste organique, professeure au Centre INRS‐Institut Armand‐Frappier, membre du Comité santé, médecine et recherche de l'AMA et de la Commission médicale du CIO. Elle a participé à de nombreux arbitrages à titre d’experte qualifiée, et c’est également le cas dans la présente instance. Lors de son témoignage devant ce Tribunal, elle a confirmé son rapport du 17 septembre 2012, où elle indique que le furosémide est un diurétique, c’est‐à‐dire un médicament puissant prescrit par les médecins pour éliminer le surplus de fluides (eau) de l’organisme chez des patients souffrant d’œdème (rétention d’eau) lors d’une insuffisance cardiaque, d’une pression artérielle élevée, de certains désordres du foie et des poumons, etc. 12 7.18 La docteure Ayotte a confirmé que le furosémide et d’autres diurétiques puissants sont interdits parce qu’ils peuvent être utilisés comme agent masquant pour tenter de modifier l’excrétion d’autres substances interdites ou pour diluer l’échantillon d’urine; et ils sont utilisés abusivement pour perdre du poids dans les sports où les athlètes se présentent dans différentes catégories de poids. 7.19 La docteure Ayotte a été priée de dire si le furosémide peut être utilisé pour traiter les crampes menstruelles. Elle a fait remarquer que le furosémide n’est pas un analgésique et qu’il existe des médicaments bien connus comme le Midol qui sont spécialement conçus pour traiter les douleurs menstruelles et les gonflements qui y sont associés, et qui ne contiennent pas de substances interdites. 7.20 S’agissant de savoir s’il est possible ou non de déterminer quand le furosémide a été ingéré et dans quelle quantité, la docteure Ayotte a répondu que l’analyse de l’urine qui révèle la présence du furosémide ne peut déterminer comment ni quand il a pénétré dans l’organisme de l’athlète, ni pendant combien de temps il est resté dans l’organisme. 7.21 En contre‐interrogatoire, la docteure Ayotte a concédé que les raisons données par Ashley Kraayeveld pour expliquer son ingestion de furosémide pourraient être plausibles, car la combinaison des ballonnements et des crampes que provoquent les menstruations peut causer de la douleur. Elle a ajouté, toutefois, qu’il y a une différence entre ballonnements et douleur, mais que le furosémide accélère l’élimination de l’eau. 7.22 Le demandeur a également appelé à témoigner Kate Noseworthy, une gestionnaire de programme de Taekwondo Canada. Mme Noseworthy évolue dans le milieu du taekwondo depuis quelque 25 ans, à titre d’athlète, entraîneure, instructrice et administratrice. Elle possède également une école de taekwondo qui comprend un programme de compétition. 7.23 Mme Noseworthy a expliqué que la coéquipière de Mme Kraayeveld, Melissa Pagnotta, domine actuellement dans sa catégorie de poids, et qu’elle n’avait eu qu’une adversaire lors des derniers Championnats nationaux. Elle a reconnu que 13 les athlètes changent de catégorie pour diverses raisons, notamment pour éviter de se présenter contre un athlète dominant. 7.24 Mme Noseworthy a également expliqué que les athlètes de taekwondo peuvent prendre du poids en buvant beaucoup d’eau ou en mangeant beaucoup de pain. Elle se souvient d’une fois où une athlète avait mis des poids dans son soutien‐gorge pour atteindre le poids souhaité. Elle a ajouté qu’il est plus courant chez les athlètes de vouloir perdre du poids que de vouloir en prendre, et elle a donné des exemples de moyens que prennent les athlètes pour essayer de perdre du poids avant la pesée, soit en allant au sauna, en ne buvant aucun liquide le jour de la pesée, en se présentant nus pour la pesée et en se rasant la tête. Mme Noseworthy a précisé qu’il est courant pour les athlètes de prendre du poids entre la pesée et le jour de la compétition. À son avis, la perte de poids de Mme Kraayeveld, qui est passée de plus de 67 kg à 62 kg, semblait considérable. Mme Noseworthy a également confirmé qu’en acceptant volontairement une suspension, Mme Kraayeveld s’était empêchée d’aller participer à une compétition en Bolivie. 7.25 Le CCES fait valoir que Mme Kraayeveld ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait en démontrant qu’elle n’a pas pris du furosémide dans l’intention d’améliorer sa performance. 7.26 Le CCES fait valoir plus particulièrement que le Tribunal ne devrait pas être rassuré par les explications données par Mme Kraayeveld et que même si le Tribunal devait accepter ses explications, les faits de l’espèce ne présentent pas de circonstances atténuantes. 7.27 Le CCES invoque les facteurs suivants en appui à ses arguments. 1. Le rapport de la docteure Ayotte, témoin experte, établit que le furosémide est un diurétique très puissant souvent utilisé dans les compétitions avec catégories de poids. 2. Le rapport de la docteure Ayotte établit que le furosémide peut améliorer la performance sportive. 14 3. Mme Kraayeveld est une athlète élite de taekwondo, qui a pris du furosémide la veille d’une compétition importante. 4. Le poids de Mme Kraayeveld a changé considérablement depuis un an. 5. Le fait de prendre du furosémide avant une compétition pour soulager les malaises liés aux crampes menstruelles peut également impliquer une intention d’améliorer la performance. 6. Dorothy Kraayeveld a parlé de « water pill » (pilule qui élimine l’eau) pour désigner le furosémide, ce qui veut dire qu’elle‐même et sa fille étaient au courant de ses effets diurétiques. 7. Mme Kraayeveld n’est pas une simple « sportive du dimanche » étant donné qu’elle pratique son sport depuis l’âge de huit ans et qu’elle a fait de la compétition aux niveaux local, provincial, national et international, et a été membre de l’équipe nationale junior. 8. Mme Kraayeveld fait partie du programme « Quest for Gold » de l’Ontario et a de sérieuses chances de pouvoir se qualifier pour les Jeux olympiques de 2016. 9. L’athlète n’a pas déclaré l’utilisation de furosémide sur le Formulaire de contrôle du dopage alors qu’elle avait pris la substance la veille. 10. Le furosémide est une substance contrôlée qui n’est disponible que sur ordonnance d’un médecin. Mme Kraayeveld n’a jamais cherché à se faire prescrire ce médicament. 11. Une bonne partie de la preuve corroborante provient de la mère de l’athlète et vu son intérêt direct dans l’issue de cette procédure, il y a lieu d’accorder moins d’importance à son témoignage. 12. Il y a des incohérences dans le témoignage d’Ashley Kraayeveld et de Dorothy Kraayeveld. Ashley a dit qu’elle était couchée sur le canapé chez elle lorsque ses crampes menstruelles ont atteint leur intensité maximale, tandis que sa mère Dorothy a expliqué que sa fille était sur le lit de sa chambre à coucher lorsqu’elle a décidé de lui proposer la pilule de furosémide. 15 7.28 Le Tribunal conclut que le témoignage de Mme Kraayeveld, ainsi que la preuve corroborante présentée au cours de cette audience établissent, d’une manière qui le convainc suffisamment, qu’elle n’a pas pris du furosémide dans l’intention d’améliorer sa performance sportive. Le Tribunal conclut que nonobstant le contre‐interrogatoire habile et persistent de l’intimée par l’avocat du demandeur, celle‐ci a continué à affirmer qu’elle avait ingéré le furosémide après la pesée et dans le but de soulager les malaises dus à ses crampes menstruelles. Le fait que la preuve corroborante provienne en majeure partie de la mère de l’athlète ne diminue pas l’importance qu’il convient d’accorder à un tel témoignage. La question de la crédibilité est une question de fait et le Tribunal estime qu’il n’y a pas de raison de rejeter le témoignage d’Ashley Kraayeveld ou de Dorothy Kraayeveld. Comme l’a fait remarquer l’avocat du demandeur, il y avait quelques incohérences dans leur témoignage, mais ces incohérences portent sur des questions mineures et peuvent se produire lorsque les témoins n’ont pas discuté de leur témoignage à l’avance. Une incohérence dans leur souvenir de l’endroit où l’athlète se trouvait, lorsque les crampes sont devenues intenses, est une question de détail qui ne devrait pas habituellement nuire à la crédibilité des témoins. 7.29 Pour en arriver à la conclusion qu’il est suffisamment convaincu du fait que Mme Kraayeveld n’a pas ingéré du furosémide dans l’intention d’améliorer sa performance sportive, le Tribunal a également tenu compte des éléments de preuve suivants. L’intimée s’était présentée dans la catégorie des moins de 62 kg en mars 2012, mai 2012 et le 5 juin 2012, ainsi que le jour crucial du 27 juin 2012. Elle avait enregistré un poids de 66,75 kg en janvier 2012, mais elle avait eu trois mois pour baisser à 62 kg. Mme Noseworthy de Taekwondo Canada a dit lors de son témoignage que certains athlètes réussissent à perdre jusqu’à 4 livres en une seule journée. 7.30 Le témoignage selon lequel un entraîneur avait décidé que Melissa Pagnotta passerait à la catégorie de poids supérieure tandis qu’Ashley Kraayeveld descendrait d’une catégorie n’a pas été contesté. Qui plus est, Kyung Sook Kim a affirmé que Mme Kraayeveld pesait environ 63 kg, la semaine avant le 27 juin 2012. La preuve documentaire déposée au cours de l’audience établit que 16 Mme Kraayeveld pouvait perdre 0,5 kg en moins de deux heures lorsqu’elle devait se faire peser. 7.31 Le Tribunal a également pris en considération la preuve médicale. Dans l‘affaire Drug Free Sport New Zealand v. Dawn Chalmers, un médecin avait prescrit du furosémide pour [traduction] « atténuer les difficultés liées au gonflement et à la douleur dont Mme Chalmers souffrait depuis plusieurs années en raison de ses menstruations ». La docteure Ayotte a expliqué que le furosémide n’est pas un analgésique et qu’il existe des médicaments conçus spécifiquement pour traiter les douleurs menstruelles et le gonflement qui les accompagne, et qui ne sont pas interdits. Elle a admis toutefois que la combinaison du gonflement et des crampes dus aux menstruations pouvait causer de la douleur et que le furosémide pouvait réduire les malaises causés par le gonflement étant donné qu’il accélère l’élimination de l’eau. Si la docteure Ayotte n’a pas pu confirmer l’utilisation du furosémide par qui que ce soit pour soulager les symptômes menstruels, elle n’a pas pu nier non plus son efficacité à cette fin et a donc reconnu que les raisons données par Mme Kraayeveld pour expliquer l’ingestion du furosémide étaient plausibles. 7.32 Le CCES a également invoqué le fait que l’athlète n’avait pas indiqué qu’elle avait pris la pilule dans la déclaration qu’elle a signée au moment du contrôle antidopage, pour démontrer qu’il y avait eu intention d’améliorer la performance sportive. Il est clair que Mme Kraayeveld aurait dû déclarer qu’elle avait pris une pilule pour soulager les symptômes menstruels. Elle n’aurait certes pas su à ce moment‐là ce que contenait la pilule, mais elle avait néanmoins l’obligation de déclarer que sa mère lui avait donné une pilule et qu’elle l’avait ingérée. Quoi qu’il en soit, étant donné qu’il s’agissait du premier contrôle antidopage de Mme Kraayeveld, le Tribunal accepte ses explications selon lesquelles, dans l’euphorie de sa victoire lors de la compétition, elle n’avait pas réfléchi aux événements de la veille et son omission n’avait pas pour but de cacher ou de retenir une information. 17 La gravité de la faute de l’athlète 7.33 Étant donné que Mme Kraayeveld a satisfait aux critères requis pour justifier une annulation ou une réduction de la période de suspension prévue de deux (2) ans, le Tribunal doit à présent examiner séparément la « gravité de sa faute » afin de déterminer si une réduction de sa période de suspension et appropriée. 7.34 Le CCES fait valoir que le degré de gravité de la faute de Mme Kraayeveld est très élevé. Celle‐ci a affirmé qu’elle ne prend jamais de médicament contre la douleur de quelque sorte que ce soit et, pourtant, la veille d’une compétition très importante, elle a pris une pilule que lui a donnée sa mère. 7.35 Le CCES soutient également que Mme Kraayeveld aurait pu poser des questions à sa mère, étant donné que celle‐ci avait travaillé comme infirmière de nombreuses années. Or l’athlète a choisi, a‐t‐il poursuivi, de ne pas consulter qui que ce soit, ni médecin, ni entraîneur ou conseiller, et n’a même pas demandé le nom de la pilule ou la provenance de la pilule à sa mère. Le CCES estime que cette situation est très différente de celle d’un athlète qui prend un supplément contaminé. Dans le cas de Mme Kraayeveld, celle‐ci savait que sa mère n’était pas au fait des problèmes de dopage et, selon le CCES, sa décision de ne pas se renseigner équivaut à de la négligence. 7.36 Le CCES s’inscrit également en faux contre le témoignage de Mme Kraayeveld, qui soutient qu’elle n’avait pas lu les informations affichées sur le site Internet de Taekwondo Canada ni de tout autre site Internet sur le sujet du dopage, car elle ne prenait pas de drogues et ne voyait pas la nécessité de consulter les liens référencés sur les formulaires d’inscription de Taekwondo ou sur les formulaires de demande de « Quest for Gold ». Le CCES estime que pour une athlète qui ne prend pas normalement de médicament de quelque type que ce soit, le fait de prendre une pilule inconnue si près d’une compétition est imprudent et négligent, et qu’en agissant ainsi elle n’a guère fait mieux que Caroline Pyzik. 7.37 Dans l’affaire Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES), Taekwondo Canada c. Caroline Pyzik, un tribunal du dopage établi par le CRDSC 18 pour examiner le cas d’une athlète de taekwondo, de 17 ans, qui avait demandé à son entraîneur s’il connaissait des produits disponibles sans ordonnance qu’elle pourrait prendre pour l’aider à contrôler son poids avant les prochains Championnats du Canada. L’athlète avait précisé clairement qu’elle ne voulait pas de produit dopant et elle avait demandé à son entraîneur de lui procurer une pilule sûre qu’elle pourrait prendre deux ou trois jours avant la compétition afin de maintenir son poids. Mme Pyzik craignait apparemment que ces championnats ne coïncident avec ses menstruations et avec le gain de poids qui, durant cette période, pouvait aller jusqu’à 1 kg habituellement. 7.38 L’entraîneur de Mme Pyzik lui a donné la moitié d’une pilule de couleur orange, qu’elle a ingérée deux jours avant la compétition. C’était la première fois que Mme Pyzik passait un test de contrôle antidopage et la première fois qu’elle participait à une compétition junior. Elle avait déclaré sur le formulaire du contrôle antidopage qu’elle avait pris de l’Advil et du Tylenol, mais elle n’a pas mentionné la demi‐pilule orange qu’elle avait prise le jeudi avant la compétition. 7.39 Le tribunal a accepté son témoignage selon lequel elle avait reçu peu d’information au sujet du dopage, voire aucune, de sa fédération de sport, mais il a jugé que puisqu’elle avait reconnu avoir pris une substance interdite afin de demeurer dans sa catégorie de poids, elle n’avait pas droit à une réduction de la période de suspension prévue de deux (2) années. 7.40 Le CCES fait valoir qu’au mieux, la gravité de la faute commise par Mme Kraayeveld équivaut à la conclusion tirée par le Tribunal arbitral du sport dans Flavia Oliveira v. United States Anti‐Doping Agency, CAS 2010/A/2107. Mme Oliveira était une cycliste internationale de niveau élite, qui souffrait de graves allergies. Pendant des années, elle avait pris régulièrement divers médicaments disponibles sans ordonnance et d’autres délivrés sur ordonnance, mais elle s’était rendu compte que ces médicaments provoquaient de la fatigue. Elle avait fait une recherche et découvert un médicament appelé Hyperdrive, qui était un supplément alimentaire qui ne contenait pas de substances interdites. 7.41 En janvier 2009, Mme Oliveira est partie en Italie s’entraîner et faire de la compétition avec sa première équipe professionnelle. Elle a emporté avec elle ses 19 médicaments et suppléments, mais en mai 2009 elle a fini sa réserve de Hyperdrive. Mme Oliveira a commandé un deuxième flacon qu’elle a fait expédier à une adresse aux États‐Unis, où son mari l’a récupérée, et il l’a ensuite apportée en Italie lorsqu’il est allé rendre visite à sa femme. Après une course à étapes élite pour les femmes, en Italie, en juin 2009, Mme Oliveira a fourni un échantillon d’urine qui a donné lieu à un résultat positif à l’oxilofrine, un stimulant qui figurait parmi les substances interdites par le Code de l’Agence mondiale antidopage (AMA). Mme Oliveira a fait valoir à la formation du TAS qu’elle avait fait des recherches poussées sur Internet à propos de chacun des ingrédients du produit Hyperdrive, qu’elle avait consulté le site Internet de USADA et vérifié la Liste des interdictions de l’AMA et que, vu toutes ces démarches, la gravité de sa faute ne devait pas être considérée comme significative. 7.42 L’intimée, USADA, pour sa part, a fait valoir qu’une bonne recherche aurait révélé l’existence d’un avertissement de la Food and Drug Administration des États‐Unis indiquant que le produit Hyperdrive que l’athlète avait acheté tout dernièrement contenait une substance interdite et qu’en conséquence Mme Oliveira ne devait pas obtenir de réduction de sa sanction. 7.43 Mme Oliveira n’avait pas reçu de formation formelle en matière de contrôle antidopage de la part de USADA, ni de quelque autre organisme de sport que ce soit, avant son premier test antidopage en compétition. Mais comme Mme Oliveira était une athlète de niveau élite et une cycliste professionnelle au moment de son premier test positif, et non pas une athlète du niveau secondaire ou intercollégial, le tribunal a conclu que sa période de suspension devait être de 75 p. 100 de la sanction maximale (c.‐à‐d. 18 mois). Le CCES a soutenu que le cas de Mme Kraayeveld était pire que celui de Mme Oliveira, étant donné qu’elle n’avait pas essayé de se renseigner à propos du dopage, mais en même temps il a concédé que les efforts de la Fédération de taekwondo pour fournir une formation à cet égard étaient inadéquats et, en conséquence, il recommande une période de suspension de 18 mois. 7.44 Le CCES affirme que le cas de Mme Kraayeveld est très différent de celui de Dawn Chalmers, la boxeuse néo‐zélandaise qui a également passé un test positif 20 au furosémide. Le CCES fait valoir que Mme Chalmers avait une ordonnance pour cette substance et qu’elle avait donc été moins négligente qu’une athlète qui a ingéré une pilule de furosémide sans ordonnance. 7.45 Le demandeur soutient que le cas de Mme Kraayeveld est semblable à celui de Serge Despres, un bobsleigheur dont l’échantillon d’urine avait donné lieu à un résultat d’analyse anormal attribuable à la présence de nandrolone, qui était l’un des ingrédients de suppléments alimentaires qu’il prenait après une chirurgie de la hanche. La formation du TAS dans Despres v. CCES, CAS 2008/A/1489 a conclu que l’argument de M. Despres, qui disait avoir pris du HMB sur les conseils du nutritionniste de son équipe, M. Berardi, n’était pas suffisant pour établir une « absence de faute ou de négligence significative ». La formation a fait remarquer que M. Despres n’avait pas vérifié le conseil de son nutritionniste auprès d’un médecin ni donné suite au conseil en demandant à un médecin ou à M. Berardi lui‐même des informations sur la marque particulière. Le CCES affirme, en conséquence, que quelqu’un qui suit aveuglément les conseils d’une autre personne est négligent et devrait connaître le même sort que M. Despres, à savoir une conclusion qu’il y a eu faute ou négligence significative. 7.46 L’intimée reconnaît qu’elle a commis une faute en ingérant du furosémide mais soutient que la gravité de sa faute ou sa responsabilité doit être évaluée à la lumière de sa formation et de son expérience en matière de contrôle du dopage. L’intimée fait valoir que le dopage n’est pas un grand problème généralement en taekwondo. Mme Kraayeveld a expliqué qu’elle pensait que le dopage impliquait la consommation de stéroïdes ou de drogues récréatives illégales. 7.47 Pour contrer l’argument du CCES, qui la considère comme une athlète d’expérience qui aurait dû être bien plus au fait des questions de dopage, Mme Kraayeveld répond que bien qu’elle ait participé à 22 compétitions nationales ou internationales, et souvent remporté des médailles, jamais elle n’avait subi de test antidopage avant le 28 juin 2012. Elle n’avait pas de carte format portefeuille; elle n’avait jamais été invitée à assister à un séminaire sur le dopage et n’avait jamais reçu de courriel, ni de l’organisme provincial ni de l’organisme national de taekwondo, pour la renseigner sur le dopage. 21 7.48 En appui à son argument selon lequel le degré de gravité de sa faute est très faible, Mme Kraayeveld fait valoir que sa situation est semblable à celles des cas Jasdeep Toor, Graydon Oliver et Dawn Chalmers. Dans CCES v. Jasdeep Toor, M. Toor, un joueur de soccer récréatif n’avait pas reçu de formation ni d’éducation en ce qui a trait à l’utilisation de substances interdites. Son échantillon d’urine, qui avait été prélevé lors d’un contrôle du dopage après une compétition, avait donné lieu à un résultat d’analyse anormal attribuable à la présence de méthylexanamine. La susbstance se trouvait dans un lait frappé protéiné qu’il avait acheté dans un magasin du pays qui vendait des suppléments de vitamines. Étant donné son inexpérience en ce qui a trait à l’utilisation de substances interdites, l’arbitre a imposé une suspension de deux (2) mois à M. Toor. 7.49 Graydon Oliver était un joueur de tennis professionnel américain, qui avait obtenu un résultat de test positif à l’hydrochlorothiazide, après avoir ingéré un médicament pour dormir à base d’herbes. Après avoir établi qu’il n’avait pas ingéré la substance sciemment, un tribunal antidopage de l’ATP Tour a conclu qu’il y avait des circonstances exceptionnelles et lui a imposé une suspension de deux (2) mois. 7.50 Les deux parties ont renvoyé à la décision du CRDSC dans l’affaire CCES v. Caroline Pyzik, SDRCC DT 11‐0146, qui concernait une athlète de taekwondo. Ce qui est particulièrement important, dans le cas de Pyzik, c’est que l’athlète avait demandé spécifiquement à son entraîneur de lui donner une pilule qui l’aiderait à atteindre le poids requis avant sa compétition. Le Tribunal est d’avis que les faits de ce dernier cas sont très différents de ceux de Mme Kraayeveld. 7.51 La décision rendue dans l’affaire Drug Free Sport New Zealand v. Dawn Chalmers est peut‐être celle qui est la plus pertinente pour l’appréciation de la gravité de la faute de Mme Kraayeveld. Si chaque tribunal doit tirer ses conclusions en se fondant sur les faits du cas dont il est saisi, il peut être utile de comparer la situation de Mme Chalmers avec celle de Mme Kraayeveld. 22 Dawn Chalmers  souffert depuis de nombreuses années de gonflements et de douleur associées aux menstruations,  son médecin de longue date lui a prescrit du furosémide pour la soulager,  son médecin connaissait les risques et avait averti l’athlète de ne pas prendre de furosémide trop près de la compétition,  elle a vérifié le conseil auprès de son pharmacien,  elle n’a pas cherché à clarifier ce que voulait dire « trop près » ou « autour de » dans ce contexte,  elle avait été mal informée par son médecin,  elle n’avait pas vérifié le conseil auprès de Drug Free Sport New Zealand,  elle n’avait pas cherché à obtenir une autorisation pour usage thérapeutique (AUT),  elle a dit qu’elle n’avait jamais eu de problème à avoir le poids requis des catégories dans lesquelles elle se présentait,  elle avait déjà subi plusieurs tests,  elle avait signé un formulaire reconnaissant ses responsabilités en tant qu’athlète,  elle avait reçu un guide à conserver dans son portefeuille de Drug Free Sport New Zealand,  c’était une athlète senior qui connaissait ses obligations. Ashley Kraayeveld  avait déjà éprouvé des malaises en raison de ses menstruations, mais cette fois la douleur avait été plus intense que jamais,  elle avait 20 ans au moment du résultat d’analyse anormal,  elle n’avait encore jamais subi de test de contrôle antidopage,  elle avait peu sinon aucune connaissance des questions liées au dopage dans le domaine du sport,  elle n’avait reçu pratiquement aucune éducation en matière de dopage, 23 
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elle a décidé de prendre une pilule sous l’impulsion du moment, elle a reçu la pilule de sa mère, qui est infirmière de profession, elle n’a pas fait de recherche à propos de la pilule, elle ne prend pas de médicaments ni de suppléments habituellement, elle n’a consulté personne d’autre au sujet des risques qu’elle courait en prenant le médicament. 7.52 Le CCES a fait valoir que de nombreux moyens avaient été mis à la portée de Mme Kraayeveld pour se renseigner sur les questions de dopage, notamment les liens fournis sur les formulaires d’inscription de taekwondo, les références au site Internet du CCES et la référence au contrôle du dopage dans les formulaires de demande du programme « Quest for Gold ». Le problème soulevé par cet argument réside dans le fait qu’une athlète dans la situation de Mme Kraayeveld, qui avait une expérience aussi limitée du contrôle antidopage, n’aurait guère su ce qu’elle cherchait. Le Tribunal est cependant convaincu que Mme Kraayeveld avait été mise au courant, par les informations fournies sur le site Internet de Taekwondo, qu’elle serait soumise à un contrôle antidopage. Personne n’a laissé entendre au cours de cette audience que cette athlète quelque peu naïve ne savait pas qu’elle serait soumise à des tests antidopage. 7.53 Toutefois, le CCES a admis que Mme Kraayeveld a obtenu la pilule de furosémide de son père, qui avait une ordonnance pour ce médicament, et l’avait ingérée peu de temps avant sa compétition le 28 juin 2012. Il s’ensuit qu’au moment de son inscription à la compétition, elle n’avait pas eu de raison de se préoccuper du risque qu’elle courait en prenant une substance interdite pour soulager les malaises dus à des crampes menstruelles qu’elle n’allait ressentir que plusieurs semaines plus tard. Au cours de l’audience, le Tribunal a eu l’occasion de consulter le site Internet de Taekwondo, dans le cadre d’une démonstration qui visait à montrer comment on peut trouver de l’information sur le contrôle antidopage. Le cas de Caroline Pyzik avait été affiché sur la page d’accueil du site Internet de l’organisme national pendant trois ou quatre semaines, avant d’être déplacé vers un autre endroit. Après ces premières semaines, pour trouver une référence au cas Pyzik il fallait aller sur la page d’accueil, cliquer sur Équipes 24 nationales, puis descendre jusqu’à une zone intitulée « Médical ». En ouvrant cette zone, on trouve les cas actuels de dopage en taekwondo. Il y a lieu de se demander combien d’athlètes, dans la situation de Mme Kraayeveld, seraient suffisamment avisés ou curieux pour suivre toutes ces étapes afin de trouver le dernier cas de dopage dans leur sport. 7.54 Le Tribunal estime que Taekwondo Canada aurait dû en faire davantage pour fournir des informations élémentaires sur le contrôle antidopage à Mme Kraayeveld. Le Tribunal s’est fait dire que Taekwondo ne fait pas partie des principaux sports de participation au Canada et que ses ressources sont en conséquence limitées. Mme Noseworthy a fait une observation intéressante lors de la discussion sur la décision Pyzik. Elle a mentionné que le sujet était très discuté sur Facebook. Elle a ajouté que selon son estimation, jusqu’à 85 p. 100 des membres de Taekwondo Canada ont des comptes Facebook. Les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter pourraient peut‐être offrir des moyens plus directs pour transmettre des messages de base aux athlètes sur les dangers d’ingérer des substances d’origine inconnue. 7.55 Le Tribunal est d’accord avec l’avocat de l’intimée, qui estime que Mme Kraayeveld n’aurait pas su quelles questions poser avant d’ingérer le cachet de furosémide. Cela montre qu’il y a une importante lacune dans les connaissances d’athlètes comme Mme Kraayeveld en ce qui a trait au dopage. Maintenant qu’elle a suivi le cours Sport sans dopage, elle est pleinement au courant des questions que tous les athlètes devraient poser avant de prendre quelque médicament ou supplément que ce soit. Au vu de la preuve présentée au cours de cette audience, le Tribunal ne pense pas que Mme Kraayeveld était suffisamment équipée pour apprécier cette responsabilité avant d’obtenir son résultat d’analyse anormal. 8.0 CONCLUSION 8.1 Ainsi qu’il a été déclaré dans la décision sommaire du Tribunal, Mme Kraayeveld a été quelque peu imprudente en prenant la pilule de furosémide 25 sans se renseigner davantage. Mais compte tenu du fait qu’elle a reçu la pilule de sa mère, qui est infirmière et à qui elle faisait de toute évidence confiance pour agir dans son intérêt, et vu son inexpérience en matière de contrôle antidopage et son manque d’information sur les questions liées au dopage, le degré de gravité de sa faute se situe à l’extrémité inférieure du spectre. 8.2 La gravité de la faute de Mme Kraayeveld est moindre que celle qui a été constatée dans le cas Dawn Chalmers, mais mérite une sanction supérieure à la sanction de trois (3) mois proposée par son avocat. Pour les motifs exposés ci‐
dessus, j’avais décidé que la sanction appropriée dans ces circonstances, pour cette athlète, était une période de suspension de quatre (4) mois, débutant le 28 juin 2012 et se terminant à minuit, le 28 octobre 2012. 8.3 Dans la décision sommaire communiquée le 10 octobre 2012, les parties ont été avisées de la période de suspension de quatre (4) mois et de la date de réintégration fixée au 28 octobre 2012. Le 24 octobre 2012, le Tribunal a été informé d’une question soulevée par le CCES. Le CCES soutient que la période de suspension d’Ashley Kraayeveld ne saurait prendre fin avant le 10 décembre 2012, selon une application stricte de l’article 7.13 du PCA. À titre subsidiaire, le demandeur fait valoir que si la période de suspension est déterminée par application de l’article 7.15 du PCA, la période de suspension prendra fin le 9 décembre 2012. 8.4 Au cours de l’audience sur le fond de l’affaire, le CCES a affirmé que la période de suspension de Mme Kraayeveld devrait débuter à la date du prélèvement de l’échantillon, soit le 28 juin 2012. Son affirmation était fondée sur le fait que l’athlète avait avoué rapidement la violation, ce qui, conformément aux règlements du PCA, est l’un de deux seuls moyens prévus pour permettre de faire débuter la période de suspension rétroactivement à la date du prélèvement de l’échantillon. 8.5 L’article 7.13 du PCA est ainsi libellé : Si l’athlète ou l’autre personne avoue par écrit sans délai (ce qui signifie pour un(e) athlète dans tous les cas avant sa participation à une autre 26 compétition) et sans équivoque la violation des règles antidopage après avoir été dûment informé(e) de la nature de la violation des règles antidopage déterminée à son encontre par le CCES, la période de suspension pourra commencer dès la date à laquelle l’échantillon a été recueilli ou la date de la dernière perpétration d’une autre violation des règles antidopage. Cependant, dans chaque cas où cet article sera appliqué, l’athlète ou l’autre personne devra purger au moins la moitié de la période de suspension à compter de la date à laquelle l’athlète ou autre personne aura accepté l’imposition d’une sanction, de la date à laquelle la décision imposant une sanction sera rendue par l’instance d’audition ou de la date à laquelle la sanction est autrement imposée. [Code, article 10.9.2] 8.6 Selon l’interprétation que le CCES fait de cet article, au moins la moitié de la période de suspension de quatre (4) mois qui a été imposée doit être purgée après la décision imposant la sanction, qui a été rendue le 10 octobre 2012. D’après cette application de l’article 7.13 la période de suspension de Mme Kraayeveld ne pourra pas se terminer avant le 10 décembre 2012. 8.7 À titre subsidiaire, le CCES fait valoir que Mme Kraayeveld pourrait renoncer à son droit de bénéficier de l’application de l’article 7.13 et invoquer plutôt l’article 7.15, étant donné qu’elle a accepté une suspension provisoire le 9 août 2012. L’application de l’article 7.15 permettrait à Mme Kraayeveld de se faire créditer la période de suspension purgée depuis le 9 août 2012 mais sa période de suspension de quatre (4) mois au total ne se terminerait pas avant le 9 décembre 2012. 8.8 En réponse à la question soulevée par le CCES après la conclusion de l’audience, Mme Kraayeveld présente plusieurs arguments. Premièrement, fait valoir l’intimée à ce sujet, l’article 7.12 du PCA s’applique à sa situation. L’article 7.12 prévoit ceci : En cas de retards considérables dans la procédure d’audition ou d’autres aspects du contrôle du dopage non attribuables à l’athlète ou à l’autre personne, l’instance imposant la sanction pourra faire débuter la période de suspension à une date antérieure pouvant remonter jusqu’à la date de la collecte de l’échantillon concerné ou de la dernière perpétration d’une autre violation des règles antidopage. [Code, article 10.9.1] 27 8.9 Mme Kraayeveld fait valoir qu’il y a eu des retards considérables dans l’audition de cette affaire. En premier lieu, l’athlète n’a été informée du résultat d’analyse anormal que le 31 juillet 2012, soit 18 jours après que Taekwondo Canada en eut été avisé. Apparemment, Taekwondo Canada avait une mauvaise adresse de courriel pour l’intimée et le premier avis envoyé par courrier électronique est resté sans réponse. Ensuite, soutient Mme Kraayeveld, son avocat et elle‐même étaient prêts à commencer une audience dès la semaine du 17 ou du 24 septembre, mais il leur a fallu attendre deux à trois semaines de plus en raison de problèmes d’horaires qui n’étaient pas attribuables à l’athlète. 8.10 Le CCES fait valoir que l’application de l’article 7.12 ne se justifie pas à la lumière de ces faits et je suis également de cet avis. Les retards qui ont pu se produire dans l’audition de cette affaire ne peuvent pas être qualifiés de « considérables », même en définissant ce terme de manière très large. Si certains échéanciers prévus dans les règlements du PCA n’ont pas été respectés, au vu de la preuve portée à ma connaissance, il semble que les deux parties ont fait preuve de diligence en traitant cette affaire de façon relativement rapide. 8.11 Le deuxième argument avancé par l’intimée, en ce qui concerne la question de la réintégration, est fondé sur le principe de préclusion. La préclusion est invoquée pour le motif que c’est le CCES qui a demandé que la période de suspension débute à la date du prélèvement de l’échantillon, sans préciser s’il le faisait en vertu de l’article 7.12 ou 7.13. Mme Kraayeveld fait également remarquer qu’aucun argument n’a été avancé au cours de l’audience au sujet de l’article 7.13 et il n’a pas été question de demander que 50 p. 100 de sa sanction soit purgée après la date de la décision. Un autre point soulevé pour permettre de conclure à la préclusion tient au fait que Mme Kraayeveld avait accepté que le CCES avait reconnu que sa période de suspension commencerait le 28 juin 2012 et que tous les résultats obtenus après cette date ne seraient pas valides. Enfin, a‐t‐elle argué, comme Mme Kraayeveld avait été avisée de la décision du Tribunal le 10 octobre 2012, elle avait prévu de recommencer à faire de la compétition à compter du 11 novembre 2012, et le fait qu’elle ait été prévenue de cette nouvelle question à peine trois jours avant la date à laquelle la période de suspension devait prendre fin, a entraîné des conséquences psychologiques supplémentaires. 28 8.12 Enfin, comme dernier argument, l’intimée fait valoir que l’application appropriée de l’article 7.13 aurait pour résultat de mettre fin à la période de suspension de Mme Kraayeveld le 28 octobre 2012. L’intimée soutien que le libellé « la date à laquelle la sanction est autrement imposée » donne au Tribunal le pouvoir discrétionnaire de déterminer la date à laquelle la sanction devrait être imposée. En l’espèce, l’athlète a admis avoir ingéré la pilule de furosémide le 1er août 2012 et elle a cessé de participer aux compétitions à ce moment‐là. Selon cet argument, la date à laquelle « la sanction [a été] autrement imposée » serait le 1er août 2012, ce qui voudrait dire que l’athlète aurait purgé plus de la moitié de sa sanction de quatre (4) mois à la date de la fin de la suspension du 28 octobre 2012. 8.13 L’article 7.13 du PCA prévoit trois périodes différentes pour calculer à partir de quel moment la moitié de la période de suspension doit être purgée. Il peut s’agir premièrement de la date à laquelle l’athlète a accepté l’imposition d’une sanction, deuxièmement de la date à laquelle la décision imposant une sanction est rendue ou, troisièmement, de la date à laquelle la sanction est autrement imposée. Cette disposition, qui reproduit l’article 10.9.2 du Code mondial antidopage, est rédigée d’une manière qui indique clairement que trois scénarios sont envisagés. Il vaut la peine de noter que les termes « une sanction » sont utilisés deux fois et les termes « la sanction » une fois. Si les expressions « période de suspension » et « sanction » sont souvent utilisées de manière interchangeable, d’après le langage utilisé à la fois dans les articles du Code mondial antidopage et dans le Programme canadien antidopage, il semble qu’il y ait différentes formes de sanctions. 8.14 L’article 10 du Code mondial antidopage est intitulé Sanctions à l’encontre des individus. Les sanctions prévues dans cet article comprennent l’annulation des résultats obtenus par l’athlète lors de la manifestation au cours de laquelle la violation des règles antidopage est survenue; l’annulation des résultats obtenus par l’athlète lors de compétitions qui ont eu lieu après la manifestation au cours de laquelle l’échantillon a été prélevé ou au cours de laquelle la violation des règles antidopage est survenue; l’imposition d’une période de suspension; et l’imposition de sanctions financières. L’article 7.0 du PCA est intitulé Règlements 29 relatifs aux violations des règles antidopage et conséquences. Cet article prévoit des sanctions pour violation des règles antidopage qui sont similaires à celles de l’article 10 du Code mondial antidopage, ainsi qu’une sanction supplémentaire, à savoir une réduction ou le retrait de l’aide financière ou autres avantages du gouvernement. 8.15 Avec tout le respect que je lui dois, je ne peux souscrire à l’argument du demandeur, qui soutient que la moitié de la période de suspension dont fait mention l’article 7.13 du PCA ne peut être créditée qu’après l’audience au cours de laquelle la sanction a été imposée. Si l’on devait retenir cette interprétation, les autres options seraient sans intérêt et l’athlète pourrait, dans des situations comme en l’espèce, subir un préjudice indu. Le 2 août 2012, Mme Kraayeveld a signé un Aveu d’une violation des règles antidopage. Dans cet aveu, elle a reconnu avoir commis une violation des règles antidopage attribuable à la présence de furosémide dans son échantillon prélevé le 28 juin 2012. Elle a confirmé dans ce document qu’elle n’avait participé à aucune compétition depuis qu’elle avait reçu du CCES la notification de sa présumée violation, datée du 26 juillet 2012. Elle a également confirmé qu’elle ne contesterait pas le fait qu’elle avait commis la violation. Qui plus est, l’intimée a reconnu qu’elle pourrait demander que la sanction ou les sanctions liées à la violation soient déterminées ultimement par un tribunal antidopage dans le cadre d’une audience. 8.16 Je crains par ailleurs qu’une interprétation aussi stricte de l’article 7.13 du PCA ne crée sans le vouloir une situation où, plus il faut attendre pour qu’une affaire fasse l’objet d’une audience, plus la sanction sera longue pour l’athlète qui a choisi d’avouer rapidement avoir commis une violation des règles antidopage. Même en commençant à calculer la période de suspension dès le jour du prélèvement de l’échantillon, si l’audience n’a pas lieu rapidement ou si elle commence et que sa conclusion est retardée, l’athlète devra quand même purger la moitié de la sanction qui sera ultimement déterminée, à compter de la date à laquelle le Tribunal rendra sa décision. En l’espèce, les parties semblent avoir très bien coopéré et pourtant l’audience n’a eu lieu que quelque 69 jours après la date de la notification du CCES, en dépit du fait que les règlements du PCA prévoient 30 que l’audience doit commencer au plus tard 45 jours après la date de cette notification. 8.17 Dans la Notification d’une violation des règles antidopage du CCES, datée du 26 juillet 2012, Taekwondo Canada a été avisée par le CCES du fait que [traduction] « l’athlète présumé avoir commis une violation des règles antidopage a le droit de participer, à moins que ou jusqu’à ce qu’une violation des règles antidopage ait été établie (sous réserve de l’article 7.8 du PCA qui prévoit l’annulation des résultats dans des compétitions postérieures aux prélèvements ou à la perpétration de la violation des règles antidopage) à moins qu’une suspension provisoire ne soit imposée par un organisme de sport conformément à l’article 7.73, ou n’ait été acceptée volontairement conformément à l’article 7.15. » En lisant cette instruction, on est porté à conclure que l’athlète qui a été suspendu provisoirement aux termes de l’article 7.73 s’est vu imposer une « sanction », tandis que l’athlète qui a accepté volontairement une suspension provisoire conformément à l’article 7.15 a en fait accepté l’imposition d’une « sanction ». Dans le cas de Mme Kraayeveld, celle‐ci a accepté une suspension provisoire conformément à l’article 7.15 du PCA le 9 août 2012, ce qui voudrait dire qu’une moitié de sa période de suspension de quatre (4) mois a été purgée, au 9 octobre 2012. 8.18 L’intimée a également fait valoir que le Tribunal pourrait conclure que Mme Kraayeveld avait accepté l’imposition de la sanction le 1er août 2012. En réalité, c’est le 2 août 2012 qu’elle a reconnu avoir commis une violation des règles antidopage. Mme Kraayeveld a accepté une sanction ce jour‐là dans la mesure où elle a accepté de cesser la compétition. Elle savait que la sanction proposée par le CCES était une suspension de deux (2) années. Elle devait également savoir que si elle renonçait à son droit à une audience, elle accepterait une période de suspension de deux (2) ans débutant à la date à laquelle elle signerait la renonciation à une audience. L’article 7.13 du PCA reconnaît clairement qu’une sanction peut être imposée en‐dehors d’une audience. 8.19 En avouant avoir commis une violation des règles antidopage le 2 août 2012, Mme Kraayeveld a accepté la sanction proposée de deux (2) années de 31 suspension qui allait de pair avec cet aveu, sous réserve de son droit de demander une réduction de cette période si certaines conditions étaient remplies. Si ces conditions n’étaient pas remplies, Mme Kraayeveld n’avait pas le choix. Le fait qu’elle ait avoué avoir commis une violation des règles antidopage (ce qui par application de l’article 7.13 ne pouvait plus être contesté) signifiait que la sanction prévue de deux (2) ans serait retenue. Le Tribunal conclut en conséquence qu’au 2 octobre 2012, Mme Kraayeveld avait purgé au moins la moitié de la période de suspension requise par l’article 7.13 du PCA. En fin de compte, que Mme Kraayeveld ait accepté l’imposition d’une sanction le 2 août 2012 ou le 9 août 2012, le résultat est le même. Sa suspension prendra fin le 28 octobre 2012, à minuit. 8.20 Étant donné cette conclusion, il n’est pas nécessaire que j’examine les arguments subsidiaires de l’intimée fondés sur la préclusion pour question déjà tranchée et sur l’équité procédurale, mais il y a lieu peut‐être de faire un bref commentaire. Si le Tribunal avait dû se pencher sur ces questions, il aurait conclu que l’équité procédurale exigeait de ne pas modifier la date de réintégration du 28 octobre 2012. 8.21 Durant l’audience, le demandeur n’a pas abordé la question de savoir si l’athlète avait accepté l’imposition d’une sanction et, le cas échéant, à quel moment. L’avocat de l’intimée n’a jamais été invité à traiter cette question malgré le fait qu’il avait indiqué clairement dans ses observations qu’il demandait une sanction ne dépassant pas trois (3) mois de suspension. Le Tribunal a rendu sa décision le 10 octobre 2012 et, comme on peut le comprendre, l’intimée a commencé à s’organiser pour retourner à la compétition dès qu’elle serait réintégrée. Trois jours avant la date à laquelle elle pensait être réintégrée, elle a appris qu’il lui faudrait peut‐être mettre ses projets en attente. Le Tribunal a estimé qu’il était approprié d’inviter les parties à présenter d’autres observations. Après avoir pris ces observations en considération, le Tribunal confirme sa décision du 10 octobre 2012. Je souhaite souligner le travail remarquable des trois avocats dans cette affaire. Votre professionnalisme et votre diligence ont grandement aidé le Tribunal. 32 Fait à Ottawa (Ontario), le 29 octobre 2012. 33 Hugh L. Fraser Unique arbitre